Je tiens à réagir aux propos qui viennent d’être tenus. Ils peuvent se résumer ainsi : si l’objectif est louable, certes, ce qui est proposé n’est pas faisable, pas sous cette forme en tout cas, et surtout pas maintenant.
Madame la ministre, mes chers collègues, cela fait maintenant quelques années que je présente, dans cet hémicycle, des amendements sur les textes relatifs aux finances. Figurez-vous que j’ai pris l’habitude d’entendre ce genre d’arguments !
Depuis des années, en effet, nous ne cessons de dénoncer les dérives du capitalisme financier, et ce à l’occasion de l’examen de textes aussi importants que la loi de transposition de la directive concernant les marchés d’instruments financiers, dite directive MIF, la loi de sécurité financière ou la loi relative aux nouvelles régulations économiques.
Nous avons présenté des dizaines d’amendements, prônant une autre forme de régulation et une vraie égalité de traitement. Chaque fois, nous avons entendu le même discours, et aujourd’hui encore : « vos propositions sont animées d’un bel esprit, mais, techniquement, elles ne sont pas réalisables ; il est trop tôt pour agir, mieux vaut encore attendre. »
Au fond, la seule nouveauté est la fameuse limitation du report des déficits, que vous avez évoquée, madame la ministre. Mais ce dispositif est bien minime et son impact très limité, puisqu’il s’agit simplement de restreindre l’étalement dans le temps des déficits.
Aujourd’hui, l’injustice qui règne en matière de fiscalité des entreprises est unanimement reconnue et jugée inadmissible. Je le répète, le taux de l’impôt sur les sociétés est, en moyenne, de 20 % pour les PME, contre 8 % seulement pour les sociétés du CAC 40. Cette situation va-t-elle durer encore longtemps ?
Nous proposons donc très simplement d’instaurer un seuil minimal, afin que les entreprises, les grandes comme les petites, payent au moins la moitié de l’impôt qu’elles doivent.
L’adoption de notre amendement aurait au moins cette vertu : envoyer un signal à toutes les entreprises, pour les inciter à appréhender le « devoir citoyen » en matière fiscale d’une façon différente.
M. le président de la commission me rétorque que cela supposerait des calculs supplémentaires. Mes chers collègues, je vous pose la question : qui, aujourd’hui, recrute des fiscalistes en grand nombre, par dizaines, pour faire de l’optimisation fiscale ? Les sociétés du CAC 40, justement !
Que l’on ne vienne pas me dire que ces experts en fiscalité ne seraient pas capables d’appliquer les nouvelles modalités de calcul du bénéfice « corrigé » que nous entendons mettre en place !
Les arguments qui nous sont opposés se révèlent tout à fait irrecevables au regard de l’objectif visé, qui est pourtant essentiel pour notre économie, notamment pour favoriser la mobilisation des PME. En outre, j’y insiste, la mise en œuvre de notre proposition permettrait d’améliorer grandement la justice fiscale dans notre pays.
Rien que pour le principe, l’amendement mérite donc d’être adopté. S’il y a des améliorations techniques à apporter, l’essentiel est de le faire vivre, pour que la réflexion se poursuive à l’Assemblée nationale et lors de la commission mixte paritaire. Je vous invite donc, mes chers collègues, à envoyer un signal fort en le votant.