Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 28 novembre 2011 à 22h15
Loi de finances pour 2012 — Compte d'affectation spéciale : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien

Gérard Longuet, ministre :

D’autres États membres demandent à l’Union européenne de s’organiser, sans pour autant mobiliser les moindres moyens à cet effet.

Nous sommes, en quelque sorte, dans une situation de trait d’union : au-delà du triangle de Weimar, qui associe la Pologne, l’Allemagne et la France, M. le ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes essaie de mobiliser d’autres pays européens, notamment l’Espagne et l’Italie, sur un projet de création d’une unité de planification et de programmation européenne. Les Anglais refusaient toute idée de commandement opérationnel ; en revanche, ils ne sont pas hostiles à une réflexion sur une planification qui permettrait de mobiliser des moyens européens existants mais jamais utilisés.

Cela dit, l’Europe intervient d’ores et déjà en tant que telle. Plusieurs orateurs ont évoqué l’opération Atalante, et celle-ci est bien une réalité. La France se montre d’ailleurs exemplaire dans sa participation à cette opération ; amis elle a aussi, parfois, le sentiment que l’effort est principalement porté par un tout petit noyau de pays européens.

Sans évoquer toutes les réalisations européennes, j’insiste sur le fait que nous sommes attentifs à ne gaspiller aucune chance de coopération réaliste.

Je redis à Jean-Pierre Chevènement ce que j’ai dit à Yves Krattinger : nous avons un besoin absolu du MRTT et le décalage que nous observons n’empêchera pas de tenir le calendrier 2017.

Lorsqu’il est intervenu à titre personnel, Jean-Marie Bockel a largement évoqué la coopération franco-allemande.

L’Allemagne modernise aujourd’hui son armée comme nous l’avons fait voilà une dizaine d’années. Thomas de Maizière et moi-même n’avons donc aucune difficulté pour nous comprendre parce que nous allons dans la même direction. Le seul vrai problème est d’ordre culturel : nous avons une armée nationale, tandis que les Allemands ont une « armée parlementaire » : je veux dire par là qu’elle s’engage dans la mesure où le Parlement lui permet de le faire. Ce fossé culturel explique que, sur un certain nombre des sujets abordés par Jean-Marie Bockel, nous ayons quelque mal à avancer. Les décisions doivent en effet être approuvées par la coalition au pouvoir, tandis que, en France, la chaîne de décision et de commandement est plus courte, le Président de la République étant constitutionnellement le chef des armées.

Je reviendrai sur le choix du drone lors de la discussion de l’amendement de la commission des affaires étrangères, mais je veux tout de même dire ceci : de grâce, n’opposons pas politique industrielle et politique de capacité ! Le devoir du ministre de la défense est d’avoir une vision à moyen et long terme. Dès lors, refuser de privilégier une capacité opérationnelle de court terme qui nous rendrait, à moyen et long terme, dépendants d’un fournisseur qui fixerait ses conditions, ce n’est pas faire de la politique industrielle, c’est avant tout se projeter dans l’avenir pour garantir notre indépendance de manière pérenne. Voilà essentiellement pourquoi je m’oppose à la commission sur ce point.

S’agissant de la défense antimissile balistique, la DAMB, évoquée par Xavier Pintat – et aussi par Mme Demessine –, les Français ne sont pas fortement demandeurs, car le choix national de la dissuasion nucléaire, que vous soutenez par ailleurs, ne nous rend pas dépendants d’un tel dispositif de défense, contrairement à la plupart des autres pays européens qui, Royaume-Uni mis à part, n’ont pas fait le choix de la dissuasion et ont effectivement besoin d’une protection par DAMB.

En revanche, vous avez raison – je réponds par la même occasion à Daniel Reiner –, nous ne pouvons pas nous désintéresser de la DAMB. En matière de détection satellitaire avancée, le démonstrateur Spirale ou l’AISR sont autant de briques que nous proposons à nos partenaires européens, là où les Américains se contentent d’envoyer aux pays membres de l’OTAN la facture de la mise à disposition d’un système qu’ils définissent eux-mêmes. Avec les Britanniques, nous essayons d’utiliser pour la défense antimissile des technologies que nous avons, à l’origine, développées en vue de défendre et gérer notre propre système de dissuasion.

Cela me permet également de répondre à Jacques Gautier : le Mirage 2000D est un bel outil, qui n’est pas abandonné, et dont le périmètre de rénovation va être rapidement défini.

Le missile Aster est également un élément important de la DAMB, sur lequel nous travaillons avec MBDA. Là encore, il s’agit d’apporter une brique à un projet d’ensemble.

Didier Boulaud a fort joliment évoqué une sorte de mouvement binaire et alternatif qui nous rapprocherait tantôt des Anglais, tantôt des Allemands. Notre objectif serait plutôt de rassembler autour de nous ces deux partenaires. Les Anglais ont une culture militaire proche de la nôtre et les Allemands des moyens financiers et industriels indispensables à la réussite de nos actions. J’ajoute qu’il serait fou de ne pas les associer à nos projets et de ne pas les aider à surmonter leur prudence culturelle en matière de défense, que l’on comprend aisément pour des raisons historiques.

Pour en revenir aux opérations européennes, je dirai que le Kosovo est effectivement une affaire assez compliquée. Au total, plus d’une vingtaine d’opérations européennes ont été engagées ces cinq dernières années, ce qui n’est pas négligeable, même s’il ne s’agit pas d’opérations de premier plan.

La diminution des budgets militaires au sein des pays membres de l’OTAN est certes une réalité, mais vous ne pouvez pas en faire le reproche à la France, mesdames, messieurs les sénateurs. Nous ne maîtrisons nullement les choix des autres pays.

Pour le Sahel, la France a proposé une initiative à l’Union européenne, sous forme d’aide, de développement et de partenariat. Toutefois, et même si une dizaine d’otages européens sont désormais retenus dans la région, nous ne devons pas oublier que ces pays restent souverains. Je participerai, le 10 décembre prochain, à Nouakchott, à une rencontre qui regroupera des représentants de cinq pays de la rive nord de la Méditerranée et de cinq pays de sa rive sud. Certains pays, comme le Mali ou l’Algérie, sont toutefois plus directement concernés par ce problème.

J’ai été très sensible à l’hommage que vous avez rendu à nos soldats, monsieur Beaumont. Et puisque vous êtes également intervenu sur la coopération franco-allemande, je vous informe que nous allons saisir l’occasion du prochain sommet semestriel, qui aura lieu début février, pour présenter, avec Thomas de Maizière, les conclusions d’un séminaire stratégique que nous avons organisé en septembre. Une vingtaine de mesures très concrètes associant les Français et les Allemands seront présentées, comme le développement de certifications communes sur certains matériels de défense ou d’autres initiatives techniques qui nous permettront de mieux travailler ensemble.

Monsieur Richard, je souscris totalement à votre analyse, notamment à propos du jugement porté par la Cour des comptes sur le service de santé des armées. La haute juridiction financière a oublié de valoriser les activités régaliennes de ce dernier, qui constituent pourtant sa principale légitimité.

Monsieur Lorgeoux, vous avez parlé du renseignement avec une passion et une compétence que je ne vous contesterai pas. En revanche, je ne partage pas votre point de vue sur le démonstrateur de radar : il ne me paraît pas indispensable qu’il soit installé près de la menace. Quant au retard sur la rénovation du Mirage 2000D, nous subissons en effet les conséquences d’une décision prise en 2010, mais, au risque de me répéter, je redis que nous avons bien l’intention de rénover ces appareils.

Madame Durrieu, vos observations sur les risques ouverts sont très pertinentes. Vous auriez pu également évoquer le cas de Chypre : voilà un pays membre de l’Union européenne dont la légitimité est contestée par un grand pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne. Et l’on constate que l’exploitation de la Méditerranée autour de cette île reste conflictuelle. La réactualisation du Livre blanc permettra d’approfondir ces thèmes, que nous ne pouvons pas ignorer, car la vie n’est pas un long fleuve tranquille.

Monsieur Mazuir, le démantèlement des vieux matériels navals a bien progressé. Quant au démantèlement nucléaire, il est engagé pour les usines de Pierrelatte et Marcoule, grâce à la soulte qu’EDF a versée en contrepartie des transferts de technologies militaires dont cette entreprise a bénéficié.

Vous avez eu raison de souligner le bienfait de la transposition de la directive européenne, telle qu’elle a été amendée par le Sénat, qui nous permet de conserver une certaine liberté de choix.

Enfin, nous sommes, comme vous, très préoccupés du supermarché des armes à ciel ouvert que constitue la Libye après leur abandon sur le terrain par les troupes du colonel Kadhafi. Cela dit, les missiles sol-air portables exigent pour fonctionner un certain soutien technique, notamment des piles dont la durée de vie est relativement brève et il n’est pas certain que ces matériels puissent être utilisés ; c’est en tout cas ce que nous pouvons tous souhaiter.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère vous convaincre, dans quelques instants, du bien-fondé de ma position s’agissant des drones, et vous convaincre aussi de voter un budget traduisant la poursuite d’un effort maîtrisé au service d’une armée qui, sur le terrain, fait la preuve de son efficacité.

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