Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes évidemment tous préoccupés par la situation économique du pays, d’autant que tous les éléments d’inquiétude sont présents.
Redémarrage du chômage, dérive des comptes publics, explosion de la dette, déficit du commerce extérieur, atonie de la consommation et de l’investissement, baisse des niveaux de commande dans le secteur industriel : tout semble devoir se liguer contre toute politique novatrice, et tout semble devoir nous condamner à l’austérité à vie.
À la lecture des mesures votées par le Sénat dans sa nouvelle configuration politique, certains ici auront beau jeu de dire que la gauche a décidément la manie d’augmenter les impôts. On mesure pourtant chaque jour à quel point la nouvelle composition de notre assemblée constitue un intéressant point d’appui pour définir l’avenir.
Mais, voyez-vous, chers collègues de l’opposition sénatoriale, la critique serait recevable si vous appeliez les choses par leur nom et si vous ne drapiez pas d’une once d’hypocrisie ce qui s’apparente bel et bien à une hausse des impôts que vous refusez d’assumer.
Que vous convoquiez la lutte contre l’obésité, mâtinée d’un certain moralisme, pour taxer la consommation de boissons sucrées, ne doit pas faire illusion : en réalité, vous ne faites que décliner l’un des avatars de la TVA sociale que vous appelez de vos vœux !
Vous décidez de raboter les niches fiscales, tout au moins celles qui concernent l’impôt sur le revenu – pour la « niche Copé », on verra plus tard ! Que signifie cette décision ? Est-ce de la menuiserie fiscale ou une hausse des impôts ? Quand vous proposez de geler le barème de l’impôt sur le revenu, que faites-vous ? N’ayons pas peur de le dire : vous augmentez les impôts, tout simplement !
Au demeurant, cela ne vous empêche pas d’avoir soustrait près de deux milliards d’euros au rendement de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, de laisser courir la « niche Copé » ou encore d’accepter que l’État renonce à environ 35 milliards d’euros de recettes au titre du régime des groupes, au motif, je vous le rappelle, « d’assurer la neutralité fiscale des choix de gestion des entreprises », laquelle nous coûte tout de même l’équivalent de plus de la moitié du produit de l’impôt sur le revenu.
Chacun, ici, appréciera ces faits à leur juste mesure.
Le pire, dans cette affaire, c’est qu’à cette hausse des impôts à géométrie variable, qui touche d’abord la consommation et les revenus les plus modestes, vous escomptez ajouter demain la baisse des dépenses publiques. Non seulement nos compatriotes sont appelés à payer plus d’impôts, de toutes les manières possibles, mais, de surcroît, ils doivent accepter la réduction du service public assuré par les collectivités territoriales.
Nous ne nous plaçons évidemment pas dans cette optique, et nous ne pouvons que nous féliciter des positions adoptées par le Sénat, qui a tenté, durant ces derniers jours, d’esquisser les contours d’une politique fiscale différente, répartissant de manière plus équitable la charge des impôts.
Nous ne pouvons que nous féliciter que l’ISF ait été rétabli au niveau nécessaire, rendant ainsi 2 milliards d’euros au budget général, et que l’impôt sur le revenu, avec une nouvelle tranche supérieure, ait été rendu plus juste et plus progressif.
De la même manière, nous sommes satisfaits que l’on ait enfin décidé de passer de l’accord unanime de principe sur la taxation des transactions financières à son inscription effective dans notre droit fiscal. Que ceux qui craignent la fuite des capitaux ou croient qu’il est nécessaire d’attendre une démarche commune de l’ensemble des pays de l’Union européenne pour mettre en œuvre une telle mesure soient rassurés : aujourd’hui, aucune obligation fiscale d’aucune sorte ne pèse sur les transactions financières, et les capitaux vont là où ils le souhaitent, tout comme il paraît évident qu’ils passent aussi par notre pays…
Bien d’autres mesures, comme le retour à la non-imposition des indemnités d’accident du travail ou la mise en cause des prélèvements forfaitaires libératoires peuvent également être mises à l’actif du travail de notre assemblée.
Nous l’avons fait pour montrer à l’opinion publique, aux salariés de ce pays, à la France qui travaille et qui produit les richesses dont tout le pays tire ensuite parti – à ma connaissance, nous sommes toujours la cinquième économie du monde et la seconde d’Europe ! – que l’on pouvait mener une autre politique, même dans un contexte de crise économique qui perdure.
Pour l’examen de la seconde partie, les limites imposées par la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, sont telles que nous ne pourrons pas décider de l’affectation la plus pertinente des recettes nouvelles que le débat a permis de dégager.
Il sera d’ailleurs peut-être dit que l’examen du projet de loi de finances pour 2012 aura montré, pour le moins, le divorce profond entre l’esprit général de la LOLF et l’initiative parlementaire, de même que l’incapacité de cet outil à permettre une juste prise en compte des besoins sociaux et collectifs de la nation dans son ensemble.
Dans l’attente, il est évident que, pour aujourd’hui et pour l’avenir, nous voterons la première partie de ce projet de loi de finances profondément modifiée.