En un mot, le dimanche s’exprime le lien social, que, toutes et tous ici, nous cherchons à promouvoir et à renforcer.
Dans l’opinion, les oppositions au travail le dimanche dépassent très largement les clivages politiques. Des enquêtes multiples ont établi qu’environ 84 % de nos concitoyens se déclarent attachés au repos dominical. Le Conseil économique et social a rendu, en 2007, un avis négatif sur l’extension du travail dominical.
Si les Français sont éminemment attachés au droit au repos dominical, il en va de même des partenaires sociaux.
Ainsi, les sept principales organisations syndicales sont unanimement hostiles à toute déréglementation du travail dominical, en raison des répercussions négatives qu’elle aurait sur l’économie et la société françaises.
Les fédérations et syndicats patronaux rejoignent leur position. C’est ainsi que la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, analyse l’ouverture des magasins le dimanche comme un facteur de destruction d’emplois. Cet avis est d’ailleurs partagé, notamment, par la Confédération des commerçants de France, la Fédération nationale des centres-villes et la Fédération française des associations de commerçants.
Compte tenu du consensus qui existe dans la société, nous ne pouvons que nous réjouir de l’examen de la proposition de loi utile que notre collègue Annie David a déposée. Elle nous donne l’occasion de réaffirmer et de renforcer le droit des salariés au repos du dimanche.
Notre intention n’est évidemment pas d’empêcher toute activité professionnelle le dimanche ; il serait caricatural de le penser. Nous savons bien que des dérogations sont nécessaires pour permettre la continuité des services essentiels et assurer aux entreprises les conditions de leur compétitivité internationale.
Mais le travail le dimanche doit garder un caractère dérogatoire, exceptionnel. La vigilance s’impose afin d’éviter qu’il ne se banalise et ne devienne la règle.
Telle est la motivation de cette proposition de loi, qui repose sur un juste équilibre entre le besoin de travailler et l’acquis social que constitue le repos hebdomadaire. Ce texte met fin à l’hypocrisie qui entoure les règles du volontariat et du repos compensateur.
Un constat s’impose : la rareté du travail, la précarité, le faible niveau des salaires, la hausse des loyers et la situation peu reluisante du marché du travail amènent bien souvent les salariés à se porter volontaires malgré eux pour travailler le dimanche.
Dans de telles conditions, la notion de volontariat apparaît bien ambiguë. Elle peut même s’avérer totalement factice lorsque le volontariat s’exprime sous la menace d’une mutation ou d’un licenciement, ce qui, malheureusement, est souvent le cas. Force est de constater qu’en pareil cas le volontariat n’existe pas.
Il était donc urgent de renforcer la législation. Je souscris pleinement à l’article 2 de la proposition de loi aux termes duquel tous les salariés souhaitant travailler le dimanche devront manifester leur volonté par écrit.
Cet article garantit aussi le droit pour tous à bénéficier d’un repos compensateur en cas de travail dominical, qu’il soit exceptionnel ou régulier. Ce jour de repos, devenu un droit effectif inscrit dans la loi, devra être accordé dans la quinzaine qui suit ou qui précède le dimanche travaillé ; il ne pourra pas faire l’objet d’une monétisation.
Les dispositions relatives à la rémunération constituent une avancée notable et bienvenue, alors que la loi Mallié du 10 août 2009 se contentait de prévoir l’ouverture de négociations au niveau de la branche ou de l’entreprise, sans rendre obligatoire la conclusion d’un accord.
Le durcissement de la loi au profit des salariés fera réfléchir à deux fois les directions des grandes entreprises et des grands groupes lorsqu’elles envisageront une ouverture le dimanche.
J’insiste également sur la nécessité de mieux encadrer la possibilité offerte aux commerces de détail alimentaire d’ouvrir leurs portes le dimanche matin.
Cette dérogation spécifique, accordée dès 1906, est aujourd’hui régulièrement utilisée par des supermarchés qui, pourtant, ne constituent pas des commerces de détail alimentaire au sens de l’INSEE. L’interprétation de la loi sur laquelle ils s’appuient s’apparente à un détournement de son esprit d’origine : c’est inacceptable.
Les supermarchés et hard discounters sont de plus en plus nombreux à ouvrir le dimanche, provoquant de vives contestations. Cela s’est produit à La Mézière, en Ille-et-Vilaine – une ville que connaît bien Edmond Hervé –, à Albertville, en Savoie, ou – tout récemment – à Loudéac, dans mon département, en raison de l’ouverture d’un Carrefour Market.
Face à ces situations, les élus, ceux de gauche comme ceux de droite, monsieur le ministre, sont totalement impuissants et ne peuvent que constater les effets négatifs engendrés par ces ouvertures sur le commerce local. Tout au plus peuvent-ils prendre des positions de principe pour déclarer leur opposition à ce type d’ouvertures, sans avoir la capacité réelle d’agir.
Nous le savons bien, dans des zones à dimension touristique limitée, l’effet de contagion peut être dévastateur non seulement pour les commerces de centre-ville, mais aussi pour tous les magasins multiservices des petites communes environnantes, qui réalisent une partie non négligeable de leur chiffre d’affaires le dimanche.
L’enjeu est d’importance : à chiffre d’affaires égal, les supermarchés emploient trois fois moins de personnel que les petits commerces. Rendez-vous compte, c’est un potentiel de 30 000 emplois qui sont ainsi directement menacés !
C’est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales a complété ce texte d’une disposition visant à encadrer l’ouverture dominicale des commerces alimentaires, en la conditionnant au critère de la superficie commerciale. Seuls les magasins alimentaires de moins de cinq cents mètres carrés seraient autorisés à ouvrir leurs portes le dimanche matin.
En parallèle, par souci d’équilibre, dans les communes d’intérêt touristique ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, le dispositif actuel continuerait de s’appliquer.
Le groupe socialiste votera un texte utile et bénéfique pour les salariés.