Sur le plan juridique, l’objet de l’amendement n° 166 rectifié est donc particulièrement flou, pour ne pas dire plus.
L’examen au Sénat des amendements portant sur les articles 35 et suivants doit donc permettre, tout du moins je l’espère, de clarifier les intentions du législateur. Les choses ne peuvent en effet rester en l’état, sous peine, je le dis clairement, d’introduire une très forte incertitude juridique pour l'ensemble de nos collectivités territoriales.
Rappelons d’abord que l’Assemblée nationale a souhaité transformer les principes contenus dans cet article 35 en plusieurs articles juridiques directement opérationnels, alors qu’ils étaient jusqu’alors dépourvus de portée normative. Le Gouvernement a accepté de suivre l’Assemblée nationale dans cette voie pour donner au projet de loi le maximum d’effet utile.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il en résulte trois séries de dispositions, qui sont soumises à votre examen.
La première est l’affirmation de quelques principes généraux de bon sens, peu nombreux, afin de fixer un cadre pour notre législation, existante et à venir.
Tel est l’objet de l’article 35.
Il est ainsi prévu que seules les communes conservent ce qu’il est convenu d’appeler la « clause de compétence générale », les départements et les régions n’exerçant, quant à eux, que les compétences conférées par le législateur. En revanche, ces derniers disposent, comme le demandaient les auteurs du rapport de la mission présidée par votre collègue Claude Belot, d’une capacité d’initiative en vertu de laquelle les départements, pour ce qui les concerne, peuvent ; « par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ».
Cette disposition part d’un constat simple : même si le législateur ne peut prévoir à l’avance toutes les situations, il faut pourtant leur apporter une réponse publique ; on l’a vu lors de récents événements. Les collectivités pourront donc, comme elles le souhaitaient, apporter des réponses innovantes à ces situations et initier des projets qui seront autant de « marqueurs » du territoire.
M. Jacques Gautier a eu tout à fait raison, il y a quelques instants, de rappeler très clairement les règles relatives au financement et l’opportunité que celui-ci représente encore pour les régions et les départements. Ce sujet a en effet été source de confusion et de nombreux contresens.
Sur cette question juridique compliquée, il faut être très précis. Michel Mercier a d’ailleurs déjà eu l’occasion, au cours des débats, de le rappeler, jamais le droit français, ni dans la loi ni dans la jurisprudence administrative, n’a consacré une « clause de compétence générale » qui s’apparenterait à la capacité conférée aux collectivités territoriales d’intervenir dans tous les domaines de compétences qu’elles souhaiteraient, indépendamment des compétences attribuées par le législateur à telle ou telle catégorie de collectivités territoriales.
Quel est l’état du droit aujourd’hui sur cette question ?
Tout d’abord, la Constitution est très claire. Elle confie au législateur national, c’est-à-dire à vous-mêmes, mesdames, messieurs les sénateurs, la responsabilité d’attribuer l’exercice des compétences aux différentes catégories de collectivités territoriales. L’article 34 de la Constitution dispose ainsi que « la loi détermine les principes fondamentaux […] de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources ».