Intervention de Rachel Mazuir

Réunion du 28 novembre 2011 à 22h15
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien

Photo de Rachel MazuirRachel Mazuir :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les observations formulées par plusieurs de mes collègues. Je déplore tout de même que nous débattions de crédits qui pourraient être prochainement revus à la baisse, Didier Boulaud l’a dit, à l’occasion d’un énième plan de rigueur imposé par les marchés, les agences de notation ou Mme Merkel, voire par les trois !

Comme mes collègues l’ont rappelé, le cap fixé par la loi de programmation militaire n’est pas atteint, il s’en faut. À cet égard, je vous rappelle que, lors des débats du 16 juillet 2009, le groupe socialiste avait souligné l’absence de sincérité de ce texte, compte tenu de la surévaluation des recettes et de l’importance des frais entraînés par la politique du Gouvernement. Je pense, par exemple, aux conséquences du plan social résultant de la révision générale des politiques publiques.

De fait, les coûts engendrés sont aussi incertains que les gains attendus. Il n’est donc pas concevable de continuer de bâtir des prévisions budgétaires hypothétiques : il devient primordial d’ajuster les besoins aux moyens réellement accordés.

Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, de vous interroger sur deux points : le premier a trait aux ventes de matériels d’occasion et le second, aux disparitions répétées d’armes de grande puissance dans certains pays particulièrement instables.

Sur le premier point, j’observe que le sort des équipements militaires anciens reste mal identifié et soulève cette double interrogation : doivent-ils être usés jusqu’à la corde, puis démantelés, ou doivent-ils être revendus tant qu’ils sont encore utilisables ?

Il semble bien que, pour des raisons essentiellement budgétaires, ces équipements soient généralement utilisés jusqu’au bout – ce n’est d’ailleurs pas sans risque –, puis démantelés.

Deux études ont été réalisées sur ce sujet par deux députés de votre majorité, monsieur le ministre, dont je salue le travail : l’une par Mme Lamour, en 2007, l’autre par M. Grall, en mars 2011. Des propositions ont été faites, mais elles n’ont pas à ce jour reçu le soutien du Gouvernement.

Je ne m’attarderai pas sur le démantèlement de produits spécifiques issus du nucléaire, si ce n’est pour rappeler qu’une filière française excelle en la matière, grâce au soutien d’industries publiques et privées très en pointe. Je déplore cependant que l’État n’abonde pas le fonds dédié au soutien de cette filière, plébiscitée et utilisée même par les Américains. Elle est notamment spécialisée dans le recyclage du plutonium, lequel, comme vous le savez tous, est le composant essentiel du MOX.

Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il réellement contribuer au financement de ce fonds à hauteur de 1, 5 milliard d’euros, comme il s’y était engagé ?

Le stock constitué par les autres matériels à démanteler reste très important en France et son écoulement annuel est limité. Notre pays pourrait toutefois, là encore, accélérer ce processus si une réelle volonté politique se dessinait.

Je reconnais bien volontiers, monsieur le ministre, que le coût de ces travaux peut sembler démesuré au regard des retombées économiques immédiates. Pourtant, ce n’est pas lorsque nous serons confrontés à l’arrivée massive de matériels à la suite de l’application de directives rigoureuses concernant nos armées qu’il faudra trouver une solution. C’est une politique réfléchie, en partenariat avec les industries françaises compétentes, que nous devrions rapidement arrêter.

L’autre solution consiste donc à vendre ce matériel utilisé et encore exploitable à des pays demandeurs.

J’ai été surpris par la ressource financière que certains pays voisins pouvaient dégager de la revente de ces matériels d’occasion et je vous interroge donc, monsieur le ministre, sur la stratégie de la France en ce domaine.

Comme le souligne le rapport de la commission, alors que l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis – il est vrai que le cas de ce dernier pays est un peu particulier – ont su développer une réelle capacité à exporter leurs matériels anciens. Ainsi, l’Allemagne, entre 2000 et 2009, aurait vendu pour 1, 4 milliard d’euros de matériels, le Royaume-Uni, sur une période un peu plus longue, pour 1 milliard d’euros. La France est à la traîne alors même qu’elle possède un réel potentiel.

Même si les règles juridiques communautaires et internationales, environnementales et comptables semblent être un frein au déploiement efficace de cette politique, elles pourraient être assouplies s’il y avait un pilote aux commandes de cette politique sans doute lucrative. Tout le monde a en mémoire les péripéties d’un de nos anciens porte-avions, qui a été finalement « désossé » l’an dernier, au bout de sept ans.

À l’heure où les recettes attendues peinent à arriver, pourquoi ne pas développer cette filière de revente de ces matériels à des pays intéressés ?

J’ai bien conscience qu’il faut déterminer à partir de quel âge un matériel est considéré comme dépassé, voire obsolète, et qu’une logique différente doit s’appliquer selon la nature même des équipements.

Il reste que ce marché de l’occasion risque d’être prochainement inondé par les équipements des armées américaines à la suite de leur prochain retrait d’Irak et d’Afghanistan. Il serait regrettable que la France passe à côté de cette opportunité.

Par ailleurs, nous avons, avec nos partenaires européens, déjà réalisé une grande avancée en ce domaine en transposant dans le droit français deux directives européennes qui portent sur le contrôle des importations et des exportations de matériels de guerre. Ces dispositions ont été soutenues par le groupe socialiste, sous réserve de la publication rapide des décrets. J’espère, monsieur le ministre, qu’ils paraîtront prochainement.

Cette loi de transposition tend, par une simplification des procédures, à favoriser les échanges entre les différents pays européens et porte à la fois sur des matériels de guerre neufs et sur des matériels d’occasion.

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