Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est dans le contexte de la crise des dettes publiques que nous examinons ce matin l’article 30 du projet de loi de finances pour 2012, article qui fixe, comme chacun sait, le prélèvement annuel sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Ce prélèvement n’est pas neutre, car il s’élève à 18, 878 milliards de francs, soit 7, 6 % des recettes fiscales françaises nettes.
Comme l’ont fort justement souligné MM. les rapporteurs spéciaux, le montant de la contribution de notre pays a été multiplié par cinq en vingt ans, ce qui n’est pas rien. Je rappellerai que le prélèvement sur recettes était seulement de 4, 1 milliards d’euros en 1982.
Malgré quelques périodes de contraction des crédits abondant l’article 30, on observe une hausse tendancielle qui découle de l’évolution géographique et structurelle de l’Union européenne.
La France est ainsi le deuxième État contributeur au budget communautaire, une position solidifiée par l’effet conjugué du cadrage financier 2007-2013 et de la règle des « ressources propres » instaurée en 2007.
Si cet engagement peut paraître conséquent pour le contribuable français, il n’est pas inutile de rappeler combien il fonde la solidarité entre les États européens : si l’on est en droit d’attendre un certain retour, ce dernier ne peut pas être automatiquement proportionné. C’est le principe même de la solidarité.
Cette solidarité, on peut le dire, est mise à rude épreuve depuis le début de la crise en 2008. Au-delà de cet article 30 qui reflète spécifiquement le budget de l’Union européenne, les mesures en faveur de la stabilisation financière en Europe ont démontré la capacité de l’Europe à se retrouver sur le front de la crise. Certes, les négociations ont été difficiles, souvent accaparées par le couple franco-allemand et bien trop longues eu égard à l’urgence grecque ; mais elles ont fini par aboutir à un dispositif de solidarité.
Ce dispositif a deux étages : le mécanisme européen de stabilisation financière, instrument strictement communautaire, et le Fonds européen de stabilité financière, « levier » intergouvernemental qui pourrait permettre de mobiliser 440 milliards d’euros d’ici au 30 juin 2013.
Ces instruments, si imparfaits soient-ils, reflètent néanmoins la prise de conscience par les États membres de la nécessité de sauvegarder l’espace européen.
Je ne prétendrai pas qu’un esprit fédérateur rode en permanence sur la zone euro, mais j’estime que le projet européen n’a rien perdu de son importance au fil du temps et, comme le disait François Mitterrand, le 6 décembre 1983, à Athènes, « je crois à la nécessité historique de l’Europe ».
En tant qu’Européen convaincu, je m’approprie cette affirmation. Pour ma part, je crois toujours, malgré tout, en l’avenir de l’Europe. Mais, comme vous le savez, je pense que notre ensemble est perfectible sur le plan tant politique qu’économique.
Sur ce point, j’ai eu l’occasion de dire la semaine dernière, lors de la discussion générale de la première partie de ce projet de loi de finances pour 2012, qu’il était impératif que les politiques budgétaires européennes convergent sur leur contenu. En effet, l’actuelle diversité d’options dans les politiques nationales aboutit à la survivance d’intérêts qui se concurrencent, et il est urgent, pour ne pas dire très urgent, que les politiques des États membres se fassent plus coopératives.
En attendant des cieux plus cléments pour porter plus haut l’ambition européenne, nous sommes tenus chaque année d’alimenter le budget de l’Union européenne, budget qui constitue non seulement le vecteur de solidarité que je viens d’évoquer, mais aussi un outil de croissance.
Pour autant, malgré les besoins, ce budget ne connaîtra finalement pas une évolution très significative : il est « rigoureux », comme l’a qualifié – avec dépit d’ailleurs, me semble-t-il – le commissaire pour la programmation financière et le budget, Janusz Lewandowski, et en réalité stabilisé, contrairement à ce que pouvait laisser attendre l’avant-projet de budget, qui affichait un montant initial de 132, 7 milliards d’euros pour les dépenses, soit une hausse de 4, 9 % par rapport à 2009.
Les dépenses ont ainsi été réajustées à 129 milliards d’euros samedi dernier à Bruxelles. En revanche, les crédits d’engagement, fixés à 147, 2 milliards d’euros, ont conservé leur « bonus » de 12 milliards d’euros.
Il est certain que la hausse globale des moyens affichée dans l’avant-projet de budget pour 2012 était apparue en décalage avec les efforts qui sont actuellement demandés aux États, lesquels ont un solde public très déficitaire. À l’issue de la procédure budgétaire européenne, on aboutit donc finalement à une relative maîtrise des dépenses publiques.
Cependant, mes chers collègues, il m’apparaît que l’adoption ou non de ce budget est au fond surtout une affaire de principe, car les États, même s’ils n’ont pas minimisé les instruments qu’il contient, ont montré qu’ils plaçaient plus d’espoir dans les mécanismes instaurés en marge de celui-ci.
En conclusion, en se référant aux excellents arguments avancés par les deux rapporteurs spéciaux, Marc Massion et Jean Arthuis, l’ensemble du RDSE s’abstiendra lors du vote de l’article 30.