Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 2 décembre 2011 à 10h00
Loi de finances pour 2012 — Immigration asile et intégration

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

À mon sens, la réponse est : pour pouvoir stigmatiser cette population en prétendant qu'elle « coûte ».

Vos récents propos sont révélateurs de cette intention de stigmatisation. Les travailleurs immigrés, accusé de fraudes « spécifiques » aux prestations sociales, détourneraient les cotisations sociales. Vous avez poursuivi crescendo, vous en prenant aux enfants d'immigrés, accusés, pour leur part, d'avoir de mauvaises notes à l'école : selon vos dires, les deux tiers des échecs scolaires sont le fait d'enfants d'immigrés.

Ces propos ne servent qu'à attiser les peurs, à susciter la polémique et à détourner l'attention. Car le véritable échec, monsieur le ministre, n'est pas celui des enfants d'immigrés, c'est celui de votre politique ! Elle est incapable de lutter contre les inégalités sociales et de supprimer l'impact du milieu socio-économique sur la réussite des élèves, qu'ils soient enfants d'immigrés ou non, d'ailleurs.

Vous avez évoqué, dans une dernière déclaration infamante, le risque de voir des étrangers élus maires en Seine-Saint-Denis... Voilà votre ultime argument brandi contre le droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers !

Pour vous, le droit de vote des étrangers est un point de crispation ; pour nous, c'est une exigence démocratique. Cette question, qui fait l'objet d'une proposition de loi que nous examinerons très prochainement, trouvera tôt ou tard une issue positive. Plusieurs enquêtes d'opinions confirment en effet qu'une majorité de nos citoyens y est favorable.

Ce débat sera pour nous l'occasion de réaffirmer que les étrangers, à l'instar des ressortissants de la Communauté européenne, doivent obtenir le droit de vote aux élections locales : ils vivent ici, ils travaillent ici, ils paient leurs impôts ici, ils doivent pouvoir voter ici !

En résumé, depuis que vous avez pris vos fonctions, votre rhétorique n'a pas changé d'un iota. Vous faites toujours le même amalgame : « moins de travailleurs étrangers » égale « moins de chômage et moins de fraudes ».

Vous en rajoutez à l'occasion de ce budget. La solution aux problèmes des Français résiderait dans la restriction du regroupement familial et du recrutement des étrangers, notamment des étudiants en fin de cycle, ainsi que dans la réforme du droit d'asile, selon vous « détourné par des migrants économiques ».

Pour restreindre le droit d'asile, vous arguez de nouveau de la « fraude à la procédure ». Voilà votre réponse aux besoins de protection des demandeurs d'asile... S'ensuit une dotation qui reste très insuffisante des crédits prévus par le programme 303 « Immigration et asile ».

La conséquence de cette sous-dotation à répétition va se traduire concrètement par un nombre toujours plus important de femmes, d'hommes et d'enfants plongés dans la précarité, au mépris de leur dignité et en violation des obligations de la France.

Seules 31, 4 % des demandes d'hébergement en CADA ont été satisfaites. Pour les autres, les « non-solutions » vont de l'hébergement d'urgence à la rue. Pour ces personnes qui n'ont pas le droit d'occuper un emploi et vivent avec 10, 83 euros par jour, le quotidien devient une course à la survie !

Non content de taper sur les demandeurs d'asile en situation de faiblesse, vous vous attaquez spécifiquement aux étudiants étrangers. Votre circulaire du 31 mai 2011 donne ainsi pour instruction aux préfectures de mettre un frein à la pratique des autorisations provisoires de séjour accordées en vertu de la loi du 24 juillet 2006. Cette circulaire inquiète étudiants et universitaires, qui craignent la non-reconduction des conventions passées avec les universités étrangères.

De même, les employeurs, pour lesquels ces directives auront un coût économique, expriment leur inquiétude : les étudiants qu'ils auront formés et auxquels ils auront confié des projets, lors de stages de fin d'étude, seront priés de quitter le territoire du jour au lendemain. Tandis que 2 milliards d'euros de crédits sont consacrés à l'accueil et à la formation des étudiants étrangers dans le projet de loi de finances pour 2012, cette circulaire rend cet investissement d'emblée inefficace et place le Gouvernement en porte-à-faux par rapport marché du travail.

Tous les moyens semblent bons pour mener, coûte que coûte, votre politique hostile à l'immigration. Depuis la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité du 16 juin 2011, la énième sur ce sujet, nous assistons à une effrayante politique du chiffre, qui conduit à décider, sans discernement, de mesures d'enfermement, d'interdiction de séjour, voire d'expulsion, visant des étrangers malades – tout cela pour entretenir le mythe de la migration pour soins –, qui justifie le renvoi sans ménagement de parents d'enfants français, d'hommes et de femmes ayant toutes leurs attaches en France.

Les premiers visés par ces atteintes répétées aux droits de l'homme sont les Roms, qui quittent leurs pays d'origine pour fuir la discrimination raciale et la misère. Le statut discriminant envers ces ressortissants a été officialisé : 80 % des personnes expulsées de France avec une aide au retour sont des Roms !

Coûte que coûte, disais-je ! Car votre politique anti-immigration coûte très cher à nos concitoyens. Elle se chiffre à 232 millions d'euros, ce qui représente environ 12 000 euros pour chaque reconduite à la frontière.

Les grands bénéficiaires des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » devraient être, pourtant, ces immigrés que vous stigmatisez. Ils sont en effet six fois plus nombreux que les Français à vivre dans les zones urbaines sensibles, et 24 % d'entre eux sont touchés par le chômage, contre 8 % de la population française vivant hors de ces quartiers.

Chômage, précarité, démantèlement des écoles : les moyens qui leur sont accordés sont très insuffisants, à l'image des crédits de paiement du programme 104, « Intégration et accès à la nationalité française », qui ont diminué de moitié en quatre ans.

Les véritables bénéficiaires de cette politique sont, sans doute, les prestataires qui construisent et gèrent les centres de rétention administrative : ceux-ci comptaient 773 places en 2003 ; ils en compteront 2 063 en 2012.

Pour toutes ces raisons, et bien d'autres encore, le groupe CRC votera contre ce budget.

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