Intervention de Jean Bizet

Réunion du 23 novembre 2011 à 9h30
Loi de finances pour 2012 — Article 30 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Jean BizetJean Bizet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui revêt incontestablement une importance particulière. Chacun sent bien que l’Europe est à la veille de grands changements. Les chefs d’État et de gouvernement ont su réagir à la crise. Il faut maintenant que les parlements nationaux et l’Union européenne le fassent à leur tour.

Ce qui nous réunit aujourd’hui est le budget communautaire. Il faut partir du constat plutôt navrant que l’Union européenne a été quasiment absente du règlement des crises des trois dernières années. Je rappellerai que, en 2009, ce que l’on appelait le plan de relance européen n’était en vérité que la juxtaposition de vingt-sept plans nationaux, le rôle du budget communautaire étant alors réduit à la portion congrue. Sur 200 milliards d’euros annoncés au titre du plan de relance de l’époque, 170 milliards d’euros provenaient ainsi des budgets des États membres, 25 milliards d’euros des prêts de la Banque européenne d’investissement, 5 milliards d’euros seulement du budget communautaire, répartis sur deux ans.

Le budget communautaire a été absent du plan de relance ; il a également été absent du règlement de la crise grecque. Il y a sans doute des raisons techniques, objectives, à cette situation.

D’abord, le budget communautaire n’a jamais, c’est vrai, été conçu pour être un instrument de relance et de stabilisation budgétaire, comme peut l’être un budget national.

Ensuite, le budget communautaire est encadré par des perspectives financières, ce qui a été une grande avancée qu’il ne faut surtout pas abandonner, mais le principe même de cette programmation s’oppose aux ajustements conjoncturels.

Cela ne peut pas durer. Il nous faut réfléchir à la façon de mieux utiliser la dépense communautaire, voire à la façon d’en faire un outil de la relance et de la croissance.

La première idée qui vient à l’esprit est d’augmenter le budget européen. Nous sommes aujourd’hui à 1 % du revenu national brut européen alors que les décisions sur les ressources propres permettraient de relever ce montant à 1, 23 %. Ce niveau a été adopté en 1992, avec l’accord du Royaume-Uni : c’est dire s’il était considéré à l’époque comme raisonnable !

Les données budgétaires et politiques m’obligent à dire que cette augmentation est aujourd’hui irréaliste. Une telle augmentation impliquerait une augmentation de la contribution de l’Allemagne et de la France de 5 milliards d’euros chacune. L’Allemagne et la France sont-elles prêtes à mettre 10 milliards d’euros de plus au pot commun de l’Union européenne ? La réponse est évidemment non.

L’ensemble des États sont soumis a des contraintes budgétaires telles qu’il paraît peu vraisemblable qu’ils soient disposés à transférer une partie de leur budget au budget communautaire.

Mais il y a une autre raison à cette opposition, raison politique que je vais aborder par une question.

Mes chers collègues, comme tous les citoyens, tous ici vous connaissez ce que vous payez en impôt sur le revenu pour l’État, en taxe foncière et en taxe d’habitation pour votre commune. Si vous cherchiez bien, vous pourriez aussi trouver ce que vous payez pour votre département et pour votre région ; mais qui, ici, sait combien il paie pour le budget communautaire ?

Peut-on augmenter les dépenses sans savoir aujourd’hui qui les paie ? En d’autres termes, il ne peut y avoir une augmentation des dépenses que si le décideur prend la responsabilité de leur financement. Chaque citoyen français paie aujourd’hui 290 euros au budget communautaire. Sommes-nous prêts à lui demander de payer 400 ou 500 euros ? Tout le reste n’est que vain discours…

La question de la relance par le budget communautaire passe donc par la responsabilité fiscale. Le système actuel de financement est totalement opaque, puisque, si ce budget est juridiquement financé par des ressources propres, 85 % de son financement viennent en réalité des contributions nationales issues des impôts nationaux. Ce système ne peut pas durer. La Commission a proposé deux innovations très intéressantes : l’une serait de créer une véritable ressource TVA en lieu et place d’un simple mode de calcul à partir de la TVA perçue ; l’autre serait d’introduire une taxe sur les transactions financières ; Pierre Bernard-Reymond y a fait allusion.

Ces deux propositions me semblent très intéressantes, mais il faut qu’elles soient adoptées par les vingt-sept États membres et par leurs parlements respectifs. Attendons de voir ce qu’il en sortira ! Si aucune avancée n’a lieu, aucune dépense nouvelle ne pourra être décidée. En effet, il ne peut y avoir de dépense sans responsabilité fiscale, sous peine d’en arriver à cette situation ubuesque où l’Europe engagerait des dépenses en les laissant financer par les États.

Le temps est venu de se poser la question de la souveraineté fiscale. Jusqu’à présent, les parlements nationaux n’ont jamais reculé d’un pouce sur ce sujet. Néanmoins, quand on voit ce qui reste de la souveraineté des États membres, il faut accepter ce débat. L'Assemblée nationale et le Sénat sont-ils prêts à faire voter un impôt par le Parlement européen ? S’il faut prélever 1 % ou 2 % de TVA pour un budget communautaire digne de ce nom, ce sera au législateur européen – Parlement et Conseil européen – d’en prendre la responsabilité. Cela ne peut fonctionner qu’à cette condition.

Une solution de repli serait de recourir à l’emprunt. Or financer le budget par ce biais est catégoriquement impossible. L’équilibre budgétaire du budget communautaire par des ressources autonomes a été une exigence de l’Allemagne en 1957 et il est peu vraisemblable que, dans les circonstances actuelles, celle-ci change d’avis, ce en quoi elle aurait raison. Il serait d’ailleurs pour le moins curieux de réduire la dette des États pour augmenter celle de l’Union européenne.

En revanche, il est une voie qui n’est pas suffisamment explorée, alors qu’elle me paraît prometteuse, celle qui consiste à valoriser l’outil bancaire européen en lançant, en marge du budget courant, un grand programme de travaux d’intérêts communs, qu’il s’agisse de l’énergie – nous sommes en plein dedans, si vous voyez ce que je veux dire...

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