En effet, l’article 68 introduit dans la Constitution une procédure de destitution du Président de la République en cas de manquement manifestement incompatible avec l’exercice de ses fonctions. Cette destitution n’a pas pour objet de mettre en cause la responsabilité pénale du Président de la République. Il s’agit d’une procédure politique, au sens noble du terme, en vertu du principe selon lequel l’atteinte à une institution issue du suffrage universel ne peut être appréciée que par le représentant du peuple souverain.
Ainsi, le Parlement, constitué en Haute Cour, ne peut se prononcer sur la qualification pénale du manquement ; ce n’est pas son rôle. Il statue seulement sur l’atteinte portée à la dignité de la fonction, afin de rendre le Président de la République à la condition de citoyen ordinaire.
Cette possibilité de destitution est donc une procédure dépénalisée, et j’insiste sur ce terme. Pour la Haute Cour, il s’agit non pas de se substituer à la justice afin de juger le chef de l’État – tel n’est pas notre rôle, mes chers collègues, je le répète –, mais de se prononcer sur la capacité de ce dernier à poursuivre son mandat compte tenu des manquements qui lui seraient reprochés.
Aussi les parlementaires ne deviennent pas des juges politiques ; ce sont des représentants prenant une décision politique afin de préserver les intérêts supérieurs de la nation.
Aujourd’hui, le chef de l’État bénéficie d’une double protection : d’une part, l’irresponsabilité, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions, et, d’autre part, l’inviolabilité, qui le protège des poursuites judiciaires pendant la durée de son mandat. Cette double protection ne doit pas faire obstacle à la mise en cause de la responsabilité du Président de la République dans l’hypothèse où il se montrerait indigne de sa fonction. Il ne peut avoir tous les droits sans aucune contrepartie : ceux qui sont attachés à ses prérogatives constitutionnelles et ceux qu’il prétend exercer comme tout justiciable, comme le droit de se porter partie civile, alors que l’article 67 interdit toute réciprocité pour la partie adverse.
Il ne peut rester dans cette position d’irresponsabilité « intégrale » et, en la matière, nous en convenons tous, le transitoire ne peut devenir la règle. La loi constitutionnelle a été votée ; encore faut-il maintenant qu’elle s’applique. C’est tout simplement ce qu’il vous est demandé, mes chers collègues, et non pas, comme vous avez tenté de le faire, d’appliquer des filtres quels qu’ils soient à une procédure clairement explicitée par notre loi fondamentale ! Pourquoi craindre aujourd’hui plus qu’hier la possibilité donnée par cet article d’une forme de censure du Président de la République ? La destitution est une procédure exceptionnelle et elle le restera.
Mes chers collègues, la présente proposition de loi organique n’est pas polémique. Elle ne traduit pas des positions de principe propres au groupe socialiste-EELV. Elle tend seulement à rendre applicable une disposition de la Constitution qui concerne tout Président de la République, en exercice ou à venir.
Sur le fond, cette proposition de loi organique, qui s’en tient à la stricte transcription de la Constitution, amendée par vos soins, a pour objectif de recueillir l’adhésion de l’ensemble de notre assemblée afin de consolider utilement nos institutions. Il serait dommageable pour celles-ci que certains tentent de politiser la simple mise en œuvre d’une disposition constitutionnelle, ce qui conduirait à en diminuer la valeur et donc à la fragiliser.
Pour conclure, je tiens à dire que je m’interroge toujours quant aux raisons qui ont poussé une partie des élus siégeant sur ces bancs