Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au-delà des données chiffrées, qui démontrent la dégradation des dotations budgétaires de cette mission, il convient à ce stade d'en relever l'application quasi mécanique exigée au titre du plan de rigueur gouvernemental, qui fait courir le risque de régressions majeures, notamment dans le secteur agricole.
L'enjeu en est une restructuration particulièrement inquiétante, focalisée de fait sur les objectifs du territoire hexagonal et qui, d'ores et déjà, relègue les outre-mer et la Guyane, que je représente, au rang de priorités de second plan.
L'argument de la restructuration, celui des restrictions présumées indispensables à la compétitivité sur les marchés commerciaux, s'impose aux outre-mer souvent en dépit du bon sens.
En Guyane en particulier, les enjeux se situent encore au niveau de la structuration élémentaire des filières de production et d'activité.
Ainsi, l'agriculture dans une région immense mais aux terres cultivables difficilement accessibles est attachée non pas à des problématiques de compétitivité, mais avant tout à des questions d'accès au foncier en même temps que d'une autosuffisance alimentaire.
Lorsque la métropole réalisait ses principales réformes agraires, la Guyane voyait, au contraire, l'essentiel de ses terres cultivables confisquées pour le domaine privé de l'État.
C'est pourquoi il faut à tout prix conforter les outils d'accès au foncier viabilisé, en renforçant les missions confiées à l'Établissement public d'aménagement en Guyane.
Les dispositifs budgétaires de l'État, adaptés à des objectifs principaux d'autoproduction alimentaire, enjeux urgents pour les outre-mer avec une aide concrète à la diversification et à la commercialisation, auraient ainsi tout leur sens.
Comment développer autrement ce secteur agricole, sinon en le considérant comme un élément porteur du développement endogène pour l'ensemble des outre-mer ? C'est là que l'on observe des coûts de production locale souvent supérieurs à ceux de nombre de produits importés.
Les mesures facilitant l'approvisionnement des producteurs en matières premières sont donc cruciales, mais elles se situent manifestement aux antipodes des préoccupations actuelles du Gouvernement, alors que la viabilité de ce projet repose tout de même sur un marché de plus de 2 millions de consommateurs.
En vérité, les avantages fiscaux sur les bénéfices envisagés en faveur des producteurs ont peu de pertinence pour des volumes de production et de vente encore insuffisants.
Les attentes de nos concitoyens se situent à dire vrai précisément au cœur des mesures de restriction gouvernementales, telles que l'aide à l'installation ou le renforcement des aides directes au fret, à l'import et à l'export, alors que actuellement, au contraire, le monopole du transport aérien entraîne des hausses insupportables pour les professionnels des outre-mer.
En Guyane encore, tous les facteurs liés aux enjeux de production alimentaire doivent être soutenus, y compris les facteurs constitutifs des prix des matières premières et des sources d'approvisionnement.
À l'heure où se dégradent les moyens du contrôle qualité en métropole, on nous oppose une stricte réglementation. Pourtant, des mesures sanitaires ainsi qu'une politique douanière et commerciale énoncées depuis de longs mois, comme le prévoit le traité de Lisbonne, devraient nous ouvrir des portes en matière de coopération régionale. Ce serait là, monsieur le ministre, une perspective considérable de production, de consommation des ménages ou d'intérêt collectif particulièrement encadrée et, enfin, de commercialisation, plus conformes aux réalités et aux besoins alimentaires.
S'agissant de l'aménagement du territoire, à l'époque, vous aviez, monsieur le ministre, évoqué l'existence d'une mission visant à réformer les SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, qui étudierait simultanément le fonctionnement et la gouvernance de l'EPAG. Où en est-on, monsieur le ministre ?
La pêche, davantage encore en Guyane, est loin d'être une filière structurée, dont les besoins restent et ne pourront que rester en marge des dotations budgétaires de l'État dont la timide hausse conjoncturelle ne saurait masquer la chute brutale des dotations observées de manière pluriannuelle.
Au regard du projet de loi de finances, la Guyane restera effectivement à l'écart des objectifs fixés pour la détermination des crédits nationaux, dont la grille vise des objectifs incertains de modernisation face à la concurrence internationale.
Il y a là manifestement matière à réflexion quant à l'incapacité aussi marquée de définir une stratégie à partir de la zone économique exclusive de plus de 11 millions de kilomètres carrés que procurent les outre-mer à la France.
La pêche outre-mer est, nous le savons, artisanale ; elle est pratiquée par des pêcheurs sans formation, peu armés pour faire face aux normes et pratiques du commerce international, et qui sont, surtout, exclus des emplois relevant des accords entre l'Europe et les pays tiers.
À ce titre, l'organisation professionnelle de la filière est l'un des objectifs premiers, afin d'être entendu jusqu'au niveau du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins pour que, au-delà du rôle consultatif de celui-ci, on puisse faire valoir les réalités ultramarines.
La Guyane reste le seul département ultramarin à ne pas avoir de centre permanent de formation aux métiers maritimes, portuaires et fluviaux. Pourtant n'est-ce pas là le préalable à toute politique de développement, qui s'appuie sur des équipements et la valorisation de la production ?
D'ailleurs, la commission de l'économie vous avait, à l'époque, interpellé, monsieur le ministre, sur les mesures que le Gouvernement comptait prendre pour développer la formation aux métiers de la mer en Guyane et dans les outre-mer en général. Quid de ces mesures ?
Enfin, je voudrais évoquer la question du régime forestier, à propos duquel demeurent les plus fortes inquiétudes quant à la question de la contribution des communes forestières et à la pérennité de la gestion de ce patrimoine, qui a perdu en vingt ans près de la moitié de ses agents.
Nul n'ignore le capital constitué par la forêt primaire de Guyane, et surtout son potentiel carbone, qui dote la France d'un argument de poids dans les négociations internationales en matière de préservation de l'environnement et de développement durable. Mon interrogation principale porte sur la mise sous cloche, de fait, de toute valorisation de la biodiversité guyanaise avec un juteux marché international de CO2, et qui ne trouve, en retour, aucun projet de dotation compensatoire.
Non seulement ce budget n'est pas à la hauteur des enjeux nationaux et mondiaux – produire plus et mieux–, mais il n'est pas adapté aux outre-mer et ne s'accompagne pas de mesures qui auraient pu rendre les restrictions supportables : une véritable démarche de structuration de filière, des dispositions pour diminuer le coût du fret aérien, pour un accès plus facile au foncier et à l'installation des dispositifs, pour l'assoupplissement des marchés publics afin de permettre aux petits producteurs de trouver des débouchés pour leurs produits, un véritable dispositif de formation permanent, tenant compte des débouchés réels et des perspectives de développement des secteurs.
Voilà, monsieur le président, mes chers collègues, comment l'analyse rapide de filières essentielles du secteur primaire nous conduit inéluctablement à la logique selon laquelle le budget de l'État ne peut faire avec et pour les outre-mer, et ne peut se résoudre à en faciliter le développement endogène.