Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 22 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Article 16 ter suite, amendement 213

Photo de Nicole BricqNicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances :

… de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ou de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, au point de justifier un traitement dérogatoire ?

Les corrections de plafonds prévues par le Gouvernement à l’amendement n° I-213 illustrent, s’il en était besoin, les carences actuelles de l’information parlementaire sur la fiscalité affectée, que vous n’avez d’ailleurs pas niées, madame la ministre.

Depuis qu’il est question que le Parlement vote ces plafonds, une certaine fébrilité s’est emparée des opérateurs. Ils veillent de plus en plus soigneusement à établir des prévisions de ressources fiables. Nous avions connu pareille situation lorsque le Parlement avait institué un plafond des autorisations d’emplois des opérateurs de l’État. Tout à coup, les comptes avaient été revus et l’information transmise au Parlement – c’est le bénéfice de ce genre de dispositifs – avait gagné en fiabilité. Cela démontre l’utilité, pour l’exercice du contrôle parlementaire, de l’article 16 ter, que nos collègues du groupe CRC voulaient supprimer tout à l’heure. Ce contrôle est essentiel. J’y suis, depuis toujours, profondément attachée, et je le suis même plus encore depuis que je suis devenue rapporteure générale !

Sur le fond, la commission n’est pas favorable à l’amendement n° I-213 du Gouvernement pour deux raisons : d’une part, la plupart des corrections auxquelles il procède ont déjà été intégrées dans l’amendement n° I-28 rectifié de la commission ; d’autre part, il vise à maintenir les centres techniques industriels dans le champ du dispositif de plafonnement, alors que notre logique, très claire et très simple, est d’y placer tous les organismes ayant le statut juridique d’opérateur de l’État. C’est la raison pour laquelle nous avons exclu du plafonnement les centres techniques industriels, qui sont les épigones d’organisations professionnelles alimentant la recherche. Je pense notamment au centre technique industriel de l’horlogerie, qui finance la recherche sur des fonds d’origine professionnelle. De nombreuses professions disposent de telles structures. Je suis moi aussi attachée à promouvoir l’effort de recherche dans notre pays.

La commission est également défavorable au sous-amendement n° I-214 de M. Leleux et à l’amendement n° I-211 du Gouvernement, qui sont, je l’ai dit tout à l’heure, similaires. L’amendement n° I-28 rectifié est en effet préférable, car il vise à exclure du plafonnement l’Association pour le soutien du théâtre privé, au motif très simple qu’il ne s’agit pas d’un opérateur de l’État, et non pas, monsieur Assouline, parce que c’est une association privée ! Il n’est donc pas nécessaire de corriger le plafond pour les taxes affectées à cet organisme. Par ailleurs, la correction du plafond concernant le Centre national des variétés, de la chanson et du jazz est déjà prévue, madame la ministre, par notre amendement n° I-28 rectifié.

Toutefois, ce sont là des arguments de forme ; la différence de fond entre l’amendement présenté par la commission et les amendements n° I-211 et I-214, c’est que la commission des finances traite – cela me paraît très important et je le dis à tous les auteurs de ces amendements et sous-amendements – tous les opérateurs sur un pied d’égalité et n’institue aucun régime dérogatoire. Elle assouplit néanmoins le dispositif voté par les députés, en prévoyant que, pour les opérateurs affectataires de plusieurs taxes, et donc, monsieur Assouline, pour le CNC, le plafond portera sur l’ensemble de ces taxes.

Par conséquent, madame la ministre, contrairement à ce que vous avez dit, l’amendement de la commission est moins contraignant que votre dispositif, en particulier pour le CNC.

Le point commun entre les auteurs de tous ces amendements et sous-amendements, c’est qu’ils sont favorables à l’institution d’un traitement dérogatoire pour le CNC. Le Gouvernement justifie sa position d’une étrange manière, en affirmant que l’amendement n° I-211 « conforte la logique du système de soutien au cinéma français fondé sur l’autonomie financière du CNC, une mutualisation des taxes au sein du CNC et un système de soutien automatique associé. Il réaffirme ainsi la volonté du Gouvernement de soutenir un dispositif qui a largement fait ses preuves et dont la diversité de la création française et le dynamisme du marché du film français témoignent du succès. »

Cela appelle de ma part plusieurs commentaires, car je ne voudrais pas passer pour quelqu’un qui n’aimerait pas le cinéma !

La commission des finances ne nie pas le rôle actif joué par le CNC dans le succès du cinéma français, mais elle considère qu’avec 700 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2012, qui s’ajoutent à près de 800 millions d’euros de trésorerie et de provisions accumulées, auxquelles il n’est pas question de toucher, le CNC pourra continuer de tenir ce rôle actif.

Madame Beaufils, vous avez évoqué tout à l’heure le soutien à l’équipement numérique des salles. Je vous rappelle à cet égard que le CNC a en réserve 200 millions d’euros, ce qui lui permet d’aider les collectivités désireuses de conserver des salles de cinéma en centre-ville, celles-ci rencontrant des difficultés liées à la concurrence des multiplexes. La situation est peut-être différente à Paris, mais le soutien aux salles de cinéma de centre-ville représente, en banlieue, un effort considérable pour les collectivités.

Je rappelle en outre que l’effort public en faveur du cinéma ne se résume pas à l’intervention du CNC. En plus des soutiens versés par celui-ci, l’État consent chaque année plus de 150 millions d’euros de dépenses fiscales pour le cinéma, l’audiovisuel et le jeu vidéo.

Faut-il rappeler que le projet de loi de finances prévoit la prorogation de la réduction d’impôts sur les sommes investies dans les sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, ainsi que l’assouplissement du crédit d’impôt en faveur des tournages étrangers en France ? On s’est réjoui, l’année dernière, que Woody Allen vienne tourner à Paris. Le CNC n’y était pour rien : c’était grâce au crédit d’impôt en faveur des tournages étrangers en France, qui n’est aucunement remis en cause !

Il faut ajouter que les collectivités locales prennent leur part de cet effort de soutien ; les régions, en particulier, interviennent de manière très active pour aider le cinéma.

Il y a bien des secteurs, culturels ou non, qui aimeraient être aussi maltraités que le cinéma !

Nous avons beaucoup de mal à comprendre en quoi le plafonnement des cinq principales taxes affectées au CNC porterait atteinte à son autonomie financière et à la logique de mutualisation.

Je rappelle que les plafonds fixés par l’article 16 ter pour les taxes autres que la TST due par les distributeurs équivalent aux prévisions de recettes pour 2012 établies par le CNC lui-même. Ces taxes ne seront donc pas écrêtées, sauf si le CNC a délibérément sous-estimé leur rendement dans les prévisions qu’il a communiquées au Parlement. Mais, au moment où je parle, on ne saurait le soupçonner.

J’ajoute enfin que les soutiens automatiques ne correspondent qu’à 60 % des dépenses du compte de soutien. Les 40 % restants, qui représentent tout de même près de 300 millions d’euros, correspondent à des soutiens sélectifs ou à de nouvelles aides transversales. D’ailleurs, l’Inspection générale des finances a récemment souligné qu’il faudrait établir des priorités dans le versement de ces aides.

En définitive, les ressources dont le CNC bénéficiera l’an prochain couvriront très largement les soutiens automatiques – ceux dont parlait Mme Beaufils avant la suspension de séance.

Pour conclure, j’en viens à des considérations de méthode.

Le financement des politiques culturelles et son insertion dans une stratégie globale de rétablissement des comptes publics sont des sujets complexes, qui donnent souvent lieu à des débats passionnés, notamment avec nos collègues et amis de la commission de la culture. Ceux-ci font leur travail : je ne leur dénie pas ce droit, voire ce devoir.

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