Au vu de ce constat particulièrement alarmant et des conséquences humaines insupportables qu’il entraîne, je souhaite, tout comme les associations venant en aide aux plus démunis, que soit mis en place un plan structurel, hors saison, qui apporte des réponses concrètes pour les personnes sans logement ou mal logées : la création immédiate de places d’hébergement pérennes et dignes, mais également la construction de logements accessibles aux revenus les plus modestes.
La situation est d’autant plus préoccupante que les sans-abri ne sont plus ce qu’ils étaient traditionnellement. Elle est loin de la réalité, désormais, l’image du sans-abri seul, d’une quarantaine ou d’une cinquantaine d’années. Selon le bilan d’activité du SAMU social de Paris, le nombre de familles à la rue a explosé de plus de 400 % en dix ans et dépasse aujourd’hui celui des solitaires traditionnels.
La crise aidant, les populations les plus fragiles de notre pays ne cessent d’augmenter : depuis 2002 – puisqu’il a été fait référence à cette date –, le nombre des personnes pauvres s’est accru de 20 %.
Pourtant, le 20 juillet dernier, vous déclariez, monsieur le secrétaire d'État : « Il est hors de question qu’une seule famille se retrouve à la rue. Un enfant ne dort pas dehors, en France, en 2011 ». Voilà au moins un point sur lequel nous ne serons pas en désaccord !
Toutefois le travail à accomplir pour éviter cette situation est considérable, notamment concernant les 18-25 ans, qui sont aujourd’hui les plus touchés par la pauvreté.
Plus d’un tiers de ces jeunes – 36, 1 % – vit dans des « substituts de logement » – hôtel, centre d’hébergement, abri de fortune et même, parfois, caravane. Peu d’entre eux accèdent à des logements sociaux et l’hébergement d’urgence concerne dans 35 % des cas des personnes de moins de 25 ans, ce qui est dramatique.
La situation de notre jeunesse est donc un enjeu majeur pour notre société. Seule la mise en œuvre sans délai d’un véritable plan Marshall pour le logement des jeunes permettrait d’endiguer la situation actuelle.
À ceux qui nous opposent la crise et la nécessité de diminuer les dépenses budgétaires pour cause de déficit, je répondrai très simplement que les plus pauvres de notre société, les plus marginalisés de notre système, les oubliés du logement ne sont en rien responsables des dévoiements de la finance internationale ou des spéculateurs de l’économie virtuelle. Faire de la politique, c’est faire des choix. Aussi parlerai-je des exonérations fiscales concernant le logement dans ce budget 2012, puisqu’elles coûtent 13, 5 milliards d’euros à l’État, un montant en hausse de près de 4 %.
Elles sont multiples et concernent, en particulier, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt, le prêt à taux zéro plus et les aides à l’investissement locatif privé. Ainsi, le prêt à taux zéro coûte 1, 3 milliard d’euros et n’a même plus de vocation sociale puisqu’il a été ouvert, l’année dernière, à tous les primo-accédants sans conditions de ressources.
Le dispositif Scellier, qui a déjà été évoqué, coûtera 650 millions d’euros en 2012, et même s’il est appelé à disparaître en 2013, il pèsera sur les finances de l’État pendant neuf ans après son arrêt, soit jusqu’en 2022.
Ce n’est pas en diminuant nos recettes fiscales et en privilégiant ceux qui ont plus que l’on se donnera les moyens supplémentaires pour aider la politique du logement social dans notre pays.
Depuis dix ans, la politique fiscale du Gouvernement a profité essentiellement aux 10 % les plus riches et l’absence de financement en matière de logement est due aux mauvais choix politiques de la majorité actuelle.
Vous nous présentez donc un budget du logement de 7, 7 milliards d’euros, dont la seule augmentation est due aux aides à la personne, ce qui est loin d’être une bonne nouvelle, puisqu’elles révèlent, en fait, la baisse des revenus des ménages et la montée en puissance de la précarité.
Ce budget est en décalage avec la réalité. Selon un sondage récent réalisé en octobre dernier, le logement arrive en troisième position dans les préoccupations des Français, derrière le travail et la santé. À la question : « Considérez-vous que la charge représentée par votre logement vous conduit à revoir à la baisse certains autres budgets ? », les Français ont répondu « oui » à 69 %. Cela doit nous donner la mesure de notre responsabilité.
Responsabilité sociale, responsabilité sociétale, lorsque l’on sait que l’abstention aux dernières élections, dans les quartiers difficiles – cela a été rappelé par Claude Dilain dernièrement – peut atteindre les 70 %. C’est donc aussi un enjeu pour notre démocratie.
Offrir un logement décent à tous doit être une obligation pour notre société. Nous avons besoin d’une solidarité réelle, organisée, planifiée.
Le combat pour le logement est indissociable de la lutte pour la dignité. Ce projet de loi de finances ne prend pas le chemin de la dignité partagée. De ce fait, le logement aujourd’hui est une tâche noire de notre démocratie. C’est pourquoi il est indispensable de revoir ce budget pour 2012.
Dans une République comme la nôtre, considérons que celles et ceux qui attendent un logement pour eux-mêmes ou pour les leurs sont non pas les assistés de demain, mais les ayants droit d’aujourd’hui : les ayants droit d’une République digne de ce nom, les ayants droit d’une indispensable solidarité humaine qui doit s’imposer à tous !