Comme le dit – souvent d’ailleurs ! – Daniel Raoul, s’il est un domaine où les intérêts territoriaux des différents niveaux de collectivités sont imbriqués, c’est bien l’aménagement du territoire, particulièrement celui des territoires ruraux.
Le principe de solidarité territoriale est également consubstantiel à cette politique. De fait, un cloisonnement rigide des compétences en matière d’aménagement des territoires ruraux serait néfaste. Il nuirait même à l’efficacité de l’action publique.
Nos collègues Yves Krattinger et Jacqueline Gourault l’avaient d’ailleurs bien mis en évidence dans leur rapport. Ils y insistaient sur le rôle d’ingénierie et de conseil juridique, administratif et technique du département envers les communes et les intercommunalités, en faveur du développement et du soutien à la ruralité. Ce rôle de conseil et d’ingénierie se double d’un rôle de péréquation financière absolument essentiel dans nos territoires ruraux, la région assumant, elle, un rôle stratégique en matière de développement économique et de compétitivité des territoires.
Les politiques territorialisées de projet sont un levier majeur pour le devenir des espaces ruraux. La notion de « territoire de projets » concerne au premier chef les pays, les agglomérations, les parcs naturels régionaux, les réseaux de ville. Il est donc proprement aberrant d’imaginer que l’aménagement des territoires ruraux puisse ne pas être une compétence partagée.
Prenons un exemple, monsieur le ministre : celui des pôles d’excellence rurale, que vous voulez emblématique de votre politique du développement rural. Lancés en 2005, ils visaient, entre autres objectifs, à renforcer les synergies locales dans les zones rurales. Faut-il vous rappeler que la contribution des départements et des régions a été indispensable pour faire aboutir ces projets ? Quand il s’agit de mettre en œuvre la politique du Gouvernement, vous n’êtes absolument pas hostiles aux financements croisés, bien au contraire ! C’est logique, car, sur montant d’investissement de 1, 17 milliard d’euros, les crédits de l’État ne représentent que 235 millions d’euros.
Faut-il vous rappeler également, monsieur le ministre, que les porteurs de projet sont tout à la fois des communautés de communes, des communautés d’agglomération, des pays, des structures départementales, des parcs naturels régionaux ?
Assurément, vous ne vous êtes pas non plus posé la question des compétences lorsqu’il s’est agi de mettre en œuvre les pôles d’excellence rurale, puisque les différentes collectivités locales en sont les acteurs principaux. Le Gouvernement est prompt à critiquer les collectivités locales, au motif notamment qu’elles outrepasseraient leurs compétences. Or c’est à la demande de ce même gouvernement qu’elles sont appelées à le faire ! Et si elles le font, c’est bien pour compenser les défaillances de l’État…
Avec la disparition de la clause générale de compétence et la limitation drastique des financements croisés, c’est votre propre politique de développement rural que vous mettez en péril, monsieur le ministre. Vous n’êtes même pas cohérent avec vous-même !
Comment, après cette réforme, les pôles d’excellence rurale pourront-ils continuer d’être financés, eux qui relèvent normalement de la politique nationale d’aménagement du territoire, mais ne sont financés qu’à hauteur de 20 % par l’État ?
Ne parlons même pas, dans ces conditions, des véritables projets d’aménagement des territoires ruraux, qui répondent, eux, à une logique compensatrice et redistributive. Après cette réforme, les collectivités territoriales n’auront les moyens ni de les mettre en œuvre, ni même de les faire émerger. En fait, c’est « l’incapacité d’initiative » et le sous-investissement chronique des collectivités locales que vous organisez, monsieur le ministre.