Certes, ces aides apportées par l’État déclenchent d’autres mécanismes. Cependant, il est prévu que la diminution drastique des crédits de paiement sera compensée par une enveloppe de 140 millions d’euros en fonds de concours, qui correspond à la fraction principale du prélèvement sur les HLM et les sociétés d’économie mixte qu’a institué la précédente loi de finances. Or, dans la mesure où leur reversement a posteriori au budget de l’État sera effectué exclusivement en crédits de paiement, ces fonds serviront non pas à financer de nouveaux programmes de construction, mais à compenser le désengagement de l’État.
Par ailleurs, on ne peut que dénoncer de nouveau les conditions dans lesquelles est effectué ce prélèvement sur les HLM et les sociétés d’économie mixte, qui a suscité beaucoup d’émotion. L’objectif annoncé était d’introduire de la péréquation entre les organismes HLM. J’y souscris, mais je ne vois pas en quoi ce prélèvement est péréquateur ! En effet, 43 % des recettes qu’il suscite sont affectées à l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU, dont un tiers des dépenses relève de la politique de la ville et ne concerne pas directement le logement.
Du reste, Action Logement – l’ancien 1 % logement – est également mise à contribution pour financer l’ANRU, au détriment de sa mission naturelle – les prêts aux salariés –, qui lui procure sa principale source de financement, soit 2 milliards d'euros, devant la participation des employeurs à l’effort de construction, pour 1, 7 milliard d'euros. Or le nombre de salariés bénéficiant de ces prêts a baissé de près de 40 % entre 2006 et 2010, ce qui entraîne mécaniquement une diminution des ressources d’Action Logement.
Dès lors, et dans la mesure où la participation des employeurs à l’effort de construction n’est pas un prélèvement obligatoire – le Conseil des prélèvements obligatoires l’a rappelé en 2009 –, puisque ses organismes gestionnaires appartiennent au secteur privé, Action Logement a intenté, en octobre dernier, une action en justice contre l’État devant le tribunal administratif de Paris. Au passage, je rappelle que, aux termes de l’article L. 313-3 du code de la construction et de l’habitation, une procédure de concertation précise aurait dû être suivie. Celle-ci prévoit notamment que « le Parlement est saisi des répartitions annuelles lors du dépôt des projets de loi de finances ». Or tel n’a pas été le cas.
Détourner l’emploi du 1 % logement en le compensant par une partie du prélèvement effectué sur les HLM est dangereux non seulement pour ces acteurs essentiels du logement, mais également pour l’ANRU elle-même, puisque son financement repose ainsi sur des acteurs fragilisés.
J’en viens au programme 147, « Politique de la ville et Grand Paris », auquel sont affectés 535, 8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 548, 4 millions d’euros en crédits de paiement. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2011, cela représente une diminution de crédits de plus de 14 % et 12 %, respectivement. Cette diminution est due pour l’essentiel à la baisse des compensations d’exonérations de cotisations sociales dans les zones franches urbaines, les ZFU, conséquence de la réforme de 2010, qui a plafonné le niveau de salaire ouvrant droit à exonération ; nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen des amendements déposés sur l’article 64, qui traite de ces ZFU.
Les crédits mis en œuvre par l’Agence pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSE, constituent les deux tiers des crédits du programme. S’ils restent stables, leur distribution varie significativement d’une année sur l’autre. Des outils pourtant efficaces ne sont activés que par intermittence, ce qui nourrit la frustration. Par exemple, l’objectif « Lien social, citoyenneté et participation à la vie publique » a perdu plus d’un cinquième de ses moyens en deux ans. Est-ce ainsi que nous amènerons les nombreux habitants de ces territoires, très souvent issus de l’immigration et en quête de références identitaires, à trouver celles-ci dans les valeurs qui fondent la République ?
Les crédits du programme 147 ne représentent qu’un quart des dépenses publiques en faveur des territoires de la politique de la ville. La situation n’est pas saine : d’un côté, l’Inspection générale des affaires sociales a montré que les crédits de la politique de la ville évinçaient parfois les crédits de droit commun, dont chacun considère qu’ils sont insuffisants dans les territoires difficiles ; d’un autre côté, dans le cadre de la LOLF, il est plus facile d’évaluer l’utilisation des crédits de la politique de ville que celle des crédits de droit commun, puisque ceux-ci sont répartis sur plusieurs missions.
Pour la « ville qui va mal », une politique efficace doit s’inscrire dans la durée, offrir des perspectives. La difficulté d’évaluer nourrit le sentiment d’inefficacité, qui lui-même pousse aux remises en cause à répétition des dispositifs. Il faut sortir de cet enchaînement et mener une véritable politique de la ville.
Quant au rattachement du Grand Paris, il est budgétairement symbolique. En effet, l’action Grand Paris du programme ne comprend que 1, 5 million d’euros, correspondant à la participation du ministère de la ville au groupement d’intérêt public « Atelier international du Grand Paris ».