Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 10 novembre 2011 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2012 — Article 34 nonies nouveau

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny, rapporteur général de la commission des affaires sociales :

Nous abordons maintenant un sujet extrêmement important, attendu par les professionnels de santé, l’assurance maladie et les organismes complémentaires.

Madame la secrétaire d'État, en dernière minute à l’Assemblée nationale, le Gouvernement auquel vous appartenez a proposé un amendement dont la rédaction est particulièrement complexe, et qui vise, grosso modo, à forcer la main des organismes complémentaires au sujet du secteur optionnel.

Dans mon rapport, j’ai évoqué la situation sur les dépassements d’honoraires : 2, 5 milliards d’euros en 2010. Leur montant a doublé en vingt ans. Ils représentent une part importante de la rémunération des médecins : 21 000 euros par an en moyenne. Mais, en l’occurrence, la moyenne n’est pas très significative, car les écarts sont gigantesques selon les spécialités.

Le secteur optionnel a pour objectif, sur une base facultative, d’encadrer les dépassements d’honoraires des chirurgiens, anesthésistes et obstétriciens, qui devraient réaliser au moins 30 % de leurs actes au tarif opposable et pratiquer sur les autres des « compléments » d’honoraires limités à 50 %. Les contreparties, en termes de prise en charge de cotisations par l’assurance maladie, sont substantielles et équivalentes à celles des médecins de secteur 1, ce qui ne manque pas de surprendre en termes d’équité.

Au total, cette formule paraît particulièrement bancale : du point de vue des médecins de secteur 1, qui sont contraints dans leurs tarifs, rien ne change ; du point de vue des spécialistes qui peuvent adhérer à cette option, certains verront un effet d’aubaine s’ils en respectent déjà les termes, d’autres manifesteront un éventuel intérêt s’ils sont un peu au-dessus des niveaux fixés, en raison de l’attrait de la prise en charge des cotisations, et les derniers s’en désintéresseront parce qu’ils pratiquent des dépassements nettement supérieurs. On peut même craindre que ceux qui pratiquent des dépassements inférieurs n’augmentent progressivement leurs tarifs pour se rapprocher des plafonds.

Par ailleurs, dans l’espoir de « solvabiliser » les patients, ce secteur reposerait en fait sur la prise en charge des dépassements par les – désormais fameux – contrats « responsables et solidaires ».

Madame la secrétaire d'État, permettez-moi de vous interroger sur ce point précis : à partir du moment où la taxation entre ces contrats est presque égale à celle des autres – dans l’esprit du Gouvernement tout du moins, car nous avons voté le contraire –, comment croire que les contrats « responsables » continueront d’être proposés par les complémentaires ? En effet, ils seront taxés à peu près comme les autres alors qu’ils auront des charges nettement plus lourdes et que, en outre, – c’est pourtant un aspect essentiel de ces contrats – ils n’autorisent pas de discrimination selon l’état de santé de l’affilié.

La prise en charge obligatoire des dépassements d’honoraires du secteur optionnel ne fera – vous ne pouvez le nier – que surenchérir le coût des contrats complémentaires et entraînera, là aussi, les cotisations à la hausse.

Fondamentalement, on le voit bien, le secteur optionnel ne règle rien. On le présente parfois comme la seule solution sur la table. Pourtant, rien ne serait pire que de le mettre en œuvre sans l’accompagner d’autres mesures fortes de limitation des dépassements d’honoraires. Cela reviendrait à prendre acte du problème, avec le risque de susciter le glissement des médecins du secteur 1, notamment des généralistes, vers cette nouvelle formule plus favorable.

Diverses études concordantes constatent l’ampleur des renoncements aux soins, et pas seulement les soins optiques ou dentaires. Certes, les raisons en sont multiples, mais les dépassements d’honoraires en font indéniablement partie.

Au fil des années, le problème s’est cristallisé. Depuis dix ans, les dépassements ont explosé sans réponse politique, rendant sa résolution de plus en plus difficile. Il nécessite une approche globale ; or c’est exactement le contraire de ce que propose aujourd’hui le Gouvernement.

Pour toutes ces raisons, la commission des affaires sociales vous propose, mes chers collègues, de supprimer cet article.

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