Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la période historique a connu, sous des formes diverses mais de manière cyclique, des crises économiques et financières. Si l’on sort toujours d’une crise, la question est de savoir dans quel état. À cet égard, le souvenir des années trente a marqué l’ère moderne.
En 2008, la crise avait son origine dans les subprimes américains. C’était le temps – pourtant pas si lointain – où le remède présenté comme le gage efficace d’un retour rapide à la normale était la relance à tout va ; c’était le temps où faire exploser le déficit à 8 % du PIB, loin des 3 % imposés par Bruxelles, était considéré comme la thérapie idoine ; c’était le temps où le retour à la croissance devait forcément permettre de traiter le problème du déficit.
Les mois ont passé et, à l’instar d’un virus mutant, la crise a évolué, pris de nouvelles formes et frappé l’Europe de plein fouet, faisant apparaître les faiblesses structurelles de cette dernière aux yeux du monde, en particulier des pays émergents, dont certains font preuve d’une solidité financière et économique nouvelle.
L’Europe a été attaquée là où elle est faible. Quoi que l’on pense d’eux, les marchés financiers savent en effet depuis toujours que deux plus deux n’égalent jamais cinq. Ainsi, les pays de la zone euro, aux politiques économiques divergentes malgré leur monnaie unique, ont subi de plein fouet l’absence d’une politique financière et économique coordonnée, le premier domino à tomber – le plus faible – étant la Grèce.
En dépit des déclarations successives des gouvernements européens, la situation n’a fait qu’empirer. L’opinion, y voyant de l’impuissance de la part des pouvoirs publics, en fait très naturellement grief aux gouvernements, quelle que soit leur sensibilité. En tout cas, il ne saurait être bon pour le pays de faire une utilisation électorale de la crise.
Ce propos me conduit naturellement aux conséquences de la réunion du G20 à Cannes.
La bouteille est-elle à moitié vide ou à moitié pleine ? Quelques jours seulement après la fin du sommet, nous manquons encore de recul. Néanmoins, nous pouvons sereinement considérer que, pour nombre d’observateurs, le bilan est au mieux mitigé, et c’est un euphémisme. Les secousses perdurent, voire prennent de l’ampleur en Grèce et en Italie. Le G20 n’a rassuré personne.
Le gouverneur de la Banque de France a déclaré, il y a trois jours, que « la solution passe par la réparation des finances publiques des pays de la zone euro ». Nous savons que c’est exact, mais que cela ne résout pas tous les problèmes à court terme. Et comment oublier qu’il y a encore peu votre ligne politique consistait à ne point augmenter la pression fiscale et à rejeter catégoriquement le mot « rigueur », même lorsque le Premier ministre relevait lui-même l’état catastrophique de nos finances ?
Le G20 se caractérise par l’annonce tardive de mesures qui auraient été sensiblement plus efficaces voilà dix-huit mois. Beaucoup relèvent encore de l’effet d’annonce : je pense notamment à la taxation des transactions financières, si souvent renvoyée par le Gouvernement aux calendes grecques – sans mauvais jeu de mots –, y compris dans cet hémicycle.
Reconnaissez par ailleurs que la lutte contre les paradis fiscaux n’avance que très lentement.
Nous souhaitions une intervention beaucoup plus massive de l’Union européenne sur le dossier grec. À cet égard, nous déplorons que vous ayez renoncé à proposer la solution des eurobonds, pourtant acceptée par les autorités européennes.
Je l’affirme : les ressources disponibles du Fonds européen de stabilité financière sont encore insuffisantes face aux 3 400 milliards de dollars de dette des pays les plus menacés. J’affirme également que, s’agissant de la valeur de l’euro et de la correction des déséquilibres économiques mondiaux, nous pouvons considérer que la réforme du système monétaire international n’a pas vraiment avancé.
Certes, monsieur le ministre, l’exercice est très difficile. Nous sommes d’ailleurs conscients de l’ampleur de la tâche qui est la vôtre. Il mérite les efforts de tous, au-delà des différences de sensibilités.
Toutefois, la façon dont notre pays a été dirigé ces dernières années, sur le plan économique comme sur le plan financier, a rendu cet exercice encore plus difficile. La responsabilité incombe naturellement et légitimement à ceux qui exercent le pouvoir : c’est la règle de la démocratie ; vous n’y échapperez pas !