Intervention de Isabelle Pasquet

Réunion du 28 novembre 2011 à 15h10
Loi de finances pour 2012 — Solidarité insertion et égalité des chances

Photo de Isabelle PasquetIsabelle Pasquet :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la note de présentation stratégique de la mission indique que « la construction d’une société davantage sur l’inclusion sociale et l’égalité des chances est une priorité essentielle du Gouvernement ». Qu’en est-il réellement ?

Dans un article du quotidien Leen date du 30 août 2011, Julien Lauprêtre, président du Secours populaire français, confiait son inquiétude face au tableau de la pauvreté, en réaction à l’étude publiée par l’Institut national de la statistique et des études économiques. En effet, selon cette étude, 13, 5 % de la population de France métropolitaine était considérée comme pauvre, c'est-à-dire vivant avec moins de 954 euros par mois, contre 13 % en 2008. Il y avait, en France, 8, 2 millions de pauvres en 2009, contre 7, 8 millions l’année précédente.

L’inquiétude est d’autant plus importante que la situation s’est considérablement aggravée depuis, comme le souligne le Secours catholique dans son rapport annuel de 2010, rendu public mardi 8 novembre dernier.

L’association constate une hausse régulière des personnes ayant eu recours à ses services, dont une majorité de familles. Près de 1, 5 million de personnes ont bénéficié en 2010 de l’aide du Secours catholique, soit une progression de 2, 3 % par rapport à 2009, dont 702 000 enfants. Les jeunes âgés de dix-huit à vingt-cinq ans sont les plus touchés par la pauvreté. Par ailleurs, plus de 30 % d’entre eux sont sans ressource et plus de 40 % au chômage.

Voilà, à grands traits, les défis que nous avons à relever avec cette mission. Les Restos du Cœur, qui démarrent aujourd'hui leur vingt-septième campagne, n’y parviendront pas seuls !

Certes, les crédits de la mission progressent de 3, 14 %, mais cette hausse masque des évolutions contradictoires entre les différents programmes. En effet, seule l’enveloppe du programme « Handicap et dépendance » progresse de 6, 04 % pour 2012.

Cette mesure est évidemment une bonne chose. Toutefois, je mettrai un bémol en raison du décret pris le 16 août 2011 par le Gouvernement concernant l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés. En effet, le décret réduit la durée d’attribution de l’AAH de cinq ans à deux ans maximum. En conséquence, les personnes handicapées seront en situation de demandeur permanent, nuisible à l’indemnisation, dans la mesure où il faut compter en moyenne trois mois pour remplir un dossier d’AAH et un délai réel de neuf à dix-huit mois pour que les MDPH et les CAF l’instruisent.

Par ailleurs, de nombreuses associations dénoncent la modification de la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, compte tenu du handicap ». En clair, pour les personnes en situation de handicap, le ministre donne la consigne aux autorités de ne retenir que les contraintes liées directement au handicap. C’est une négation totale des situations handicapantes que l’on pourrait qualifier de « surhandicaps ».

En ce qui concerne le revenu de solidarité active, on constate que la montée en charge du RSA activité est bien plus faible que celle du RSA socle. Le contexte économique n’est guère propice à l’embauche des travailleurs les moins qualifiés. C’est donc très logiquement que la part du budget consacrée au RSA activité baisse.

Le RSA devrait susciter un vrai débat. Celui-ci ne joue pas suffisamment son rôle en matière d’insertion professionnelle. On peut même craindre, avec le maintien de la crise, l’explosion des dépenses sociales des départements, financeurs du RSA socle, avec le risque que ces derniers ne compensent ces dépenses nouvelles par la réduction d’autres actions en faveur de la réduction des inégalités ou de l’insertion professionnelle.

Dans son avis rendu le 16 mai 2011, le CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, estime indispensable le développement du volet insertion du RSA. Il rappelle que, pour lutter efficacement contre la pauvreté, l’exclusion et les discriminations, il est indispensable d’avoir pour levier une véritable détermination politique et pour instrument une stratégie d’action globale, multidimensionnelle et multipartenariale.

Enfin, pour ce qui est de la protection de l’enfance, sans revenir sur l’historique de la création du Fonds national de financement de la protection de l’enfance, chargé principalement de compenser les charges des départements, je me permets de rappeler que ses ressources sont constituées d’un versement de la CNAF, arrêté par la loi de financement de la sécurité sociale, et par un versement de l’État, arrêté par la loi de finances. Or ni l présent projet de loi de finances ni le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 ne prévoient de dispositions relatives à l’abondement du FNPE. Nous ne pouvons que dénoncer cette situation dans laquelle les départements sont contraints de financer des mesures à la place de l’État, dans un sens contraire aux engagements pris par le Gouvernement.

En conclusion, d’autres ambitions sont nécessaires : stopper la révision générale des politiques publiques, mettre l’homme, la femme, l’enfant au cœur de toutes les politiques, instaurer une nouvelle répartition des richesses, pour que cette mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se donne réellement les moyens de ses attributs. §

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