Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai d'aborder trois points sur ce projet de budget : l'installation, la sécurité sanitaire et la pêche.
Premièrement, l'installation des jeunes agriculteurs est un enjeu essentiel. La population des exploitants agricoles vieillit. Plus de 40 % des exploitants ont plus de cinquante ans et la part des jeunes de moins de trente-cinq ans est tombée à 13 %, alors qu'elle était encore de 18 % au début des années deux mille.
Cette réalité est encore plus forte dans certains secteurs, comme l'élevage allaitant ou les productions animales spécialisées, comme la production porcine. C'est donc la question de la survie des filières qui est posée. Sans installation, aucune continuité des exploitations n'est possible, mais cela signifie aussi moins de progrès technique dans les domaines agronomique, économique et environnemental.
Certes, l'enveloppe est reconduite à l'identique par rapport à 2011 dans ce projet de budget, avec 55 millions d'euros pour la part nationale de la dotation jeunes agriculteurs, cofinancée à 50 % par le Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, 53 millions d'euros pour les prêts jeunes agriculteurs et 11, 5 millions d'euros sur le Fonds d'incitation et de communication pour l'installation en agriculture, le FICIA. À ces aides budgétaires s'ajoutent des aides fiscales dont le coût est estimé à 42 millions d'euros, ainsi que l'exonération de la taxe foncière.
Au total, l'installation est soutenue économiquement par l'État et par l'Union européenne, pour environ 350 millions d'euros par an. Cependant, les résultats ne sont pas au rendez-vous : on dénombre seulement 13 300 installations en 2009 et autant, semble-t-il, en 2010. Ces chiffres sont insuffisants pour assurer le renouvellement des générations. En outre, à peine 45 % des installations sont aidées.
Mon inquiétude vient essentiellement des coupes qui affectent les crédits d'accompagnement à l'installation : on a confié les missions des ADASEA aux chambres d'agriculture sans leur transférer les crédits. À elles de se débrouiller pour faire mieux avec une dotation passée de 14 millions d'euros voilà deux ans à 2 millions d'euros en 2012 et à rien du tout en 2013.
Deuxièmement, l'année 2011 est venue une nouvelle fois nous rappeler le très haut niveau d'exigence des consommateurs en matière de sécurité sanitaire des aliments. Les enjeux de santé publique et les enjeux économiques sont totalement imbriqués. Le programme 206 vise à répondre à ce défi. Paradoxalement, alors que ce programme est toujours affiché comme une priorité de l'État, les crédits qui y sont consacrés baissent pour la troisième année consécutive, pour passer en-dessous des 500 millions d'euros.
Je constate ainsi une réduction de 3 % des moyens consacrés à la lutte contre les maladies végétales et animales. Monsieur le ministre, vous faites le pari de la maîtrise totale du risque en 2012, alors qu'aujourd'hui, tant sur le végétal que sur le secteur animal, de nouvelles menaces peuvent apparaître.
Enfin, l'enveloppe consacrée au fonctionnement, notamment au financement des services vétérinaires, connaît un taux de progression zéro.
En termes d'effectifs, le programme 206 enregistre une nouvelle baisse de 66 équivalents temps plein travaillé pour 2012, après une baisse de 117 équivalents temps plein travaillé en 2011. Cette évolution est inquiétante au moment où les missions sont de plus en plus nombreuses.
Le syndicat national des inspecteurs de santé publique vétérinaire s'inquiète d'une telle situation, qui constitue un véritable désarmement progressif de notre arsenal de sécurité sanitaire, alors que celui-ci est actuellement un point fort de notre agriculture et de notre secteur agroalimentaire.
De son côté, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES, reçoit une dotation de 66, 5 millions d'euros du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », qui est, lui aussi, en baisse par rapport à 2011.
Pourtant, il est rentable d'investir dans la sécurité sanitaire, car cela permet d'éviter de devoir demain dépenser des centaines de millions d'euros pour régler les conséquences des crises.
Troisièmement, la réforme de la politique commune de la pêche, la PCP, est en marche, mais les propositions de la commission européenne sont lourdes de menaces : marchandisation des quotas, au travers des quotas individuels transférables, et réduction drastique de ceux-ci pour certaines pêcheries, avec la fixation de l'objectif d'atteindre le rendement maximum durable, le RMD, dès 2015, pour toutes les espèces.
Du point de vue budgétaire, je tiens à saluer la poursuite, au-delà de la fin du plan pour une pêche durable et responsable, le PPDR, des contrats bleus en 2012.
Mais, à nos yeux, depuis la loi du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, la LMAP, on ne s'est pas attaqué à l'enjeu majeur que constitue la modernisation des équipements. Les navires restent vieillissants et les conditions de sécurité à bord doivent encore être améliorées.
Les crédits pour la pêche et l'aquaculture sont à peu près maintenus pour 2012, aux alentours de 60 millions d'euros, mais ils sont largement absorbés par les plans de sortie de flotte, à hauteur de 13 millions d'euros, et la contribution de l'État à l'assurance chômage intempéries, pour 6, 8 millions d'euros.
Or il faudrait avoir une vision plus offensive de la pêche, libérer davantage les crédits pour développer de nouveaux navires et soutenir des projets aquacoles innovants. À cet égard, monsieur le ministre, il nous semble que le compte n'y est pas.
Pour toutes ces raisons, mes conclusions rejoignent celles de ma collègue Renée Nicoux et de la commission de l'économie, saisie pour avis, qui recommande de ne pas adopter les crédits de la mission.