L’article 2 de la proposition de loi prévoit de réécrire le code du travail pour y insérer une section supplémentaire relative aux garanties et protections pour les salariés qui travaillent le dimanche.
L’article 1er de la loi du 10 août 2009, qui rédige l’article L. 3132-27 du code du travail, garantit pourtant à chaque salarié privé de repos dominical une majoration de salaire égale au trentième de son salaire mensuel ou à la valeur d’une journée de travail s’il est payé à la journée. Le salarié bénéficie d’un repos compensateur en temps.
L’arrêté pris en application de l’article L. 3132-26 du même code, qui porte sur les établissements de commerce de détail, définit les conditions dans lesquelles ce repos est accordé, soit collectivement, soit par roulement dans la quinzaine qui précède ou suit la suppression du repos.
En outre, cet article 2 vise à encadrer le principe du volontariat. L’article L. 3132-25-4 du code du travail prévoit que seuls les salariés volontaires ayant donné leur accord par écrit à leur employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement des autorisations d’ouverture dominicale accordées.
Enfin, cet article 2 prévoit qu’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne peut pas prendre en considération le refus d’une personne de travailler le dimanche pour ne pas l’embaucher.
Or l’article L. 3132-25-4 du code du travail prévoit que le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’autorisations ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement et que, à défaut d’accord collectif applicable, l’employeur est tenu de demander chaque année à tout salarié travaillant le dimanche s’il souhaite bénéficier d’une priorité pour occuper ou pour reprendre un emploi ne comportant pas de travail le dimanche, et ce dans la même entreprise.
La loi que nous avons adoptée au mois d’août 2009 accorde donc déjà des garanties fortes aux salariés concernés, et le dispositif est fondé sur le volontariat, qui reste la base du travail dominical. Cette loi reconnaît même au salarié la possibilité de revenir sur son choix au terme d’une période donnée.
En outre, le législateur a fait toute sa place à la négociation pour fixer les modalités de travail et les compensations accordées aux salariés. Grâce aux nouvelles règles de représentativité, c’est bien au plus près du terrain, et avec des accords d’entreprise ou de branche, que la loi a été mise en œuvre.
Cette loi a prévu un encadrement meilleur, une protection des salariés accrue, ainsi qu’une clarification de la situation dans les périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE, dont il sera évidemment beaucoup question aujourd’hui.
Les partenaires sociaux ont été entendus. Idem pour le Conseil économique, social et environnemental.
La loi de 2009 n’a jamais prévu une généralisation du travail dominical, contrairement à ce qui a été affirmé sur certaines travées ; elle a tout simplement prévu une extension limitée et encadrée, avec quelques dérogations nouvelles. Les droits individuels des salariés n’ont aucunement été sacrifiés.
L’article 4 de la proposition de loi vise à remettre en cause les dérogations accordées aux communes touristiques et thermales déjà prévues par la loi du 10 août 2009, et ce même pendant les périodes d’activités touristiques, ce qui est particulièrement grave pour ces communes et ces emplois. Je doute que les communes, les employeurs et les employés concernés soient enchantés de cette disposition…
Le régime dérogatoire au repos dominical, pour les communes et les zones touristiques, est différent, certes, puisqu’il est de droit.
Pour tous les commerces situés dans les communes et zones touristiques, cette dérogation est donc transformée en dérogation de plein droit.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 6 août 2009, a considéré qu’il résulte du texte même des dispositions précitées que les communes et les zones touristiques sont déterminées sur le fondement des seules dispositions du code du travail qui définissent le régime des dérogations au repos dominical ; que les dispositions du code du tourisme qui permettent à certaines communes d’être dénommées « communes touristiques » ont un objet différent ; que dès lors, le grief selon lequel le texte méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi doit être écarté.
Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a considéré qu’en étendant la dérogation à tous les commerces situés dans ces communes et ces zones le législateur a voulu mettre fin aux difficultés d’application du critère actuel des établissements de vente au détail qui mettent à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ; qu’en étendant cette dérogation à l’ensemble de l’année, le législateur a pris en compte l’évolution des modes de vie et de loisirs ; qu’en transformant cette dérogation en une dérogation de droit, il n’a fait que tirer les conséquences de cette double modification. Ainsi, toujours d’après le Conseil constitutionnel, le législateur a fait usage de son pouvoir d’appréciation sans priver de garanties légales les exigences constitutionnelles résultant des dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
Pour ces motifs, le Conseil constitutionnel a jugé conforme à la Constitution le régime dérogatoire au repos dominical des communes et zones touristiques, Paris mis à part, comme il a jugé conforme le régime dérogatoire des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, les PUCE.
Le Conseil constitutionnel a également estimé que les critères retenus par le législateur de 2009 ne revêtaient en aucun cas un caractère équivoque et étaient suffisamment précis. La loi ne portait donc pas atteinte au droit au repos ni au droit à mener une vie familiale normale.
Les salariés travaillant dans les communes touristiques, en vertu d’une dérogation de plein droit liée aux caractéristiques des activités touristiques de celles-ci, sont dans une situation différente de celle des salariés travaillant dans les PUCE.
Le Conseil économique, social et environnemental a estimé, pour sa part, que, pour des raisons d’équité et de cohérence commerciale, l’autorisation d’ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques est collective et doit s’appliquer à l’ensemble des commerces.
La loi du 10 août 2009 tend donc à clarifier les conditions auxquelles peut s’appliquer la dérogation au repos dominical dans les communes et zones touristiques.
À partir du moment où il existe une activité touristique régulière et soutenue qui justifie l’ouverture des commerces dans une commune ou une zone touristique, et si le maire le demande, le préfet peut autoriser, sous le contrôle du juge, tous les commerces de cette commune ou de cette zone à employer des salariés le dimanche.
Il s’agit là d’une double garantie de liberté des collectivités locales et de légalité du processus de décision placé sous le contrôle du juge administratif.
Les dérogations doivent obligatoirement correspondre à des critères économiques clairement identifiés et ne peuvent être autorisées sans que des contreparties sérieuses et des garanties juridiques strictes soient apportées aux salariés concernés.
L’article 5 de la proposition de loi vise, lui, à remettre en cause les dérogations possibles dans certaines grandes agglomérations, à savoir les PUCE, alors que ce régime dérogatoire a été validé par le Conseil constitutionnel.
Les dérogations nouvelles concernent le personnel des établissements de vente au détail travaillant dans un PUCE caractérisé par des habitudes de consommation dominicales. Sont également pris en compte l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement du centre-ville.
Le Conseil constitutionnel a bien indiqué que le législateur pouvait, usant de son pouvoir d’appréciation, définir un nouveau régime de dérogation au principe du repos dominical au regard des évolutions des modes de consommation dans les grandes agglomérations et que, ce faisant, il ne privait pas de garanties légales les principes reconnus par les dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946.
Le PUCE est créé sur demande du conseil municipal de la commune. En tout état de cause, si un ensemble commercial est installé sur le territoire de plusieurs communes, c’est le préfet qui prendra la décision de création du périmètre, excluant ainsi toute tutelle d’une commune sur une autre.
Dans mon département, comme le ministre l’a rappelé, madame Cohen, monsieur Favier, cela pose des problèmes : plus de soixante emplois viennent de disparaître parce que le préfet n’a pas voulu étendre le périmètre, alors qu’il s’agissait de deux communes séparées de cent cinquante mètres !
Le Conseil économique, social et environnemental a d’ailleurs mis l’accent, à différentes reprises, sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation dans les très grandes agglomérations.
Le préfet a la possibilité de délimiter des périmètres d’usage de consommation exceptionnel caractérisés, au sein d’unités urbaines de plus de 1 million d’habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, par l’importance de la clientèle concernée et par l’éloignement de celle-ci du périmètre susvisé.
Bien évidemment, des garanties et des avantages ont été prévus pour les salariés visés, tous volontaires, et il n’est pas possible d’y déroger.
Enfin, je rappellerai les termes du protocole Larcher du 16 décembre 2009. En effet, à la demande du Premier ministre, Gérard Larcher, alors président du Sénat, a formalisé une procédure de concertation préalable des partenaires sociaux en cas de proposition de loi à caractère social examinée par le Sénat. Ce protocole, établi après une consultation de la présidente de la commission des affaires sociales, du président de la commission des lois, de l’ensemble des présidents de groupe du Sénat, ainsi que des partenaires sociaux, a été approuvé par le bureau du Sénat le 16 décembre 2009.
Il organise la concertation avec les partenaires sociaux préalablement à l’examen, par le Sénat, des propositions de loi relatives aux relations individuelles et collectives du travail, à l’emploi et à la formation professionnelle.
Or la procédure de cette concertation préalable n’a pas vraiment été respectée.
Mme la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Annie David, a fait inscrire la proposition de loi à l’ordre du jour de nos travaux sans avoir encore envoyé le texte aux partenaires sociaux.