Intervention de Michèle André

Réunion du 18 novembre 2011 à 14h30
Loi de finances pour 2012 — Articles additionnels après l'article 3

Photo de Michèle AndréMichèle André :

S’il avait fallu choisir un article emblématique du projet de loi de finances pour 2011, nul doute que l’article 41, devenu l’article 74 de la loi promulguée, dissimulé au sein de la première partie du projet de loi, l’aurait emporté, pour ses « qualités » à la fois de fond et de forme.

J’évoquerai tout d’abord le fond.

Afin de réunir les 11 milliards d’euros d’augmentations d’impôts prévues dans le projet de budget pour 2011, il a été demandé aux justiciables les plus défavorisés bénéficiant de l’aide juridictionnelle de verser à leur avocat un droit de plaidoirie de 8, 84 euros, cette mesure permettant de récupérer 5 millions d’euros, soit moins de 2 % des montants alloués au titre de l’aide juridictionnelle. L’objectif financier de cette mesure est modeste.

En outre, la mesure prévue à l’article 74 est contraire à un principe fondamental de notre droit, l’accès à la justice, lequel oblige l’État à assurer aux citoyens un recours juridictionnel effectif. Elle est également peut-être contraire à la Constitution ou à la Convention européenne des droits de l’homme.

Surtout, la mesure instaurée par l’article 74 concerne des personnes en situation de précarité ou de faiblesse, comme les enfants aux prises avec le divorce délicat de leurs parents. Ces enfants n’ont pas, en principe, de moyens financiers, mais ils peuvent bénéficier des services des avocats pour enfants, lesquels sont rémunérés par l’aide juridictionnelle et non par l’un des parents, la parole des enfants ne devant pas souffrir de considérations financières.

Selon l’exposé des motifs de l’article 74, il s’agissait d’instaurer une « participation financière permettant de sensibiliser les justiciables au coût de l’aide juridictionnelle et de limiter les recours abusifs ». Permettez-moi de trouver la mesure – et la formule – aussi ridicule que dérisoire !

De plus, comme les avocats ne peuvent guère récupérer auprès des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle les droits de plaidoirie qu’ils doivent, pour leur part, reverser à la Caisse nationale des barreaux français – la caisse de prévoyance et de retraite des avocats –, la suppression de la prise en charge par l’État du droit de plaidoirie revient à transférer une charge de l’État vers la profession des avocats. Le modèle de la mesure existe : c’est celui du transfert par l’État aux collectivités territoriales de charges non compensées.

J’évoquerai ensuite la forme.

Intituler l’article 41 initial : « Amélioration du recouvrement et maîtrise de la dépense d’aide juridictionnelle » et prétendre vouloir « pérenniser le dispositif d’aide juridictionnelle tout en respectant l’objectif gouvernemental de réduction des dépenses d’intervention » est d’une grande hypocrisie. Il aurait mieux valu l’intituler : « Paiement par les avocats d’une partie de la prise en charge par l’État de l’aide juridictionnelle pour faire une petite gratte sur les dépenses ». C’est aussi hypocrite que de déclarer qu’il n’y aurait pas d’augmentations d’impôts dans le projet de loi de finances pour 2011, alors que celui-ci prévoyait 11 milliards d’euros d’augmentations !

Il est donc indispensable de supprimer le dispositif de l’article L. 723-4 du code de la sécurité sociale.

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