Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le garde des sceaux, qui, ne pouvant être présent ce matin, m’a chargée de vous répondre.
La liberté d’expression est une liberté fondamentale reconnue par l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, par l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ou encore par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Cette liberté est toutefois relative puisque ses abus peuvent être sanctionnés.
En droit français, la liberté d’expression se trouve notamment limitée par la loi du 29 juillet 1881, qui reconnaît comme mode de publication, au sens de son article 23, la diffusion via Internet au même titre que la publication par écrit ou par un moyen audiovisuel. Dès lors, les propos diffusés via Internet sont susceptibles d’être incriminés pour diffamation ou injure publiques, qualifications pénales définies à l’article 29 de la loi précitée.
S’agissant de la poursuite des infractions commises par voie de presse, l’article 47 de la loi de 1881 dispose que « la poursuite des délits et contraventions de police commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication aura lieu d’office et à la requête du ministère public ».
Si le ministère public conserve, en vertu de cet article, la maîtrise de l’action publique en matière de presse, la portée de cette règle est néanmoins atténuée par l’exigence, dans la plupart des cas, d’une plainte préalable de la victime. Le législateur a en effet laissé à la victime le soin d’apprécier la gravité de l’atteinte subie et l’opportunité de mettre en mouvement l’action publique. Elle a la possibilité de porter plainte avec constitution de partie civile auprès d’un juge d’instruction ou bien de citer directement l’auteur des propos devant le tribunal correctionnel.
Il est par conséquent inexact de parler d’impunité en matière de diffamation ou d’injure sur Internet, et ce d’autant que les moyens de lutte contre de tels comportements ont été renforcés.
Il faut ainsi rappeler que le juge des référés peut être saisi, en application de l’article 50-1 de la loi de 1881, pour que soit ordonné l’arrêt du service de communication au public en ligne, dès lors qu’il contient des messages appelant à la commission de crimes ou de délits ou provoquant à la haine, à la violence ou à la discrimination et qu’il constitue un trouble à l’ordre public.
De manière plus générale, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique dispose que « L’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête [...] toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne. »
En outre, ce même texte retient la responsabilité pénale des hébergeurs s’ils n’agissent pas rapidement pour rendre impossible l’accès à un contenu illicite ou le retirer dès lors qu’ils ont effectivement eu connaissance, par tout moyen, du caractère illicite d’une activité ou d’une information dont ils assurent le stockage.
Enfin, en vue de lutter contre ces dérives sur Internet, un système de signalement des sites à contenus illicites a été mis en place en 2008 au sein de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, ou OCLCTIC, de la police judiciaire.
La plateforme d’harmonisation, d’analyse, de recoupement et d’orientation des signalements, ou PHAROS, est composée de manière paritaire de policiers et de gendarmes. Elle est accessible au public, via un portail qui autorise les internautes, les fournisseurs d’accès et les services de veille étatique à signaler en ligne les sites ou les contenus potentiellement contraires aux lois ou aux règlements diffusés sur Internet.