La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale (projet n° 106, rapport n° 107).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
II. - RESSOURCES AFFECTÉES (suite)
B. – Autres dispositions
Nous allons examiner l’article 30 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
La parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans un contexte assez particulier que nous discutons aujourd’hui de la contribution française au budget communautaire, laquelle prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État d’un montant de 18, 878 milliards d’euros, fixé par l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012.
Compte tenu des limites de temps qui nous sont imparties, je ne m’attarderai pas sur ce contexte, sinon pour rappeler que la crise des dettes souveraines doit nous conduire à étudier avec une vigilance accrue la programmation budgétaire de l’Union européenne.
L’Europe réclame bien sûr un débat politique de fond et une vision de long terme beaucoup plus larges que la seule rigueur budgétaire. Néanmoins, dans les conditions que nous connaissons tous aujourd’hui, nous ne pouvons nous soustraire à l’objectif de maîtrise des dépenses.
À notre sens, un tel but doit également être partagé au niveau européen. Or je ne suis pas certain que tel soit le cas. C’est ce que je vais tenter de vous démontrer ce matin, assez brièvement, mes chers collègues.
J’évoquerai tout d’abord la négociation budgétaire communautaire pour l’année 2012 qui, pour être toujours en cours, est déjà largement engagée.
Comme à l’accoutumée, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps dernier et, plus précisément, le 20 avril 2011. La Commission a proposé une augmentation de 4, 2 % des autorisations d’engagement par rapport à 2011, soit 147, 8 milliards d’euros.
Les hausses concernent principalement la compétitivité, à hauteur de 12, 6 %, et la rubrique 3a « liberté, sécurité et justice », qui augmente de 17, 7 %. Les crédits de paiement affichent quant à eux une hausse de 4, 9 % pour atteindre 132, 7 milliards d’euros.
Je relève que le projet de budget, adopté à une courte majorité par le Conseil le 25 juillet 2011, se veut plus rigoureux. Ce souci est certes habituel, mais il prend d’autant plus de sens aujourd’hui, dans le contexte des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques nationales et de stratégies de retour à l’équilibre budgétaire.
D’importantes coupes sont opérées concernant les autorisations d’engagement – elles n’empêchent cependant pas une augmentation de 3 % par rapport à 2011 – et, surtout, en crédits de paiement, ramenant la hausse pour 2012 par rapport à 2011 à 2, 02 %. Ces économies ont pour principale origine la préoccupation exprimée par de nombreux États membres, dont la France, de renforcer la discipline budgétaire.
Mes chers collègues, je vous renvoie notamment à la fameuse « lettre des cinq » de décembre 2010, par laquelle l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Finlande avaient demandé de limiter l’augmentation annuelle du budget communautaire à l’inflation. Si, cet été, au sein du Conseil, l’Allemagne et la France ont accepté de se rallier au compromis de la présidence polonaise, ce n’est que par pragmatisme et seulement après avoir obtenu gain de cause concernant les crédits de paiement.
Je précise que six États membres ont voté contre le projet du Conseil, qu’ils ont jugé insuffisamment équilibré : il s’agit du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Finlande, rejoints par la Suède, le Danemark et l’Autriche.
Le Parlement européen a pourtant fait le choix ambitieux de revenir à un projet de budget proche de celui de la Commission avec, en 2012, une augmentation de 4 % des autorisations d’engagement et de 5 % des crédits de paiement.
La négociation entre les deux branches de l’autorité budgétaire a abouti, puisque nous sommes parvenus au terme de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne.
À cet égard, je relève, d’une part, que le texte issu de la conciliation fait sienne la proposition prudente du Conseil d’augmenter de 2 % les crédits de paiement en 2012, et, d’autre part, qu’une concession a été accordée au Parlement européen quant aux autorisations d’engagement, avec une hausse de plus de 3, 5 %.
Monsieur le ministre, je vous serais reconnaissant de bien vouloir faire le point sur cette procédure de conciliation, de nous indiquer quelles chances, selon vous, ce compromis a d’être ratifié les 30 novembre et 1er décembre prochains par le Conseil et le Parlement européen, et de nous préciser quel est l’impact du sixième projet de budget rectificatif pour 2011, lequel complexifie encore le débat en cours sur le budget 2012.
Par ailleurs, je souligne que les difficultés du débat actuel sont aggravées par la négociation qui s’est ouverte cette année sur la future programmation 2014-2020.
En effet, c’est à ce sujet que les tensions entre les États membres, la Commission et le Parlement européen sont les plus vives : il est donc nécessaire d’aboutir rapidement à un compromis, faute de quoi une grave crise politique pourrait paralyser l’Union européenne.
Conformément à son monopole d’initiative, la Commission a adopté le 29 juin dernier une communication intitulée Un budget pour la stratégie Europe 2020 destinée au Parlement européen, au Conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Elle y détaille pour la première fois des éléments chiffrés relatifs au prochain cadre pluriannuel.
Les propositions de la Commission accordent tout d’abord une priorité aux dépenses de recherche et d’innovation – avec une augmentation de 60 % entre les deux programmations à périmètre comparable –, à la gestion des flux migratoires, avec une hausse identique, et à l’action extérieure, qui progresse quant à elle de 40 %.
De plus, ces propositions se caractérisent par la poursuite de la politique de cohésion, en augmentation de 11 %, et par la stabilité de la PAC, nonobstant son « verdissement », 30 % des aides devant désormais être liées à l’environnement. Les dépenses administratives ne sont pas en reste puisqu’elles augmenteraient de 25 %, loin de la maîtrise qui devrait être de rigueur !
Au total, il s’agirait de 972 milliards d’euros de crédits de paiement sur sept ans. Néanmoins, ces propositions, déjà ambitieuses dans le contexte actuel, ne sont pas fiables, étant volontairement sous-évaluées.
Par un premier artifice de présentation, la Commission minore les crédits qui seront mobilisés. En effet, les montants qu’elle communique sont calculés en euros constants et en autorisations d’engagement, alors que seule une présentation en crédits de paiement et en euros courants permettrait de mesurer l’impact réel des propositions sur les contributions nationales : la réalité de l’augmentation de la dépense qui, chaque année, devra être réévaluée selon l’inflation est volontairement masquée.
À ce titre, j’observe que tous les États membres calculent leurs contributions en euros courants et qu’ils font de même avec leurs programmations pluriannuelles quand ils en emploient.
Par un second artifice, la Commission dissimule les tensions importantes que sa programmation exercera sur les finances des États membres : elle multiplie ainsi les débudgétisations incompréhensibles, ce qui dégonfle artificiellement son projet.
Ainsi, le Fonds européen de développement, le FED, et les mécanismes de stabilisation financière seraient non seulement maintenus hors du budget général de l’Union européenne et hors du cadre financier pluriannuel, mais seraient surtout extraits du budget des politiques pourtant communautaires, à l’image des dépenses relatives au projet ITER et au programme européen de surveillance de la Terre, plus connu sous son acronyme anglais GMES, pour Global Monitoring for Environment and Security.
En euros courants, avec le périmètre classique de financement de l’Union européenne auquel s’ajouteraient le FED et les politiques débudgétisées, le total des dépenses s’élèverait ainsi à 1 156 milliards d’euros en crédits de paiement, soit 184 milliards d’euros de plus que n’en compte le budget présenté par la Commission, estimé, je le rappelle, à 972 milliards d’euros !
Bref, une fois mis au jour ces artifices de présentation et ces débudgétisations inacceptables, il apparaît que le projet de programmation pour 2014-2020 présenté par la Commission européenne est insoutenable en l’état de nos finances publiques. En outre, ce document fait entorse au principe de sincérité budgétaire.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre analyse à ce sujet, ainsi que les arguments précis que la France sera conduite à employer dans le cadre des négociations en cours.
Mes chers collègues, l’ensemble de ces observations me conduisent à vous proposer, au nom de la commission des finances, de vous abstenir quant à l’article 30 de notre projet de loi de finances pour 2012, pour manifester notre désaccord avec les pratiques de la Commission européenne !
À présent, notre collègue Jean Arthuis va me succéder à la tribune. Il devrait invoquer d’autres arguments relatifs au montant du prélèvement qui pèse sur la France ainsi qu’à l’évolution de notre solde net.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV, du groupe CRC et de l’UCR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Marc Massion de nous avoir fourni ces éléments si riches d’enseignements. Je partage son opinion, tout particulièrement s’agissant des propositions inacceptables de la Commission européenne, et j’aboutirai d’ailleurs à la même conclusion que lui : s’abstenir – je le dis en conscience – permet de manifester notre humeur en tant que parlementaires !
Auparavant, je formulerai quelques remarques relatives au montant du prélèvement qui fait l’objet de notre débat, ainsi qu’à l’évolution de notre solde net.
3, 5 % : c’est le rythme d’augmentation, entre 2011 et 2012, du prélèvement qu’il nous est proposé de voter à l’article 30 de projet de loi de finances pour 2012. Or, cette progression contraste singulièrement avec la volonté qui est la nôtre de contenir la dépense publique.
Cette hausse de 646 millions d’euros porte l’estimation de notre contribution à 18, 878 milliards d’euros.
Nous savons d’expérience que, au terme de l’exécution 2012, des ouvertures nouvelles en crédits de paiement seront intervenues et que, entre le montant du prélèvement affiché dans l’article 30 et ce qu’il sera finalement, des écarts, favorables ou défavorables au demeurant, seront enregistrés.
J’appelle en effet votre attention, mes chers collègues, sur les écarts considérables constatés entre la prévision et l’exécution du prélèvement.
En 2007, le prélèvement inscrit en loi de finances initiale avait été surestimé de plus de 1, 5 milliard d’euros. En 2008, était apparue, au contraire, une sous-estimation, de 300 millions d’euros. Pour 2009, la nouvelle sous-estimation du prélèvement, nettement plus importante, s’élevait à plus de 1 milliard d’euros : le prélèvement s’établissait à 20 milliards d’euros en exécution, alors que le vote initial du Parlement portait sur 18, 9 milliards d’euros. En 2010, le prélèvement a été, à l’inverse, surestimé de 556 millions d’euros. Pour 2011, le Gouvernement nous avait annoncé une légère surestimation, de l’ordre de 4 millions d’euros, mais des corrections sur exercices antérieurs pourraient in fine aboutir à une sur-exécution de l’ordre d’une centaine de millions d’euros.
Monsieur le ministre, je vous remercie par avance de bien vouloir nous préciser où en est exactement, à la fin de ce mois de novembre, l’exécution du prélèvement que notre pays supporte cette année.
Je ne sous-estime pas la difficulté de l’exercice, mais l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable.
Pour aller au-delà du sujet du prélèvement lui-même, je souligne que, en 2012, la France devrait demeurer le deuxième contributeur au budget communautaire derrière l’Allemagne, la part de sa contribution représentant 16, 4 % du total des ressources de l’Union européenne, part qui semble enfin se stabiliser.
Par ailleurs, depuis 2006, elle a remplacé l’Espagne au rang de premier pays bénéficiaire en recevant environ 12 % des dépenses de l’Union européenne ; mais cette situation, qui se dégrade, est de plus en plus fragile, puisqu’elle ne résulte essentiellement que du poids de la politique agricole commune. Pensons-y : 75 % des crédits européens dépensés en France correspondent à des dépenses agricoles.
Réjouissons-nous, à cet égard, que les propositions de la Commission européenne aillent dans le sens d’un maintien des dépenses agricoles à un niveau équivalent dans la prochaine programmation.
Je poursuis avec l’épineuse question des soldes nets. Celle-ci est récurrente et délicate, car elle entretient un état d’esprit en contradiction avec celui qui anime le projet communautaire, qui doit s’élever au-dessus de ces considérations de boutiquiers.
Cela étant, soyons bien conscients que ce sont le solde net et le gain en résultant qui mobilisent la plupart de nos partenaires, dans une sorte de coupe d’Europe des égoïsmes nationaux.
Entre 2009 et 2010, la France est passée du rang de troisième à celui de deuxième contributeur net au budget communautaire en volume et du rang de huitième à celui de septième contributeur net en pourcentage du revenu national brut.
Mes chers collègues, notre situation ne cesse donc de se dégrader depuis dix ans : notre solde net, qui représentait moins de 400 millions d’euros en 1999, a été multiplié par treize en dix ans et dépasse le seuil des 5 milliards d’euros depuis 2008.
C’est sans doute le prix à payer pour notre attachement à la politique agricole commune, de même que nous avions dû faire des compromis pour obtenir la TVA à 5, 5 % dans la restauration. J’en viens d’ailleurs à me demander quel est le coût caché de cette dernière concession européenne.
Il serait effectivement très instructif de connaître les contreparties précises des rabais et des corrections, dont je note que nous sommes l’un des rares contributeurs nets, avec l’Italie et le Danemark, à ne pas bénéficier. Aujourd’hui, outre le Royaume-Uni, d’autres pays, tels l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et l’Autriche, profitent de diverses corrections en leur faveur. La multiplication des rabais et des corrections témoigne d’une logique de marchands de tapis peu honorable et contraire aux valeurs communautaires. Monsieur le ministre, à quels marchandages correspondent exactement ces rabais ?
Je voudrais, comme avait l’habitude de le rappeler notre ancien collègue rapporteur spécial, Denis Badré, préciser que ces analyses, en termes de retour net, ignorent les contributions incalculables de la construction européenne : la libre circulation, l’ouverture des États les uns aux autres, et la généralisation de valeurs, notamment celles de la démocratie, de la paix et de la liberté.
Toutefois, mes chers collègues, peut-on réellement, en ces temps particulièrement difficiles, faire l’économie d’une analyse en termes de « soldes nets » ? Franchement, je ne le crois pas. Bien entendu, il convient de ne pas s’enfermer dans de telles grilles d’analyses, que l’on ne peut cependant pas écarter.
Par ailleurs, je rejoins les propos de notre collègue Marc Massion, qui nous a démontré que, contrairement à ce que laisse penser le travail de la Commission européenne, l’Europe ne peut pas se placer en dehors des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques et qu’elle doit donc plus que jamais dépenser mieux.
À cet égard, je recommande un renforcement de la mise en œuvre vigilante du principe de subsidiarité, au regard duquel devraient être systématiquement examinés le budget, le fonctionnement et les politiques de l’Union européenne.
De plus, dans le système budgétaire communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sans en discuter ni le montant ni l’usage qui en sera fait à travers les dépenses de l’Union européenne. Une telle situation n’est pas satisfaisante, convenons-en.
Un budget dont les dépenses sont arrêtées par les autorités communautaires, mais dont 85 % des ressources restent dépendantes de décisions des parlements nationaux, porte atteinte au principe du consentement à l’impôt, essentiel dans une démocratie.
Une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux paraît donc nécessaire. Nous devons prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des États membres et dans la réflexion en cours sur la réforme du budget communautaire et sur la gouvernance économique de la zone euro. J’aurai l’occasion, je l’espère, d’approfondir cette question dans le cadre de la mission que vient de me confier le Premier ministre sur l’avenir de la zone euro.
Je vais maintenant conclure mon propos en évoquant la crise des dettes souveraines, sujet qu’a traité au début de son intervention mon collègue Marc Massion.
Je voudrais faire part de mon incompréhension – oserai-je dire de ma révolte ? – à l’égard de la Commission européenne et du Conseil, qui ont laissé filer les déficits publics.
M. le président de la commission approuve.
On a transgressé les règles définies par le pacte de stabilité et de croissance. On les a même allègrement piétinées en 2004. Nos gouvernants étaient fiers d’avoir rompu les règles de discipline budgétaire édictées par le pacte de stabilité et de croissance. Mais comme cela ne suffisait pas, certains pays, dont la Grèce, ont triché, maquillé leurs comptes publics, afin de dissimuler l’ampleur de leur déficit et de leur dette. Et on a laissé faire, on a fermé les yeux…
On a transformé le pacte de stabilité et de croissance, constituant, en quelque sorte, un ensemble de règles de discipline budgétaire, un règlement de copropriété de l’euro, en un pacte de tricheurs et de menteurs.
On mesure aujourd'hui le résultat de cette situation insupportable. Il faudra adopter d’autres règles, infiniment plus strictes que celles du pacte de stabilité et de croissance, pour en sortir.
De tels constats suscitent l’incompréhension et justifient l’humeur du moment. C’est la raison pour laquelle, avec Marc Massion, je propose au Sénat de s’abstenir lors du vote de l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012. Quoi qu’il en soit, cette abstention serait très symbolique puisque, en tout état de cause, la France n’échappera pas au versement de sa contribution au budget de l’Union européenne.
Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quels que soient les problèmes, les difficultés, les changements, le débat sur le prélèvement opéré sur les recettes de la France au titre de sa participation au budget européen se déroule cette année dans les mêmes conditions que les années précédentes. À l’instar des excellents corapporteurs spéciaux, Marc Massion et Jean Arthuis, je voudrais à mon tour, mes chers collègues, vous demander de bien vouloir sortir du concours d’hypocrisie auquel ce sujet est trop souvent prétexte.
Nous le savons, l’enchaînement des derniers mois, des dernières semaines a été redoutable. Aujourd’hui, nul ne peut connaître avec certitude le dénouement de ce que l’on est convenu d’appeler « la crise des dettes souveraines ». À l’inverse, nous savons que les taux auxquels un grand nombre d’États européens sont aujourd’hui condamnés à se financer ou à se refinancer sur les marchés sont insupportables, voire peuvent le devenir encore davantage.
Quelles sont alors les solutions politiques et techniques susceptibles de nous donner une perspective, de faire revenir la confiance, de conférer aux mécanismes européens, à la zone euro en particulier, la visibilité sans laquelle aucune réelle stabilisation des marchés ne pourra voir le jour ?
Deux familles de solutions existent. La première, que je qualifierai toujours de « rêve », concerne les euro-émissions ; la seconde, qui comporte différentes variantes et qui est au cœur du débat européen aujourd’hui, vise la monétisation au moins potentielle de la dette publique.
Mes chers collègues, je voudrais rappeler en quelques mots les raisons pour lesquelles les euro-émissions ne peuvent être, du moins en période de crise, une solution convaincante ou même simplement vraisemblable.
Pour qu’une agence européenne de la dette se finance à un taux suffisant bas, il faudrait que les investisseurs aient confiance en elle et, par conséquent, que les États lui apportent leur garantie. Mais si chaque État de la zone euro garantit seulement une partie de sa dette, la solidité de l’ensemble des dettes européennes sera, financièrement parlant, au niveau de celle de son maillon le plus faible. Il faudrait donc que chaque État se porte garant pour la dette de l’ensemble de ses partenaires.
Permettez-moi, mes chers collègues, d’utiliser une image : cette situation ressemble à un contrat de colocation, dans lequel le propriétaire a intérêt à inclure une clause de solidarité lui permettant d’exiger de n’importe quel locataire le paiement de l’intégralité des loyers. On conçoit que, pour accepter une telle clause, mieux vaut avoir confiance dans tous ses colocataires.
Or, nous le savons bien, les États « vertueux », ou qui sont perçus – ou se perçoivent – comme tels, n’ont aucune confiance dans les États « laxistes », ou qu’ils considèrent comme tels. Pour que les euro-émissions aient une chance de voir le jour, il faudrait donc instituer des « verrous institutionnels » revenant à communautariser de manière permanente – à fédéraliser, dirait notre collègue Jean Arthuis – la politique budgétaire, afin que les États « vertueux » puissent exercer un contrôle politique suffisant sur la politique des États qu’ils estiment « laxistes ».
Cela exigerait à l’évidence des modifications lourdes, auxquelles il ne peut être procédé qu’à l’unanimité, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi que, sans doute, des révisions constitutionnelles dans un certain nombre d’États, à commencer, me semble-t-il, par la République fédérale d’Allemagne. Il est tout à fait clair que cela n’a presque aucune chance de se réaliser.
C'est pourquoi je suis quelque peu dubitatif, et même inquiet, lorsque je lis certaines déclarations de la Commission européenne, et plus précisément du commissaire au marché intérieur et aux services, feignant de considérer que tous ces problèmes de principe n’en sont pas. J’estime qu’il n’est pas de bonne pédagogie de rester dans l’illusion en la matière.
Restent les solutions qui devraient impliquer la Banque centrale européenne.
Vous le savez, mes chers collègues, la transformation du Fonds européen de solidarité financière, ou FESF, en banque a été proposée pour la première fois par un économiste en chef de la banque Citigroup, dans un article paru en janvier 2011. Cette idée a été reprise au mois d’août par les économistes Daniel Gros et Thomas Mayer. Plusieurs d’entre nous ont relayé cette idée, qui s’est clairement imposée dans le débat européen.
Il existe en vérité d’assez nombreuses formules possibles. Je sais gré à notre nouveau rapporteur général, Nicole Bricq, d’en avoir établi la liste de manière très pédagogique, dans un tableau qui figure dans son rapport écrit ; je vous y renvoie. Six solutions, qui reposent sur des techniques diverses, sont indiquées de A à F. La plupart d’entre elles ne pourront être mises en œuvre que si les attitudes évoluent en Europe, et si, en particulier, nous réussissons à convaincre notre principal partenaire.
Je voudrais vous renouveler ma confiance, monsieur le ministre, à vous-même ainsi que, par votre intermédiaire, au Président de la République : dans ce domaine, notre pays a en effet été extrêmement actif pour faire bouger les lignes, faire évoluer les positions, desserrer le carcan des doctrines, faire preuve, enfin, de réalisme et d’un véritable esprit européen.
Nous savons bien que les solutions proposées lors du sommet du 26 octobre sont insuffisantes, du point de vue tant qualitatif que quantitatif.
On se souvient – je n’entrerai pas dans le détail – que deux techniques ont été retenues : d'une part, un dispositif d’assurance et, d'autre part, un dispositif d’obligations adossées à des actifs. Il s'agit de formules sophistiquées, complexes, qui ne sont pas encore au point. En outre, et de manière paradoxale, ces dispositifs sont de même nature que les produits qui furent, de l’autre côté de l’Atlantique, à la toute première origine de la crise financière actuelle – vous le savez d’ailleurs fort bien, monsieur le ministre.
Ni la titrisation ni le rehaussement de crédit ne sont de nature à apporter la visibilité et la perspective que les marchés et nos partenaires escomptent.
Surtout, monsieur le ministre, du point de vue quantitatif, les formules évoquées à la fin du mois d’octobre ne permettraient de mobiliser que 1 000 milliards d'euros environ. Il est certes étrange de faire précéder un chiffre aussi immense du terme « que », mais souvenons-nous que ces 1 000 milliards d'euros ne représentent que la moitié des besoins de financement ou de refinancement de l’Espagne et de l’Italie pour les années 2012 à 2014.
Le Sénat, j’en suis certain, se tourne vers vous, monsieur le ministre, avec l’espoir que nous saurons sortir des doctrines toutes faites, des carcans qui ne correspondent pas à la réalité, et que les chefs d'État et de gouvernement, peut-être sous l’influence des circonstances mais avec lucidité, sauront tracer des perspectives pour refonder la zone euro, sa gouvernance, ses règles du jeu, afin de la doter véritablement de ce que Jean Arthuis appelle un « règlement de copropriété ».
Vous le voyez, de « colocation » à « copropriété », il existe une continuité toute naturelle dans les raisonnements que nous faisons.
Les semaines et mois qui viennent seront – vous le savez mieux que quiconque, monsieur le ministre – absolument cruciaux. Je suis convaincu que vous pourrez compter sur un très grand nombre de sénateurs pour suivre vos efforts avec grand intérêt, et les appuyer autant qu’il en sera besoin.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les ressources propres ne représentent que 14 % des recettes totales du budget de l’Union européenne, tandis que les deux contributions directes des États, l’une étant fondée sur la TVA et l’autre sur le revenu national brut, en représentent 86 %.
Cette dérive par rapport aux règles fixées en 1970, selon lesquelles l’essentiel des ressources de l’Union européenne doit provenir de ressources propres, constitue une véritable renationalisation des recettes du budget communautaire.
De mon point de vue, cette renationalisation entraîne deux inconvénients : d'une part, l’extrême complexité du dispositif, et, d’autre part, la généralisation de réflexes nationaux conduisant à oublier – Jean Arthuis l’a rappelé tout à l'heure – que l’intérêt de participer à l’Union ne réside pas uniquement dans un calcul budgétaire, et donc à raisonner en termes de juste retour. C’est cette logique qui a conduit à accorder un rabais au Royaume-Uni puis à consentir des rabais sur le rabais à d’autres pays contributeurs nets.
Tout le monde constate que le système actuel a atteint ses limites, mais tout le monde semble s’en satisfaire. On se contente, par des retouches successives, d’ajouter de la complexité à la complexité.
À la suite d’un accord entre les deux branches de l’autorité budgétaire, il a été décidé de revoir cette question dans le cadre des négociations sur les perspectives financières 2014-2020.
La Commission européenne, consciente de la nécessité d’une remise à plat, a formulé des propositions, qu’elle vient d'ailleurs de préciser.
La principale proposition est la création de deux nouvelles ressources propres : d'une part, une partie du produit de la TVA – je rappelle que l’assiette est aujourd'hui utilisée pour calculer une contribution nationale – serait affectée au budget de l’Union européenne ; d’autre part, la fameuse taxe sur les transactions financières, la TTF, serait créée, les deux tiers de son produit étant directement versés au budget de l’Union européenne.
Malheureusement, le Royaume-Uni et la Suède viennent de s’opposer de façon assez catégorique à cette dernière proposition. En revanche, la France et l’Allemagne, ainsi que le Parlement européen, y sont favorables. Notre assemblée s’est elle aussi prononcée en ce sens, par un vote qui a réuni des élus de la majorité et de l’opposition. En effet, cette taxe qui, dans l’idéal, devrait s’appliquer à l’ensemble des États du monde pourrait à la rigueur n’être qu’européenne, voire, au minimum, se limiter aux pays membres de l’Eurogroupe.
Si ces deux nouvelles ressources étaient créées, le pourcentage des ressources propres dans le budget de l’Union européenne passerait de 14 % à 60 %. De mon point de vue, cela constituerait un progrès considérable vers une gouvernance plus intégrée de l’Union. Qui plus est, chaque État retrouverait – j’y insiste – davantage de marges de manœuvre pour son budget national, ce qui, dans les circonstances actuelles, n’est pas négligeable.
Par ailleurs, la Commission européenne propose une réforme radicale des rabais : ceux-ci seraient forfaitisés et leur réévaluation serait interdite. Cette simplification considérable va dans le bon sens.
Monsieur le ministre, dans quel état d’esprit le Gouvernement abordera-t-il cette question ? Que pense-t-il des propositions de la Commission européenne ? Est-il d’accord pour augmenter sensiblement les ressources propres du budget de l’Union européenne – sans pour autant augmenter le budget lui-même ? Approuve-t-il la création des deux nouvelles ressources propres proposées par la Commission européenne ?
Ne faudrait-il pas suggérer la création d’autres ressources, comme, par exemple, un impôt sur les sociétés, des accises sur les carburants, le tabac, l’alcool ou l’énergie, ou encore des ressources fondées sur les quotas de CO2 – ces différentes ressources ont été envisagées puis abandonnées –, voire une taxe sur le commerce des armes ?
Cette réforme peut très bien être intégrée aux réformes institutionnelles qu’induira nécessairement le bilan de la crise actuelle. J’espère que le Gouvernement français jouera, une fois encore, un rôle moteur dans cette nécessaire évolution.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UCR, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les rapporteurs ayant procédé à une analyse précise de la participation de la France au budget de l’Union européenne, je n’y reviendrai pas. Je précise toutefois que je partage nombre des critiques et inquiétudes qui ont été formulées.
Je m’en tiendrai aux aspects généraux de l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, d’autant que, comme cela a été rappelé, nous nous livrons en réalité à un exercice très contraint, puisque le budget de l’Union européenne n’est toujours pas adopté selon des procédures démocratiques.
Sans surprise, puisque c’est le cas depuis un certain nombre d’années, la contribution française sera supérieure aux retours que nous obtiendrons du budget communautaire. De fait, notre pays est, à l’instar de l’Allemagne, contributeur net au budget de l’Union européenne.
Certes, du fait de l’importance de la politique agricole commune dans le budget communautaire, et dans la mesure où cette politique s’est depuis longtemps substituée à toute véritable politique nationale de soutien aux activités agricoles, nous sommes en droit d’escompter un apport significatif dans ce domaine.
Il est cependant évident que le sujet du temps est bien ailleurs et se situe plutôt dans les perspectives actuelles de la construction européenne. Je ne sais d’ailleurs si le terme « construction » est tout à fait approprié, l’Union européenne, et singulièrement la zone euro, étant de plus en plus l’objet de forces centrifuges qui aiguisent les antagonismes et accroissent les profondes inégalités de développement et de niveau de vie entre les différents pays.
Sans refaire l’histoire, on peut même penser que la crise économique à laquelle l’Europe est aujourd’hui confrontée constitue la plus sérieuse épreuve qu’elle ait eu à affronter depuis le traité de Rome, épreuve d’autant plus sérieuse que les causes en sont endogènes et semblent clairement relever de la conception actuelle de l’Union.
L’Europe est un continent vieillissant, dont la population est appelée, au mieux, à croître fort modérément. Cette situation va de pair avec des équilibres économiques qui semblent de plus en plus participer d’une division du travail à l’échelle internationale, les uns – en général les pays du Nord, en particulier l’Allemagne et les Pays-Bas – disposant encore aujourd’hui d’un appareil industriel performant et pertinent, les autres – en général plutôt les pays du Sud – se transformant de plus en plus en économies de services, singulièrement de services touristiques.
Depuis 2008, le tigre celtique irlandais s’est découvert sans griffes, le schéma de la croissance espagnole, tirée par l’immobilier et le moins-disant fiscal et social agricole, a littéralement explosé, la Grèce s’est trouvée confrontée à des difficultés majeures, les maux commencent à frapper durement le Portugal, l’Italie ou encore la Belgique, et certains des pays d’Europe centrale ont été placés sous le contrôle du FMI…
Dans un article récent, le quotidien madrilène El Paĭs indiquait d’ailleurs que seuls cinq des dix-sept pays de la zone euro, à savoir l’Allemagne, les Pays Bas, le Luxembourg, la Finlande et l’Estonie, étaient en situation de respecter les critères de convergence des politiques économiques et budgétaires.
La pression des marchés financiers se fait sans arrêt plus forte sur les États, qui les ont pourtant largement secourus en 2008 et en 2009. Ainsi, bien que la droite ait remporté les élections générales ce dimanche en Espagne, la Bourse de Madrid a connu une nouvelle baisse des valeurs cotées, tandis que le différentiel des taux de moyen et long terme entre les crédits accordés à l’Allemagne et ceux qui le sont à l’Espagne augmentait encore.
Les marchés en veulent toujours plus, et force est de constater que, pour l’heure, la seule réponse des États – traduite dans les Conseils européens – est bel et bien de leur complaire !
Il y a quelque chose qui frappe en ce moment l’Europe, et singulièrement la zone euro, plus sûrement que la dégradation des notes des dettes souveraines. Je vise ici les politiques d’austérité que tous les gouvernements, quelle que soit leur obédience, sont assignés à mener, avec tout ce que cela peut, à la fin des fins, provoquer, à commencer par une crise de défiance envers les institutions communautaires comme envers le fonctionnement institutionnel propre à chaque pays, crise qui ne pourra engendrer que des frustrations, des aigreurs, des sentiments politiques moins démocratiques et moins ouverts que par le passé.
Le repli sur soi, la xénophobie, la recherche de boucs émissaires d’autant plus faciles à identifier qu’ils sont en position de faiblesse, voilà ce qui guette aussi les sociétés européennes si les politiques budgétaires actuelles continuent à suivre le même chemin pour aller dans les mêmes ornières.
Le jour où le budget européen sera synonyme de croissance, de réponse aux besoins sociaux des peuples de l’Europe, le jour où la Banque centrale européenne, plutôt que de s’ériger en vigilante gardienne de l’inflation, aura décidé de venir au secours des États membres et ouvrira un financement destiné aux plus grands projets structurants propres à chaque pays comme pertinents à l’échelle communautaire, ce jour-là, le groupe communiste, républicain et citoyen votera en faveur de la participation de la France au budget de l’Union européenne. Ce jour n’est, hélas ! toujours pas arrivé, et notre groupe ne votera donc pas en faveur de celle-ci cette année encore.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans le contexte de la crise des dettes publiques que nous examinons ce matin l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, article qui fixe, comme chacun sait, le prélèvement annuel sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Ce prélèvement n’est pas neutre, car il s’élève à 18, 878 milliards de francs, soit 7, 6 % des recettes fiscales françaises nettes.
Comme l’ont fort justement souligné MM. les rapporteurs spéciaux, le montant de la contribution de notre pays a été multiplié par cinq en vingt ans, ce qui n’est pas rien. Je rappellerai que le prélèvement sur recettes était seulement de 4, 1 milliards d’euros en 1982.
Malgré quelques périodes de contraction des crédits abondant l’article 30, on observe une hausse tendancielle qui découle de l’évolution géographique et structurelle de l’Union européenne.
La France est ainsi le deuxième État contributeur au budget communautaire, une position solidifiée par l’effet conjugué du cadrage financier 2007-2013 et de la règle des « ressources propres » instaurée en 2007.
Si cet engagement peut paraître conséquent pour le contribuable français, il n’est pas inutile de rappeler combien il fonde la solidarité entre les États européens : si l’on est en droit d’attendre un certain retour, ce dernier ne peut pas être automatiquement proportionné. C’est le principe même de la solidarité.
Cette solidarité, on peut le dire, est mise à rude épreuve depuis le début de la crise en 2008. Au-delà de cet article 30 qui reflète spécifiquement le budget de l’Union européenne, les mesures en faveur de la stabilisation financière en Europe ont démontré la capacité de l’Europe à se retrouver sur le front de la crise. Certes, les négociations ont été difficiles, souvent accaparées par le couple franco-allemand et bien trop longues eu égard à l’urgence grecque ; mais elles ont fini par aboutir à un dispositif de solidarité.
Ce dispositif a deux étages : le mécanisme européen de stabilisation financière, instrument strictement communautaire, et le Fonds européen de stabilité financière, « levier » intergouvernemental qui pourrait permettre de mobiliser 440 milliards d’euros d’ici au 30 juin 2013.
Ces instruments, si imparfaits soient-ils, reflètent néanmoins la prise de conscience par les États membres de la nécessité de sauvegarder l’espace européen.
Je ne prétendrai pas qu’un esprit fédérateur rode en permanence sur la zone euro, mais j’estime que le projet européen n’a rien perdu de son importance au fil du temps et, comme le disait François Mitterrand, le 6 décembre 1983, à Athènes, « je crois à la nécessité historique de l’Europe ».
En tant qu’Européen convaincu, je m’approprie cette affirmation. Pour ma part, je crois toujours, malgré tout, en l’avenir de l’Europe. Mais, comme vous le savez, je pense que notre ensemble est perfectible sur le plan tant politique qu’économique.
Sur ce point, j’ai eu l’occasion de dire la semaine dernière, lors de la discussion générale de la première partie de ce projet de loi de finances pour 2012, qu’il était impératif que les politiques budgétaires européennes convergent sur leur contenu. En effet, l’actuelle diversité d’options dans les politiques nationales aboutit à la survivance d’intérêts qui se concurrencent, et il est urgent, pour ne pas dire très urgent, que les politiques des États membres se fassent plus coopératives.
En attendant des cieux plus cléments pour porter plus haut l’ambition européenne, nous sommes tenus chaque année d’alimenter le budget de l’Union européenne, budget qui constitue non seulement le vecteur de solidarité que je viens d’évoquer, mais aussi un outil de croissance.
Pour autant, malgré les besoins, ce budget ne connaîtra finalement pas une évolution très significative : il est « rigoureux », comme l’a qualifié – avec dépit d’ailleurs, me semble-t-il – le commissaire pour la programmation financière et le budget, Janusz Lewandowski, et en réalité stabilisé, contrairement à ce que pouvait laisser attendre l’avant-projet de budget, qui affichait un montant initial de 132, 7 milliards d’euros pour les dépenses, soit une hausse de 4, 9 % par rapport à 2009.
Les dépenses ont ainsi été réajustées à 129 milliards d’euros samedi dernier à Bruxelles. En revanche, les crédits d’engagement, fixés à 147, 2 milliards d’euros, ont conservé leur « bonus » de 12 milliards d’euros.
Il est certain que la hausse globale des moyens affichée dans l’avant-projet de budget pour 2012 était apparue en décalage avec les efforts qui sont actuellement demandés aux États, lesquels ont un solde public très déficitaire. À l’issue de la procédure budgétaire européenne, on aboutit donc finalement à une relative maîtrise des dépenses publiques.
Cependant, mes chers collègues, il m’apparaît que l’adoption ou non de ce budget est au fond surtout une affaire de principe, car les États, même s’ils n’ont pas minimisé les instruments qu’il contient, ont montré qu’ils plaçaient plus d’espoir dans les mécanismes instaurés en marge de celui-ci.
En conclusion, en se référant aux excellents arguments avancés par les deux rapporteurs spéciaux, Marc Massion et Jean Arthuis, l’ensemble du RDSE s’abstiendra lors du vote de l’article 30.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui revêt incontestablement une importance particulière. Chacun sent bien que l’Europe est à la veille de grands changements. Les chefs d’État et de gouvernement ont su réagir à la crise. Il faut maintenant que les parlements nationaux et l’Union européenne le fassent à leur tour.
Ce qui nous réunit aujourd’hui est le budget communautaire. Il faut partir du constat plutôt navrant que l’Union européenne a été quasiment absente du règlement des crises des trois dernières années. Je rappellerai que, en 2009, ce que l’on appelait le plan de relance européen n’était en vérité que la juxtaposition de vingt-sept plans nationaux, le rôle du budget communautaire étant alors réduit à la portion congrue. Sur 200 milliards d’euros annoncés au titre du plan de relance de l’époque, 170 milliards d’euros provenaient ainsi des budgets des États membres, 25 milliards d’euros des prêts de la Banque européenne d’investissement, 5 milliards d’euros seulement du budget communautaire, répartis sur deux ans.
Le budget communautaire a été absent du plan de relance ; il a également été absent du règlement de la crise grecque. Il y a sans doute des raisons techniques, objectives, à cette situation.
D’abord, le budget communautaire n’a jamais, c’est vrai, été conçu pour être un instrument de relance et de stabilisation budgétaire, comme peut l’être un budget national.
Ensuite, le budget communautaire est encadré par des perspectives financières, ce qui a été une grande avancée qu’il ne faut surtout pas abandonner, mais le principe même de cette programmation s’oppose aux ajustements conjoncturels.
Cela ne peut pas durer. Il nous faut réfléchir à la façon de mieux utiliser la dépense communautaire, voire à la façon d’en faire un outil de la relance et de la croissance.
La première idée qui vient à l’esprit est d’augmenter le budget européen. Nous sommes aujourd’hui à 1 % du revenu national brut européen alors que les décisions sur les ressources propres permettraient de relever ce montant à 1, 23 %. Ce niveau a été adopté en 1992, avec l’accord du Royaume-Uni : c’est dire s’il était considéré à l’époque comme raisonnable !
Les données budgétaires et politiques m’obligent à dire que cette augmentation est aujourd’hui irréaliste. Une telle augmentation impliquerait une augmentation de la contribution de l’Allemagne et de la France de 5 milliards d’euros chacune. L’Allemagne et la France sont-elles prêtes à mettre 10 milliards d’euros de plus au pot commun de l’Union européenne ? La réponse est évidemment non.
L’ensemble des États sont soumis a des contraintes budgétaires telles qu’il paraît peu vraisemblable qu’ils soient disposés à transférer une partie de leur budget au budget communautaire.
Mais il y a une autre raison à cette opposition, raison politique que je vais aborder par une question.
Mes chers collègues, comme tous les citoyens, tous ici vous connaissez ce que vous payez en impôt sur le revenu pour l’État, en taxe foncière et en taxe d’habitation pour votre commune. Si vous cherchiez bien, vous pourriez aussi trouver ce que vous payez pour votre département et pour votre région ; mais qui, ici, sait combien il paie pour le budget communautaire ?
Peut-on augmenter les dépenses sans savoir aujourd’hui qui les paie ? En d’autres termes, il ne peut y avoir une augmentation des dépenses que si le décideur prend la responsabilité de leur financement. Chaque citoyen français paie aujourd’hui 290 euros au budget communautaire. Sommes-nous prêts à lui demander de payer 400 ou 500 euros ? Tout le reste n’est que vain discours…
La question de la relance par le budget communautaire passe donc par la responsabilité fiscale. Le système actuel de financement est totalement opaque, puisque, si ce budget est juridiquement financé par des ressources propres, 85 % de son financement viennent en réalité des contributions nationales issues des impôts nationaux. Ce système ne peut pas durer. La Commission a proposé deux innovations très intéressantes : l’une serait de créer une véritable ressource TVA en lieu et place d’un simple mode de calcul à partir de la TVA perçue ; l’autre serait d’introduire une taxe sur les transactions financières ; Pierre Bernard-Reymond y a fait allusion.
Ces deux propositions me semblent très intéressantes, mais il faut qu’elles soient adoptées par les vingt-sept États membres et par leurs parlements respectifs. Attendons de voir ce qu’il en sortira ! Si aucune avancée n’a lieu, aucune dépense nouvelle ne pourra être décidée. En effet, il ne peut y avoir de dépense sans responsabilité fiscale, sous peine d’en arriver à cette situation ubuesque où l’Europe engagerait des dépenses en les laissant financer par les États.
Le temps est venu de se poser la question de la souveraineté fiscale. Jusqu’à présent, les parlements nationaux n’ont jamais reculé d’un pouce sur ce sujet. Néanmoins, quand on voit ce qui reste de la souveraineté des États membres, il faut accepter ce débat. L'Assemblée nationale et le Sénat sont-ils prêts à faire voter un impôt par le Parlement européen ? S’il faut prélever 1 % ou 2 % de TVA pour un budget communautaire digne de ce nom, ce sera au législateur européen – Parlement et Conseil européen – d’en prendre la responsabilité. Cela ne peut fonctionner qu’à cette condition.
Une solution de repli serait de recourir à l’emprunt. Or financer le budget par ce biais est catégoriquement impossible. L’équilibre budgétaire du budget communautaire par des ressources autonomes a été une exigence de l’Allemagne en 1957 et il est peu vraisemblable que, dans les circonstances actuelles, celle-ci change d’avis, ce en quoi elle aurait raison. Il serait d’ailleurs pour le moins curieux de réduire la dette des États pour augmenter celle de l’Union européenne.
En revanche, il est une voie qui n’est pas suffisamment explorée, alors qu’elle me paraît prometteuse, celle qui consiste à valoriser l’outil bancaire européen en lançant, en marge du budget courant, un grand programme de travaux d’intérêts communs, qu’il s’agisse de l’énergie – nous sommes en plein dedans, si vous voyez ce que je veux dire...
Sourires
En marge des questions budgétaires, il me faut évoquer le rôle des parlements nationaux dans la crise. Nous voyons bien qu’ils ont été exclus et qu’il leur faut inventer quelque chose. Ils doivent trouver leur place dans l’architecture communautaire de demain.
Sur les questions communautaires, le Sénat a toujours été innovant. Le débat de ce jour a une histoire. Je rappelle qu’il découle d’une initiative que prit Christian Poncelet en 1989, lorsqu’il était président de la commission des finances. C’est aussi la Haute Assemblée, qui, la première, a réalisé un fascicule sur les relations budgétaires avec l’Union européenne, rapport qui est à l’origine du « jaune » budgétaire que les spécialistes connaissent bien aujourd’hui. L’année dernière, sous l’impulsion du président Larcher, nous avons adopté, pour la première fois de l’histoire parlementaire européenne, une déclaration commune franco-allemande sur une politique commune, et non des moindres, la PAC.
Je ne doute pas que, dans la période actuelle, le nouveau Sénat saura prendre à son tour des initiatives fortes.
Pourquoi ne pas imaginer, lors de la discussion générale du projet de loi de finances, la présence et l’intervention des présidents des commissions des finances des États membres qui le souhaiteraient ? Plus que jamais, il nous faut maintenant raisonner en Européens.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les éléments d’analyse que je souhaitais apporter à ce débat. Le groupe UMP soutient la proposition du Gouvernement sur la participation de la France au budget de l’Union européenne et votera donc l'article 30.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, oserons-nous dire avec Hamlet que « cette époque est désaxée » ?
Pour la première fois, la commission des finances du Sénat a décidé de s’abstenir sur la participation de la France au budget de l’Union européenne, à hauteur de 18, 8 milliards d'euros, qui fait d’elle le deuxième contributeur européen.
Dans le contexte de crise mondiale et d’austérité budgétaire, la Commission européenne impose – hélas ! à raison – des mesures drastiques aux États membres pour qu’ils tentent d’assainir leurs finances publiques et reviennent à l’équilibre budgétaire. Pourtant, la valeur de l’exemple lui est étrangère, puisqu’elle use d’artifices de présentation : elle minore les crédits, masque l’inflation et pratique la débudgétisation de fonds européens et de politiques communautaires.
Il faut avoir à l’esprit que ces artifices et cette débudgétisation avoisinent les 184 milliards d'euros ! La sincérité, la cohérence, l’équité, sont des principes inhérents au budget que les instances communautaires prônent. Pourquoi ne les mettent-elles pas en pratique ? De surcroît, des écarts considérables ont été constatés entre la prévision et l’exécution du prélèvement. Où se trouve la fiabilité ?
Certes, c’est une tâche ardue que de négocier avec vingt-sept États membres et trois institutions aux priorités différentes. M. Janusz Lewandowski, commissaire européen à la programmation financière et au budget, a pu le constater, les médias soulignant à son propos qu’il veut 1 000 milliards et qu’il a presque autant d’opposants... Faire de lui un ministre des finances et des affaires économiques ne lui donnerait-il pas une légitimité vis-à-vis des États membres et des institutions ? Ne pourrait-il pas devenir un acteur majeur de la nouvelle gouvernance économique ?
En effet, les turbulences de la zone euro ont été amplifiées par l’absence de gouvernance économique. Cette faute qui date de la création de l’euro pèse plus que jamais. La cohérence budgétaire devient aujourd’hui une nécessité absolue pour que l’Union européenne exprime pleinement sa puissance économique.
Les soldes nets sont au cœur du calcul que fait chaque État sur les retours qu’il peut attendre en contrepartie des contributions qu’il aura versées. C’est la négation absolue de l’esprit qui a présidé au paradigme européen. Ces comptes d’apothicaire sont non seulement opposés à l’esprit européen mais contraires aux intérêts de l’Union européenne.
Je veux souligner de nouveau que la solidarité communautaire transcendant les égoïsmes nationaux est un principe fondateur de la construction européenne et conforme à ses intérêts. Malheureusement, il semble aujourd’hui plus utopiste que réellement mis en œuvre. Les égoïsmes nationaux rendent illusoire la notion d’une Europe politique. Les tandems Giscard d’Estaing-Schmidt et Mitterrand-Kohl s’efforçaient de toujours faire passer au premier plan leur vision d’une Europe, puissance politique, traduisant l’intérêt commun à tous les États membres.
Je partage l’analyse des rapporteurs spéciaux sur l’évolution du budget européen. Si l’abstention est symbolique, elle n’en sera pas moins un signal fort pour l’Union européenne. La France prône une augmentation du budget limitée à l’inflation. La maîtrise des dépenses publiques n’est pas seulement une nécessité nationale ; elle est aussi une nécessité européenne.
La consultation auprès des instances nationales intitulée « Réformer le budget, changer l’Europe » a dégagé trois priorités budgétaires : le recentrage des politiques communautaires autour du changement climatique, de la compétitivité et de la sécurité énergétique ; la mise en œuvre du principe de subsidiarité selon lequel la valeur ajoutée communautaire justifiera le choix des dépenses au niveau de l’Union européenne ; la réforme des ressources propres. Ces priorités s’appliquent aux négociations en cours sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, sujet sur lequel les tensions entre les États membres, la Commission européenne et le Parlement européen sont les plus fortes.
Avec le président de la commission des budgets du Parlement européen, Alain Lamassoure, changeons de perspective et regardons l’Europe comme un gisement d’économies à portée de main dans différents domaines !
Ainsi, l’espace Schengen rend inutile la présence de consulats au sein de l’Union européenne. En matière de défense, aucun de nos pays n’ayant les capacités financières de son indépendance, la mutualisation dans une défense européenne générera des économies d’échelle. En outre, les agences de sécurité nationales – alimentaire, aérienne, etc. – font double emploi avec les agences européennes. Enfin, la création du service européen d’action extérieure permet de réduire le personnel des ambassades.
Par ailleurs, monsieur le ministre, quelle est votre position sur les projects bonds visant à investir dans de grands projets d’infrastructures ? Souscrivez-vous, comme je le fais, à la proposition du rapporteur spécial Jean Arthuis de demander un état des lieux sur la justification des rabais et corrections des contributions accordés à certains États ? Que pensez-vous de la mise en place d’un Fonds monétaire européen d’une capacité de prêt de 2 000 milliards d'euros, rattaché à la BCE ?
La construction européenne n’est jamais autant stimulée que lorsqu’elle est confrontée à des crises existentielles majeures. La question budgétaire fournirait-elle l’opportunité d’une évolution, quasiment une révolution dans les esprits et les mœurs, la préfiguration d’une Europe fédérale ?
Le traité de Lisbonne a instauré une procédure budgétaire donnant plus de poids au Parlement européen.
Monsieur le ministre, ne pourrait-on envisager une étape supplémentaire en donnant au Parlement européen la prérogative d’autoriser la levée de l’impôt ? Il s’agirait d’un impôt direct qu’acquitteraient les citoyens européens, qui ne s’ajouterait pas aux impôts nationaux mais se substituerait aux prélèvements sur recettes du budget de l’État. Quelles seraient les implications techniques de cette mise en œuvre en matière d’assiette, de taux, de modalités de recouvrement ?
J’ai déjà formulé cette proposition : il faut maintenant l’explorer. Étant fondamentalement Européen, je reste convaincu qu’un impôt direct serait, d’une part, une expression forte de la citoyenneté européenne et, d’autre part, une prérogative légitime du Parlement européen, qu’il pourrait exercer sur proposition du conseil des ministres des finances des États membres à la majorité qualifiée.
En effet, le Parlement européen doit être beaucoup plus qu’« un simple laboratoire législatif ». Il doit devenir « l’âme de l’Europe », comme l’a élégamment affirmé le Président de la République de Hongrie, Pál Schmitt.
La colonne vertébrale franco-allemande est indispensable, puisque ces pays sont les deux principaux contributeurs au budget européen. Cependant, c’est peut-être de la partie orientale de l’Union européenne – les pays de l’ex-bloc de l’Est –, de leur aspiration à une communauté à la gouvernance nouvelle, celle du « souci de l’âme », que viendront la confiance et l’enthousiasme qui manquent aujourd'hui à l’Europe.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaite faire remarquer qu’il me paraît souhaitable qu’à l’avenir, aux côtés des deux rapporteurs spéciaux et du président de la commission des finances, le président de la commission des affaires européennes intervienne ès qualités dans ce débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne. Je pense que tout le monde en sera d’accord.
Ce sera pour l’an prochain !
Le débat qui nous réunit ce matin est un moment traditionnel dans la discussion du projet de loi de finances et porte sur un sujet susceptible d’évoluer, notamment à la suite des discussions entre la Commission européenne, le Parlement européen et le Conseil européen.
Le rôle des parlements nationaux dans cette discussion est limité, d’autant que le mode de calcul de ce prélèvement est automatique et découle de nos engagements européens. Aussi mon intervention sortira-t-elle un peu du cadre strict de l’examen de l’article 30 pour évoquer l’ensemble des questions budgétaires européennes.
Il faudra sans doute évoquer aussi le rôle du Parlement dans la définition de la position de la France au Conseil européen, sur ces sujets : étant appelés à voter ce budget, il serait souhaitable que les parlementaires nationaux puissent contribuer à fonder la position de la France en la matière. Il aurait par exemple été bienvenu que le Gouvernement débatte avec la représentation nationale du contenu de ce qu’il est convenu d’appeler la « lettre des cinq » de décembre 2010.
Le budget européen est avant tout utile, bien qu’il reste modeste puisqu’il représente aux alentours de 1 % du revenu national brut européen. Il est, par ailleurs, géré de façon très stricte, même s’il est sans doute toujours possible de faire mieux, et il doit être voté à l’équilibre ; c’est là une différence essentielle avec les budgets nationaux...
À cet égard, je tiens à redire ici que l’Union européenne n’est pas, loin s’en faut, la cause des déboires actuels des finances publiques des États membres.
Ce budget permet le financement de politiques essentielles pour les citoyens de toute l’Europe. Je pense bien sûr à la PAC et à la politique de cohésion, que nous devons défendre sans relâche, notamment dans le cadre de la discussion sur les perspectives financières 2014-2020. Nul ne remet en cause l’intérêt de ces politiques pour nos territoires. Je ne ferai pas la liste des politiques européennes qui ont fait la preuve de leur utilité, y compris quand elles n’offrent pas de retour comptable direct dans tel ou tel État membre…
La dimension européenne de ces politiques est d’ailleurs en elle-même un gage d’efficacité de la dépense publique : elle permet de réduire des dépenses qui seraient autrement prises en charge par les budgets nationaux avec, sans doute, un coût plus important pour chacun.
Pour autant, dans cette période de contraction budgétaire, on peut comprendre le souhait des États membres de ne pas augmenter démesurément les contributions nationales au budget européen.
En fait, il y a une contradiction forte entre le souhait de chaque État de minimiser sa contribution au budget européen et la volonté de chacun de maximiser les retours nationaux, dans une logique purement comptable, qui oublie la plus-value du projet européen. Or c’est ce dernier qui est essentiel !
Les difficultés budgétaires des États sont réelles, notamment pour ce qui est de la France. Mais ces difficultés s’expliquent aussi par l’absence de solution européenne à la crise.
La réponse à la crise est européenne et politique. L’Europe doit, non pas se borner à organiser la concurrence entre les États, comme elle le fait trop souvent, mais, et c’est tout le sens du projet que nous portons, construire la solidarité sur notre continent.
Pour autant, les besoins de financement de l’Europe sont importants. Il ne s’agit pas de dépenses excessives, mais elles doivent permettre à l’Union d’être un levier pour la croissance, notamment au travers de la mise en œuvre de la stratégie 2020.
Si l’on veut ne pas augmenter le budget de l’Union, il faut préciser les programmes qui devront être touchés : la PAC, la politique de cohésion, l’environnement, les politiques de solidarité, le soutien à la recherche ou la gestion des flux migratoires ?
Le gel budgétaire entériné par le trilogue de vendredi dernier laisse craindre, aux dires de la Commission elle-même, que « toutes les obligations financières à l’égard des bénéficiaires des fonds européens » ne puissent être honorées en 2012. Toucher au budget de l’Union, c’est d’abord toucher aux budgets des politiques que nous soutenons tous dans cet hémicycle.
Le rôle de l’Union européenne n’est pas d’être le fer de lance d’une austérité renforcée, j’insiste sur ce point. Soyons vigilants face aux propositions de certains États membres de sanctionner ou de pousser d’autres États vers la sortie dès lors que leurs politiques ne respecteraient pas le pacte de stabilité ! Quel pays, d’ailleurs, le respecte aujourd’hui ?
L’austérité ne peut être érigée en objectif commun ni être un critère pour désigner qui est un bon ou un mauvais État membre. L’Union européenne ne doit pas devenir une « Union de l’austérité ».
Soyons également vigilants dans l’examen des nouvelles propositions que la Commission européenne doit faire, aujourd’hui, pour une surveillance accrue des budgets des États membres, et qui devraient renforcer encore la réforme du pacte de stabilité, laquelle vient pourtant d’être adoptée par le conseil Ecofin du 8 novembre dernier, sans que soient d’ailleurs prévues des obligations en termes de croissance et de relance économique.
L’Union européenne ne doit pas non plus devenir un simple pôle de contrôle technocratique des budgets des États membres, ni ériger la méfiance et les sanctions envers ces derniers comme principe de gestion des politiques et des objectifs communs.
Une confusion est aujourd’hui savamment entretenue entre la vision d’un fédéralisme budgétaire, qui se traduirait par une surveillance macroéconomique accrue de 27 budgets différents, et celle qui privilégierait une plus grande mise en commun de moyens par un effet de mutualisation et de transfert de la capacité fiscale, pour percevoir des ressources qui seraient versées à un budget européen, en partie fédéral.
Telle est la définition du fédéralisme, monsieur le ministre : une intégration plus poussée, pour donner une plus grande impulsion à des projets communs, sans d’ailleurs céder plus de souveraineté. Ce n’est en tout cas pas la promotion d’une Europe à quelques-uns, fonctionnant sur le mode intergouvernemental, régie par des outils de contrainte qui verrouilleraient à l’échelon national toute marge de manœuvre politique et économique.
Le fédéralisme ne revient pas non plus à décider ensemble ce que les États membres doivent faire seuls.
Si l’on veut que l’Europe soit plus que cela, alors elle a besoin d’un budget, certes bien géré, mais à la hauteur de ces ambitions. Le budget européen est un budget d’investissement, qui vient compléter ou suppléer les politiques et actions des États membres. Le réduire, c’est diminuer les marges de manœuvre des États, en les privant de tout soutien pour pratiquer des politiques de relance et de croissance dans les territoires.
À cet égard, permettez-moi de revenir un instant sur la question de la conditionnalité des aides appliquée à la politique de cohésion, qui est évoquée par la Commission. Il s’agirait de conditionner les aides européennes au respect, par les États, des niveaux d’endettement et de déficit fixés par les textes européens.
Monsieur le ministre, je le répète fermement ici, cette orientation n’a pas de sens. D’abord, elle fait peser sur les collectivités aidées par ces fonds le prix de la gestion budgétaire des autorités nationales, sur laquelle les collectivités ne pèsent pas. Ensuite, elle conduirait à affaiblir plus encore les pays en difficulté, alors même que l’Europe doit les aider, notamment en participant au renforcement de la croissance.
Les fonds structurels aident justement les territoires à être vecteurs de croissance et d’emploi. Retirer ce soutien, alors même que les États ont des difficultés pour soutenir les territoires, n’a pas de sens. J’invite d’ailleurs chacun à réfléchir aux conséquences qu’une telle décision aurait pour notre pays dans les conditions macroéconomiques actuelles. Bref, ce serait scier la branche sur laquelle nous sommes assis !
Un budget de crise ne peut donc se traduire par un désengagement des États membres, puisque le budget européen, par définition, ne fonctionne pas sur le principe « un euro donné, un euro perçu ». Il constitue un levier pour la conduite des politiques nationales et doit être mis au service de la relance économique et sociale. Parler de gouvernance économique aujourd’hui, c’est aussi parler de croissance et d’investissements !
La France, comme d’autres États membres, doit sortir du double discours visant à faire croire qu’il faut plus d’Europe, mais sans les moyens correspondants. Notre engagement européen a un coût ; il faut l’assumer !
Sans doute est-il nécessaire que l’Europe dépense mieux, mais on ne peut demander à l’Union de faire plus avec moins de moyens. La seule réelle solution, d’autres l’ont évoqué avant moi, est d’avancer sur la question des ressources propres, pour sortir du dilemme qui paralyse aujourd’hui les États : financer un budget européen dans un contexte de déficits publics massifs et généralisés.
L’Union n’est pas une simple juxtaposition d’États ou la somme de vingt-sept destins nationaux parallèles. Il doit en être de même pour son budget, qui ne doit pas être la somme de vingt-sept contributions nationales déconnectées, mais avoir une portée plus fédérale.
Pourtant, face à ces évidences, le Gouvernement reste, pour une fois, curieusement silencieux, alors qu’il soutient qu’il faut plus d’Europe. Nos propositions de sources nouvelles de financement du budget européen sont déjà connues ; elles sont crédibles et font leur chemin, ce dont nous nous félicitons. Permettez-moi de les rappeler : affectation d’une partie des recettes des enchères des quotas d’émission de gaz à effet de serre, taxe européenne sur les bénéfices des sociétés, affectation d’une partie des recettes d’une taxe européenne sur les transactions financières.
La création d’une taxe sur les transactions financières a fait l’objet de multiples propositions ces derniers mois, propositions pas tout à fait cohérentes, d’ailleurs, et pas assez ambitieuses. Il est nécessaire de réaffirmer qu’une telle taxe doit servir au financement de l’économie réelle, à la régulation et au contrôle des flux financiers et de la spéculation sur les marchés.
Or, ni la proposition conjointe de la France et de l’Allemagne ni celle de la Commission européenne ne sont aujourd’hui à la hauteur d’une telle ambition : taux trop faible ; périmètre insuffisant ; affectation de son produit trop dispersée pour produire un effet de levier ; adoption prévue à l’unanimité, qui pourrait conduire à son application au niveau de la seule zone euro par une coopération renforcée ; désaccord sur son entrée en vigueur, qui conditionne son efficacité pour financer une politique de relance au niveau européen.
Vous aurez remarqué que, dans mon intervention, j’ai plusieurs fois, et à dessein, utilisé le terme de « relance », qui me paraît essentiel.
Alors qu’elle devrait utilement devenir une nouvelle ressource propre pour alimenter un budget européen tourné vers la relance et la croissance, la proposition de la Commission indique que le montant du produit de cette taxe serait affecté en tout ou partie à la réduction des contributions des États membres au budget européen, ce qui empêcherait, au final, d’augmenter sensiblement les ressources dudit budget. Cette position correspond d’ailleurs à la philosophie générale du Gouvernement sur la question des ressources propres.
Si les sommes levées étaient réparties entre le budget européen et les budgets nationaux, selon le taux proposé, il ne resterait que 22 milliards d’euros pour l’Europe. Dans ces conditions, nous nous inquiétons du résultat des négociations sur cette proposition.
C’est à ce niveau que doivent se placer le débat d’aujourd’hui sur l’article 30 et – c’est plus important – les discussions sur les perspectives budgétaires 2014-2020. Il ne faut pas sacrifier l’Europe que nous voulons sur l’autel du « dépenser moins », au risque de devoir, dans chacun des vingt-sept pays européens, dépenser plus pour compenser l’effacement de l’Union européenne.
Nous ne pouvons, pour toutes ces raisons, accepter les positions prises par la France à l’égard de ce budget européen pour 2012 et à l’égard du futur cadre général 2014-2020, car, sans l’Europe, sans un véritable budget européen, et en dépit de tous les contrôles renforcés sur les budgets nationaux, nous ne pourrons nous en sortir tout seuls.
Le groupe socialiste-EELV s’abstiendra donc sur l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, comme les deux rapporteurs spéciaux de la commission des finances et, j’ai cru le comprendre, l’ensemble des groupes, à l’exception du groupe UMP.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les instances européennes sont sur le point d’arrêter leur projet de budget pour l’année 2012.
À l’échelon de l’Union européenne, comme à celui des États membres, l’heure est décidément à l’austérité. Nous ne connaissons pas encore le niveau réel du budget 2011, mais nous savons qu’il sera à peine supérieur au budget de l’an passé.
Les discussions, à Bruxelles, vont en effet se solder par une augmentation d’environ 2 % du budget européen par rapport à l’année en cours, soit à peine de quoi compenser les effets de l’inflation, située au même niveau, selon les chiffres les plus récents d’Eurostat et de la Banque centrale européenne. Le problème est que, dans ce contexte, l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, que nous examinons, n’a pas beaucoup de sens.
En effet, il recouvre à la fois la ressource dite « TVA », soit la part de la TVA réservée au financement de l’Union européenne, et la ressource attribuée en fonction du revenu national brut de notre pays, c’est-à-dire deux types de recettes qui ne sont pas calculées de la même façon, ne renvoyant pas à la même réalité et ne reposant pas sur les mêmes assiettes.
En outre, la somme avancée est, selon toute vraisemblance, en décalage avec la réalité, puisque, au cours des vingt dernières années, jamais l’évaluation initiale du prélèvement sur recettes ne s’est révélée juste – elle fut tantôt supérieure, tantôt inférieure –, sauf à de très rares exceptions ou grâce à des « effets d’optique ».
À partir de là, je vois mal comment nous pourrions ne pas nous abstenir purement et simplement sur cet article.
À cet égard, je saisis l’occasion qui m’est donnée pour élargir le débat. Cette somme de 19 milliards d’euros représentant la contribution française au budget de l’Union européenne est tout à la fois trop faible et trop importante.
Elle est trop faible, parce que nous savons déjà que le budget de l’Union européenne, tel qu’il vient d’être adopté, ne suffira pas à son bon fonctionnement pour l’année 2012.
Nous savons aussi qu’il est trop largement déconnecté des objectifs qu’il est supposé atteindre.
Les discussions qui se terminent à Bruxelles rappellent tristement celles de l’an dernier, à l’issue desquelles les propositions de nos collègues parlementaires européens avaient été repoussées par les États membres. À l’époque, les gouvernements nationaux avaient refusé d’augmenter le budget communautaire de plus de 2, 9 % par rapport à 2010.
Le résultat est là : le Parlement européen a révélé très récemment, le 7 novembre dernier, que l’Union avait urgemment besoin de 550 millions d’euros supplémentaires pour pouvoir terminer l’année sans devoir couper dans des programmes aussi importants que le Fonds social européen, dont il est inutile ici de rappeler le rôle qu’il joue dans nos territoires, en particulier dans les plus en difficultés.
Pourtant, l’histoire se répète. Loin de retenir la leçon, nous reproduisons aujourd’hui exactement la même erreur. Avec un budget prévisionnel pratiquement stable en euros constants, nous serons, à la fin de l’année prochaine, loin du compte.
Dans leurs propositions, la Commission européenne et le Parlement européen tablaient, tous les deux, sur une augmentation du budget global proche de 5 %. Il s’agissait là d’une augmentation, certes importante, mais surtout cohérente compte tenu des compétences, en plein développement, de l’Union européenne.
Aussi, il est fort probable que, d’ici à la fin de l’exercice 2012, plusieurs centaines de millions d’euros, au moins, manqueront de nouveau au budget de l’Union pour remplir les missions que nous lui attribuons.
Mais cette somme est également trop importante dans la mesure où nul ne peut se satisfaire d’une situation dans laquelle le budget communautaire, théoriquement autonome des budgets nationaux, dépend à ce point des finances des États membres.
En effet, ce qu’on appelle les « ressources propres traditionnelles » de l’Union européenne ne représente, aujourd’hui, que 14 % de son budget global, contre 86 % pour les ressources apportées par les États membres, alors que ces dernières ne sont censées servir, initialement, qu’à d’éventuels rééquilibrages.
La situation qui en découle est quelque peu ubuesque, si je peux me permettre ce terme.
D’un côté, la Commission européenne, dans ses recommandations, demande aux États membres plus de rigueur budgétaire. De l’autre, ces mêmes États sont déjà contraints financièrement à plus d’austérité pour ne pas être déclassés par les marchés financiers.
Parallèlement, afin d’être en mesure de mener non seulement des politiques d’investissement pour l’avenir du continent, mais aussi des politiques de rééquilibrage et de cohésion économique et sociale au sein de l’Union, les institutions européennes réclament l’accroissement du budget fédéral.
C’est là que réside, en effet, le paradoxe : sans une politique hardie de relance de l’économie à l’échelle européenne, la multiplication des plans nationaux d’austérité risque fort de condamner le plus grand et le plus riche marché régional de la planète, c’est-à-dire l’espace européen, à une longue et douloureuse spirale récessionniste.
Dans les années quatre-vingt, on utilisait une étrange et belle expression, celle du « coût de la non-Europe », pour désigner le coût économique et financier de la non-réalisation du marché intérieur.
Il serait aujourd’hui parfaitement opportun de parler du coût de la non-fédéralisation de l’Europe, et peut-être plus encore du coût économique et financier de l’absence de véritable gouvernance économique et politique de l’Union.
La crise actuelle des dettes souveraines nous renvoie directement et violemment à l’absence de gouvernance économique et politique qui a suivi l’instauration de la monnaie unique.
Bien sûr, depuis les années quatre-vingt, il s’est tout de même établi une forme de gouvernance européenne minimale, au travers du trilogue Conseil européen, Commission européenne et Parlement européen. Pour être honnête, il faudrait d’ailleurs comptabiliser, dans cette gouvernance baroque, au moins deux autres acteurs : les marchés financiers et le FMI, appelé à jouer un rôle de plus en plus important.
Puisque j’en suis à réhabiliter quelques vieilles et belles formules des années quatre-vingt, je n’oublierai pas de souligner le profond déficit démocratique qui caractérise le fonctionnement de ce substitut de gouvernance européenne censé aujourd’hui orienter l’Union.
Nous devons, plus que jamais, remettre l’Europe au cœur de nos politiques, et la démocratie au centre d’une Union qu’il faut absolument rapprocher de ses citoyens.
Nous devons mutualiser une partie de nos dettes, les emprunts et les investissements de nos États, pour que la solidarité européenne devienne, enfin, plus qu’une esquisse laissée à l’abandon.
Nous devons donner aux institutions communautaires des moyens autonomes et à la hauteur des défis qu’elles ont devant elles.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je dois vous faire un aveu. Je ressens aujourd’hui plus d’amertume que d’autosatisfaction à voir nos dirigeants européens et nationaux commencer à peine, et avec une terrible timidité, à considérer comme potentiellement justes et opportunes à la lumière de la crise que nous traversons, des solutions politiques et économiques pour l’Europe, que, pendant trois décennies, bien souvent sous les sarcasmes, j’ai prônées, en tant qu’écologiste et plus encore en tant que fédéraliste européen.
Oui, cela fait plusieurs décennies que, à la suite d’Altiero Spinelli, un des pères de l’Europe démocratique, nous demandons, plus qu’une gouvernance minimale de l’Union, un véritable gouvernement économique et politique de nature fédéral et véritablement démocratique pour l’Europe.
Oui, voilà désormais près de trois ans que, dans la foulée de la crise financière de l’automne 2008, les écologistes et fédéralistes européens préconisent l’émission d’euro-obligations par la Banque centrale européenne, la mise en place d’un grand emprunt européen, pour faire face à l’endettement financier des États membres et assurer une relance saine et durable de nos économies.
Oui, voilà plus d’une décennie que nous prônons l’instauration d’une taxe sur les transactions financières, à la fois pour réguler la folie spéculative qui s’est emparée des marchés et pour doter, enfin, l’Union européenne de ressources propres à la hauteur de ses besoins croissants.
Sur ce dernier point, nous demandons au Gouvernement de faire clairement connaître sa position sur le projet de taxe sur les transactions financières, tel qu’il a été repris très récemment par le président de la Commission, M. José Manuel Barroso. S’il s’y est dit favorable, le Gouvernement se garde bien de donner quelque détail que ce soit, tandis que certains de ses alliés conservateurs commencent déjà à en rejeter les prémisses.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je formerai, en conclusion, un triple vœu pour l’Union européenne : plus de politique européenne, plus de solidarité européenne, et des moyens communautaires réinventés. Ce serait un triptyque infiniment plus utile qu’une simple ligne au milieu d’une loi de finances comptant des centaines de pages. Il est de notre responsabilité de garder à l’esprit cet impératif.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, messieurs les rapporteurs spéciaux, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de présenter devant vous les crédits inscrits à l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, relatifs au prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
La contribution française, évaluée à 18, 878 milliards d’euros pour 2012, est en augmentation par rapport à l’année dernière, puisque la prévision d’exécution du prélèvement sur recettes pour 2011 s’établit à 18, 2 milliards d’euros.
Vous avez parfaitement raison, monsieur le rapporteur Massion, d’avoir rappelé que ce débat budgétaire se déroule dans un contexte particulier. À cet égard, monsieur Gattolin, il ne s’agit pas de savoir si le budget européen est trop élevé ou pas assez ; vous-même avez défendu successivement ces deux hypothèses ! Il nous faut mener une réflexion plus globale.
Monsieur le rapporteur Arthuis, j’ai bien noté votre révolte.
Je sais que, dans votre esprit, la révolte est meilleure que l’indignation, puisqu’elle conduit généralement à l’action, selon la vision camusienne.
Rappelons l’essentiel : notre contribution est le prix à payer pour permettre à la France et à l’Europe d’être au rendez-vous du xxie siècle. C’est le prix pour que l’Europe soit un véritable moteur, une puissance au service non pas des intérêts nationaux, mais d’un espace commun de valeurs et de démocratie.
C’est la raison pour laquelle il faut mettre l'Union européenne en mesure de financer les dépenses d’avenir, porteuses d’un grand espoir. Je pense, par exemple, à Galileo et GMS, ainsi qu’au développement de l’économie verte.
Ces 18, 878 milliards d’euros ne peuvent masquer, bien sûr, l’élan européen. Malgré les difficultés que nous rencontrons, nous devons nous donner les moyens de nos politiques communes.
Il importe de faire reposer ce projet que bâtit l’Europe sur des bases raisonnables, en pleine harmonie avec la réalité vécue par les États. Comment imaginer qu’il puisse être déconnecté du contexte de crise mondiale que nous connaissons ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, la contribution française au budget européen est, comme vous le savez, calculée sur la base de la position exprimée par le Conseil. Je suis particulièrement satisfait aujourd’hui du compromis qui a été trouvé, dans la nuit de vendredi à samedi, entre le Conseil et le Parlement européens. Le montant des crédits de paiement qui a finalement fait consensus est celui que le Conseil avait adopté, soit 129 milliards d’euros. Le prélèvement aujourd’hui soumis à votre vote garde donc toute sa validité.
Ma satisfaction sur ce compromis est grande, car nous sommes parvenus à ramener plus de raison dans les ambitions affichées dans le cadre du débat budgétaire européen. Celui-ci avait débuté sur des bases inacceptables, qui entendaient exonérer totalement le niveau européen des contraintes budgétaires pesant sur les États membres.
Comme vous le savez, le prélèvement sur recettes, bien qu’il retrace les recettes collectées pour le compte de l’Union, est inclus depuis 2008 dans la norme de dépenses de l’État, assise sur la règle du « zéro valeur », particulièrement contraignante. Le Gouvernement français est pleinement conscient de la nécessité de défendre constamment la maîtrise des dépenses et la bonne gestion financière, dans les instances européennes comme au sein de chaque État membre.
Je le redis, le budget européen ne peut s’exonérer des contraintes budgétaires nationales. J’attire votre attention sur ce point : ce ne serait pas populariser l’Europe que de demander à nos concitoyens de faire des efforts sur le plan intérieur tout en faisant preuve de laxisme pour les dépenses communautaires.
La Commission avait présenté en avril dernier un projet de budget affichant une croissance de 3, 7 % des crédits d’engagement et de 4, 9 % des crédits de paiement. Le Conseil a, par la suite, adopté une position limitant la progression à 2, 02 %, laquelle atteint finalement 1, 86 % compte tenu du budget 2011 révisé.
Outre des efforts de maîtrise des dépenses renforcés par rapport à l’année dernière, nous sommes en mesure de prévoir une budgétisation au plus près des besoins réels, sans pour autant dégrader les ambitions européennes.
J’y insiste, le budget 2012, tel qu’il a été revu et voté de façon consensuelle, est un réel budget d’action, ambitieux, centré sur des besoins réels en crédits de paiement, en fonction des prévisions d’exécution de chaque rubrique.
Les crédits en faveur de la politique de cohésion, pour ne citer qu’eux, augmenteront ainsi de 5, 2 % par rapport à 2011. La France assume sa position en la matière, contrairement aux contre-vérités que j’entends parfois : ce n’est pas parce qu’il en appelle à la discipline budgétaire que notre pays prône le démantèlement de la politique de cohésion.
Le Gouvernement a fait preuve d’une grande détermination dans le débat de cette année, en faisant valoir à la fois le montant de la dépense communautaire et l’indispensable amélioration de sa qualité et de son efficacité.
Je le répète une fois de plus, il défend l’idée selon laquelle il faut dépenser mieux, pas forcément plus. Plus d’Europe ne signifie pas une Europe plus chère. L’objectif est de parvenir à une Union mieux gérée et orientée vers des objectifs de croissance.
Pour avancer, la politique européenne doit reposer sur le tryptique « discipline budgétaire, solidarité, croissance et relance ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’évoquerai maintenant un sujet qui m’est cher, dont le Sénat s’est intelligemment et brillamment emparé, par la voix notamment de MM. Bizet, Bernard-Reymond et de Montesquiou ; je veux parler des ressources propres.
Je partage totalement le constat que vous avez fait, messieurs, sur l’essoufflement du système actuel de financement du budget européen, enserré dans la logique du « juste retour », héritée d’une formule thatchérienne. Il faut lutter contre ce marchandage perpétuel, qui consiste à dire : « J’ai donné tant, alors j’attends tant en retour ! » Cela correspond à une politique totalement dépassée aujourd’hui, car pesante et handicapante pour le budget européen.
La France est donc ouverte à une réflexion sur une réforme. Celle-ci aura lieu dans le cadre du débat sur les perspectives financières 2014-2020, qui est engagé depuis le mois de juin et qui va se poursuivre tout au long de l’année 2012.
La politique française est nette : nous sommes pour un système plus simple, plus transparent et plus juste. Cela signifie, en clair, que nous sommes opposés à la pérennisation du système des rabais, porteur de handicaps considérables par rapport aux objectifs que je viens d’exposer.
Face aux pistes de nouvelles ressources, vous le savez, la position de la France est parfaitement définie. Elle est favorable à la création d’une taxe sur les transactions financières. Je rappelle seulement à M. Sutour et à l’ensemble des sénateurs ici présents qu’en vertu des règles de fonctionnement de l’Union européenne la France ne peut pas imposer ce qu’elle souhaite à l’ensemble des vingt-sept autres États membres ! Ce serait contraire aux principes que nous défendons de respect de la démocratie et de l’autonomie des États membres. Elle ne peut pas davantage imposer au monde entier une taxation sur les transactions financières !
Quoi qu’il en soit, toute nouvelle ressource propre devra venir en déduction des contributions nationales actuelles. Les contributions nationales doivent, en effet, s’effacer devant des ressources propres qui impulsent au budget la dynamique nécessaire à la recherche de la croissance indispensable, tout en l’orientant vers la discipline.
Quand l’heure est aux politiques de discipline budgétaire pour les États membres, il faut que l’Europe soit porteuse de grands projets et de croissance.
En ce qui concerne la question du financement des grands travaux européens, soulevée à juste titre par MM. Bizet et de Montesquiou, vous savez que la Commission a proposé la création de project bonds. Soyons ouverts au recours à ces instruments financiers innovants, sous réserve, bien sûr, que l’encadrement soit suffisant. Nous souhaitons qu’ils portent sur des projets dont la rentabilité socio-économique est prouvée, avec une implication de la Banque européenne d’investissement et des garanties claires sur l’absence de risque pour le budget communautaire. J’y vois l’un des éléments qui méritent d’être encouragés, en particulier dans les perspectives budgétaires 2014-2020.
Concernant la problématique de la débudgétisation qu’a évoquée M. Massion, notre attachement à la sincérité budgétaire est total. Et nous nous opposons à l’idée que l’on puisse sortir du cadre financier 2014-2020 de grands projets comme ITER ou GMES. De tels choix fausseraient, de toute évidence, la sincérité du budget tel qu’il nous est présenté.
Sur les perspectives financières, la position de la France est également claire. Elle souhaite que l’on dépense mieux et pas forcément que l’on dépense plus. C’est tout aussi clairement qu’elle exige la stabilisation de l’une des principales politiques communautaires, la politique agricole commune. Enfin, elle souhaite, là encore clairement, que, dans le cadre de l’agenda 2020, on s’oriente vers une politique qui, plutôt que de réduire les moyens, les oriente sans ambiguïté vers la croissance, la compétitivité et l’emploi.
Dans la compétition mondialisée à laquelle l’Europe se trouve confrontée, elle ne peut pas s’affranchir d’une vision prospective qui conjugue espoir, croissance et emploi. La réindustrialisation, les énergies renouvelables, la recherche sont des points forts qui, éventuellement conjugués avec des projects bonds, peuvent permettre à l’Europe de suivre l’exemple français et de dépasser l’approche purement comptable du budget, pour l’aborder dans une perspective financière de croissance.
M. le président Marini a affirmé son soutien, et je salue, une fois de plus, sa compétence et la pertinence de ses propositions.
Je partage son analyse sur la situation de l’Europe, à la croisée des chemins, et sur la nécessité de franchir une étape décisive. Le couple franco allemand est, je le sais, le moteur indispensable à ce franchissement d’étape.
La détermination du Président de la République sera un élément essentiel pour le passage à une autre Europe, une Europe nouvelle qui soit plus déterminée dans ses ambitions, non contrainte par un budget directement dépendant des États membres, et capable de définir des perspectives d’avenir.
Solidarité, discipline budgétaire, croissance, tels doivent être les objectifs de l’Europe. Contrainte de passer obligatoirement par une étape de fédéralisme économique, l’Europe doit définir son avenir, et pour cela elle pourrait s’inspirer de la réflexion actuellement menée par M. Arthuis sur ce que devra être demain la gouvernance de la zone euro.
Au terme de cet exposé, j’ai l’honneur de demander, au nom du Gouvernement, à votre assemblée, mesdames, messieurs les sénateurs, d’approuver l’article 30 du projet de loi de finances.
La révolte doit mener à l’action, disions-nous. Et, si le Gouvernement partage les réflexions sur les perspectives 2014-2020 que vous avez exprimées aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, il n’en reste pas moins qu’un budget doit être voté pour que l’Europe, porteuse d’espoir et de démocratie, puisse continuer à fonctionner.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, applaudit également.
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2012 à 18 878 273 000 €.
Je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 30.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que la commission a recommandé l’abstention et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 53 :
Le Sénat a adopté.
Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Didier Guillaume.