Mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter cet amendement au nom de la commission des affaires étrangères, et notamment de mon co-rapporteur pour avis pour la mission « Aide publique au développement », Jean-Claude Peyronnet.
En septembre 2010, les membres de l’Organisation des Nations Unies ont fait un bilan de l’action menée par les pays occidentaux depuis 2005 pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Le premier constat est que des progrès formidables ont été obtenus en matière de santé infantile et de scolarisation. Le deuxième constat est que les financements manquent pour atteindre les objectifs que la communauté internationale s’est fixés pour 2015.
Depuis, hélas ! la crise financière s’est aggravée. Elle a fragilisé l’élan de croissance que connaissaient les pays d’Afrique et a engendré les crises d’aide souveraine que nous connaissons aujourd’hui.
Demain, il nous faudra de plus financer la lutte contre le réchauffement climatique. Les engagements déjà pris dans ce domaine signifient un quasi-doublement des budgets d’aide au développement, car ce sont les pays d’Afrique qui seront les premières victimes du réchauffement climatique.
Les budgets nationaux n’y suffiront pas, nous le savons, mes chers collègues ! Il faut donc trouver de nouveaux financements.
En 2006, la France a adopté la taxe sur les billets d’avion. Nous étions les premiers à adopter ce type de financement innovant. Depuis cette date, vous payez, nous payons 1 euro, ou un peu plus, par billet. Personne ne ressent ce prélèvement, aucun impact n’a été observé, pas plus sur le trafic aérien français que sur le tourisme, et pourtant nous contribuons ainsi à hauteur de plus de 150 millions d’euros par an au financement de campagnes de vaccinations dans le monde. C’est une des plus belles réussites de l’aide au développement de ces dix dernières années.
Les campagnes de vaccinations d’UNITAID ont conduit à une diminution formidable du taux de mortalité infantile en Afrique. Comme l’a souligné le rapport de Bill Gates aux membres du G20, en 1960, 20 millions d’enfants de moins de cinq ans ont trouvé la mort ; en 2010, moins de 8 millions d’enfants de moins de cinq ans sont décédés. Entre-temps, la population avait doublé et le taux de mortalité des moins de cinq ans a diminué de plus de 80 %.
Aujourd'hui, la France se bat pour instaurer à l’échelon international une taxe sur les transactions financières. Elle a créé un groupe de travail de haut niveau pour faire avancer ce dossier à l’ONU, au FMI et au G 20.
Ce travail a en partie porté ses fruits puisqu’il existe maintenant un consensus pour dire que cette taxe est techniquement faisable. Comme ce fut le cas pour la taxe sur les billets d’avion, les professionnels du secteur nous disent, certes, qu’il est impensable de mettre en place un tel dispositif, mais les derniers rapports du FMI et du G 20 confirment au contraire la faisabilité technique de celui-ci, sous réserve qu’il s’agisse d’une taxation assise sur la base la plus large possible et à un taux très faible.
Le Président de la République, qui a fait de cette taxe un des objectifs du G 20, a insisté lors de la conférence de presse du 3 novembre sur le fait qu’une telle taxe était « techniquement possible, financièrement indispensable et moralement incontournable ».
On peut regretter qu’un accord n’ait pu être trouvé au sein du G 20 pour que cette taxe soit adoptée par l’ensemble de ses membres. À travers notre amendement, nous vous proposons, mes chers collègues, de manifester la détermination du Sénat à soutenir ce dispositif.
Cet amendement instaure une taxe sur l’ensemble des transactions financières dans un plafond de 0, 05 %, charge étant laissée au Gouvernement et en particulier au ministère de l’économie et des finances de moduler le taux en fonction du type de transactions et de déterminer les modalités de liquidation et de recouvrement.
Il s’agit concrètement de donner la possibilité au Gouvernement de définir les modalités et le taux de la taxe en concertation avec nos partenaires européens et d’en acter le principe. Comme l’a souligné le ministre chargé de la coopération lors de la dernière conférence de haut niveau sur le G 20 développement, « un taux très bas reposant sur une assiette très large évitera les risques de contournement et d’évasion sans peser sur la compétitivité des places financières ».
Dans notre esprit, une taxe sur les transactions financières n’est pas une punition ; elle comporte au contraire une dimension éthique importante. L’opinion publique souhaite que les acteurs qui bénéficient le plus de la mondialisation contribuent à l’effort collectif pour la rendre plus équilibrée et plus solidaire.
Comme la taxe sur les billets d’avion, cette taxe préfigure ce qui pourrait devenir la base – on peut rêver… – d’une fiscalité mondiale pour financer des politiques publiques globales. On le voit bien dans le domaine de la lutte contre les épidémies ou contre le réchauffement climatique, certains défis se posent aujourd’hui au niveau mondial. Pour lutter contre le sida, pour préserver la biodiversité ou lutter contre le réchauffement climatique, il faut établir des stratégies mondiales assises sur des financements adaptés.
Avec la taxe sur les billets d’avion, nous avions commencé seuls, puis nous avons été rejoints par une dizaine de pays. Treize autres pays sont membres d’UNITAID et pourraient apporter leur contribution dans le futur à travers une taxe sur les billets d’avion.