Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 9 novembre 2011 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2012 — Article 16

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

La lutte contre l’addiction à l’alcool est un vrai sujet, qui donne lieu, on l’a vu, à des débats passionnés ! En ce domaine, l’action de l’État ne peut se réduire à des mesures fiscales, comme cela nous est proposé ici, ni servir de prétexte à la stigmatisation de certaines populations.

Je déplore, en conséquence, que l’exposé des motifs du PLFSS fasse expressément référence aux jeunes, qui sont, de fait, montrés du doigt, alors que le problème est bien plus vaste.

Selon l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, l’INPES, 54 % des hommes et 21 % des femmes – 35 % de l’ensemble de la population – ont, de façon occasionnelle ou régulière, une consommation d’alcool à risque, c’est-à-dire qui peut mettre leur santé en danger, à court ou long terme. En particulier, la population française compte 0, 9 % de personnes qui présentent un risque de dépendance à l’alcool : 1, 7 % des hommes et 0, 2 % des femmes.

Pour les personnes dont la consommation d’alcool relève de la pathologie, le dispositif du présent article sera vraisemblablement sans effet, les consommations addictives portant plus sur les alcools peu coûteux que sur les alcools les plus forts, visés par le texte. C’est souvent vers les produits vinicoles à bas prix que s’orientent les consommateurs à risque, comme en témoigne l’étude de l’INPES, qui révèle que le vin est aussi la boisson la plus consommée au quotidien : 13 % des consommateurs de l’année en ont bu tous les jours, contre 2 % pour la bière et moins de 1 % pour les spiritueux.

Les conséquences de la consommation d’alcool pour la santé de nos concitoyens sont très importantes. L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime que, chaque année, en France, 37 000 décès sont liés à l’alcool, dont 10 000 par cancer, 6 900 par cirrhose, 3 000 par psychose et dépendance alcoolique, ou encore 2 200 par accidents de la route. Au total, l’alcool est à l’origine de 14 % des décès chez les hommes et de 3 % chez les femmes.

La réduction de la consommation d’alcool apparaît donc comme une nécessité en termes de santé publique. Pourtant, la lecture de cet article nous donne l’impression qu’il s’agit plus ici d’une mesure purement économique et d’opportunité, dénuée de toute dimension sanitaire.

J’en veux pour preuve l’élargissement du périmètre de la cotisation de sécurité sociale aux boissons titrant plus de 18 degrés, censé dégager 340 millions d’euros de recettes, dont l’exposé des motifs prévoit clairement qu’ils seront répartis entre les branches maladie et vieillesse du régime des exploitants agricoles.

Dans un véritable objectif de santé publique, il faudrait instaurer une taxe sur le chiffre d’affaires des sociétés produisant de tels alcools et allouer les recettes correspondantes à la mission « Santé » de la loi de finances ou au budget de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, afin de financer des mesures de lutte contre l’addiction à l’alcool.

Par ailleurs, madame la ministre, je souhaiterais obtenir de votre part une précision. Cet article prévoit qu’à l’avenir le taux de la cotisation ne sera plus uniforme, mais dépendra du degré d’alcool, afin de la faire peser plus lourdement sur les alcools les plus forts.

Or ces alcools, comme je l’ai déjà dit, ne sont pas nécessairement ceux qui sont consommés au titre des pratiques addictives. Nous souhaiterions donc savoir si l’application de cette mesure aura pour effet de réduire le montant de la cotisation applicable actuellement à certaines boissons alcoolisées : je pense par exemple aux vins et aux bières. Si tel était le cas, le groupe CRC ne voterait pas cet article, visant sans doute davantage à satisfaire les lobbies que l’intérêt public.

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