A-t-on besoin de connaître le solfège pour apprécier Mozart ? A-t-on besoin d’être électronicien pour utiliser un iPhone ?
Les textes que nous votons dans cet hémicycle sont-ils accessibles aux citoyens ? À la page 44 du projet de loi, par exemple, voici ce que je lis pour l’alinéa 13 de l’article 10 : « À l’article L. 2571-2 du même code, la référence : “L. 2113-26” est remplacée par la référence : “L. 2113-23”. » Il ne fait aucun doute que ce fruit d’un excellent travail parlementaire est accessible à tout citoyen…
Pourquoi, dans notre pays, seule l’organisation territoriale devrait-elle être parfaitement simple, voire simpliste ? Mais là n’est peut-être pas la question principale.
Monsieur le ministre, pourquoi vouloir réduire à tout prix la capacité d’initiative d’une collectivité territoriale, en contradiction avec le principe de la libre administration ?
De nombreux exemples de toutes les avancées que, dans les années précédentes, des initiatives ont permis de réaliser. On prétend vouloir maîtriser la dépense. Mais on sait bien que ce n’est pas parce qu’un investissement sera, demain, décidé et financé par une seule collectivité, au lieu de deux ou trois, qu’il coûtera moins cher !
Et puis, s’il s’agit de maîtriser et d’étrangler les collectivités territoriales, monsieur le ministre, vous l’avez déjà fait : avec la suppression de la taxe professionnelle et le resserrement des dotations de l’État ! Inutile, donc, de passer un deuxième garrot autour du cou des collectivités : elles sont déjà étranglées !
Ce n’est peut-être qu’un détail, mais quelle signification donner à la mise en place de ce seuil démographique de 3 500 habitants, sans prise en compte de la richesse de la commune, de son potentiel ou de son effort fiscal ? Comment pourrait-on traiter uniquement en fonction de ce seuil démographique une commune située en périphérie d’une grande agglomération ou une autre placée au centre d’un bassin de vie rural ?
J’ajoute une autre question essentielle : quels progrès ces dispositifs amèneront-ils par rapport à la situation actuelle ?
On le sait d’ores et déjà, 80 à 90 % des financements des départements et des régions sont des financements spécialisés. Les financements croisés concernent la culture, le sport et le tourisme : des domaines pour lesquels vous voulez précisément maintenir diverses possibilités de financement.
Monsieur le ministre, concernant le développement économique, quels sont vos objectifs, quelles sont vos intentions ? Envisagez-vous que certains niveaux de collectivités territoriales, disposant d’assemblées élues, n’aient plus aucun regard sur le développement économique, n’aient plus aucun lien ni aucun partenariat avec le monde de l’économie ?
Une expérience maintenant assez ancienne nous le montre, la conjugaison de la décentralisation et de la clause de compétence générale a donné naissance à des partenariats de qualité entre les collectivités. Elle a contribué au développement de nos territoires, de nos communes et de nos villages.
L’article 35 illustre l’absence de cohérence et de ligne directrice d’un projet où les revirements succèdent aux hésitations, où le bricolage le dispute à l’improvisation !
Malheureusement, il mettra en danger l’équité territoriale, l’aménagement du territoire et de l’espace rural, l’équipement de nos communes et leur développement.
D’autres voies étaient possibles, en faisant le pari de la décentralisation, de la confiance aux élus et de l’« intelligence des territoires » – l’expression est forte –, mais aussi en construisant de nouvelles relations de confiance entre l’État et les collectivités territoriales.