Intervention de André Reichardt

Réunion du 15 novembre 2011 à 14h30
Soirées étudiantes — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi relative à la prévention et l’accompagnement pour l’organisation des soirées en lien avec le déroulement des études traite d’un réel problème de société : le phénomène du binge drinking, qui consiste à consommer de grandes quantités d’alcool en un temps limité, en vue d’obtenir une ivresse rapide.

Cette pratique, importée des pays du nord de l’Europe, ne semble pas, contrairement à ce que l’on entend souvent dire, en progression rapide chez l’ensemble des jeunes, mais elle pose un véritable problème dans les soirées étudiantes.

Ainsi, une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, le CREDOC, réalisée en 2010 auprès de 267 associations d’étudiants indique que la moitié des organisateurs de soirées prévoient de quatre à cinq consommations d’alcool fort par personne, d’autres boissons moins alcoolisées étant par ailleurs fournies.

Une telle consommation d’alcool, associée à celle de stupéfiants, a des effets parfois graves, tels que des comas éthyliques, des violences, des agressions, des accidents divers et, à plus long terme, des lésions cérébrales, une dépendance, qui peuvent déboucher, dans des cas extrêmes heureusement assez peu nombreux, sur des décès. Je citerai l’exemple, parmi d’autres, d’une personne qui s’est défenestrée en rentrant d’une soirée, persuadée qu’elle pouvait voler…

Les événements en question sont d’une grande diversité : soirées d’intégration dans les grandes écoles en début d’année, soirées réservées aux étudiants d’une filière, galas en cours d’année, week-ends d’intégration. Une telle manifestation, rassemblant plus de 5 000 étudiants, s’est ainsi déroulée au bord d’un lac, dans lequel un jeune s’est noyé.

Le point commun, c’est la volonté d’échapper au contrôle du chef de l’établissement d’enseignement supérieur en organisant l’événement à l’extérieur de celui-ci.

Il faut souligner que de réels efforts de prévention sont déployés par les associations d’étudiants, les mutuelles, les chefs d’établissement et même les alcooliers, qui proposent la mise à disposition gratuite de barmen ayant pour consigne de refuser de servir de l’alcool aux personnes « fatiguées »… On peut citer également, dans le même ordre d’idées, la mise en place de navettes gratuites, le retrait des clés de voiture si cela se révèle nécessaire, l’élaboration de nombreuses chartes de bonnes pratiques, souvent financées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires – les CROUS –, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ou le Fonds de solidarité et de développement des initiatives étudiantes.

Ces efforts paraissent cependant insuffisants, puisque, selon l’étude du CREDOC précitée, un tiers seulement des organisateurs de soirées dans lesquelles des étudiants font le service des boissons mettent en œuvre des actions de prévention ; globalement, un tiers des soirées ne donnent lieu à aucune démarche de ce type.

Beaucoup d’associations considèrent qu’elles n’ont pas les moyens financiers de mettre en place de tels dispositifs. En outre, les initiatives prises en matière de prévention pâtissent incontestablement d’une trop grande dispersion. Cela a amené l’une des principales associations d’étudiants à proposer, lors d’une audition par la commission, d’envisager une certification d’organisateur de soirées, afin de promouvoir la prévention et d’éviter les dérives.

Le législateur s’est déjà penché à plusieurs reprises sur le problème de la consommation excessive d’alcool chez les jeunes ainsi que sur les dérives du bizutage, qui se produisent souvent à l’occasion de soirées étudiantes.

En matière de lutte contre la consommation excessive d’alcool, il existe une législation riche, s’agissant tant de la protection de la santé que de la préservation de l’ordre public. On peut citer, à cet égard, l’obligation de demander une licence temporaire de débit de boissons pour les associations étudiantes qui organisent une soirée, certaines dispositions de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, telle l’interdiction des open bars et de la vente d’alcool aux mineurs, ainsi que la répression de l’ivresse sur la voie publique et de la conduite en état d’imprégnation alcoolique.

Sur un sujet connexe, le bizutage, on peut évoquer la loi du 17 juin 1998, qui interdit cette pratique. Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs récemment lancé de nouvelles mesures de lutte contre le bizutage, notamment le testing dans les soirées.

Il faut néanmoins noter, mes chers collègues, que cette législation est insuffisamment appliquée. L’étude du CREDOC de 2010 indique ainsi que la pratique des open bars, pourtant strictement interdite, subsisterait dans 25 % des soirées étudiantes.

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