Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 23 novembre 2011 à 21h00
Financement de la sécurité sociale pour 2012 — Question préalable

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, comme l’a rappelé Dominique Watrin, la sécurité sociale, ce formidable outil de protection des travailleurs et des familles, est issu du programme prévisionnel pour la Libération élaboré par le Conseil national de la résistance.

Le premier alinéa de ce programme précisait qu’il est né de « la volonté ardente des Français de refuser la défaite ». Aujourd’hui, il s’agit toujours de résister, mais sous une autre forme, en s’opposant au pouvoir des marchés financiers contre les droits et solidarités.

Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard enchaîné, décrivait dans un ouvrage récent sur le CNR comment les financiers, les assureurs, les banquiers, les grands patrons, étaient soucieux de prendre leur revanche sur ce programme et les conquêtes qu’il consacrait, des conquêtes qui constituent en définitive une entrave aux marchés, qui se piquent de gouverner nos vies.

Heureusement que vous nous avez déclaré, madame la ministre, être attachée à la sécurité sociale, car votre gouvernement, loin de s’opposer à cette œuvre destructrice, y participe, parfois clairement, voire en le revendiquant, d’autres fois de manière camouflée, mais toujours avec la même constance !

Vous contribuez discrètement à détricoter le programme du CNR par l’affaiblissement de la sécurité sociale, notamment en adoptant les franchises médicales. Au nom de la responsabilisation nécessaire des malades, tous suspectés d’être des fraudeurs – ou pour le moins des profiteurs –, vous instaurez des franchises. Ce faisant, vous remettez en cause le fondement même du financement solidaire de la sécurité sociale, selon lequel chacun cotise selon ses moyens et bénéficie d’une protection sociale compte tenu de ses besoins.

Qu’importe, en fait, que de plus en plus de nos concitoyens ne soient plus couverts par des mutuelles complémentaires ou qu’ils optent pour des contrats « d’entrée de gamme » et en soient réduits – pour 15, 4 % d’entre eux, je le rappelle – à renoncer à certains soins pour des raisons financières !

Parfois, la méthode est plus insidieuse.

Je pense au doublement de la taxe sur les contrats responsables et solidaires. Cette mesure, supprimée sur l’initiative de notre rapporteur général, aurait eu pour effet d’entraîner une nouvelle hausse des tarifs et de conduire nos concitoyens à opter pour des contrats non responsables, alors même que les contrats responsables et solidaires ont fait la preuve de leur efficacité pour l’accès aux soins et la régulation des dépenses sociales.

Je citerai aussi la manière selon laquelle vous entendez imposer, contre la volonté des mutuelles et de nos concitoyens, le secteur optionnel. Il ne s’agit en réalité, cela doit être dit, que d’une légalisation des dépassements d’honoraires. Avec l’émergence de ce secteur optionnel, s’il est aujourd’hui déjà difficile d’accéder à des spécialistes respectant les tarifs définis par la sécurité sociale, ce sera demain totalement impossible.

Nous partageons pleinement l’analyse du Syndicat de la médecine générale : « L’assurance maladie : les cotisations sont proportionnelles aux revenus et les prestations sont les mêmes pour tous. C’est le principe de solidarité. »

En effet, comme vous le savez, à la différence du régime obligatoire d’assurance maladie, le régime complémentaire repose sur une logique contributive. La couverture dépend des capacités financières des adhérents. Reporter sur elles le remboursement des dépassements d’honoraires ne ferait que déplacer le problème et l’accès aux soins resterait tout aussi difficile.

Les membres du groupe CRC considèrent qu’il faut engager une véritable lutte contre les dépassements d’honoraires afin d’assurer le respect, en lieu et place de ce secteur optionnel, des tarifs opposables.

Enfin, vous vous attaquez ouvertement à notre modèle social, en organisant méthodiquement l’assèchement des comptes sociaux. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 en est encore une fois un triste et dramatique exemple, car le texte sur lequel vous voudriez recueillir nos suffrages, même après la révision macroéconomique que vous avez opérée, est toujours marqué, pour l’an prochain, par un déficit du régime obligatoire de base de 15, 6 milliards d’euros. Or, vous le savez pertinemment, cette situation économique fragilise notre protection sociale en la rendant mécaniquement dépendante des marchés financiers.

Le déséquilibre des comptes sociaux n’est pourtant pas une fatalité. Nous nous souvenons qu’à une époque pas si éloignée, lorsque d’autres choix étaient opérés, l’assurance maladie était encore à l’équilibre.

Vous ne manquerez pas de nous faire observer – d’ailleurs vous l’avez déjà fait – qu’entre-temps la crise est apparue. Nous ne manquerons pas de vous répondre que votre responsabilité en la matière est entière. C’est bien votre refus d’agir en faveur de l’emploi de qualité et rémunérateur, en faveur de la formation professionnelle qualifiante et contre les licenciements spéculatifs, qui a fragilisé notre système de protection sociale, financé en grande partie par les richesses produites par le travail.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC votera cette motion tendant à opposer la question préalable.

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