Intervention de André Reichardt

Réunion du 15 novembre 2011 à 14h30
Soirées étudiantes — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de André ReichardtAndré Reichardt, rapporteur :

Quant au bizutage, il existe toujours, malheureusement, comme en témoigne un cas récent survenu à l’université Paris-Dauphine. Il convient à tout le moins de veiller à ce que la législation existante soit pleinement appliquée.

Dans ce contexte, le texte qui nous est proposé a été jugé intéressant par la commission des lois, même si celle-ci a estimé que la réflexion devait se poursuivre.

La proposition de loi qui nous est soumise, inspirée du rapport de Mme la rectrice Daoust, prend appui sur la législation relative aux rave parties.

Le rapport de Mme Daoust préconise tout d’abord d’organiser des opérations de testing au cours des soirées, avec des sanctions en cas de non-respect des dispositions législatives relatives aux open bars et à la vente d’alcool au forfait. M. le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche a décidé récemment de lancer de telles actions ; il nous en parlera certainement tout à l’heure.

Ce rapport propose ensuite d’adopter une approche intégrée à l’échelon de l’établissement d’enseignement supérieur, ainsi que de prendre de multiples initiatives de prévention et de sensibilisation.

Il invite enfin à responsabiliser les organisateurs, en prévoyant que chaque événement soit déclaré à l’établissement, à la mairie et/ou à la préfecture du lieu d’organisation.

La proposition de loi reprend cette dernière préconisation, en s’appuyant sur le dispositif concernant les rave parties de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne. Celui-ci prévoit un régime de déclaration au chef d’établissement et au préfet et une concertation entre les parties. Surtout, la manifestation pourra être interdite par le préfet si les mesures envisagées par les organisateurs lui semblent insuffisantes ou si elle est de nature à troubler gravement l’ordre public.

La proposition de loi renvoie la définition des modalités d’application de son dispositif à un décret en Conseil d’État. Le régime prévu est en réalité plus proche de l’autorisation préalable que de la simple déclaration, le préfet ayant la faculté d’interdire le rassemblement dès lors qu’il aura le sentiment que les organisateurs ne prennent pas toutes ses recommandations en compte.

Cela me conduit à soulever la question suivante : cet encadrement n’est-il pas trop rigoureux ? Il convient, à mon sens, de trouver un équilibre entre la liberté de réunion, le droit à la vie privée et la nécessité de réglementer ces soirées étudiantes. Cela n’est pas facile : la notion de « rassemblement […] en lien avec le déroulement des études » retenue par les auteurs de la proposition de loi me paraît en effet assez imprécise. Si l’on considère que certains des rassemblements visés sont de caractère plutôt public, dans la mesure où un droit d’entrée est perçu, il y a risque d’atteinte à la liberté de réunion ; si l’on considère que d’autres sont plutôt de caractère privé, parce qu’ils rassemblent quelques dizaines d’étudiants dans un appartement, par exemple, il y a risque d’atteinte au droit à la vie privée.

C’est pourquoi mes réflexions m’inclineraient à préférer un régime plus souple de déclaration simple, pour éviter ces écueils, ainsi que les difficultés d’ordre pratique que ne manquerait pas de susciter la mise en œuvre du dispositif de la proposition de loi.

Ces obstacles d’ordre pratique tiennent notamment à la difficulté d’inclure tous les événements visés dans le champ du texte. En effet, ils sont d’une grande diversité. En outre, à l’heure d’internet et des réseaux sociaux, une soirée peut s’organiser très rapidement, en quelques « clics », au dernier moment. Par ailleurs, comment établir l’existence d’un lien avec les études, par exemple lorsqu’un étudiant décide d’organiser une fête à l’occasion de son anniversaire ?

Enfin, les préfectures et, le cas échéant, les forces de l’ordre se heurteront elles aussi à des difficultés pratiques pour suivre les quelque 20 000 manifestations organisées chaque année au sein de nos 4 000 établissements d’enseignement supérieur, sans même parler des risques de contournement, ce qui est interdit à Strasbourg ne l’étant pas forcément de l’autre côté du Rhin, pour prendre un cas de figure que je connais bien… Faudra-t-il chaque fois une déclaration ?

Surtout, en légiférant de manière trop brusque, ne risque-t-on pas de casser la dynamique de prévention constatée au cours de nos auditions ? J’ajoute qu’il n’est naturellement pas question de stigmatiser le monde étudiant, qui n’est pas seul concerné par le problème de la consommation excessive d’alcool.

En conclusion, la commission a considéré que la proposition de loi qui nous est soumise aborde un problème réel, grave dans certains cas, et qu’elle contient de bonnes idées, notamment la déclaration préalable au chef d’établissement, même si le régime prévu d’autorisation par le préfet lui a paru un peu lourd.

Cependant, en l’état actuel des choses, il est apparu à la commission prématuré de légiférer. Si le texte que nous examinons constitue une bonne base de réflexion, il ne permet pas de répondre à l’ensemble de la problématique, laquelle va au-delà des seules soirées étudiantes. La commission des lois a donc décidé de soumettre au Sénat une motion tendant à son renvoi à la commission, afin de poursuivre la réflexion sur le sujet. À cette fin, M. le président de la commission des lois a proposé que soit mis en place un groupe de travail commun avec la commission des affaires sociales.

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