Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 28 novembre 2011 à 15h10
Loi de finances pour 2012 — Solidarité insertion et égalité des chances, amendement 163

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les crédits de cette mission inscrits dans le projet de loi de finances pour 2012 augmenteront de plus de 327 millions d’euros. Cela traduit la volonté du Gouvernement d’épargner les politiques sociales et les dépenses d’intervention en direction des publics fragiles, puisque, à eux seuls, les crédits de l’allocation aux adultes handicapés représenteront, en 2012, près de 60 % du total des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Vous l’avez presque tous fait remarquer.

En effet, la revalorisation de 25 % de l’AAH entre 2008 et 2012, décidée durant son mandat par le Président de la République, sera bien mise en œuvre et représentera au total une dépense supplémentaire pour l’État de 2, 3 milliards d’euros, dont plus de 924 millions d’euros en 2012.

Si la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » contribue à l’effort de consolidation de notre stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques d’ici à 2016, les dépenses d’intervention portées par les quatre programmes de cette mission – hors programme 124, programme « support » – ne seront réduites que de 60 millions d’euros, soit un plus de 0, 5 % des crédits inscrits à ce titre dans le projet de loi de finances. Cela reste modeste rapporté au 1, 5 milliard d’économies supplémentaires que porte ce texte. Je reviendrai plus en détail sur la répartition de ces 60 millions d’euros d’économies.

S’agissant des politiques en direction des personnes âgées, conformément à l’engagement du Président de la République, nous proposons dès cette année plusieurs mesures financières d’effet immédiat. J’ai eu l’occasion de présenter les principales d’entre elles lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, en particulier dans le domaine médico-social.

S’agissant du projet de loi de finances pour 2012, je vous indique que j’ai obtenu que l’on apporte une réponse aux difficultés auxquelles sont aujourd’hui confrontées les associations ou les entreprises chargées des services d’aide à domicile.

En 2012, le Gouvernement mobilisera 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et 25 millions d’euros en crédits de paiement, qui seront placés auprès de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et qui permettront d’accompagner la restructuration des services d’aide à domicile, dont le pilotage sera confié aux agences régionales de santé. Ces dernières seront chargées, en lien avec les conseils généraux, d’instruire les demandes portées par les services d’aide à domicile en difficulté et signeront bien des conventions de retour à l’équilibre à hauteur de 50 millions d’euros. Cette aide sera néanmoins mise à la disposition de ces structures en deux tranches.

Ces crédits seront abondés à partir du budget général de l’État – programme 157 « Handicap et dépendance ». C’est le sens de l’amendement que le Gouvernement a déposé lors de l’examen de ce texte par l’Assemblée nationale. C’est pourquoi j’émettrai un avis défavorable sur l’amendement n° II–163 du groupe socialiste-EELV.

J’en viens maintenant à mon deuxième point, à savoir la mise en place d’une expérimentation d’un contrat d’une journée par semaine pour les bénéficiaires du RSA.

Je souhaite que le programme 304 « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » finance, dès l’année prochaine, et dans la limite de 3 millions d’euros, une expérimentation visant à créer ce nouveau contrat. Il s’agira d’activités rémunérées, sur la base du volontariat, limitées dans un premier temps au secteur non marchand. Les bénéficiaires seront rémunérés sur la base du SMIC, continueront à percevoir le RSA socle et seront éligibles au RSA activité. Dix mille contrats de ce type sont prévus pour 2012.

Plusieurs conseils généraux ont déjà manifesté leur souhait d’expérimenter ce dispositif. À cet égard, je souhaite que leurs présidents bénéficient d’une grande souplesse pour choisir le mode d’organisation le plus approprié. Certains m’ont d’ailleurs exposé des démarches originales très intéressantes. Nous aurons à les évaluer.

Le pilotage de l’expérimentation que je souhaite mettre en place regroupera d’ailleurs, outre les directions centrales concernées, les représentants des départements expérimentateurs.

Si ce contrat à vocation sociale est une réussite, l’expérimentation sera généralisée à l’ensemble des conseils généraux, car toutes les innovations sont les bienvenues dans ce domaine.

Troisième point : la lutte contre les fraudes aux prestations sociales, qui constitue l’une de nos priorités.

Il faut renforcer la collaboration opérationnelle entre les caisses d’allocations familiales et de nombreuses autres administrations ou organismes « partenaires », à commencer par les conseils généraux. C’est grâce à cette coopération plus étroite que nous détecterons plus tôt les faits générateurs de fraudes les plus répandus. Les prestations qui donnent lieu aux plus de fraudes sont les minima sociaux. C’est précisément pour développer ces coopérations que j’ai lancé, le 4 avril dernier, une expérimentation de coopération renforcée. Elle a été menée durant quatre mois dans quatorze départements.

Je suis en mesure aujourd’hui de vous livrer les résultats définitifs de ces opérations : elles ont permis de doubler le taux de détection des fraudes, qui est passé à 10 %, contre 5 % en 2010, sur le total des prestations.

Le RSA représenterait plus du tiers des fraudes détectées. Le taux de détection rapporté au montant total de RSA « contrôlé » est en progression de 2 % par rapport à 2010, soit un taux de détection de fraudes au RSA de 9 % en 2011.

En retenant cette même base pour 2012, soit un préjudice au titre des fraudes au RSA en progression de 12, 8 millions d’euros, les caisses d’allocations familiales seraient en mesure de recouvrer 70 % de ces indus de RSA dès 2012, soit près de 9 millions d’euros.

En considérant que ces indus portent, pour 75 % d’entre eux, sur le RSA activité, l’État ferait une économie supplémentaire de 6, 6 millions d’euros.

Prenant acte de ces premiers résultats, j’ai décidé de diminuer le montant pour 2012 des crédits dévolus au RSA activité, portés par le programme 304, de 6, 6 millions d’euros.

Les crédits de ce même programme seront diminués de 50 millions d’euros, en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, afin d’aligner le montant des frais de gestion du RSA sur ceux des aides personnalisées au logement supportées par la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, et compensés par l’État, soit une diminution de 19 millions d’euros en retenant, au titre de ces frais de gestion, un taux de 2 % sur le montant des dépenses devant être supportées en 2012 par le Fonds national des solidarités actives, soit un montant proche de 2 milliards d’euros.

Deuxièmement, afin de tenir compte des reprises d’excédents des crédits de l’aide personnalisée de retour à l’emploi versés à Pôle emploi, soit une diminution de 20 millions d’euros.

Troisièmement, afin de retenir une prévision de consommation des crédits prévus pour le financement du RSA jeunes pour 2012 plus en ligne avec la consommation des crédits attendue en 2011, soit une diminution de 11 millions d’euros.

Je précise en outre que les 3, 4 millions d’euros d’économies supplémentaires portent uniquement sur le programme 157 et se répartissent comme suit : une économie de 1, 3 million d’euros au titre de la réduction des opérations d’investissement dans les ESAT – le projet de loi de finances prévoit le financement d’opérations d’investissement dans les ESAT à hauteur de 4 millions d’euros en autorisations d'engagement, tandis que les crédits de paiement s’établissent désormais à 1 million d’euros pour financer ces opérations de modernisation, ce qui ne remet nullement en cause leur effectivité – ; une économie de 2, 1 millions d’euros au titre de l’allocation supplémentaire d’invalidité. Cela ne soulève aucune difficulté dans la mesure où l’ASI connaît depuis plusieurs années une baisse soutenue de ses allocataires en moyenne annuelle. Le projet de loi de finances a retenu une diminution de 3 % du nombre de bénéficiaires, ce qui est tout à fait réaliste.

Quatrièmement, mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont abordé le sujet de l’accueil des mineurs étrangers isolés.

Le Gouvernement a parfaitement conscience des difficultés auxquelles plusieurs départements sont confrontés. Il s’agit certes d’une compétence intégralement dévolue aux conseils généraux, mais les pouvoirs publics ne peuvent pas rester insensibles aux évolutions mises en lumière par nombre d’entre vous. C’est pourquoi, avec mon collègue Michel Mercier, garde des sceaux, nous avons décidé de réunir, sous l’égide du Premier ministre, un groupe de travail chargé de réfléchir aux évolutions envisageables concernant la prise en charge des mineurs étrangers isolés par les départements. Ce groupe rendra son avis sur la mobilisation éventuelle d’une partie des moyens du Fonds national de financement de la protection de l’enfance disponibles en 2012, afin d’accompagner les départements les plus concernés par ce phénomène.

En outre, d’autres solutions sont actuellement mises en œuvre par le Gouvernement, notamment afin de répartir d’une manière plus équitable et plus homogène les placements ordonnés par le juge des enfants sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, le Gouvernement a décidé d’accorder un soutien budgétaire aux plates-formes chargées de l’accueil et de l’orientation des mineurs isolés.

Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, l’accueil des mineurs étrangers constitue une préoccupation majeure pour le Gouvernement. Je remercie d’ailleurs M. Lorrain, ainsi que plusieurs autres sénateurs et sénatrices, d’avoir à nouveau appelé mon attention sur ce sujet. En conséquence, je demande aux auteurs des amendements relatifs à ce sujet de bien vouloir retirer leurs textes, au bénéfice de ces explications.

Cinquièmement, enfin, j’évoquerai la compensation par l’État des charges des départements.

Les crédits figurant dans ce projet de loi de finances pour 2012, et tout particulièrement les fonds de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoignent de la volonté du Gouvernement de compenser au mieux les compétences transférées aux collectivités territoriales, en matière de politiques sociales.

Tel est notamment le cas concernant la participation de l’État au fonctionnement des MDPH. Une partie des personnels de l’État qui, à l’origine, a été mise à la disposition de ces établissements, a fait valoir ses droits à la retraite ou a réintégré son administration d’origine. Il est impératif que l’État respecte son engagement de doter ces groupements d’intérêt public des moyens nécessaires à leur bon fonctionnement.

Ainsi, en 2012, l’augmentation de près de 10 millions d’euros de la contribution de l’État par rapport au dispositif triennal, que j’ai obtenue, permettra de compenser ces vacances d’emplois.

Enfin, le Gouvernement vient de déposer un amendement au présent projet de loi de finances visant à tirer les conséquences sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » de la compensation due au titre des transferts de personnels des services des ministères chargés des affaires sanitaires et sociales qui participent à l’exercice des compétences transférées non seulement aux départements au titre du revenu minimum d’insertion, de la lutte antivectorielle, du Fonds d’aide aux jeunes, des centres locaux d’information et de coordination, des comités départementaux des retraités et personnes âgées, du Fonds de solidarité logement, des fonds d’aide concernant l’eau, l’énergie et le téléphone, mais aussi aux régions, au titre des formations paramédicales et de sages-femmes, des formations des travailleurs sociaux, des aides aux étudiants de ces formations.

En 2012, dernier exercice au titre duquel interviendra une compensation en la matière, les transferts de l’État seront très limités : de fait, les deux dernières collectivités bénéficiaires sont les départements des Côtes-d’Armor et des Pyrénées-Atlantiques, à hauteur d’un équivalent temps plein respectivement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nombreux sont ceux qui m’ont interrogée au sujet du programme 137. Toutefois, un grand nombre des critiques résulte d’une mauvaise lecture des documents budgétaires. En effet, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit un abondement supplémentaire de près de 2 millions d’euros par rapport au budget triennal 2011-2013. Ce faisant, il permet de remettre en base les 2 millions d’euros que l’amendement de Mme Chantal Brunel, députée, avait permis d’apporter au programme 137 dans le cadre du projet de loi de finances pour 2011.

Cette somme devrait permettre de financer le surcoût du nouveau plan triennal de prévention des violences faites aux femmes, dont les fonds seront augmentés de plus de 30 % par rapport au plan précédent.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cet exemple illustre ma détermination à œuvrer dans ce domaine.

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