Madame la présidente, monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 35 est particulièrement important, d’abord parce qu’il est censé traiter de la question essentielle des compétences, mais aussi parce que c’est celui qui a, dans sa philosophie générale, le plus changé entre la première lecture et la deuxième lecture au Sénat.
Tel qu’il avait été adopté en première lecture, il posait notamment le principe de l’adoption d’une loi, dans un délai d’un an après la promulgation de celle qui résultera de nos actuels travaux, précisant la répartition des compétences entre chaque collectivité. Tout au long de la première lecture, on nous a bien rappelé qu’il s’agissait d’un article de principe, que la question des compétences serait abordée ultérieurement et qu’elle ne devait en aucun cas être traitée dans le cadre du présent texte !
Or, lors de la première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a opéré un revirement complet : il a déposé un amendement tendant à régler la question des compétences.
Comme je l’ai déjà indiqué, d’un point de vue formel, je considère cette attitude comme quelque peu désinvolte - pour ne pas dire plus – vis-à-vis de la Haute Assemblée, qui est, je le rappelle, compétente en premier ressort sur tous les sujets concernant les collectivités locales. Il s’agit donc d’une violation, si ce n’est du texte même de l’article 39 de la Constitution, à tout le moins de son esprit, pour reprendre une formule utilisée tout à l’heure par M. le rapporteur sur un autre sujet.
De plus, lorsque des dispositions importantes sont introduites par voie d’amendement, et non d’emblée dans le projet de loi, les travaux préalables, les expertises effectuées ne sont pas les mêmes ; l’avis du Conseil d’État, en particulier, n’est pas requis.
Nous regrettons donc profondément la méthode employée.
Sur le fond, et c’est évidemment le plus important, l’article 35 ne règle rien du tout ! Il illustre la position mi-chèvre mi-chou du Gouvernement, qui, par le texte qui nous est soumis, veut faire plaisir à tout le monde mais ne fait finalement plaisir à personne.
Dans ce texte, on ne trouve pas la clause générale de compétence – certains, dont je ne suis pas, le déplorent –, mais on n’y trouve pas non plus de dispositions précises quant aux compétences affectées à chaque niveau de collectivités.
Ce qu’on y trouve, en revanche, ce sont des formules assez extraordinaires : on nous explique que les collectivités exercent les compétences que leur confère la loi. Une véritable révolution juridique ! On nous indique également qu’une collectivité peut se saisir d’une compétence qui n’aurait pas déjà été attribuée à une autre collectivité, ce qui est tout de même, juridiquement parlant, très intéressant…
Il est néanmoins précisé que des compétences au demeurant importantes – en matière de culture, de sport et de tourisme – sont attribuées de manière concurrente aux communes, aux départements et aux régions. On pourrait penser que cette liste est exhaustive. Mais il n’en est rien ! Lors du débat que nous avons eu voilà quelques jours sur la clause générale de compétence, Michel Mercier, alors au banc du Gouvernement, voulant nous rassurer, a bien dit que les compétences spécifiquement visées à l’article 35 n’étaient pas les seules concernées. À titre d’exemple, il a cité la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, aux termes de laquelle les collectivités – sans autre précision – sont compétentes en matière de haut débit.
En définitive, il n’y a même pas, dans ce texte, la moindre clarification quant aux compétences attribuées à chaque niveau de collectivités.
Bref, l’article 35, tel qu’il est rédigé, n’est pas du tout satisfaisant. C’est pourquoi nous présenterons un amendement tendant à revenir aux engagements initiaux du Président de la République, à savoir l’élaboration, dans un deuxième temps, d’un projet de loi fixant les compétences précises de chaque niveau.