Quoi qu’il en soit, il est meilleur et moins cher, sous réserve de sa francisation.
Monsieur Reiner, vous avez évalué le coût de cette francisation dans votre rapport, mais notre interlocuteur américain ne nous a à aucun moment fait part de cette offre francisée. Peut-être a-t-il considéré qu’il n’avait pas été saisi officiellement de cette question, à moins qu’il n’ait pas procédé à ce travail d’investigation, qui représente un investissement assez lourd ? Quoi qu’il en soit, cette offre est nécessairement plus élevée que l’offre standard, et notre objectif est d’intégrer ce drone dans un système ; c’est là où je veux en venir.
Peu importe qu’il s’agisse d’un drone de deuxième ou troisième génération. C’est toute une famille de systèmes d’observation et de frappe qui va se rencontrer, et nous sommes aux deux bouts de la chaîne. Les satellites : nous en avons ! Les drones tactiques : nous en avons ! Les pod de reconnaissance sur nos avions : nous en avons d’excellents !
Concernant la frappe à distance, les drones sont des avions pilotés du sol qui permettent de frapper à distance. Vous avez évoqué la question des drones de maraudage, qui nous fait revenir à l’actualité libyenne. Un drone de maraudage tire parfois avec malheur – en témoigne la tragédie du Pakistan –, parfois avec bonheur – comme ce fut le cas en Libye –, mais, dans tous les cas, il tire avec efficacité. Toutefois, il existe des dizaines de façons d’intervenir à distance.
Nos missiles de croisière SCALP tirés en Libye ont été parfaitement pertinents. D’une certaine façon, ce sont des drones. Je veux dire par là que ce sont des avions qui sont télécommandés et qui portent le feu à distance. Il y a donc une gamme complète.
Pouvions-nous prendre le risque de ne pas disposer d’un lien entre le système de reconnaissance qui s’intègre dans le système de maîtrise numérique du théâtre d’opérations souhaité par l’armée française, notamment par l’aviation, et les instruments terrestres, puisque l’on est au niveau interarmées ? Pouvions-nous prendre le risque de ne pas pouvoir réunir toutes ces compétences, au prétexte que nous ne maîtrisons pas un outil important ?
Nous disposons des autres technologies de communication – les communications par satellite, les communications entre l’avion et le sol, entre les avions, avec des systèmes de réactivité parfaits –, mais pouvons-nous nous interdire d’explorer un domaine parce que l’on préfère acheter immédiatement un produit qui existe, solution à laquelle l’état-major était plutôt favorable ?
Toutefois, en procédant ainsi, nous aurions introduit un élément extérieur qui n’était pas compatible avec l’ensemble du système cohérent que nous construisons en permanence avec, d’une part, le système ISR et, d’autre part, l’ensemble des modes de frappe à distance.
C'est la raison pour laquelle nous n’avons pas fait ce choix. « Mais que va-t-il se passer avec les constructeurs BAE et Dassault ? », allez-vous me demander.
Monsieur Reiner, vous avez évoqué dans votre rapport écrit le drone nEUROn, et vous avez eu raison, car il est la préfiguration de ce que pourrait être l’UCAV français. On commence à travailler sur ce dossier, mais il m’importe aujourd'hui d’avoir un produit qui puisse s’intégrer dans un système. Or je sais que l’entreprise General Atomics ne fera jamais l’effort de nous transmettre toute la technologie dont elle dispose ni celui d’adapter son produit pour que nous puissions l’intégrer à notre système. Nous serions alors dans la situation d’un ensemblier qui comprendrait, à l’intérieur d’un ensemble complet, un élément hétérogène. C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour cette solution qui présente un écart financier.
Je souhaiterais vous convaincre, monsieur Reiner, et, si tel n’était pas le cas, j’en serais désolé. De toute façon, nous reprendrons cette conversation, je pense.
Il n’est pas simplement question ici de politique industrielle. Cette affaire comporte, je le reconnais, un volet sur la politique industrielle, mais elle a surtout trait à la cohérence du système dont nous discutons.
Nous avons besoin d’un trait d’union entre la fonction d’observation et la fonction de frappe à distance, avec toute la gamme d’engins qui contribuent à la maîtrise du théâtre d’opérations ou à la frappe à distance. Or, nous risquons d’avoir un élément extérieur, qui nous placera dans une situation quelque peu grotesque, semblable à ce qui arrive à un bricoleur essayant de brancher dans une prise à deux fiches une rallonge électrique avec une prise à trois fiches ! Par conséquent, si votre solution est choisie, nous perdrons des années.
C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour l’intégration de ce drone. Certes, ce choix est légèrement plus coûteux, mais il a l’immense mérite de donner un sens à cette politique d’ensemble, alors que l’acquisition extérieure continuerait de rendre hétérogène un système qui a besoin d’être cohérent.