Vous avez dit que votre amendement visait à limiter la spéculation. Or il s’agit de cessions de titres qui ont été détenus pendant au moins deux ans. Madame la sénatrice, après deux ans, on ne peut pas parler de spéculation ! La plus-value est alors considérée comme une plus-value à long terme, laquelle relève d’un autre dispositif.
En outre, comme Mme Bricq a eu l’honnêteté de le reconnaître, le coût de la niche Copé-Marini a été nettement surévalué, y compris par les services de mon ministère. En effet, il a été calculé comme si les plus-values de cessions étaient taxées à 33 %, taux de l’impôt sur les sociétés. Or, en France, on n’a jamais taxé des plus-values à long terme à 33 %. Le taux d’imposition est au maximum à 19 %. Donc, le coût de la niche n’est évidemment pas de 7 milliards d’euros. La somme exacte est inférieure d’environ 40 %.
Certes, même si le montant de la niche s’élevait à 3 milliards d’euros, ce serait toujours 3 milliards d’euros qu’on aurait envie de supprimer, j’en conviens, madame Escoffier ! Mais le problème ne se pose pas exactement en ces termes.
La question est de savoir si une base taxable résisterait, à l’horizon d’une année, à une trop lourde taxation. Je vous réponds tout simplement qu’il n’y aura quasiment plus rien à taxer. La base taxable va faire pschitt ! En effet, les grands groupes dont vous avez tous fort justement dit qu’ils avaient à leur disposition mille outils pour délocaliser leurs bénéfices, leurs profits, leurs participations et leurs cessions de titres, surtout ceux qu’ils détiennent depuis plus de deux ans, pourront évidemment réaliser ces cessions où ils le veulent, dans n’importe laquelle de leurs filiales.
Alors que dix-sept pays d’Europe détaxent totalement, croyez-vous vraiment qu’un grand groupe continuera à vendre des titres en France ?
Prenons un exemple. Nous avons augmenté rétroactivement pour 2011 de 5 % à 10 % le prélèvement sur la quote-part pour frais et charges de ces cessions de titres. J’ai rencontré des patrons d’entreprises multinationales depuis. Ils m’ont dit que cette année ils avaient été pris en traîtres, qu’ils allaient payer l’impôt puisque la cession avait eu lieu mais que, l’année prochaine, ils effectueraient leurs opérations ailleurs qu’en France !
Je veux bien qu’on taxe, mais ce sera encore un boulet supplémentaire qu’on mettra aux pieds des entreprises françaises, surtout des PME françaises qui n’ont pas de filiales à l’étranger ! En revanche, avec un bon conseiller fiscal, une grosse PME est parfaitement capable de se débrouiller pour céder ses titres hors de nos frontières.
Quand dix-sept pays européens décident de défiscaliser des opérations, il faut suivre la logique de convergence européenne : on se met tous d’accord ou pour taxer, ou pour détaxer !
Introduire, comme l’a fait le Gouvernement, ce qui est déjà audacieux, un frottement fiscal de 10 %, c’est le maximum de ce qu’on peut espérer de ces cessions. Si on essaie de faire davantage, sachez-le, le produit de la taxe disparaîtra, faute de cessions, car c’est à l’étranger qu’elles se feront !