Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’année qui s’achève aura été particulièrement dense pour nos forces armées, engagées dans plusieurs opérations de stabilisation ou de maintien de la paix sous mandat de l’ONU et trois interventions majeures en Afghanistan, en Côte d’Ivoire et en Libye, soit au total sur vingt théâtres d’opérations. Je veux rendre hommage à l’ensemble des hommes et des femmes qui, témoignant leur engagement envers la Nation, ont mis leur professionnalisme, leur courage et parfois leur vie au service de notre pays.
Nous devons insister sur les réformes et les défis que le ministère de la défense et ses personnels ont dû relever depuis quinze ans avec, rien que pour ces dernières années, la réduction du format de nos armées, la mutualisation des moyens, la création des bases de défense, la réorganisation de notre implantation nationale. Aujourd’hui, compte tenu de la place de la France dans le monde et de notre approche globale des problèmes internationaux, nous ne pouvons, au-delà de la LPM, poursuivre la réduction des effectifs sans mettre à mal notre ambition et l’efficacité de nos engagements.
Il n’y a pas d’armée sans hommes, mais il n’y a pas non plus d’armée sans équipements. De ce point de vue, les événements de 2011 ont prouvé la justesse des choix réalisés depuis des années.
Cela est vrai dans le domaine de l’aviation, notamment avec le sans-faute du couple Rafale-A2SM, l’intervention efficace de l’ensemble de la gamme des Mirage 2000, mais aussi le travail moins connu des Mirage F1 RC, pourtant en fin de vie, et des C160 Gabriel.
Cela est vrai pour la marine, avec l’apport indiscutable du porte-avions Charles-de-Gaulle, des frégates de type Horizon, des bâtiments déployés en protection autour des navires français et alliés, y compris les SNA, mais aussi les BPC, qui ont permis de mener en Libye des actions héliportées depuis la mer, avec le redoutable hélicoptère Tigre – celui-ci y a démontré, comme en Afghanistan, sa puissance de feu –, ainsi que la participation déterminante des hélicoptères Gazelle Hot armées en Libye comme en Côte d’Ivoire.
En Côte d’Ivoire, justement, l’armée de terre et les forces spéciales ont montré avec des matériels parfois anciens – je pense au blindé Sagaie – le bien-fondé des choix français.
Enfin, le théâtre afghan, avec le volet aérien – Rafale, Mirage, hélicoptères Tigre, Gazelle, Caracal, Cougar – et le volet terrestre – protection de nos soldats, VBCI, VAB, canon Caesar – démontre quotidiennement, dans un environnement difficile et toujours plus dur, la pertinence des choix effectués il y a des années.
L’Afghanistan et la Libye ont aussi, malheureusement, démontré nos faiblesses, notamment, et de façon globale, en matière d’ISR – intelligence, surveillance et reconnaissance –, avec le drone MALE, ainsi que dans le domaine du ravitaillement en vol.
Monsieur le ministre, il vous appartient d’apporter le plus rapidement possible des réponses adéquates à ces points négatifs.
En ce qui concerne la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2012, je veux tout d’abord vous remercier. En effet, dans le contexte actuel d’une crise financière européenne et mondiale d’une ampleur historique, vous avez su défendre votre budget et obtenu que les coupes budgétaires effectuées sur la mission « Défense » ne l’affectent que marginalement, sur un total de 31, 5 milliards d’euros. Ainsi, les crédits 2012 restent à un niveau quasi identique à ceux de 2011 ; c’est un point largement positif.
Toutefois, l’ampleur de la crise économique fait naître des incertitudes sur l’exécution budgétaire de 2012 et, plus encore, sur celles de 2013 et de 2014.
Les rapporteurs de la commission des affaires étrangères ont détaillé l’ensemble des programmes relevant de la mission budgétaire correspondant à l’activité de votre ministère : je salue leur travail et la qualité de leur contrôle.
Dans ces conditions, je me bornerai à évoquer rapidement quelques sujets non seulement de satisfaction, mais aussi de mécontentement.
Les crédits pour 2012 permettent de répondre aux grandes actions qui structurent le programme 146, « Équipement des forces ».
Il en est de même en ce qui concerne l’activité et les moyens de la DGA et des trois armées, en matière de préparation et de conduite des opérations d’armement.
Comme Daniel Reiner, je me félicite que les dernières opérations de levée de risque soient conduites dans les prochaines semaines, en vue du lancement, en 2012 – du moins l’espère-t-on –, du programme du missile de moyenne portée, véritable successeur du Milan, qui fournira à l’armée de terre un missile performant et moderne, Fire and Forget et « homme dans la boucle », adaptable sur les porteurs terrestres. Pour la partie aérienne, je pense à nos hélicoptères, ainsi qu’au futur drone MALE.
Les crédits permettent la poursuite de la modernisation de nos sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de nouvelle génération, avec l’implantation du missile M51, ce qui explique que je voterai contre l’amendement de Mme Demessine. Ils permettent également la livraison du troisième BPC, la continuité de la fourniture de matériels à l’armée de terre, avec notamment le système FELIN et la montée en puissance dans nos forces aériennes du Rafale – dont on ne soulignera jamais assez la dimension « omnirôle » exceptionnelle, et dont on continue de regretter unanimement que les exportations ne démarrent pas, alors qu’il est aujourd’hui le meilleur appareil sur le marché. Cela a été dit : cette absence de ventes à l’exportation nous oblige à acquérir chaque année cinq Rafale supplémentaires pour assurer le maintien de la chaîne de montage.
Je veux aussi saluer la qualité du « programme RAPID » de la DGA en direction des PME : ce programme soutient la R&D et commence à produire des résultats visibles, comme nous avons pu le constater au salon Milipol.
S’agissant du lancement du démonstrateur du radar à très longue portée – TLP –, élément de lutte antiaérienne mais aussi antibalistique, il impose, comme le rappelait mon collègue Xavier Pintat, de trouver un pays partenaire pour sa réalisation future et son implantation.
Monsieur le ministre, je veux vous donner acte de cet effort global sensible et soutenu en matière d’équipements et de programmes.
Toutefois, ce budget ne prend pas en compte un certain nombre de points qui, pour moi, sont essentiels.
Tout d’abord, mes collègues l’ont évoqué, le Mirage 2000D, excellent appareil, deuxième pilier de nos forces aériennes, le Rafale étant le premier, pourrait, sous réserve d’une rénovation de ses systèmes d’armes, être opérationnel jusqu’en 2024, ce qui éviterait d’avoir à réduire le format de notre aviation de combat de 77 appareils d’ici à la fin de la décennie.
De la même façon, je regrette, comme mes collègues, le report du programme MRTT. Lors de la crise libyenne, on a bien vu la nécessité de disposer d’une véritable flotte de ravitailleurs. En effet, sans le soutien, dans 80 % des cas, des ravitailleurs américains, la faiblesse des appareils européens n’aurait pas permis d’intervenir en Libye ou aurait rendu les choses beaucoup plus difficiles. De surcroît, la nécessité de ces ravitailleurs est indispensable pour la composante aérienne de notre dissuasion. Or, dans l’attente du programme MRTT, il est nécessaire d’intervenir et d’investir dans une rénovation partielle des C135 et KR ; à cet égard, une meilleure anticipation aurait certainement permis d’éviter ces travaux sur des appareils vieillissants.
Je regrette, moi aussi, qu’aucun crédit ne soit alloué à la défense antimissile balistique, alors qu’au sommet de Lisbonne, il y a un an, la France s’est engagée dans cette voie avec l’OTAN. Dans un récent rapport d’information, Xavier Pintat, Daniel Reiner et moi-même avons montré que, s’il n’y a pas de menace militaire directe, des investissements dans le domaine de la R&D sont néanmoins indispensables pour sauvegarder notre savoir-faire ainsi que notre base industrielle technologique de défense, et pour faire évoluer notre outil de dissuasion. Il me semble qu’au moins la mise en place d’un « centre français antimissile », dont nous préconisons la création, aurait pu être prévue ; cela n’aurait quasiment rien coûté. Un tel centre permettrait de faire dialoguer nos chercheurs et nos experts, notamment sous l’autorité, côté État, de la DGA et de l’ONERA.
Je salue un début de rénovation de nos radars de défense aérienne, mais ce budget est insuffisant pour passer de la défense antiaérienne à la défense antimissile. Or, au sommet de Chicago, en mai 2012, nos amis américains pousseront l’OTAN vers un C2 qu’ils auront conçu et qui ne nous permettra pas de garder la souveraineté sur l’espace exo-atmosphérique européen.
Monsieur le ministre, s’agissant de l’indigence du drone MALE, je peux vous assurer que nous partageons votre volonté de donner à la France des compétences dans ce domaine pour aboutir, en 2020, à un drone de troisième génération, si possible franco-britannique, et préparer l’UCAV – c'est-à-dire un avion de combat non piloté – du futur.
Nous pensons que le choix du Heron TP, à cent pour cent israélien, ne profitera que marginalement à Dassault- Thales et, surtout, qu’il prive nos armées d’un outil opérationnel, performant, éprouvé, armé et interopérable avec nos alliés, dont nos troupes ont un urgent besoin.
Je reviendrai sur ce dossier tout à l'heure lors de la discussion de l’amendement de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, ne voyez pas, dans ces quelques réflexions, une volonté de gêner votre action : il s’agit plutôt de faire avec vous les bons choix pour notre pays. Si le mot « délibérer » a bien un sens, c’est celui que nous lui donnons ce soir : peser le pour et le contre, au service d’une meilleure efficacité de la décision publique.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP votera les crédits de la mission « Défense ».