Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ayant procédé à une analyse précise de la participation de la France au budget de l’Union européenne, je n’y reviendrai pas. Je précise toutefois que je partage nombre des critiques et inquiétudes qui ont été formulées.
Je m’en tiendrai aux aspects généraux de l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, d’autant que, comme cela a été rappelé, nous nous livrons en réalité à un exercice très contraint, puisque le budget de l’Union européenne n’est toujours pas adopté selon des procédures démocratiques.
Sans surprise, puisque c’est le cas depuis un certain nombre d’années, la contribution française sera supérieure aux retours que nous obtiendrons du budget communautaire. De fait, notre pays est, à l’instar de l’Allemagne, contributeur net au budget de l’Union européenne.
Certes, du fait de l’importance de la politique agricole commune dans le budget communautaire, et dans la mesure où cette politique s’est depuis longtemps substituée à toute véritable politique nationale de soutien aux activités agricoles, nous sommes en droit d’escompter un apport significatif dans ce domaine.
Il est cependant évident que le sujet du temps est bien ailleurs et se situe plutôt dans les perspectives actuelles de la construction européenne. Je ne sais d’ailleurs si le terme « construction » est tout à fait approprié, l’Union européenne, et singulièrement la zone euro, étant de plus en plus l’objet de forces centrifuges qui aiguisent les antagonismes et accroissent les profondes inégalités de développement et de niveau de vie entre les différents pays.
Sans refaire l’histoire, on peut même penser que la crise économique à laquelle l’Europe est aujourd’hui confrontée constitue la plus sérieuse épreuve qu’elle ait eu à affronter depuis le traité de Rome, épreuve d’autant plus sérieuse que les causes en sont endogènes et semblent clairement relever de la conception actuelle de l’Union.
L’Europe est un continent vieillissant, dont la population est appelée, au mieux, à croître fort modérément. Cette situation va de pair avec des équilibres économiques qui semblent de plus en plus participer d’une division du travail à l’échelle internationale, les uns – en général les pays du Nord, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas – disposant encore aujourd’hui d’un appareil industriel performant et pertinent, les autres – en général plutôt les pays du Sud – se transformant de plus en plus en économies de services, singulièrement de services touristiques.
Depuis 2008, le tigre celtique irlandais s’est découvert sans griffes, le schéma de la croissance espagnole, tirée par l’immobilier et le moins-disant fiscal et social agricole, a littéralement explosé, la Grèce s’est trouvée confrontée à des difficultés majeures, les maux commencent à frapper durement le Portugal, l’Italie ou encore la Belgique, et certains des pays d’Europe centrale ont été placés sous le contrôle du FMI…
Dans un article récent, le quotidien madrilène El Paĭs indiquait d’ailleurs que seuls cinq des dix-sept pays de la zone euro, à savoir l’Allemagne, les Pays Bas, le Luxembourg, la Finlande et l’Estonie, étaient en situation de respecter les critères de convergence des politiques économiques et budgétaires.
La pression des marchés financiers se fait sans arrêt plus forte sur les États, qui les ont pourtant largement secourus en 2008 et en 2009. Ainsi, bien que la droite ait remporté les élections générales ce dimanche en Espagne, la Bourse de Madrid a connu une nouvelle baisse des valeurs cotées, tandis que le différentiel des taux de moyen et long terme entre les crédits accordés à l’Allemagne et ceux qui le sont à l’Espagne augmentait encore.
Les marchés en veulent toujours plus, et force est de constater que, pour l’heure, la seule réponse des États – traduite dans les Conseils européens – est bel et bien de leur complaire !
Il y a quelque chose qui frappe en ce moment l’Europe, et singulièrement la zone euro, plus sûrement que la dégradation des notes des dettes souveraines. Je vise ici les politiques d’austérité que tous les gouvernements, quelle que soit leur obédience, sont assignés à mener, avec tout ce que cela peut, à la fin des fins, provoquer, à commencer par une crise de défiance envers les institutions communautaires comme envers le fonctionnement institutionnel propre à chaque pays, crise qui ne pourra engendrer que des frustrations, des aigreurs, des sentiments politiques moins démocratiques et moins ouverts que par le passé.
Le repli sur soi, la xénophobie, la recherche de boucs émissaires d’autant plus faciles à identifier qu’ils sont en position de faiblesse, voilà ce qui guette aussi les sociétés européennes si les politiques budgétaires actuelles continuent à suivre le même chemin pour aller dans les mêmes ornières.
Le jour où le budget européen sera synonyme de croissance, de réponse aux besoins sociaux des peuples de l’Europe, le jour où la Banque centrale européenne, plutôt que de s’ériger en vigilante gardienne de l’inflation, aura décidé de venir au secours des États membres et ouvrira un financement destiné aux plus grands projets structurants propres à chaque pays comme pertinents à l’échelle communautaire, ce jour-là, le groupe communiste, républicain et citoyen votera en faveur de la participation de la France au budget de l’Union européenne. Ce jour n’est, hélas ! toujours pas arrivé, et notre groupe ne votera donc pas en faveur de celle-ci cette année encore.