Ce rapport est en effet accablant, d’abord sur l’effet d’aubaine.
Nos collègues pointent, avant l’application de la loi TEPA, l’existence d’une « sous-déclaration des heures supplémentaires structurelles », qui « constituait un gisement naturel pour l’effet d’aubaine ». Selon eux, cela a pu entraîner « une hausse du nombre d’heures supplémentaires déclarées sans que la durée du travail effective augmente ». Ainsi, la mise en œuvre de la loi « aurait conduit pour l’essentiel à subventionner les heures supplémentaires structurelles qui auraient été effectuées en l’absence du dispositif TEPA ».
Si je voulais être particulièrement incisif, je dirais que cet effet d’aubaine s’apparentait quasiment à une opération de blanchiment de travail au noir !
En outre, MM. Gorges et Mallot n’excluent pas que « le dispositif ait, au moins transitoirement, pesé sur les négociations salariales à l’avantage des employeurs ».
Leur rapport est aussi accablant sur les gains et avantages fiscaux.
Pour les 9 millions de foyers fiscaux français qui ont bénéficié du dispositif TEPA depuis 2007, le gain médian est très limité, puisqu’il s’élève à 29 euros par mois, soit 350 euros par an ; le gain moyen atteint 42 euros, c'est-à-dire 500 euros par an.
Faut-il le rappeler, le Président de la République, lors de son intervention télévisée du 27 octobre dernier, avait lui-même évoqué ces 9 millions de salariés ayant touché 450 euros, tout comme le ministre du travail, il y a quelques jours, mais aucun des deux n’a alors cru bon de préciser qu’il s’agissait d’une moyenne, qui plus est annuelle !
Comme le soulignent les auteurs du rapport, le gain global est estimé, non pas à 3 %, mais à 0, 3 % du revenu disponible des ménages… Fiscalement, la mesure profite plus aux classes moyennes imposables qu’aux foyers fiscaux les plus modestes, non imposables. Et pire encore, le dispositif ne prévoyant pas de plafonnement du gain fiscal, les auteurs du rapport notent que cela a pu conduire à « des avantages pouvant être jugés disproportionnés ».
Ainsi, pour les mille foyers qui profitent le plus de la mesure – ceux dont le revenu annuel atteint près de 100 000 euros –, le gain moyen s’élève à 8 000 euros, soit 8 % de leurs revenus. Ce n’est pas, madame la ministre, ce que vous nous avez décrit !
Les auteurs du rapport donnent enfin le coût, exorbitant, de cette défiscalisation : 4, 5 milliards d’euros par an, c’est-à-dire près de 15 milliards d’euros depuis l’automne 2007 !
La troisième et dernière pièce que je veux verser au dossier est une analyse de Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques, rattaché à l’Institut d’études politiques de Paris.
Selon lui, « la défiscalisation des heures supplémentaires était déjà une mesure discutable en période de croissance et de baisse du chômage, mais c’est une politique néfaste en période de crise économique et de forte augmentation du chômage. Inciter les entreprises à faire des heures supplémentaires alors qu’il n’y a plus d’activité a un effet négatif et pervers sur l’emploi. »
Il ajoute que « lors d’un retournement de conjoncture, la répercussion de la baisse de l’activité se fait en trois temps : adaptation de la durée du travail - chômage partiel et réduction des heures supplémentaires -, puis fin des contrats précaires - intérim et CDD - et enfin licenciements économiques. En raison des mesures de la loi TEPA, nombre d’entreprises sont passées directement au deuxième temps. » Et donc aussi au troisième, celui des licenciements, serais-je tenté d’ajouter.
Quelles conclusions tirer de ces trois pièces ainsi versées à notre dossier ?
Avec 18, 5 millions de salariés à temps plein, un supplément de 0, 4 heure de travail hebdomadaire entre le milieu de l’année 2007 et la fin de l’année 2010 correspond à 197 000 équivalents temps plein.
Bien sûr, madame la ministre, nous savons que cette équivalence ne se réduit pas à un simple jeu de vase communicants…