Si nous n’avions pas pris en compte les suggestions utiles que comporte le projet de loi, vous l’auriez regretté, monsieur le garde des sceaux. Vous le voyez, nous œuvrons au bien commun.
L’article 68 prévoit une procédure de destitution du Président de la République en « cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat ». Cette procédure est conduite par la Haute Cour.
Une première question se pose, celle des modalités de saisine de la Haute Cour.
La proposition de loi de François Patriat et Robert Badinter prévoyait que la saisine fût ouverte à soixante députés ou soixante sénateurs. Le projet du Gouvernement prévoit que l’initiative d’un dixième des députés ou des sénateurs serait suffisante.
Nous avons décidé de reprendre à notre compte le texte du Gouvernement, car il est patent – vous serez d'accord, monsieur le garde des sceaux – que ce dernier protège davantage les droits du Parlement que la proposition de loi que nous avions rédigée initialement.
En second lieu, il est question, dans le projet du Gouvernement, d’un filtre des saisines par les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat, qui devraient juger de leur caractère « sérieux ».
Nous avons estimé qu’il ne s’agissait pas d’une bonne voie. En effet, si le nombre requis de parlementaires opère la saisine pour sanctionner un acte très grave du Président de la République – il s’agit de la destitution de ce dernier, je le rappelle –, le caractère sérieux de la saisine nous semble évident. De toute façon, c’est à la Haute Cour qu’il reviendra de statuer in fine.
Aussi n’avons-nous pas suivi ce chemin. Du reste, j’ai quelques raisons de penser que nos collègues députés feront peut-être une analyse similaire… Je suppose que vous pensez la même chose, monsieur le garde des sceaux ; nous avons les mêmes sources.
S'agissant des délais – quinze ou treize jours – de transmission de la saisine d’une assemblée à l’autre, nous avons repris les dispositions du projet de loi.
Pour ce qui est du bureau de la Haute Cour, nous nous sommes également inspirés du projet de loi, en prévoyant une parité totale entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
Vous le voyez, nous avons repris ce qui, dans le projet du Gouvernement, nous paraissait aller dans le bon sens.
Concernant la commission instituée en cas de saisine de la Haute Cour, qui jouera un rôle essentiel puisqu’elle procédera en quelque sorte à l’instruction de la saisine, nous avons modifié le texte, pourtant déjà très positif, de François Patriat et Robert Badinter.
En effet, ce texte prévoyait, comme celui du Gouvernement, que cette commission fût composée des vice-présidents des deux assemblées du Parlement. Nous n’avons pas très bien compris pourquoi il faudrait que les membres de la commission soient vice-présidents de l'Assemblée nationale ou du Sénat !
Par conséquent, nous avons proposé, à l’issue de longs débats, que la commission soit distincte du bureau de la Haute Cour et que ses vingt membres soient désignés, dans chaque assemblée, selon la représentation proportionnelle au plus fort reste, dans le respect du pluralisme des groupes. Nous avons pesé chaque mot, afin que cette commission soit totalement indépendante, parfaitement représentative du pluralisme des deux assemblées et de leur parité.
Demeure la question de savoir si le chef de l'État peut être amené à s’exprimer devant la commission, puis devant la Haute Cour.
La position de la commission des lois est la suivante.
Nous pensons que la commission doit pouvoir demander au chef de l'État de venir s’exprimer. Bien entendu, elle ne doit pas pouvoir le contraindre à le faire, car ce serait contraire aux devoirs de sa charge comme à notre conception de la fonction de chef de l'État et à son statut. En revanche, il nous paraît légitime qu’elle puisse demander à l’entendre. Il nous paraît également légitime que le chef de l'État puisse lui-même demander à être entendu.
Il en va de même pour la Haute Cour.
Le chef de l'État peut avoir un conseil. Nous estimons que ce conseil doit pouvoir s’exprimer aussi bien devant la commission que devant la Haute Cour.
Nous considérons en revanche qu’il ne serait pas judicieux qu’il puisse s’exprimer à la place du chef de l'État, mais il peut le faire en sa présence, si toutefois le chef de l'État souhaite venir, ce que, selon notre texte, il peut très bien ne pas faire.
Tels sont les principaux points du texte dont nous allons discuter tout à l’heure.
Mes chers collègues, j’espère vous avoir convaincus et, si tel n’est pas le cas, j’aimerais connaître vos arguments !