Intervention de Marie-Christine Blandin

Réunion du 5 juillet 2010 à 14h30
Réforme des collectivités territoriales — Article 35

Photo de Marie-Christine BlandinMarie-Christine Blandin :

Si nous relisons l’article 35, éclairés par quatre heures de questions des sénateurs et de réponses des ministres, dans la soirée du mercredi 30 juin, sur l’article additionnel avant le chapitre Ier, nous en déduisons un certain nombre de choses.

Premièrement, la collectivité exerce les compétences attribuées par la loi – alinéas 2, 6 et 11 –, mais le brouillage commencera avec les métropoles, qui pourront, à façon, faire « glisser » vers elles ces compétences.

Deuxièmement, si la collectivité délibère et motive son choix, elle peut se saisir d’un autre objet – alinéas 4, 8 et 12. Mais cela fera de perdre du temps et de l’argent avec des réunions plénières qui seraient inutiles si la clause de compétence générale était confortée.

Troisièmement, la coopération décentralisée est une compétence partagée. Fort bien ! Mais seul le sport, le tourisme et la culture sont inscrits. La confusion se poursuit…

Enfin, l’alinéa 17 permet que, partagée ou non, toute compétence puisse être déléguée à une autre collectivité.

Eh bien, je regrette de ne pas avoir eu la présence d’esprit de déposer un amendement pour remplacer « clarification » par « brouillage des compétences » !

Rappelons que, à force de vouloir clarifier, on a failli tuer la culture. Alors que 70 % des financements du spectacle vivant viennent des collectivités, et pour une part significative des régions et des départements, vous aviez envisagé la fin des compétences partagées !

En la matière, cela signifiait la perte des deux tiers des ressources, mais aussi la fin de l’autonomie de l’artiste, qui ne saurait dépendre d’un seul interlocuteur politique : après ce que Jean Vilar décrivait à Malraux comme le « mariage cruel » entre politique et artiste, on irait tout droit vers le risque d’inféodation, voire d’instrumentalisation de la culture, qui, rappelons-le, n’est pas là pour convier les foules à des fêtes populaires dédiées au rayonnement du territoire et à la gloire des élus qui les financent.

Il aura fallu trois quarts de navette et l’alerte lancée par tous les acteurs concernés pour qu’enfin l’on parvienne à une rédaction à peu près satisfaisante et pour que l’alinéa 14 spécifie clairement que la compétence est partagée entre les communes, les départements et les régions. Nous nous en réjouissons, mais ce n’est guère qu’une bouée de sauvetage et nous ne sommes pas vraiment rassurés pour autant.

La suppression de la taxe professionnelle, qui restreint les marges de manœuvre des collectivités, va pousser les élus peu vigilants à faire de la culture leur variable d’ajustement et à préférer soutenir l’entreprise de frites congelées plutôt que le sextuor à cordes !

C’est pourquoi le Gouvernement ne saurait se soustraire à son devoir de financeur et de garant de la création et de la diffusion sur tout le territoire. Or, de RGPP 1 en RGPP 2, de régime maigre de l’intermittence en subventions amoindries des DRAC, le compte n’y est plus.

Monsieur le secrétaire d'État, il n’y a pas de bonne décentralisation sans clarification des compétences de l’État, sans garanties de son engagement.

Dès lors, sauf assertion contraire de votre part, il doit être entendu que, dans la phrase « Les compétences en matière […] de culture […] sont partagées entre communes, départements et régions », la non-mention de l’État ne s’explique que par l’intitulé du titre du projet de loi, « de réforme des collectivités territoriales », et qu’il faut comprendre : « Les compétences en matière de culture sont partagées entre les communes, les départements, les régions et l’État. »

Enfin, il y a quand même quelque chose de romantique, voire de pathétique à nous voir ainsi revendiquer des compétences. C’est comme si nous exigions de courir le triathlon alors que vous nous auriez lié les chevilles et coupé l’oxygène en supprimant la taxe professionnelle.

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