Je tiens à remercier M. Gaudin d’avoir souligné le rôle déterminant du Président de la République, à la fois dans la définition de l’ordre du jour de la présidence française et, naturellement, dans la tenue des débats. Le Président de la République a joué un rôle moteur dans la recherche d’une solution européenne avec la Chancelière – côte à côte et non face à face, comme le prétendent certains – et l’ensemble de nos partenaires.
Pour avoir fait partie, depuis de nombreuses semaines, du groupe des négociateurs, je peux dire que, même si des divergences nous séparent de nos amis allemands – quoi de plus normal ?–, nous avons réussi à trouver un dénominateur commun, pour offrir à nos partenaires européens une solution qui garantisse la stabilité, réponde à la problématique grecque ainsi qu’aux risques de contagion et tire la leçon des crises à répétition concernant la modification de la gouvernance de la zone euro.
Certains nous ont reproché de mettre en place un directoire franco-allemand. Il faut choisir son angle d’attaque : on ne peut pas nous reprocher, à la fois, d’être trop effacés et de vouloir exercer un pouvoir trop fort. Quoi de plus normal que la France et l’Allemagne, qui représentent 55 % de la richesse européenne, prennent des initiatives et donnent une impulsion : nous sommes les premiers contributeurs, nous sommes les premiers créanciers, nous sommes les premiers concernés. Nos pays bénéficient tous les deux de la notation « triple A » et exercent une responsabilité majeure vis-à-vis du Fonds européen de stabilité financière : il est naturel qu’ils influent sur la dynamique de décision.
Il était donc parfaitement légitime que la Chancelière et le Président de la République se retrouvent côte à côte face au Premier ministre Papandréou, pour le rappeler à ses responsabilités, non pas tant sur le principe même de la consultation référendaire que sur la formulation de la question à poser. Étant les créanciers, il était légitime qu’ils rappellent que la question essentielle était celle de l’appartenance ou non de la Grèce à la zone euro. Il s’agit donc d’un leadership assumé, comme l’a souligné d’ailleurs le Président Obama : le Président de la République française avance main dans la main avec la Chancelière allemande sur les questions européennes.
Monsieur Husson, vous avez souligné que l’union monétaire constituait l’avant-garde de l’intégration européenne et était un exemple de coopération entre les États. C’est vrai ! La France et l’Allemagne sont absolument décidées à préserver cette intégration. Cette souveraineté partagée nous permet de réaliser un certain nombre d’avancées dans les domaines que nous souhaitons approfondir ensemble : modification de la gouvernance, taxation des transactions financières, consolidation budgétaire, rendez-vous en matière de réduction des déficits publics.
Sur ce dernier point, nous souhaitons effectivement revenir dans la norme. En ce sens, oui, un monde nouveau est en train de s’écrire sous nos yeux ! Nous sommes les contemporains d’une période de mutation profonde, d’une transformation totale du modèle économique, qui consistera pour tout pays, quel qu’il soit, économie avancée ou émergente, à ne plus pouvoir financer ses politiques publiques, quelle qu’elles soient, par le déficit, l’addition d’endettement, c’est-à-dire le transfert des charges aux générations futures. Nous avons la responsabilité, premièrement, de tirer toutes les leçons de ce qui s’est passé avant nous, deuxièmement, de protéger les générations qui nous suivent et, troisièmement, d’adopter des mesures douloureuses et difficiles. Mais ce rendez-vous du courage est aussi celui de la responsabilité pour les années qui viennent.
Je remercie M. Zocchetto du soutien qu’il a apporté à la présidence française. Il a eu raison de saluer son succès, même si les commentateurs ou les observateurs n’ont pas mis en lumière l’ensemble des avancées réalisées. J’y reviens brièvement.
En ce qui concerne le système monétaire international, l’idée de l’intégration du yuan dans les droits de tirages spéciaux fait progressivement son chemin. Ceux qui connaissent les positions traditionnelles de la Chine et le fonctionnement institutionnel de ce pays doivent saluer la reconnaissance, par les autorités chinoises, de la nécessité de faire évoluer progressivement leur monnaie vers la convertibilité. Au fond, ils reconnaissent ainsi l’accession de leur pays au statut de puissance économique qui pèse dans le concert international. Le statut de la monnaie étant la traduction de cette puissance économique, il est normal que celle-ci figure désormais au sein du panier des monnaies internationales.
Je souscris également à ses remarques concernant la croissance et l’emploi ; je n’y reviens donc pas.
Je veux répondre à M. Rebsamen que nous avons obtenu des avancées réelles et concrètes en ce qui concerne la sécurité alimentaire, notamment avec la réduction de la volatilité des prix des matières premières, la régulation des comportements de marché et une transparence accrue, grâce à une base de données. Ces points peuvent paraître techniques, mais ils représentent de vraies percées diplomatiques. Nous avons également obtenu un accord sur la constitution de stocks d’urgence délocalisés, pour éviter le développement de famines comme celles que connaît la corne de l’Afrique au cours des dernières semaines, et sur la mise en place, par les banques de développement, d’instruments de couverture destinés à tous les producteurs.
François Rebsamen a également souligné ce qui constitue, dans son esprit, un manque de gouvernance européenne. Chacun aura compris que je ne partage pas ce point de vue. Au contraire, je crois que l’initiative et le leadership permettent de déplacer les lignes. Pour cela, il faut faire preuve d’intuition, de compréhension des systèmes et de détermination à faire respecter quelques idées simples. Celles-ci peuvent se résumer à deux affirmations.
Premièrement, celui qui paie décide. C’est pourquoi la discussion se passe au sein de la zone euro et non entre les Vingt-Sept. Deuxièmement, les créanciers sont en droit d’exiger des débiteurs qu’ils assument leurs devoirs et leurs responsabilités. Cette règle est respectée dans la vie quotidienne par les particuliers, elle doit donc aussi l’être par les États.
M. Rebsamen a décrié la politique allemande, mais la réalité est toute différente. Une divergence d’appréciation nous oppose effectivement au gouvernement allemand – mais elle rassemble le Gouvernement et la majorité sénatoriale – et elle est d’ailleurs sur la place publique : elle porte sur le rôle que la Banque centrale européenne pourrait jouer pour assurer la stabilité des marchés, notamment sur la question des dettes souveraines.
Tout d’abord, la Banque centrale européenne est indépendante, elle a déjà entendu notre message à de nombreuses reprises et il lui appartient de définir souverainement les modalités de ses interventions. Ensuite, l’Allemagne, en raison de son histoire, de sa reconstruction après-guerre, de sa mémoire collective de l’inflation et du surendettement, a élaboré sa propre doctrine d’indépendance absolue de la banque centrale.
Compte tenu des arguments développés par nos amis allemands, nous avons retiré notre proposition, qui correspondait à une solution partagée par de nombreux pays, au premier rang desquels ceux qui appliquent eux-mêmes ces principes : je pense notamment aux États-Unis avec la FED, au Royaume-Uni avec la Banque d’Angleterre, à la Suisse avec la Banque nationale suisse. Il s’agit donc de deux lectures différentes. N’y revenons pas, chacun connaît nos positions.
Madame Borvo Cohen-Seat, ni la France ni l’Allemagne n’ont intimé l’ordre à la Grèce de renoncer au référendum. Le débat a essentiellement porté sur les modalités de la question à poser. Il n’était pas envisageable que les Grecs se prononcent simplement pour ou contre le plan de sauvetage. Cette consultation ne figurait pas dans l’accord du 27 octobre dans lequel le Premier ministre Papandréou avait exprimé la position de la Grèce. De surcroît, le procédé aurait été un peu curieux : une solution est offerte, et l’on pose ensuite la question de son acceptation. C’est ainsi qu’on laisse le doute s’installer au sein des marchés.
Puisque les Grecs s’interrogent sur les modalités et les difficultés d’application de ce programme, la question doit donc être la suivante : êtes-vous pour ou contre le maintien dans la zone euro ? Je le répète, nous nous sommes prononcés sur le fond de la question et non sur le principe même de la consultation référendaire.
Pour le reste, madame la sénatrice, nous avons des désaccords…