Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les semaines qui viennent de s’écouler ont été évidemment importantes pour la France, pour la zone euro et pour ses partenaires.
La genèse de la crise qui s’est déclarée durant les dernières semaines est connue. Sous l’impulsion du Président de la République et de la Chancelière Merkel, les États membres de la zone euro avaient conclu, le 21 juillet, un accord sur un plan de préservation de la stabilité financière et de sauvetage de la Grèce.
Mais de nouvelles tensions sur les dettes souveraines sont apparues au cours de l’été. Cela a eu pour conséquence de détériorer la situation économique de certains pays et de fragiliser la zone euro. Il était donc nécessaire d’aller plus loin, pour rétablir la stabilité financière de celle-ci.
Dans ce contexte, les efforts concertés de la France, de la zone euro et de l’ensemble des partenaires du G20 se sont inscrits sous le triple sceau de la responsabilité, de la réactivité et de l’efficacité.
Nous avons, tout d’abord, une responsabilité commune : assurer la viabilité de nos finances publiques tout en soutenant la croissance. Cet objectif est désormais partagé par tous les États membres de la zone euro. L’abaissement de la note des États-Unis marque la fin d’une époque, durant laquelle les pays industrialisés pouvaient s’endetter indéfiniment.
Désormais, l’objectif de préservation de la soutenabilité des finances publiques s’impose à tous, notamment aux pays de la zone euro. L’effort de consolidation budgétaire n’est pas nécessairement uniforme : certains pays ont la possibilité de soutenir leur demande domestique, alors que d’autres doivent aller plus loin encore dans l’ajustement budgétaire.
Ainsi, l’Espagne a fait preuve d’un volontarisme remarquable en adoptant en un temps record une « règle d’or » budgétaire, inscrite dans sa Constitution, fruit d’un accord entre le Gouvernement et l’opposition.
Après avoir pris des mesures nécessaires pour recréer la confiance, atteindre l’équilibre budgétaire dès 2013 et renforcer sa croissance, l’Italie, de son côté, a décidé de faire appel à la Commission européenne, à la Banque centrale européenne, au Fonds monétaire international pour certifier ses résultats. Ces évaluations seront pratiquées sur une base trimestrielle et rendues publiques. Une telle décision constitue un engagement très fort en matière de transparence et d’exigence de la part des autorités italiennes.
Le Portugal et surtout l’Irlande poursuivent de manière déterminée leurs programmes de réformes, avec le soutien de nos mécanismes de gestion de crises.
Dans ce contexte de turbulences, d’incertitude, d’inquiétude quant à l’évolution de l’activité économique mondiale, la principale responsabilité de la France est de respecter son objectif intangible de réduction des déficits.
Le signal qui nous a été adressé ne concerne pas seulement les pays en situation difficile. Dois-je le rappeler, la France n’est pas une île : elle dépend, pour le développement de son activité, de l’environnement international et ne peut donc s’exonérer d’un effort d’assainissement de ses finances publiques.
Aucun gouvernement avant nous ne s’est engagé dans une démarche de sincérité et de transparence d’une telle ampleur. Nous nous sommes adaptés avec réalisme et sincérité à la conjoncture, dès lors que ses évolutions étaient avérées.
Plus important encore, nous avons immédiatement, en toute transparence là encore, indiqué aux Français quelles étaient les mesures d’économie qu’il nous fallait prendre pour compenser cette dégradation de conjoncture.
Nous l’avons fait le 24 août dernier, parce que partout, en Europe et aux États-Unis, les statistiques montraient que le deuxième trimestre avait été marqué par un fort ralentissement.
Nous le refaisons aujourd’hui, parce que, depuis le mois d’août, le contexte international a encore évolué : l’incertitude pèse sur l’activité économique aux États-Unis, la conjoncture en Europe s’est détériorée du fait de l’instabilité de la zone euro, la crise s’est aggravée en Grèce et en Italie, les pays émergents font eux aussi face à un ralentissement de leur économie.
Avec le plan du 7 novembre, la France prend sa part de responsabilités. Je tiens cependant à souligner que les mesures annoncées lundi par le Premier ministre présentent une différence majeure par rapport à celles qui ont été exposées le 24 août : alors que le plan du 24 août garantissait le respect de nos objectifs de déficit en 2011 et en 2012, avec une croissance de 1, 75 %, les mesures annoncées le 7 novembre vont bien au-delà. Celles-ci consolident l’ensemble de la trajectoire et permettront, pour la première fois en quarante ans, d’atteindre l’équilibre des comptes publics en 2016. C’est là une différence essentielle, qui crédibilise l’ensemble de notre stratégie budgétaire de façon durable.
Grâce à ces nouveaux engagements précis, le Gouvernement réalisera près de 115 milliards d’euros d’économies sur la période 2011-2016, soit un montant équivalent à celui de notre déficit actuel. Une fois encore, le ciblage précis de nos mesures nous permet de réaliser un effort de consolidation budgétaire significatif, tout en conservant les marges nécessaires pour une reprise de l’activité.
Faire ce choix, ce n’est pas obéir, comme je l’entends dire ici ou là, au diktat des marchés, c’est au contraire agir dans un esprit de responsabilité, pour assurer notre souveraineté, pour sauvegarder notre modèle social et pour protéger les Français ; c’est aussi apporter une contribution indispensable à la défense de notre monnaie commune, qui est un acquis fondamental.
Nous avons, ensuite, fait preuve de réactivité, en entreprenant de mettre en œuvre sans délai le plan global de réponse à la crise de l’Europe.
Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs réponses décisives ont ainsi été apportées.
Sur la question grecque, l’accord du 27 octobre dernier prévoit un nouveau plan d’aide de 100 milliards d’euros et la participation du secteur privé, également à hauteur de 100 milliards d’euros.
Il est fondamental que l’ensemble de la classe politique grecque œuvre au rétablissement de la confiance qui avait été perdue. Il n’existe aucune alternative à la conduite de réformes structurelles profondes et à la restauration de l’équilibre des comptes publics.
La question de la pertinence de la tenue d’un référendum n’est pas ici en cause, parce que se tourner vers le peuple est toujours légitime. Simplement, les engagements de réforme pris en contrepartie du soutien financier international doivent être appliqués.
Dans ces conditions, nous nous félicitons de l’intention de la Grèce de former un gouvernement d’union nationale, capable de réaffirmer un engagement clair et d’œuvrer, sans équivoque, à la mise en pratique de l’accord du 27 octobre.
Dans le cadre de cet accord, les chefs d’État et de gouvernement des pays de la zone euro ont également construit un rempart contre la contagion, en renforçant les moyens du Fonds européen de stabilité financière, le FESF.
Ce fonds jouera le rôle de pare-feu pour écarter les risques de contagion de la crise. Il a été décidé de démultiplier les ressources du FESF par le biais de deux mécanismes.
Il s’agit non pas d’augmenter la quote-part de chacun des États, ce que refusent tant l’Allemagne que la France, mais d’instaurer un effet de levier suffisamment puissant pour protéger d’autres pays de la zone euro susceptibles d’être attaqués par les marchés.
Ces deux mécanismes sont une forme d’assurance partielle sur la dette de certains États membres, d’une part, la création d’une structure financière permettant de recueillir des contributions d’investisseurs publics ou privés pour mener les opérations de stabilisation de la zone euro, d’autre part.
L’effet de levier recherché sera ainsi de quatre ou cinq, selon l’évolution des marchés, par rapport aux ressources disponibles du fonds. La capacité d’intervention sera ainsi de 1 000 milliards d’euros.
La mise en œuvre opérationnelle de ces mécanismes est essentielle. Avec mon homologue allemand, M. Schäuble, j’ai rappelé lundi dernier, lors de la réunion de l’Eurogroupe, notre détermination à arrêter ce dispositif au plus vite : c’est, là encore, une question de crédibilité et de transparence ; il s’agit aussi d’adresser un signal de confiance aux marchés.
Nous veillons en outre à garantir la solidité des banques européennes, qui participent au financement de l’économie.
Les fonds propres de ces banques seront renforcés à hauteur de 106 milliards d’euros, dont 8, 8 milliards d’euros pour les banques françaises.
Nous voulons montrer que les banques européennes sont suffisamment capitalisées pour faire face à des chocs systémiques extrêmes. Notre objectif est clair : désamorcer les craintes et briser la spirale négative engendrée par le risque souverain et le risque bancaire.
Par ailleurs, au travers de l’accord du 27 octobre, nous avons amélioré la gouvernance économique de la zone euro.
Nous devons, en effet, tirer les leçons de ces crises à répétition. Il n’est pas douteux que le temps de latence qui peut exister entre un accord pris au plus haut niveau de décision et son application technique représente un espace d’intervention pour des spéculateurs, dans un contexte où le risque souverain inquiète les marchés.
C’est la raison pour laquelle les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro se réuniront désormais au moins deux fois par an pour décider ensemble de la conduite de la politique de la zone euro. En outre, l’ensemble des États membres de la zone euro devront adopter, d’ici à 2012, une règle d’or relative à l’équilibre des finances publiques, de préférence de niveau constitutionnel.
De nouvelles avancées seront décidées d’ici au mois de décembre. Elles comprendront, notamment, des modifications limitées du Traité. Á cet égard, je veux souligner encore une fois la force et l’implication de la France et du gouvernement français dans ces travaux, aux côtés – et non pas en face – de la Chancelière et du gouvernement allemand.
Nous avons enfin un impératif d’efficacité pour la zone euro et pour le G20.
Le plan d’action adopté le 26 octobre par la zone euro a été conforté par nos partenaires du G20. Ils se sont engagés à renforcer les moyens du FMI, si le besoin s’en fait sentir, afin que cette institution internationale puisse jouer son rôle de rempart contre les risques systémiques. Il est un peu tôt pour dire quelles seront les options retenues : une augmentation des ressources, comme certains pays le souhaitent, des contributions bilatérales, des droits de tirage spéciaux ? Il n’y a pas eu d’accord sur ce point, mais ces pistes sont à l’étude. En revanche, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là, il n’a jamais été envisagé d’utiliser les réserves d’or. Il y a une volonté partagée d’adapter les ressources du Fonds monétaire international pour lui permettre de jouer son rôle de levier, de protection et de stabilisation des zones, au bénéfice de l’activité économique internationale.
Une action collective des membres du G20 a également été arrêtée pour soutenir la croissance globale, ce qui conforte les perspectives macroéconomiques en zone euro.
En résumé, les pays qui dégagent des excédents budgétaires se sont engagés, malgré leurs réserves initiales, à pratiquer, en tant que de besoin, selon l’évolution de l’activité internationale, une politique de relance, par un soutien de la consommation, par une politique salariale, par une démarche de modération fiscale.
Les autres pays, dont la France, s’inscrivent dans une logique de consolidation budgétaire, tout en prenant des mesures adaptées à la protection de la croissance convalescente. Le moteur économique de notre pays, c’est la consommation. Pour soutenir cette dernière, il faut protéger le pouvoir d’achat, et il faut également protéger le modèle social, donc les plus fragiles de nos concitoyens. Dans cet esprit, aucune des mesures qui ont été présentées par le Premier ministre n’intègre de dispositif susceptible d’affecter le pouvoir d’achat et l’activité économique.