J’étais intervenu en première lecture sur l’impérieuse nécessité de maintenir la clause de compétence générale en matière de culture.
Les sénateurs qui ont voté la suppression de cette clause avaient pris la lourde responsabilité de diminuer le budget national 2010 de la culture, car, en annonçant son intention de diminuer les crédits affectés à la culture, l’État obligeait les collectivités territoriales, qui financent 75 % du budget culturel de la nation, à faire de même.
Tous les milieux culturels protestèrent, pétitionnèrent, manifestèrent. Ici même, des représentants des groupes de gauche reçurent une forte délégation des milieux de la création et de la culture, à l’issue d’une manifestation qui rassembla 4 000 participants. En région, il y eut un vrai mouvement de protestation, y compris chez beaucoup d’élus.
L’Assemblée nationale dut alors modifier le texte du projet de loi par un amendement introduisant le maintien des compétences partagées dans les domaines de la culture, du sport et du tourisme.
C’est un progrès, mais un petit progrès, tant les textes qui le définissent sont marqués par un flou. Il y a, certes, un ajustement, mais cet ajustement est, disons le mot, bancal et il est marqué par le langage technocratique.
Je dis aux artistes et techniciens, aux sportifs, aux associatifs, aux élus de toutes les collectivités territoriales et à vous, mes chers collègues, que la modification votée au Palais-Bourbon ne doit pas ébrécher vos inquiétudes : aux alentours de cette loi, se multiplient déjà les soustractions contraintes des finances des collectivités territoriales, au moment où l’État, par le biais de la RGPP n° 2 et par les récentes décisions présidentielles, rabote ses crédits culturels.
Autrement dit, la bataille n’est pas gagnée : les actions qui rassemblent doivent continuer.
Fondée en 1960 par le député-maire de Saint-Étienne Michel Durafour, la Fédération nationale des communes pour la culture, toujours pluraliste, a fait une analyse lucide du projet de loi. Bien sûr, elle préfère l’amendement de l’Assemblée nationale, même ultra-compliqué – donc un « ultra-piège » ! –, mais elle n’est pas béate devant la solution proposée dont elle sent et devine les chausse-trapes. Elle nous a dit sa vigilance.
Je ne saurais donc me réjouir pleinement de la petite avancée proposée, d’autant qu’inscrire la culture, le sport et le tourisme au rang des exceptions, c’est mieux confirmer la suppression de la clause de compétence générale des collectivités territoriales comme principe, c’est porter un coup à la solidarité entre territoires, source de travail ensemble, de maillage, de coopérations et de mutualisation, cette solidarité à laquelle on doit tant.
Ce rétropédalage en catastrophe, inscrit in extremis à l’Assemblée nationale, montre bien que ce projet de loi, censé simplifier les structures et les compétences territoriales, témoigne d’une méconnaissance effarante des réalités locales : la culture est, de fait, une compétence partagée avec financements croisés et il ne peut en être autrement.
Enfin, la rédaction du texte actuel n’enraye pas le désengagement de l’État puisque la compétence culturelle, sportive et touristique est partagée entre les communes, les départements et les régions. Mais où donc se trouve alors l’État ? Il a disparu, s’arrangeant pour organiser lui-même son éloignement, sa sortie !
Par exemple, à l’article 35 ter, alinéa 6, le fait, dans le patrimoine, de contraindre les collectivités territoriales à une participation minimale de 20 % du montant total du financement est un pas en avant sur le texte d’origine, où elle était de 50 %. Mais la contrainte des 20 % l’est par dérogation, avec un bel avenir jurisprudentiel !
Comme l’État s’est lui-même « passé par la fenêtre », cette dérogation contrainte facilite le transfert et culpabilise les collectivités territoriales, de plus en plus dépouillées de ressources par le même État, à moins qu’un privé ne se présente et n’emporte la mise, comme c’est souvent la règle aujourd’hui.
Cette loi est un micmac et la Fédération nationale des communes pour la culture s’inquiète légitimement de ses potentialités dangereuses dans un moment d’asphyxie financière organisée, qu’illustre l’évanouissement de la taxe professionnelle !
Allons ! culture, sport et tourisme sont des compétences partagées, mais financées par quels moyens ?
Enfin, un amendement de la commission des finances nous propose de rétablir l’article 35, …