Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, si les crédits de la mission « Santé » semblent connaître une progression, à bien y regarder, on constate qu’ils restent quasiment stables. Car il n’y a en fait aucune augmentation ; il s’agit seulement de transferts. Comme l’a souligné le député Gérard Bapt, rapporteur spécial de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur cette mission, on se contente de « déshabiller Pierre pour habiller Paul » !
Si les crédits du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » sont en hausse, les moyens supplémentaires seront principalement destinés à l’action n° 16, Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires, plus particulièrement à l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires, l’EPRUS.
Au sein de la mission « Santé », je regrette que les crédits de l’action n° 14, Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades, diminuent de 4 %, alors que les scientifiques s’inquiètent de la hausse des maladies chroniques, comme les cancers, les diabètes, l’obésité ou les maladies cardiovasculaires.
Pourquoi une telle rigueur budgétaire ? Selon la Fédération internationale du diabète, le nombre de diabétiques en France devrait croître de 55 % d’ici à 2025. La prévention des maladies chroniques est essentielle, car elle permet de réaliser des économies sur le long terme.
Il est également surprenant de constater que les crédits de l’action n° 11, Pilotage de la politique de santé publique, baissent de 2, 6 %, ce dont l’InVS subira les conséquences. Entre 2011 et 2012, l’Institut devrait voir son plafond d’emplois diminuer de onze équivalents temps plein travaillé, au lieu des six qui étaient initialement prévus. Les sommes mobilisées ne sont pas à la hauteur des besoins. En effet, la progression des maladies chroniques et des problématiques de santé environnementale justifieraient d’y consacrer des moyens budgétaires plus importants.
On soumet l’InVS à la rigueur au moment où il est de plus en plus sollicité ; il faudrait au contraire le doter des moyens structurels nécessaires !
Autre aspect surprenant de la rigueur, les crédits d’intervention des ARS subissent une baisse de 3, 6 %. Leurs plafonds d’emplois sont en diminution. De 2011 à 2012, on observe 163 suppressions d’emplois. Ces 26 agences, qui ont été créées en avril 2010 pour remplacer les anciennes agences régionales de l’hospitalisation, sont chargées de la politique sanitaire à l’échelon territorial et ont hérité de compétences larges.
À partir de 2012, les crédits seront intégrés dans les projets régionaux de santé et dans les schémas régionaux de prévention, alors qu’ils étaient auparavant répartis entre les différentes actions du programme « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins ». Cette nouvelle présentation « globalisée » a l’inconvénient de ne plus permettre l’identification immédiate des objectifs de santé publique ainsi soutenus. Il y a une véritable opacité. Force est de constater, comme l’année dernière, que le suivi des crédits des ARS reste largement à améliorer.
Si l’on peut admettre que le statut des ARS et leur autonomie leur confèrent une liberté de gestion ne permettant pas une présentation en détail de leur financement, il demeure toutefois nécessaire de conserver une certaine visibilité et de renforcer l’information sur les crédits qui leur sont destinés.
À cet égard, on peut déplorer que le questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur spécial de la commission des finances, Jean-Pierre Caffet, pour connaître les crédits globaux alloués aux ARS soit demeuré sans réponse sur ce point. Il serait également utile qu’une information soit consolidée sur l’ensemble des crédits destinés aux ARS en amont de l’examen du projet de loi de finances initiale.
Ainsi, nous ne sommes pas favorables au projet de budget que le Gouvernement nous propose pour la mission « Santé ».
Je souhaiterais évoquer les inégalités sociales en matière de santé et de mortalité, qui sont larges et s’accroissent de plus en plus !
C’est en France que les inégalités selon les sexes, les catégories sociales et les zones géographiques sont les plus fortes en la matière. Les plus instruits, les catégories de professions qualifiées et les ménages les plus aisés bénéficient d’une espérance de vie plus importante et se trouvent en meilleure santé. Les patients issus de milieux favorisés ont une fois et demie à deux fois plus de chances de guérir que les autres.
Par ailleurs, le taux de prématurité varie du simple au triple en fonction du niveau scolaire de la mère. Les inégalités apparaissent précocement. En effet, on détecte dès l’école des différences dans la prise en charge des troubles de la vue, des caries dentaires et du problème du surpoids.
Ces dernières années, le Gouvernement a aggravé les inégalités et abîmé le système de santé et de protection sociale des Français. §(Mme Chantal Jouanno proteste.) On a fait de la santé un luxe pour nombre de nos concitoyens. Un Français sur quatre renonce à se soigner pour des raisons financières.
Depuis 2002, le Gouvernement a multiplié les forfaits, les franchises et les déremboursements, mais il n’a rien fait pour trouver des solutions aux problèmes majeurs rencontrés par les Français, qu’il s’agisse des dépassements d’honoraires, de l’allongement des listes d’attente ou de la difficulté à trouver un médecin le soir ou le week-end !
Les Français sont quotidiennement confrontés à de telles difficultés. La vérité, c’est que les dépassements d’honoraires constituent un obstacle à l’accès aux soins ! Les « déserts médicaux » se multiplient, à la campagne comme en banlieue. Ces problèmes existent depuis longtemps. Que fait le Gouvernement ?
Les disparités françaises peuvent s’expliquer par une politique de santé principalement axée sur l’accès aux soins plutôt que sur la promotion de la santé. Face à toutes ces inégalités, la prévention peut jouer un rôle important. Elle doit devenir une priorité en matière de santé publique.
La Cour des comptes a relevé qu’on ne disposait pas d’une vision globale des moyens consacrés à la prévention. Elle a également critiqué le mode de gestion et l’organisation du système de santé en France, qui, à force de complexité, finissent par devenir opaques.
L’état des lieux est alarmant : les dépenses sont mal connues, les orientations et les priorités mal définies. Il y a des insuffisances dans le pilotage de la politique et des acteurs de la prévention, et l’évaluation de cette politique est limitée.
L’efficacité d’une stratégie préventive est appréciée en prenant en compte la durée de la vie et la qualité de la vie des personnes auxquelles elle s’applique. La santé est un bien collectif ; elle ne relève pas de la responsabilité individuelle !