Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 28 novembre 2011 à 22h15
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien

Gérard Longuet, ministre de la défense et des anciens combattants :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au préalable, je remercie l’ensemble des orateurs de leur participation à ce débat, de l’intérêt qu’ils ont manifesté, et les félicite de leur compétence. Je tiens à cet égard à souligner la grande qualité de leurs interventions.

Alors que va s’achever cette année 2011, marquée par des interventions de nos armées sur des théâtres d’opérations extérieures, opérations à la fois spectaculaires, difficiles et, dans le cas de l’Afghanistan, cruelles sur le plan humain, je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom de la communauté formée par nos trois armées, de la reconnaissance et de la gratitude que vous avez manifestées à nos militaires. Ceux-ci y seront sensibles.

Monsieur le rapporteur spécial Krattinger, vous avez exprimé une préoccupation commune à l'ensemble des orateurs : l’écart est-il supportable entre les objectifs fixés tant par le Livre blanc que par la loi de programmation et les contraintes résultant d’un environnement économique qui pèse sur nous comme il pèse sur toutes les grandes démocraties européennes ? Je le dis très clairement : cet écart est supportable.

En 2010, Hervé Morin a engagé une réduction en trois ans de 3, 6 milliards d’euros des crédits de la mission « Défense », sur un budget total de 93 milliards d'euros. Cette réduction a pu être obtenue en tenant compte des perspectives de cessions d'actifs, à hauteur de 2, 4 milliards d'euros.

Se sont ensuivis les deux coups de rabot supplémentaires sur lesquels je me suis expliqué devant la commission, qui conduiront à une diminution de 1, 2 milliard d'euros sur trois ans, soit 400 millions d'euros par an, des crédits de la mission « Défense », à savoir environ 1 % de leur montant total.

Je concède bien volontiers que cet écart s’est légèrement creusé en raison de l’effort supplémentaire de 280 millions d'euros demandé à mon ministère à la suite de l’annonce, par le Premier ministre, le 24 août, puis le 7 novembre de cette année, de deux plans de réduction des dépenses publiques – de 500 millions d'euros pour le dernier.

Cette réduction des crédits de la mission « Défense » remet-elle en cause les grands équipements prévus par le Livre blanc et inscrits en loi de programmation ? La réponse à cette question essentielle est négative, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. L'essentiel des efforts, comme je l'ai expliqué en commission, repose sur les cessions d'actifs ou de matériels anciens.

Rachel Mazuir m’a interrogé à l’instant sur ce dernier point, et je l’informe d’ores et déjà que j’ai signé tout récemment la cession d'un transporteur de chalands de débarquement à la République du Chili pour un montant de 40 millions d'euros.

Nous vendons bon an mal an pour 50 millions d'euros de matériels : c'est insuffisant et nous pourrions faire mieux. Très souvent, nous cédons gratuitement des matériels anciens à des pays avec lesquels nous avons des accords de coopération. Désormais, nous nous efforçons de vendre au mieux ces matériels.

Grâce à ces cessions d’actifs, mais aussi grâce à des reports dans la consommation de crédits, à des renonciations de dépenses et à des économies de fonctionnement, nous sommes en mesure de faire face à ces décisions budgétaires.

Je reviens à ma réponse à M. Krattinger pour lui indiquer que nous n'avons remis en cause aucun grand projet. L'armée de l’air achète chaque année onze Rafale. Ce nombre pourrait être réduit si, comme je l'espère vivement, nous réussissions à vendre cet avion à l'exportation. Tel n'est malheureusement pas le cas pour le moment.

Vous vous êtes demandé, monsieur le rapporteur spécial, si la réforme était rentable ?

Pour avoir tenu six réunions régionales – j’en tiendrai bientôt deux autres – sur l'organisation territoriale des nouveaux dispositifs et la mise en œuvre, par zone de défense, des bases de défense, je peux vous dire que les chiffres parlent d'eux-mêmes. La réorganisation par bases de défense permet d’économiser immédiatement 10 000 emplois dans la fonction soutien, soit un gain de productivité sur cette fonction de 25 % environ en cinq ans. C'est spectaculaire !

Évidemment, les habitudes s'en trouvant modifiées, cette réorganisation n'est ni confortable ni facile et requiert un effort de pédagogie, ainsi que, parfois, il faut le reconnaître, des adaptations. Cela étant, on doit parler non pas d'une application de la RGPP, mais plutôt d'une réorganisation de la fonction soutien.

Dans le cadre du nouveau format des armées, nous tablons sur une diminution des effectifs de 54 000 personnels, dont 18 000 au titre des unités combattantes et 36 000 – soit deux fois plus – au titre des fonctions de soutien au sens large.

L’organisation en bases de défense, qui est l'un des éléments de la réorganisation, la mise en place de la chaîne interarmées de soutien et des centres de services partagés nous permettent de réaliser de véritables économies de fonctionnement. La moitié de celles-ci seront consacrées à l’amélioration de la condition du soldat.

À cet égard, Alain Richard m’a très légitimement interrogé sur les trois sujets suivants : la santé, le logement et la mobilité. Ces trois sujets majeurs sont très librement évoqués devant le Conseil supérieur de la fonction militaire et l'armée sait s’exprimer de manière à la fois parfaitement loyale et très claire, traduisant des demandes tout à fait sincères.

Je remercie François Trucy d’avoir accepté de reprendre son intervention, car elle était passionnante, même si je n'en partage pas toutes les conclusions. §

Je crois profondément que Balard 2015 est un bon projet. Je le dis d’autant plus aisément que ce n’est pas moi qui en ai pris l’initiative, me contentant de « prendre le train en marche ». L'organisation de nos armées, contrairement à celle qui prévaut dans le système britannique, implique que l'état-major des armées, l'état-major de chacune des trois armes et le centre de planification et de conduite des opérations – le CPCO – soient regroupés sur un même site. Il en va de même pour les grands services qui sont directement rattachés au ministre, le secrétariat général pour l'administration et les corps de contrôle des services nationaux.

Le futur site accueillera près de 9 000 personnes ; certes, ce n’est pas rien, mais c’est un gage de productivité.

Cette opération est financée non pas par des cessions d'actifs, mais par le redéploiement de dépenses de fonctionnement.

Pour toutes ces raisons, cher François Trucy je vous invite à porter sur ce projet un regard différent.

En revanche, vous avez raison de souligner l'écart entre l’effectif moyen réalisé et les plafonds budgétaires : il est de l'ordre de 1, 2 %. Cela étant, pour avoir été rapporteur, ici même, dans un passé lointain, du budget de l'enseignement scolaire, je puis vous dire qu’un tel écart n’est pas inhabituel s’agissant d’un très grand service public.

Didier Boulaud, avec d’autres orateurs, a exprimé ses inquiétudes sur les études amont. Les documents budgétaires indiquent que 683 millions d’euros leur seront consacrés. Toutefois, si l'on ajoute certaines études qui, pour des raisons d'organisation de la dépense, sont intégrées dans le budget de fonctionnement de la DGSE, ce sont bien 700 millions d'euros de crédits qui sont, en réalité, prévus pour ces études amont.

En tout cas, monsieur Boulaud, vous avez raison d’insister sur l’importance de ces études amont.

Vous avez d’ailleurs salué les efforts consentis pour la DGSE, tout en soulignant que la DPSD reste légèrement en retrait ; j’en conviens. Néanmoins, la mise en œuvre du projet SOPHIA devrait faciliter grandement l’intervention de ce service indispensable à notre sécurité.

Concernant le classement en secret défense, nous nous conformons non seulement à la législation en vigueur mais aussi aux conclusions du Conseil constitutionnel. À ce titre, nous n’avons aucun état d’âme : l’armée de la République est là pour agir dans le cadre de la loi. Les sites classés disparaîtront donc au profit d’emplacements destinés à la conservation de certains documents au sein des emprises militaires.

Je remercie André Trillard d’avoir salué les efforts de réorganisation des réseaux d’attachés de défense ; il s’agit en effet d’un volet parfaitement pertinent de la RGPP.

Par ailleurs, André Trillard a rappelé notre position de quatrième exportateur mondial en matière d’armement. Je tiens à souligner que les petits et moyens contrats en constituent une part très importante : leur caractère régulier, quasi récurrent, nous fait échapper à l’angoisse de ce qui va advenir lorsqu’un gros marché ne produit plus ses effets sur notre balance commerciale. De plus, le suivi des systèmes installés nous apporte aussi une certaine sécurité à cet égard et nous permet également de revendiquer ce rang de quatrième exportateur mondial.

Au demeurant, cette place n’a rien d’une prouesse puisque nous fournissons environ 7, 5 % du marché mondial, tandis qu’Israël, pays sensiblement moins peuplé, en représente près de 5 %.

Dans ses deux interventions, Xavier Pintat a fait preuve d’une même conviction.

Je salue tout d’abord sa conclusion : il faut voter ce budget ! Cependant je ne partage pas les conclusions qu’il a présentées avec ses collègues Daniel Reiner et Jacques Gautier concernant la solution intérimaire que nous avons adoptée au sujet des drones « moyenne altitude, longue endurance », ou MALE. Je reviendrai sur ce point lors de l’examen de l’amendement de la commission des affaires étrangères.

Xavier Pintat a rappelé l’importance de l’effort de dissuasion.

Il a relevé que les cessions d’actifs constituaient des fusils à un coup. Par définition !

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