La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. Michel Boyon, président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le rapport du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatif aux conséquences de la publicité en faveur des jeux d’argent et de hasard, établi en application de l’article 8 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des finances, à la commission des affaires sociales ainsi qu’à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Il est disponible au bureau de la distribution.
Monsieur le président, j’ai déjà fait un rappel au règlement concernant les séances de nuit. Je veux à nouveau appeler votre attention sur l’organisation de nos travaux.
Lorsque je suis parti à une heure du matin, dans la nuit de vendredi à samedi, j’avais compris que la séance reprendrait aujourd’hui à dix heures. Or j’ai appris durant le week-end que la séance commencerait finalement à quatorze heures trente. Préfère-t-on les séances de nuit aux séances du matin ? Je me pose la question !
Pourrions-nous prévoir le calendrier des séances plus longtemps à l’avance ? Il est tout de même compliqué, pour l’organisation de notre travail, d’être prévenu aussi tardivement d’un changement d’heure de séance.
Je vous donne acte de votre rappel au règlement concernant l’organisation de nos travaux, mon cher collègue.
L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances pour 2012 (projet n° 106, rapport n° 107).
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen, au sein de la première partie du projet de loi de finances, des dispositions relatives aux ressources.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)
B. – Mesures fiscales
Le 3 du II de l’article 212 du code général des impôts est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° À raison d’emprunts contractés par une société civile ayant pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente et garantis par l’un ou plusieurs de ses associés, sous réserve toutefois que, d’une part, la quotité garantie par le ou les associés n’excède pas pour chaque emprunt la proportion de leurs droits dans ladite société civile et, d’autre part, que les sommes empruntées ne soient pas à nouveau mises à disposition par cette société à une autre entreprise qui lui est liée au sens du 12 de l’article 39. »
L'article 4 quater est adopté.
Au I de l’article 220 undecies du code général des impôts, l’année : « 2011 » est remplacée par l’année : « 2012 ». –
Adopté.
L'amendement n° I-167, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 199 terdecies-0 A du code général des impôts est abrogé.
II. – Le deuxième alinéa de l’article L. 221-27 du code monétaire et financier est ainsi rédigé :
« Le plafond des versements sur ce livret est fixé à 12 000 euros. »
III. – La perte de recettes pour l’État résultant du II est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Nous sommes à la recherche d’un bon outil de financement de l’activité économique.
Depuis 2008, la surchauffe des établissements financiers et des marchés montre que le financement de l’économie par la bourse et par des établissements bancaires se livrant une concurrence sans merci sur le crédit comme sur les produits dérivés a fait son temps.
Depuis quelque temps déjà existent en France des produits d’épargne défiscalisés destinés à des usages spécifiques, comme le livret A et le livret de développement durable.
Soit on renforce un pôle public financier susceptible de proposer aux entreprises oubliées du crédit bancaire le service qu’elles attendent, soit on met en place un outil de financement soumis à des règles particulières de collecte et d’allocation des ressources. Pour notre part, nous pensons qu’il convient de faire les deux.
Tenons-nous-en ici à la seconde solution. La dépense fiscale associée au livret de développement durable et au livret A étant si faible, il s’agit sans doute de l’outil de mobilisation dont le potentiel de financement pour les PME est le plus important et le coût le moins élevé pour la collectivité. C’est un dispositif plus efficace que les fonds d’investissement de proximité et que le dispendieux dispositif ISF-PME.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
Cet amendement est intéressant, madame la ministre, et je comprends parfaitement l’intention des membres du groupe CRC : apporter un soutien à l’économie réelle et organiser des financements.
Cet amendement vise à supprimer la réduction d’impôt sur le revenu au titre des investissements dans les PME, dite « Madelin ». Parallèlement, il tend à soutenir une épargne défiscalisée en augmentant le plafond des dépôts sur le livret de développement durable.
Il faudrait faire le calcul, mais cette mesure n’est pas forcément coûteuse, les économies réalisées sur le dispositif Madelin pouvant être affectées au livret de développement durable. Cependant, la difficulté de fond, bien expertisée par la commission des finances, c’est de diriger effectivement le financement vers les entreprises, notamment les PME.
Lorsque le livret A a été ouvert aux banques, le Parlement s’est efforcé de flécher les sommes qui n’étaient pas centralisées à la Caisse des dépôts et consignations vers les entreprises. Néanmoins, la volonté du législateur ne s’est pas traduite dans les actes et, d’une manière générale, on se heurte à une grande opacité en matière de financement des entreprises, particulièrement des PME.
Le mieux serait de disposer d’une épargne défiscalisée spécifiquement destinée au financement de l’industrie, un LDI, dont l’efficacité serait redoublée par le lien avec d’autres dispositifs publics comme OSEO, qui apporte une garantie significative aux entreprises et facilite leur financement, et un fonds stratégique d’investissement renouvelé. C’est en tout cas l’orientation que nous soutenons.
Votre proposition, mon cher collègue, dans la période de tension économique que nous traversons, risque en outre de déstabiliser les petites et moyennes entreprises, car le « haut » et le « bas » de bilan ne sont pas substituables. L’argument, certes technique, est important.
Telles sont les raisons pour lesquelles je préférerais que vous retiriez votre amendement. Je souscris à la création d’un véhicule spécifique de financement des entreprises, en particulier des PME, qui ne soit plus dilué dans d’autres dispositifs. Nous avons besoin d’un pôle public de financement, mais pas forcément de la manière dont vous le proposez dans cet amendement.
Pour les mêmes raisons que Mme la rapporteure générale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Avant de me prononcer, monsieur le président, je souhaiterais faire quelques remarques.
L’accès au crédit des petites et moyennes entreprises doit être prioritaire. Or il est aujourd’hui si compliqué qu’il va bien falloir trouver une solution.
J’observe que, lors de la discussion de l’un des textes clés de la législature, à savoir la loi de modernisation de l’économie, on a procédé à la fois à la banalisation de la distribution du livret A par l’ensemble des banques et des établissements de crédit, et à la mise en place d’une fascinante centralisation des dépôts. Fascinante, parce qu’elle n’a de centralisation que le nom. L’essentiel de la collecte du livret A, comme du livret de développement durable, est en fait laissé à la discrétion des opérateurs bancaires. Je tenais à le rappeler, car la situation est urgente.
J’ajoute que je suis totalement favorable à votre proposition, madame la rapporteure générale, à savoir une épargne défiscalisée pour financer l’industrie, à condition, bien sûr, que celle-ci profite à la production et non à la spéculation. Si vous en êtes d’accord, nous pourrions mettre en place un groupe de travail afin de formuler ensemble, et au plus vite, une proposition pour le financement des PME et des PMI. Dans ces conditions, je retirerai mon amendement.
La création d’un groupe de travail issu des rangs de la commission permettrait de poursuivre le travail qui a déjà été engagé. Même si notre programme pour l’an prochain est déjà bien chargé, je pense que cette demande peut être inscrite à l’ordre du jour de nos travaux.
L'amendement n° I-167 est retiré.
L'amendement n° I-176, présenté par MM. Mézard, Collin, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Baylet, Bertrand et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après l’article 223 U du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... – Les bénéfices imposables des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé font l’objet d’une contribution exceptionnelle au taux de 2 %.
« Cette contribution est établie, liquidée et recouvrée dans les mêmes conditions et sous les mêmes garanties et sanctions que l’impôt sur les sociétés. »
II. – Les dispositions du I sont applicables au titre de l’imposition des sociétés de 2011.
III. – Les dispositions du I sont réexaminées en 2013 pour l’imposition des sociétés de 2014, au regard de l’atteinte ou non des objectifs de déficit fixés par la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014.
La parole est à M. François Fortassin.
Lorsque le Premier ministre a annoncé le 7 novembre dernier le plan de rigueur destiné à redresser nos finances publiques, il a promis une plus juste répartition des efforts entre les particuliers et les entreprises. Vous avez vous-même répété à plusieurs reprises, madame la ministre, cette volonté de procéder à une répartition plus juste. On ne peut bien entendu que vous suivre sur ce terrain.
Je vous rappelle que la dégradation des finances publiques est certes liée à la crise, mais aussi en partie aux mesures adoptées au cours de l’actuel quinquennat, comme l’a rappelé à juste titre la Cour des comptes.
Si l’on souhaite que les entreprises participent réellement à l’effort de redressement des finances publiques, il paraît essentiel d’impliquer davantage celles qui sont cotées en bourse et qui ont profité d’un accès privilégié aux capitaux. L’amendement n° I-176 tend donc à prévoir une cotisation provisoire de 2 % pour les entreprises cotées en bourse au titre de l’impôt sur les sociétés de 2011, 2012 et 2013.
Monsieur Fortassin, vous nous proposez de mettre en place, dès 2011, une contribution exceptionnelle au taux de 2 % sur les bénéfices des sociétés cotées sur un marché réglementé.
S’il était adopté, votre amendement aurait une portée rétroactive, car il s’appliquerait aux impositions de 2011, donc aux bénéfices de 2010. Or les agents économiques, qu’il s’agisse des sociétés ou des particuliers, ont besoin de savoir, une fois que l’année est exécutée, à quelle sauce ils seront mangés, si je puis dire. Or nous sommes le 21 novembre…
Par ailleurs, vous évaluez à 2, 5 milliards d’euros le rendement d’une telle mesure. Cette estimation me paraît optimiste. En effet, si j’en crois les chiffres fournis par le Gouvernement, le produit de l’impôt sur les sociétés devrait être d’un peu plus de 46 milliards d’euros.
Cela étant, si j’ai bien compris, vos calculs sont fondés sur une assiette élargie à l’ensemble des sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés. Compte tenu des besoins budgétaires de l’État, une telle contribution peut se justifier. Je vous demande toutefois d’attendre l’examen du projet de loi de finances rectificative, lequel prévoit l’instauration d’une contribution additionnelle, en fait une surtaxe de 5 % de l’impôt sur les sociétés, pour les entreprises et les groupes réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 millions d’euros.
Décidément, la parole de Mme la rapporteure générale est empreinte de sagesse cet après-midi.
Votre amendement, monsieur Fortassin, sera en effet satisfait par l’instauration dans le prochain projet de loi de finances rectificative d’une majoration exceptionnelle de 5 % du montant de l’impôt sur les sociétés pour l’année 2012.
Je vous invite donc, moi aussi, à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
I. – Après le a du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, il est inséré un a bisainsi rédigé :
« a bis) En cas de sinistre touchant les immobilisations visées au a, la dotation aux amortissements correspondant à la différence entre l’indemnisation d’assurance et le coût de reconstruction et de remplacement ; ».
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2009. –
Adopté.
I. – Le a du II de l’article 1465 A du code général des impôts est complété par les mots : « constaté sur l’ensemble de l’arrondissement ou du canton ou dans une majorité de leurs communes dont le chef-lieu ».
II. – La perte de recettes pour les collectivités territoriales est compensée par la majoration à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Les pertes de recettes pour l’État sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
IV. – Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. –
Adopté.
L'amendement n° I-127, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Rome, Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung, Teston, Filleul, Ries et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 4 septies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au IV de l’article 302 bis KH du code général des impôts, le taux : « 0, 9 % » est remplacé par le taux « 1, 8 % ».
La parole est à Mme Michèle André.
Cet amendement est pour nous l’occasion d’évoquer la question de l’aménagement numérique du territoire.
Le Président de la République semblait avoir fait de ce sujet un engagement fort de l’État lorsqu’il promettait de mettre un terme à la fracture numérique en permettant à tous les Français d’accéder au très haut débit. Ainsi, le 20 octobre 2008, le secrétaire d’État chargé du développement de l’économie numérique présentait un plan de développement de l’économie numérique : « France numérique 2012 ». Son objectif était de « faire de la France un pays moteur de la révolution numérique ». À quelques semaines de l’année 2012, force est de constater qu’une telle révolution n’a pas eu lieu. Notre pays accuse même de nombreux retards.
Au titre des promesses non tenues, il y avait notamment « l’instauration pour chaque Français à compter de 2010 d’un droit opposable à bénéficier d’un accès à internet haut débit à un tarif abordable ». Arrêtons là ! La liste des déceptions en matière de développement du numérique est longue, et les plans se succèdent.
Près de deux ans après la présentation de ce plan, le Premier ministre a proposé, en juin 2010, le programme national « très haut débit », qui devait permettre de mobiliser 2 milliards d’euros au titre des investissements d’avenir. Nous connaissons tous ici les conditions de mise en œuvre du fameux grand emprunt, aujourd’hui réduit à peau de chagrin. Cette procédure extraparlementaire et budgétaire nuit en plus à la lisibilité et à l’efficacité de son action.
Au-delà de cette question de forme, le montant avancé par le Gouvernement est largement insuffisant. Notre collègue Hervé Maurey évaluait, dans un rapport d’information publié au mois de juillet dernier, à plus de 23 milliards d’euros les besoins financiers nécessaires à la couverture de 98 % de la population française en fibre optique. Le 17 novembre, l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, estimait pour sa part ce montant à 21 milliards d’euros sur quinze ans. Autant dire que les 2 milliards d’euros proposés par le Gouvernement n’y suffiront pas ! D’autres financements sont évidemment nécessaires, qu’il faudra répartir entre les acteurs privés – les opérateurs – et publics – les collectivités territoriales.
En matière d’investissements, les opérateurs demeurent évasifs sur leurs intentions réelles. Pour notre part, nous ne doutons pas que ces efforts, s’il y en a, resteront concentrés principalement sur l’aménagement des zones denses et moyennes, dans lesquelles un retour sur investissement est assuré. Par conséquent, les collectivités territoriales sont appelées à financer, parfois pour la totalité du coût, les investissements nécessaires à l’équipement de leur territoire. Dans son rapport, Hervé Maurey rappelle qu’elles contribuent déjà à hauteur de 200 millions d’euros par an au financement des infrastructures haut et très haut débit, et ce depuis plusieurs années.
Pour soutenir les collectivités territoriales, un fonds d’aménagement numérique du territoire a été créé par la loi du 17 décembre 2009. Deux ans plus tard, ce fonds n’a toujours pas vu le jour. Son comité de gestion n’a même pas été mis en place et aucun budget n’a été versé !
Le seul fonds de soutien pour la société numérique existant comporte un volet d’aide aux projets des collectivités, mais ne compense pas les inégalités territoriales puisqu’il laisse trois fois plus de charges aux départements ruraux qu’aux autres.
La mesure que nous proposons, c'est-à-dire l’augmentation de la taxe pesant sur les opérateurs, n’est peut-être pas la seule solution envisageable, mais elle mérite d’être étudiée. Puisque le programme national « très haut débit » prévoit de réserver les zones rentables aux opérateurs, il serait naturel que, en contrepartie de cet avantage, ces derniers contribuent à l’indispensable péréquation nationale.
Telles sont les raisons pour lesquelles je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement.
La commission des finances s’est penchée sur la question de la couverture numérique du territoire. Il est en effet normal que le Sénat s’attarde sur ce sujet fort important.
Le dépôt de votre amendement, vous l’avez indiqué, madame André, se justifie par l’inertie du Gouvernement. Celui-ci n’a jamais mis en œuvre le Fonds d’aménagement numérique du territoire et, durant la période 2007-2013, il n’a su utiliser que la moitié des 500 millions d’euros issus du Fonds européen de développement régional, le FEDER, en dépit des besoins énormes, lesquels sont évalués à 15 milliards d’euros au moins.
Le Gouvernement s’est également quelque peu défaussé sur le programme des investissements d’avenir, qui a mis en place le Fonds national pour la société numérique, doté de 4, 25 milliards d’euros : 2 milliards d’euros étaient destinés au déploiement du très haut débit sur l’ensemble du territoire, dont 1 milliard d’euros de prêts aux opérateurs et 900 millions d’euros pour les collectivités territoriales. Or ce fonds peine à identifier les projets qui doivent être financés, personne n’arrivant à se mettre d’accord sur la bonne méthode pour dépenser ces crédits.
L’adoption de l’amendement qui nous est soumis ne permettrait pas de résoudre le problème. En outre, ce dispositif envisage une taxation accrue de 250 millions d’euros pour les opérateurs de télécommunications, lesquels sont déjà très sollicités. Reste que, sur ce dernier point, j’avoue ne plus savoir quoi penser après les récentes déclarations du Président de la République. Enfin, la taxe est contestée par la Commission européenne devant la Cour de Justice de l’Union européenne.
Au nom de tous les membres de la commission des finances et d’autres de nos collègues très intéressés par ces sujets, je veux vous poser plusieurs questions, madame la ministre : pouvez-vous nous éclairer sur les problèmes d’engagements des crédits en faveur de l’aménagement numérique du territoire ? Pour quelles raisons le Fonds d’aménagement numérique du territoire n’a-t-il toujours pas été mis en place ? Pourquoi ce dossier n’avance-t-il pas ?
J’en reviens aux déclarations faites par le Président de la République, le 18 novembre dernier, lors du sommet culturel sur la création à l’ère numérique organisé à l’occasion du forum d’Avignon. Le chef de l’État a alors fait part de sa volonté de créer un conseil national de la musique, qui serait financé en partie par les fournisseurs d’accès à internet, dont les opérateurs de télécommunications, et a justifié cette contribution par le fait que les opérateurs se portaient « très bien ».
La piste de l’augmentation de la taxe sur les opérateurs de télécommunications doit donc être étudiée sérieusement, si j’en crois le Président de la République, pour financer la culture ou le haut débit, notamment dans les territoires ruraux. On sait en effet que les opérateurs n’investissent que dans les zones rentables. Ailleurs, il appartient aux conseillers généraux de se débrouiller. Si j’en juge par la manière dont les choses se passent dans mon département, je suppose que cela doit être pareil ailleurs…
Que penser, madame la ministre, des engagements publics pris par le Président de la République le 18 novembre dernier ?
Si j’ai bien compris, madame la rapporteure générale, vous interrogez le Gouvernement avant de donner l’avis de la commission sur cet amendement ?
Pour nous, il s’agit d’un amendement d’appel, et cet appel s’adresse au Gouvernement.
Le Gouvernement entend l’appel, mais augmenter une taxe qui fait l’objet d’un contentieux devant la CJCE ne serait pas une bonne façon d’y répondre. Il émet donc un avis défavorable.
Madame la rapporteure générale, j’entends évidemment le cri des départements ou des territoires ruraux qui souhaitent bénéficier d’un réseau à très haut débit. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a prévu 2 milliards d’euros dans le cadre des investissements d’avenir pour développer le très haut débit, dont 250 millions d’euros pour financer la couverture par satellite. Un appel à projets de 900 millions d’euros a été lancé en juillet dernier afin de cofinancer plus spécifiquement les projets d’initiative publique des collectivités territoriales pour le déploiement de réseaux à haut et très haut débit.
J’invite la représentation nationale à attendre l’issue de cet appel à projets avant de juger sur pièces l’action du Gouvernement dans ce domaine. Si des territoires restent à couvrir, nous pourrons alors éventuellement reparler d’un financement complémentaire.
La création d’un centre national de la musique est effectivement envisagée. Son financement obéira à la même philosophie que celle du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC, qui repose sur les abonnements à internet en ce qu’ils permettent de diffuser en streaming des œuvres cinématographiques et audiovisuelles. Le financement du centre national de la musique reposera donc, lui aussi, sur les abonnements à internet liés à la diffusion musicale.
L’amendement n° I-127 n’est pas que d’appel. Si l’on doit faire le bilan du quinquennat qui s’achève, on s’aperçoit que des dossiers ont bien avancé, que d’autres ont avancé puis reculé – je pense notamment au « paquet fiscal » – et que certains n’ont pas avancé du tout. Sur le sujet qui nous occupe, rien n’a été fait pendant cinq ans !
Les annonces se sont pourtant multipliées : le plan de développement de l’économie numérique, en octobre 2008, le programme national « très haut débit » lancé par le Premier ministre, en juin 2010, sans compter les nombreux rapports sur le sujet et les engagements sur les financements qui ont été pris ici même, au Sénat, depuis deux ans.
Aujourd'hui, les collectivités territoriales se trouvent malheureusement confrontées à une situation intenable. On ne sait pas comment les financements vont s’articuler ni comment les territoires vont être couverts. Le découpage qui a été réalisé va réserver les zones denses aux opérateurs privés dans des conditions à peu près rentables pour eux – elles seront donc couvertes de manière satisfaisante –, mais nul ne sait à quel horizon, avec quel financement et sous quelles modalités les autres collectivités disposeront de la fibre optique.
Certains pays ont mieux cerné le problème que nous ne l’avons fait. Je pense notamment à l’Australie, qui a considéré que ce sujet éminemment urgent ne pouvait aboutir qu’avec un opérateur unique. La solution est donc passée par la nationalisation de l’ensemble du dispositif d’installation de la fibre optique. Ce pays ultralibéral a donc un seul programme, financé par l’État, disposant d’un budget de 40 milliards de dollars australiens. Cette approche permettra à l’Australie de réaliser beaucoup plus rapidement son projet.
Je suis très inquiet quant à notre capacité à apporter des réponses à ce problème. Cela a été dit, la France n’est même pas capable de dépenser les crédits qui lui sont alloués par le FEDER. Seule la moitié de la somme a jusqu’à présent été fléchée ! Le FANT, que nous avons créé il y a deux ans, n’a pas été mis en place et n’est toujours pas alimenté. Il s’agit d’une situation de carence de l’État, car aucune ressource ne vient répondre aux besoins.
Au-delà des quelques éléments rassurants que nous apporte Mme la ministre, il semble nécessaire d’y voir plus clair. En l’état actuel des choses, sachant que le recours devant la CJCE va encore ralentir le processus, nous ne pouvons apporter aux élus territoriaux des éléments de réponse qui soient porteurs d’espoir. La France prend malheureusement du retard !
Madame la ministre, nous ne pouvons pas nous satisfaire de vos réponses. Elles se veulent rassurantes, mais elles ne donnent aucune perspective permettant de croire en la réalisation rapide des investissements en fibre optique. Voilà pourquoi notre amendement est justifié !
Chacun à notre niveau, nous essayons de lutter contre la fracture territoriale.
Cette fracture ne fait que s’accentuer. Elle prive nos territoires ruraux de possibilités de développement. Un fonds a pourtant été créé il y a deux ans, mais il n’est pas alimenté. Cette situation aboutit à une inégalité qui devient insupportable. Il est donc urgent de trouver une solution.
Nos territoires ruraux, à faible densité de population, doivent faire des efforts très importants. En effet, les opérateurs n’investissent que sur les territoires à forte densité de population, là où ils espèrent faire des profits. Les conseils généraux qui sont dans une situation financière très difficile sont obligés de mettre en place des programmes nécessitant des investissements lourds. Je l’ai fait dans mon département, mais nous peinons à boucler notre plan de financement.
Madame la ministre, si nous avons présenté cet amendement d’appel c’est pour que vous teniez compte de nos observations. Il en va de l’avenir de nos territoires. Si nous voulons que nos concitoyens puissent utiliser les nouvelles techniques de travail et de communication, nous devons absolument trouver des solutions de financement, surtout pour les collectivités les plus pauvres, qui ne peuvent déjà plus honorer un certain nombre de dépenses essentielles.
Lorsque l’on parle de fracture numérique et de zones denses, il faut bien comprendre de quoi il s’agit. En effet, les deux tiers de la Seine-Saint-Denis, département de 1, 5 million d’habitants aux portes de Paris, sont considérés par les opérateurs comme une zone non dense. Cela ne manque pas de sel, quand on y pense !
Orange et SFR, qui se sont manifestement entendus pour se partager le territoire, n’interviendront que dans des zones très précises. Cela signifie que, dans un département comme le mien, il n’y aura quasiment pas de couverture en fibre optique. Dans la première couronne parisienne, notamment dans ses territoires les plus déshérités, habités par les populations les plus fragilisées, le haut débit n’est pas pour demain ! Je tiens à ce que ce soit dit et redit.
Nos collègues ont tout à fait raison de parler de fracture numérique pour les territoires ruraux, mais sachez que, dans l’espace du Grand Paris, que j’appelle de mes vœux, le haut débit ne concerne que les zones favorisées. Pour les autres, on attendra…
La situation devient absolument insupportable pour les élus locaux. Je ne sais plus quoi répondre aux habitants de ma commune qui veulent, comme tout le monde, l’offre triple play et qui se retournent vers moi lorsque l’agence France Télécom du coin ne veut pas leur en faire bénéficier au prétexte que la collectivité locale n’aurait pas pris les mesures nécessaires pour établir une connexion de 2 mégabits par seconde.
Une commune comme la mienne n’aura jamais les moyens d’investir les sommes nécessaires. Quant au département de la Seine-Saint-Denis, n’en parlons pas ! Les collectivités qui en auront les moyens feront le nécessaire, les autres regarderont les trains passer. Cela n’est pas supportable !
Le problème soulevé est donc réel, et pas seulement en province. Des zones denses comme la mienne sont également touchées.
Absolument ! Pour compléter le duo involontaire que nous formons, je précise que l’inégalité est aussi infra-territoriale. Elle peut se loger au cœur même des zones denses.
Je dois dire que la Seine-Saint-Denis présente une particularité. Les opérateurs font la distinction entre l’ex-Seine-et-Oise et l’ancien département de la Seine, entre Tremblay-en-France et Bondy. Les opérateurs n’interviennent pas en Seine-et-Oise. Ce sont donc les départements de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise qui, à travers un syndicat, essaient d’installer la fibre dans ce secteur. La même situation prévaut de l’autre côté de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Pis, décision a été prise de mener à Bondy, ville dont j’ai été le maire, une expérimentation visant à mettre en commun les compétences des trois grands opérateurs, Free, Orange et SFR. C’est ce dernier qui est chargé de Bondy. Cependant, si SFR consent à « fibrer » l’habitat vertical, il refuse d’équiper les zones pavillonnaires. Toute la partie concernée par l’action de l’ANRU, l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, n’est pas fibrée. Cela signifie qu’on ne peut redonner à ces espaces une impulsion en faveur du développement économique. Un médecin qui voudrait consulter des radios par internet plutôt que d’obliger ses patients à se déplacer avec de grandes pochettes sous le bras ne peut pas s’y installer.
Madame la ministre, l’espace territorial doit donc être envisagé dans sa complexité, y compris au sein de ce qu’on appelle la « zone dense ».
Ce débat dépasse, on le voit bien, les clivages.
La question n’est pas tant la densité des zones que celle de leur solvabilité. Là où les capacités à s’abonner seront les plus grandes, l’opérateur investira. Un territoire rural peut être considéré comme pas intéressant, car il est peu peuplé – c’est ici la densité qui compte –, mais des départements, en particulier certaines banlieues qui ne rapportent pas suffisamment ni assez rapidement au regard des investissements consentis lors de l’installation du réseau ne le seront pas davantage.
Il faut bien reconnaître que les opérateurs mettent des milliards sur la table. On ne peut donc pas dire qu’ils ne font rien. Le problème, c’est qu’ils obéissent à une logique d’entreprise. On ne peut pas blâmer leurs dirigeants de vouloir faire un maximum de bénéfices, car, après tout, c’est leur job, mais quand il s’agit de l’intérêt public, l’État doit peser dans la balance. Au moment de décider qui obtiendra les licences ou qui couvrira un territoire, l’État a la main ! Il peut donc imposer un certain nombre de choses.
Je pense, comme François Marc, que votre réponse se doit d’être peu plus offensive. Les promesses qui ont été faites n’ont pas été honorées, parce que la situation est gérée au fil de l’eau. Dans ce domaine, l’engagement doit être plus déterminé !
Je propose que nous fassions aujourd’hui ce que nos prédécesseurs ont fait au lendemain de la guerre pour l’approvisionnement en électricité.
Un assez grand nombre de communes rurales n’étaient pas desservies. Des syndicats départementaux d’électricité ont donc été créés. Comment ont-ils fonctionné ? Un pourcentage était prélevé sur chaque quittance d’abonné, et l’opérateur, EDF à l’époque, était contraint d’alimenter le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, le FACE.
Ce système a très bien fonctionné. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire la même chose pour le très haut débit. Ce serait faire preuve de solidarité. Je demande donc à l’État d’être un véritable régulateur en ce domaine, ce qu’il n’est pas aujourd'hui.
Dans un certain nombre de zones, vous avez, d’un côté de la route, la fibre France Télécom et, trois mètres plus loin, la fibre d’un autre opérateur ou d’une collectivité territoriale. En réalité, tout se passe comme si l’on avait deux autoroutes en parallèle, qui se continuent par un chemin muletier !
Mon propos s’inscrit dans le droit fil des interventions de mes collègues de départements ruraux, MM. Miquel et Fortassin.
Certains départements sont plus égaux que d’autres : il y en a qui ont tout, il y en a qui ont presque tout, et d’autres qui n’ont rien. Le mien n’a pas d’autoroute, il a vingt-deux kilomètres de deux fois deux voies et ne sait pas ce qu’est la fibre optique ou le très haut débit. Des priorités doivent donc être définies.
La suggestion que vient de faire M. Fortassin va dans le bon sens, celui de l’équité.
Nous aurions souhaité des réponses plus précises de la part du Gouvernement.
J’ai entendu Mme la ministre affirmer qu’il n’était pas possible d’augmenter une taxe faisant l’objet d’un contentieux devant la Cour de justice de l’Union européenne. Or notre dispositif a été envisagé dans le cadre d’un amendement d’appel. Que nous soyons membres de la majorité ou de l’opposition, que nous venions du monde rural ou du monde urbain, nous trouvons tous insupportable la fracture entre les territoires favorisés et ceux jugés pas suffisamment rentables par les opérateurs.
Ainsi, des entreprises qui pourraient s’installer en Auvergne – et nous savons bien l’importance des PME pour le développement économique de nos territoires – y renoncent quand elles s’aperçoivent qu’elles n’auront pas accès au haut débit ou alors seulement à des coûts prohibitifs, par exemple en recourant au satellite. Il est donc urgent d’agir.
S’il est nécessaire d’adopter cet amendement qui lance un appel pressant – auquel nous pouvons tous être favorables, puisque nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés – pour obtenir des engagements du Gouvernement, nous nous y résoudrons !
Nous avons deux solutions vis-à-vis de cet amendement : soit l’adopter, sachant qu’il n’est pas opérationnel et qu’il ne permettra donc pas d’atteindre les objectifs visés par ses auteurs, à savoir débloquer les fonds nécessaires ; soit le retirer, en attendant la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. À cet égard, Mme la ministre nous apportera peut-être un éclairage sur ce litige, qui pourrait, paraît-il, être tranché dans un sens favorable à la France. Nous devrions en savoir plus en 2012.
Cela étant, je me demande tout de même quand les fonds du programme d’investissements d’avenir arriveront dans les territoires. Pour l’instant, nous ne voyons rien venir !
Concernant les deux procédures en cours, la première est bloquée, car la Cour de justice de l’Union européenne estime que la taxe ne peut financer que le régulateur, c'est-à-dire, l’ARCEP, et les frais de gestion, mais pas les équipements. Quant aux investissements d’avenir, ils sont renvoyés à un avenir lointain…
Or n’oublions pas qu’il y a une demande sociale. Ceux qui sont privés du haut débit se sentent exclus. Nous devons en tenir compte, même s’il est difficile de faire la part des choses entre l’existant et le ressenti dans ce domaine comme dans celui de la sécurité.
Certains intervenants ont parlé de la Seine-Saint-Denis. Pour ma part, j’évoque des territoires qui ne sont guère éloignés. Comment expliquer à des Franciliens qu’ils ne peuvent pas avoir accès au très haut débit ? Pour eux, c’est incompréhensible ! D’ailleurs, les départements se font l’écho de telles préoccupations.
Quoi qu’il en soit, le débat venant d’avoir lieu, je pense que vous pourriez maintenant retirer votre amendement, madame André.
Beaucoup ont évoqué, et à juste titre, les inégalités territoriales en matière d’accès au très haut débit. Celles-ci sont manifestes, parfois au sein d’un même département – je pourrais parler du mien –, d’une même ville, voire d’un même quartier. Nombre de zones rurales, de villes moyennes ou de communes périurbaines connaissent ce problème.
Il faut aussi attacher, me semble-t-il, quelque importance à l’aspect des ressources. C’est sur ce thème que je voudrais intervenir.
Voilà quelques jours, quatre opérateurs, par ailleurs concurrents entre eux, signaient une tribune dont je voudrais vous lire un extrait : « Qu’on ne s’y trompe pas : le secteur des télécoms n’est pas coupé du reste du monde, il n’est pas non plus un pays de cocagne où les richesses pousseraient sur les arbres. Il appartient à l’écosystème plus large du numérique, extrêmement concurrentiel et de plus en plus ouvert au reste du monde. Déjà, des géants mondiaux cherchent à conquérir de nouveaux marchés en sortant de leurs métiers d’origine et en venant concurrencer directement les activités des opérateurs, mais en échappant totalement à l’arsenal fiscal et réglementaire. »
À mon sens, il va falloir remettre à plat et repenser entièrement la fiscalité du numérique, une fiscalité fondée sur des principes du passé alors que nous sommes déjà dans une ère nouvelle. D’ailleurs, nous avons un peu abordé cette question l’an dernier à propos de multinationales comme Google. Si nous ne raisonnons pas à partir d’une assiette plus large, nous ne pourrons pas traiter correctement de tels sujets.
Aussi, mes chers collègues, permettez-moi de vous donner rendez-vous…
Monsieur Assouline, l’ironie avec laquelle vous abordez ces questions me paraît déplacée. Il est dans notre intérêt à tous de trouver des solutions qui soient autant que faire se peut compatibles avec le droit communautaire, avec la réalité de l’industrie et avec les besoins des territoires !
Monsieur Assouline, si votre solution consiste à doubler la taxe sur les opérateurs de télécommunications, permettez-moi de vous dire que ce n’est pas très innovant !
Vous venez de dire que vous ferez preuve d’imagination pour trouver les ressources. Or l’amendement qui est proposé ayant pour objet de doubler la taxe sur les opérateurs, je ne trouve pas cela très innovant comme mode de financement.
Quoi qu’il en soit, que nous habitions l’Île-de-France ou l’une des autres grandes régions françaises, nous sommes évidemment tous préoccupés par la couverture du territoire en très haut débit.
Rappelons-nous que la France, au regard de la taille de son territoire et de la dissémination de sa population, a été pionnière en matière de couverture en réseau haut débit.
Comment pouvons-nous équiper l’ensemble du territoire en très haut débit ? Le problème, c’est la fibre optique. C’est un sujet très compliqué.
Comme l’a souligné à juste titre M. le président de la commission des finances, taxer uniquement nos opérateurs reviendrait à faire financer les réseaux français par nos entreprises et à laisser ensuite des concurrents étrangers venir en profiter. Nous devons donc faire très attention.
Les collectivités territoriales ont évidemment un rôle éminent dans la fourniture des réseaux. Par « collectivités territoriales », je ne vise évidemment pas des communes ; les plus petites d’entre elles n’en ont pas les moyens. Il vaudrait mieux mutualiser au sein d’un département, voire d’une région les moyens des communes plus favorisées, dans une perspective de péréquation territoriale. Par conséquent, ce sont les départements, les régions et l’État qui doivent être mobilisés.
À cet égard, les 2 milliards d’euros du plan investissements d’avenir sont intéressants, parce qu’il s’agit de « multi-technologies ». On ne peut pas faire uniquement le pari de la fibre optique, qui ne peut pas être installée tout de suite dans chaque village, contrairement au téléphone ou à l’ADSL. Le satellite peut-être une solution pour des zones rurales, tout comme la péréquation territoriale peut être une solution pour des zones périurbaines.
Nous devons donc travailler territoire par territoire avec des solutions technologiques adaptées aux réalités locales. C’est tout l’objectif du plan investissements d’avenir.
Je n’ai pas la date de décaissement des crédits du premier appel à projets numériques, qui a été lancé au mois de juillet. En revanche, il est prévu dans le projet de budget que les 2 milliards d’euros soient décaissés en 2012.
Vos explications ne nous satisfont pas, madame la ministre. Pour autant, compte tenu de l’argument juridique qui a été avancé – je parle du contentieux devant la CJCE –, je vais retirer mon amendement. Nous resterons extrêmement vigilants sur l’évolution de la procédure à Bruxelles ; le cas échéant, nous reviendrons sur le sujet.
Vous avez évoqué le chiffre de 2 milliards d’euros, mais notre collègue Hervé Maurey faisait état dans son rapport d’un besoin de 23 milliards d’euros !
I. – Après la seconde occurrence du mot : « impôts », la fin de la première phrase du 1° de l’article L. 3324-1 du code du travail est supprimée.
II. – Le I s’applique à compter des exercices ouverts à partir du 21 septembre 2011.
L'amendement n° I-14, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la rapporteure générale.
L’article 4 octies, qui a été introduit par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, est un cavalier budgétaire. En outre, un tel dispositif aboutirait, s’il était maintenu, à une diminution des sommes octroyées aux salariés au titre de la participation.
La commission propose donc de supprimer cet article.
Madame la rapporteure générale, vous faites, me semble-t-il, une fausse interprétation de ce dispositif. En réalité, il s’agit d’un article de coordination.
Cette année, nous avons instauré un impôt minimal sur les sociétés, afin d’empêcher les entreprises de reporter d’une année sur l’autre leur déficit et d’afficher un bénéfice en baisse. Ainsi, 1 million d’euros de bénéfice sont obligatoirement taxés, ainsi que 40 % du bénéfice. Seuls les 60 % restants peuvent faire l’objet d’un report de déficit antérieur.
Dès lors, comme l’a fait remarquer à juste titre le député Olivier Carré, il serait bénéfique aux salariés que leur participation soit calculée non pas sur le bénéfice amputé de tous les déficits antérieurs, mais seulement sur le bénéfice amputé de 60 %, en tenant aussi compte de la franchise de 1 million d’euros. Ce mécanisme leur est donc favorable.
Je le répète, le dispositif retenu permet non seulement d’instituer un impôt minimal sur les sociétés, mais il protège également la participation lorsque l’entreprise est bénéficiaire. Celle-ci ne peut pas ne pas distribuer au moins au prorata de 1 million d’euros, plus 40 % du bénéfice de l’année.
Bien entendu, l’effet est lissé sur le long terme – il y a bien un moment où l’entreprise ne reportera pas ses déficits des années antérieures –, mais les salariés y gagnent à court terme. En outre, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un cavalier budgétaire. En effet, la participation, c’est de la dépense fiscale.
Je ne retiens pas l’argument de la coordination avec l’instauration d’un impôt minimal sur les sociétés.
Si le dispositif fait gagner un peu de trésorerie à court terme, le problème se pose toujours en année n+1.
Non, c’est l’année 2013 qui sera la plus importante, notamment par rapport à la réduction des déficits et aux engagements européens de la France. Par conséquent, en valeur absolue, l’État ne gagnera rien, si ce n’est un peu de trésorerie.
Ce n’est pas l’État qui gagnera, ce sont les salariés !
Ce qui me gêne par rapport au débat de 2006 – c’était notre collègue Godefroy qui était intervenu –, c’est que vous ne pouvez pas affirmer que les nouvelles règles de report des déficits conduiront à augmenter la participation, car les salariés non plus ne gagneront pas en valeur absolue.
Je ne souhaite pas modifier le droit actuel, car, sinon, au mieux, les salariés ne gagneront rien ; au pire, la participation en valeur absolue dans certaines entreprises s’en trouvera réduite. Si l’objectif est de faire en sorte que les entreprises abondent moins la participation, nous n’y souscrivons pas.
Le présent article est un cavalier législatif. Le Gouvernement ne peut raisonner à géométrie variable : tantôt, cela concerne les textes sur la participation – or ce n’est pas le ministre du budget qui défend la participation, en principe –, tantôt cela concerne la loi de finances.
En conclusion, oui le présent article est en dehors du champ de la loi de finances, et non le dispositif ne constitue pas un avantage pour les salariés !
Je ne le crois pas. J’ai le sentiment, au contraire, que nous allons dans le mur.
Nous instaurons un impôt minimal sur le bénéfice des sociétés. Cet article de coordination, qui est d’origine parlementaire et non gouvernementale, …
… en est le calque, totalement judicieux, en matière de participation. Il nous semble logique qu’une société qui réalise un bénéfice en 2012 et acquitte l’impôt minimal sur les sociétés verse une participation minimale aux salariés. Ce n’est donc pas un cavalier budgétaire.
Par ailleurs, il sera absolument bénéfique aux salariés…
… sur le court terme qui nous occupe, soit 2012-2013, contexte de crise où le pouvoir d’achat est un paramètre extrêmement important.
J’aurais donc aimé que cet amendement soit retiré, mais je sens que Mme la rapporteure générale ne me donnera pas satisfaction.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° I-97, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 4 octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 6° de l’article 112 du code général des impôts est abrogé.
La parole est à M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur une question d’importance, celle des plans de rachat d’actions.
Outre les stock-options, les offres publiques d’achat ou les dividendes, il existe également une pratique dans le droit boursier comme dans le droit fiscal appelée plans de rachat d’actions.
Ces plans sont régis par le droit commercial.
Sur le plan fiscal, le traitement des plans de rachat d’actions fait appel à l’expertise des spécialistes et à l’expérience.
Une entreprise, en France, parmi d’autres – il semblerait que la tendance baissière de la bourse ces derniers mois incite à de telles opérations –, s’est spécialisée dans la régularité et la fréquence des plans de rachat d’actions. Il s’agit du groupe Total, leader de la capitalisation de la place de Paris, qui comptabilise près de 80 milliards d’euros à ce titre.
La lecture des bilans et des rapports annuels du groupe pétrolier est instructive.
Total réalise tous les ans des opérations de rachat d’actions dont la motivation quasi exclusive n’est pas de renforcer l’autocontrôle du capital du groupe, ce qui pourrait se concevoir, mais est bien plutôt de procéder à l’annulation pure et simple des titres.
Détail du processus : Total rachète pour une somme plus ou moins élevée un nombre X d’actions, proposant en général un prix attractif aux détenteurs, qui figurent dans ce que l’on appelle le « flottant ». C’est là une manière intéressante d’utiliser son résultat comptable !
J’observe, d’ailleurs, que, d’une certaine manière, Total peut ainsi appliquer une réduction au montant de son impôt à raison des sommes engagées sur le rachat.
Ainsi, 30 millions d’actions rachetées pour 55 euros pièce – l’action Total ne vaut plus 100 euros en nominal depuis le démembrement des parts – représentent une affectation de 1, 65 milliard d’euros du résultat comptable du groupe, soit, dans l’absolu, une économie de 550 millions d’euros d’impôt sur les sociétés, si le taux facial de cet impôt était appliqué à la somme…
L’astuce, c’est que, pour les actionnaires ayant revendu leurs parts au groupe, le produit de l’opération est taxé selon les règles propres aux plus-values alors que la prime de rachat constitue souvent, bel et bien, une anticipation du dividende attribué chaque année. De plus, le jeu est aussi de ne pas revendre toutes ses actions, celles restant en main risquant fort de gagner en valeur et d’apporter un dividende majoré.
Personne, ici, n’a oublié que la taxation des plus-values n’est pas la même chose que la taxation des dividendes, la première étant tout de même moins élevée que la seconde.
Nous pensons donc qu’il faut revenir sur cette situation. Voilà pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Le code général des impôts établit un distinguo entre les revenus distribués sous forme de dividendes et les sommes ou valeurs attribuées aux actionnaires au titre des rachats d’actions.
Nous sommes d’accord avec vous, monsieur Foucaud, nous en avons discuté vendredi dernier, sur les pratiques de rachat d’actions par les entreprises. Mais là, j’ai du mal à suivre votre logique.
J’ai bien fait la distinction entre les revenus récurrents, distribués au travers de dividendes, et le cas présent, à savoir l’acte de rachat ou de vente. Les sommes perçues par les actionnaires ne sont pas une rémunération au titre de la détention comme le sont les dividendes. Par conséquent, la distinction du code général des impôts est justifiée. L’achat a lieu une fois, et les actions vendues ne sont plus dans les mains du cédant.
Il s’agit peut-être d’un argument juridique, mais il ne me semble pas illogique que l’imposition se fasse au titre de la plus-value réalisée, quand il y en a une, et non au titre d’un dividende perçu, car ce n’est pas la même opération : le dividende peut être perçu chaque année, la cession ou le rachat d’actions n’a lieu qu’une seule fois.
Je souhaite revenir quelques instants, à la suite de mon collègue Thierry Foucaud, sur la question des plans de rachat d’actions.
Le cas de Total est assez emblématique de la manière dont les choses sont aujourd’hui traitées par les entreprises françaises cotées. Toutes celles qui ont internationalisé leurs activités tirent pleinement parti des dispositifs d’optimisation comme le régime des groupes ou la mise en équivalence des résultats consolidés entre entreprise-mère et filiales, et font largement appel aux marchés financiers pour leurs opérations les plus diverses.
Total, leader de la capitalisation boursière de Paris, se présente aussi comme le groupe du CAC 40 disposant des résultats financiers les plus élevés. Pour une part croissante, ces résultats se réalisent dans le cadre des implantations étrangères du groupe, c’est-à-dire à l’exploitation des gisements à travers le monde, mais aussi dans le cadre des activités de première transformation du pétrole.
Les résultats de Total se portent d’autant mieux que le groupe a modifié une bonne partie de ses pratiques en raffinant de plus en plus son pétrole hors du territoire français tout en utilisant, de surcroît, sa présence encore importante en France comme porte d’entrée sur le marché européen.
Les activités de raffinage sont particulièrement surveillées – c’est heureux pour la sécurité des riverains – et soumises à des contraintes fiscales particulières dès lors qu’elles ont lieu en France métropolitaine : TVA, taxe intérieure sur les produits pétroliers, TIPP, taxe générale sur les activités polluantes, TGAP, toujours est-il que l’entourage fiscal des activités de raffinage est très significatif en France.
Mais lorsque Total fait raffiner une partie de sa production dans une installation située en général dans un pays tiers où la fiscalité écologique n’existe pas, où les droits d’accise sont un fantasme et où les seules contraintes résident dans l’attribution d’un minimum de royalties au pays d’accueil, il trouve les moyens de majorer ses résultats, plus encore quand les produits importés sont destinés à être diffusés à l’ensemble de la communauté européenne puisqu’ils peuvent traverser le territoire français en franchise de taxe dans bien des domaines...
La politique récente du groupe Total est d’ailleurs de réduire les capacités et la production de ses unités de raffinage en France, au profit du traitement de la production de pétrole brut dès le pays d’origine.
Ce différentiel de prix est évidemment un facteur de gonflement des bénéfices du groupe, qui appelle une réponse adaptée.
L’objet de cet amendement était de pointer du doigt la pratique des plans de rachat d’actions. Pour autant, il nous faudra bien, avant peu, nous pencher sur le problème posé aujourd’hui par les prix de transfert infra-groupes, qui crée une sorte d’appel d’air en faveur de la délocalisation d’activités industrielles non dénuées de valeur ajoutée.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons assister à l’adoption de cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – Il est institué au titre de 2012 une taxe due par les personnes qui exploitent une ou plusieurs installations dont l’activité relève de l’une des catégories prévues par l’annexe I à la directive 2003/87/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 octobre 2003, établissant un système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre dans la Communauté et modifiant la directive 96/61/CE du Conseil, et qui ont reçu au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, pour l’ensemble des installations exploitées, au moins 60 000 quotas d’émission de gaz à effet de serre au sens de l’article L. 229-7 du code de l’environnement dans le cadre du plan national d’affectation des quotas prévu à l’article L. 229-8 du même code.
II. – Cette taxe est perçue à un taux fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et du budget dans des limites comprises entre 0, 08 % et 0, 12 % du montant total, hors taxe sur la valeur ajoutée, des livraisons de biens et services effectuées en 2011 par les personnes mentionnées au I.
III. – La taxe est exigible le 1er janvier 2012.
Le montant exigible ne peut excéder, pour chacune des personnes visées au I, le résultat du produit du nombre total des quotas d’émission de gaz à effet de serre alloué au titre de la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2012, pour l’ensemble des installations exploitées, par 6, 18 €.
IV. – Les redevables déclarent et liquident la taxe sur l’annexe à la déclaration mentionnée au 1 de l’article 287 du code général des impôts, déposée au titre du mois de mars ou du premier trimestre de l’année d’exigibilité. Elle est acquittée lors du dépôt de cette déclaration.
Les redevables qui, du fait d’affectations de quotas postérieures au 1er janvier 2012, excèdent le seuil mentionné au I du présent article, déclarent et liquident la taxe sur la déclaration mentionnée au premier alinéa du présent IV, déposée au titre du troisième mois qui suit la date d’affectation des quotas.
V. – La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée.
VI. – L’article 64 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 est abrogé.
VII. – Le présent article et l’arrêté mentionné au II entrent en vigueur le 1er janvier 2012.
L'amendement n° I-15, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Remplacer les taux :
0, 08 % et 0, 12 %
par les taux :
0, 14 % et 0, 18 %
La parole est à Mme la rapporteure générale.
Nous changeons de sujet puisque nous abordons le problème des quotas de CO2 dans le marché européen.
Le Gouvernement avait présenté un texte, qui a été modifié à l’Assemblée nationale. L’État prendra donc à sa charge l’acquisition d’environ 30 millions de quota de CO2. Je rappelle que, en 2007, lorsqu’elle a élaboré son plan national d’affectation des quotas d’émission de gaz à effet de serre, le PNAQ, la France avait privilégié les sites existants au détriment des nouveaux entrants, dont la réserve de quotas est désormais vide.
À partir de 2013, les entreprises participant au système communautaire d’échange de quotas d’émission auront à payer progressivement des quotas, les allocations étant gratuites jusqu’à présent.
Je ferai un rappel, ce n’est pas encore l’histoire, mais c’est la mémoire de ce qui s’est passé. L’année dernière, sur l’initiative de la commission des finances, son rapporteur général d’alors, M. Marini, avait proposé une solution, car il s’était aperçu fort justement, grâce aux auditions qu’il avait menées, que le compte de quotas nécessaires pour les nouveaux entrants n’y serait pas. La solution qu’il avait proposée a été adoptée par le Sénat. Cependant, le Conseil d’État a estimé que le décret d’application ne pouvait pas satisfaire aux exigences de la Commission européenne. D’où le problème que nous retrouvons cette année.
La commission des finances du Sénat propose que la taxe payée par les entreprises, notamment, ne le cachons pas, les grandes entreprises qui sont déjà dans le marché, couvre entièrement l’allocation de quotas que l’État devra prendre à sa charge avant la fin du mois d’avril 2013.
Je sais bien que les grandes entreprises considèrent que ce dispositif est injuste ; il sera effectivement lourd à assumer pour certaines d’entre elles. La taxe elle-même, c’est vrai, est un peu fruste, mais c’est une solution qui est sans ambiguïté au regard du droit communautaire, et qui répond également, me semble-t-il, au souci de ne pas préempter les recettes pour 2013. L’année 2013, madame la ministre, vous le savez, sera dangereuse pour les finances publiques, sur lesquelles un grand poids s’exercera, puisque nous devrons atteindre l’objectif de 3 % de déficit.
Je considère donc que l’amendement de la commission, qui ne préempte pas les recettes de 2013, protège le budget de l’État. Il vise à revoir la fourchette des tarifs de la taxe, de sorte que celle-ci permette de couvrir la totalité des 30 millions d'euros de nouveaux quotas destinés aux nouveaux entrants.
Madame la rapporteure générale, tout en comprenant votre préoccupation, je pense qu’une telle mesure serait prématurée.
Vous nous dites en substance que nous allons avoir des besoins nouveaux pour 2012 et 2013 et qu’il nous faut donc, dès 2012, pouvoir les couvrir en modifiant la fourchette de la taxe, qui passerait de 0, 08 % et 0, 12 % à 0, 14 % et 0, 18 %. Cela permettrait, dites-vous, en taxant davantage les entreprises industrielles, de s’assurer de recettes sécurisées pour 2013, afin de pouvoir payer nos droits à polluer.
Mais ce n’est pas ainsi que le Gouvernement raisonne : 2012 sera, elle aussi, une année difficile ; elle ne le sera pas en termes de réduction du déficit grâce au budget crédible et sincère que nous avons élaboré. C’est d’ailleurs ce qu’en filigrane vous nous avez dit en soulignant que l’année difficile à boucler serait 2013. Mais 2013, c’est une autre année.
Si, pour 2012, nous avons un budget réaliste et crédible, la croissance n’en sera pas moins extrêmement fragile ; le monde industriel va être soumis à de très fortes tensions, car la croissance n’est pas au rendez-vous en dehors de la zone euro ni nécessairement en son sein. Il serait donc tout à fait dommageable d’augmenter la fiscalité sur nos entreprises industrielles aujourd'hui pour financer des dépenses qui n’interviendront qu’en 2013.
J’ajoute que, pour 2013, un dispositif innovant est prévu pour financer nos achats de quotas de CO2, qui consistera à pouvoir mettre aux enchères les quotas non utilisés, ce qui engendrera évidemment des recettes spécifiques.
Nous pensons que les années 2012 et 2013 doivent s’envisager différemment et qu’augmenter la fiscalité des entreprises industrielles en 2012 serait, de ce point de vue, une erreur.
En commission, j’ai voté cet amendement, à titre personnel, pour deux raisons.
D’abord, parce que le dispositif qui nous est proposé cette année est bien dans le droit fil de nos réflexions et propositions de l’an dernier. Nous étions tentés, à un moment donné, de faire l’impasse sur le financement de la réserve des nouveaux entrants, ce qui n’est manifestement pas possible, notamment pour des raisons de responsabilité budgétaire.
C’est sur ce terrain de la responsabilité budgétaire que je me situe pour appuyer – exceptionnellement, allais-je dire –, l’initiative de la rapporteure générale.
En effet, prendre un risque, quel qu’il soit, avec le solde des deux années suivantes ne me semble pas concevable, s’agissant d’une contribution qui est sollicitée de groupes qui connaissent bien et de longue date le sujet et qui ont donc pu l’anticiper. Des réunions de travail se sont tenues avec ces groupes pour des enjeux quantifiés qui, je le répète, ne peuvent pas être considérés comme des surprises.
Évidemment, si l’on place cet amendement dans le contexte de tous les autres amendements que la majorité sénatoriale a votés, la barque commence à être bien chargée, et sans doute trop.
Mais si je me place – et vous voyez à quel point on est parfois écartelé entre les différents choix, heureusement sans trop de douleur ici ! – sur le terrain des quotas de CO2, du fonctionnement du marché, du financement de la réserve des nouveaux entrants, je crois que la solution proposée par la rapporteure générale est la plus orthodoxe.
Cela étant, chacun, bien entendu, appréciera cette solution selon le cadre de référence dans lequel il se placera.
Sur le plan de l’orthodoxie budgétaire, je note que le système que vous défendez, madame la ministre, revient à affecter une recette future.
Si, puisque vous proposez d’agir en deux fois. La commission préfère, elle, agir en une fois pour des motifs de sécurité juridique.
En outre, j’attire votre attention sur 2013. Quels que soient le gouvernement et la majorité qui exerceront les responsabilités en 2013, ils se féliciteront de la solution trouvée par la commission des finances.
La fourchette a été établie en fonction du cours actuel des quotas qui, comme vous le savez, est faible, puisque la fourchette se situe entre 9, 50 euros et 11 euros, alors que vos calculs se fondaient sur un montant de 15 euros. Voilà un argument d’opportunité, pragmatique, qui montre qu’il paraît cohérent de remplacer le taux de 0, 08 % à 0, 12 % par le taux de 0, 14 % à 0, 18 %.
Par ailleurs, on pourrait considérer que les grandes entreprises ne sont pas responsables de l’allocation des quotas de 2007. Mais, comme l’a rappelé le président de la commission des finances, cette allocation a été établie en parfait accord avec ces secteurs industriels, que nous avons reçus à plusieurs reprises. Le plan d’allocation a été défini par le Gouvernement, après une large consultation de ces grands groupes, qui ne peuvent pas être surpris aujourd'hui.
Ce n’est pas la taxe qui va déterminer un grand groupe du secteur automobile à fermer ses usines, …
…. une partie d’entre elles, et à les délocaliser au Brésil, par exemple. Je comprends qu’une entreprise se rapproche de son marché ; je suis plus dubitative quand il s’agit de délocaliser la recherche, même si je sais bien qu’il faut différencier la haute technologie de la technologie courante.
À partir de là, je pense que tout le monde se satisfera de la solution proposée par la commission.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° I-146, présenté par MM. Revet et Dulait, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’acquittement de la taxe résultant de l'application des paragraphes précédents fait naître au profit des redevables une créance non imposable d'égal montant.
La créance est remboursée à compter du 1er janvier 2013. Toutefois, le redevable peut utiliser la créance pour le paiement des quotas mis aux enchères conformément à l’article 10 de la directive 2009/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2009 modifiant la directive 2003/87/CE afin d’améliorer et d’étendre le système communautaire d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre.
Par exception aux dispositions de l’alinéa précédent, les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires peuvent demander le remboursement de leur créance non utilisée à compter de la date du jugement qui a ouvert ces procédures.
La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par les articles L. 313-23 à L. 313-35 du code monétaire et financier, ou dans des conditions fixées par décret.
II – Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 5, modifié.
L'article 5 est adopté.
L'amendement n° I-128 rectifié, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung, Teston, Filleul, Ries et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Après l’article 39 ter C, il est inséré un article 39 ter D ainsi rédigé :
« Art. 39 ter D. – 1° Les sociétés dont l’objet principal est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont autorisées à déduire de leur contribution à l’impôt sur les sociétés, dans la limite de 20 % de cette contribution, une provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.
« 2° Les bénéfices affectés à cette provision à la clôture de chaque exercice doivent être employés, dans un délai de deux ans à partir de cette date, à des travaux de recherche réalisés pour le développement des énergies renouvelables.
« 3° À l’expiration du délai de deux ans, les sommes non utilisées dans le cadre prévu au 2° sont rapportées au bénéfice imposable de l’exercice en cours. » ;
2° Après l’article 219, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. … – À compter du 1er janvier 2012, lorsque leur bénéfice imposable déterminé conformément à l’article 209 est, au titre de l’année considérée, supérieur de plus de 10 % au bénéfice de l’année précédente, les sociétés dont l’objet principal est d’effectuer la première transformation du pétrole brut ou de distribuer les carburants issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 40 % de l’impôt sur les sociétés calculé sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l’article 219. »
II. - Les modalités d’application du I sont fixées par décret. Il précise la nature des dépenses ouvrant droit à la provision pour le développement de la recherche dans les énergies renouvelables ainsi que pour les moyens modaux alternatifs au transport routier.
III. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. François Marc.
Cet amendement est relatif au contexte du prix du pétrole et à la répartition du surplus de productivité. Il comporte deux aspects : le premier a trait aux prix ; le second vise à inciter les sociétés pétrolières à modifier leur comportement.
Tout le monde le voit bien, le pétrole est aujourd'hui particulièrement cher, et tout indique que ce prix ne va pas diminuer. Pour s’en convaincre au besoin, il suffit de se reporter aux déclarations d’avril 2011 de M. Christophe de Margerie, le P-DG de Total : « Le super à 2 euros, cela ne fait aucun doute. La vraie question, c’est : quand ? ». Il ajoutait, le 9 juillet dernier : « Les prix vont devenir élevés, il va falloir s’y habituer. »
Imaginons quelques instants, chers collègues, quelle a pu être la réaction de nos concitoyens face à ces déclarations lorsque, dans le même temps, Total annonçait un bond de 17 % de son bénéfice net et une hausse de 15 % de son chiffre d’affaires au troisième trimestre. Sur neuf mois, de janvier à septembre 2011, cette entreprise a déjà enregistré un bénéfice de 10 milliards d’euros.
Si l’on doit se réjouir du succès d’une grande entreprise française, on ne peut que dénoncer sa politique tarifaire et l’absence de répercussion des variations des prix du pétrole brut sur ceux des carburants à la pompe. Une étude, qui a été rendue au Gouvernement sur ce point au mois de juillet dernier, indiquait que la diminution des prix du gazole à la pompe était proportionnellement bien inférieure à la baisse de la cotation du gazole.
Face à ce constat, le Gouvernement reste inactif, nous semble-t-il. Or cette hausse constante des tarifs pèse fortement sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, particulièrement les plus modestes d’entre eux.
Certes, dans la loi de finances rectificative pour 2011, le Gouvernement a imaginé une contribution exceptionnelle sur la provision pour hausse des prix, mais cette mesure nous paraît bien modeste. C’est ce qui nous a conduits à proposer, au travers de cet amendement, une contribution supplémentaire pérenne, et non pas provisoire comme celle du Gouvernement, sur l’impôt sur les sociétés acquitté par les entreprises pétrolières lorsque leur bénéfice augmente de plus de 10 % sur un an.
Mais notre amendement ne s’arrête pas là ; il tient compte aussi du constat qui est fait depuis déjà plusieurs années sur les conséquences pour l’atmosphère des émissions de gaz à effet de serre et du réchauffement climatique. Je tire d'ailleurs argument du rapport, publié aujourd'hui même, de l’Organisation météorologique mondiale dans lequel celle-ci note que « les principaux gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement climatique ont franchi de nouveaux records de concentration dans l’atmosphère en 2010 ». C’est bien sûr le dioxyde de carbone qui explique l’essentiel de cette inquiétante et nouvelle dégradation relative au réchauffement climatique.
Dans ces conditions – c’est le second objet de cet amendement –, il convient d’inciter les sociétés pétrolières à entreprendre plus de recherches sur les énergies alternatives par la mise en place d’un dispositif fiscal.
Tel est, mes chers collègues, le double objet de cet amendement, qui appelle de notre part un vote favorable, car il prévoit une incitation forte en direction des sociétés pétrolières.
Dès lors que l’amendement a été rectifié pour tenir compte de la demande que j’avais formulée en commission et qu’il favorise les investissements verts des compagnies pétrolières, j’y suis favorable.
Le Gouvernement considère que cet amendement est largement satisfait puisque l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2011 a d’ores et déjà institué une contribution exceptionnelle à la charge des entreprises du secteur pétrolier. Je crois qu’il faut, de temps en temps, s’arrêter de taxer toujours et encore, notamment les entreprises du secteur industriel et surtout cette année.
Je remercie la rapporteure générale d’apporter le soutien de la commission des finances à cet amendement.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter à l’argumentation que j’ai déjà développée, sinon pour préciser que cet amendement ne sera pas forcément coûteux puisque nous l’avons gagé, ce qui sous-entend qu’il pourrait être source de recettes supplémentaires pour l’État.
En premier lieu, notre préoccupation est de mettre en place une mesure fiscale afin d’inciter les sociétés pétrolières à s’orienter davantage vers la recherche sur les énergies alternatives.
En second lieu, il s’agit de mieux répartir le gâteau des bénéfices supplémentaires tirés par les sociétés pétrolières du fait de l’augmentation des tarifs à la pompe. Si elles engrangent des bénéfices, il nous semble légitime – d’autant que leur impôt n’est majoré que si leur bénéfice est supérieur de plus de 10 % à celui de l’année précédente – qu’elles en restituent une part à la collectivité : sur 10 milliards ou 15 milliards d'euros de bénéfices, Total peut donner un petit peu à la collectivité.
Ces deux raisons justifient pleinement le vote de cet amendement.
Je voudrais simplement clarifier un point.
Cet amendement tend à instituer « une contribution égale à 40 % de l'impôt sur les sociétés » : il s’agit bien d’une surtaxe de 40 % à l'impôt sur les sociétés, la déduction pour investissement dans les énergies renouvelables étant limitée à 20 % de la contribution due. Cela représente tout de même 80 % de taxes supplémentaires pour le secteur pétrolier !
Par ailleurs, je précise à l’attention de M. Marc, qui le sait d’ailleurs très bien, que cette contribution ne s’appliquera bien évidemment pas à Total, puisque cette société ne paie pas d'impôt sur les sociétés en France.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-93, présenté par MM. Adnot, Bernard-Reymond, Darniche, Husson et Türk et Mme Des Esgaulx, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 44 sexies A du code général des impôts est abrogé.
II. - Le V de l’article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 est ainsi modifié :
1° À la première phrase, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « septième » ;
2° La deuxième phrase est supprimée.
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Les amendements n° I-147 et I-164 sont identiques.
L'amendement n° I-147 est présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-164 est présenté par M. Plancade et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le I de l’article 44 sexies A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le second alinéa du 1 est supprimé ;
2° La seconde phrase du 3 est supprimée ;
3° Le 4 est abrogé.
II. – L’article 131 de la loi n° 2003-1311 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004 est ainsi modifié :
1° Au I, les mots et la phrase : « dans la double limite, d’une part, des cotisations dues pour la part de rémunération inférieure à 4, 5 fois le salaire minimum de croissance, d’autre part, d'un montant, par année civile et par établissement employeur, égal à trois fois le plafond annuel défini à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale, et dans les conditions prévues au V du présent article. Les conditions dans lesquelles ce montant est déterminé pour les établissements créés ou supprimés en cours d'année sont précisées par décret. » sont supprimés ;
2° Aux deux premières phrases du premier alinéa du V, les mots et la phrase : « à taux plein jusqu’au dernier jour de la troisième année suivant celle de la création de l’établissement. Elle est ensuite applicable à un taux de 75 % jusqu’au dernier jour de la quatrième année suivant celle de la création de l'établissement, à un taux de 50 % jusqu'au dernier jour de la cinquième année suivant celle de la création de l’établissement, à un taux de 30 % jusqu’au dernier jour de la sixième année suivant celle de la création de l’établissement et à un taux de 10 % jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l'établissement. » sont remplacés par les mots : « au plus tard jusqu’au dernier jour de la septième année suivant celle de la création de l’entreprise ».
III. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du II ci-dessus est compensé, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme la rapporteure générale, pour présenter l’amendement n° I-147.
Cet amendement, qui tend à rétablir les exonérations de charges patronales dont bénéficiaient les JEI – les jeunes entreprises innovantes –, avait rencontré en commission l'assentiment des auteurs de l'amendement n° I-93, notamment Philippe Adnot, qui n'ont pu être présents aujourd'hui pour le défendre.
M. Plancade a déposé, au nom de la commission de la culture, un amendement identique à celui de la commission des finances pour défendre ces jeunes entreprises innovantes, car elles doivent certainement être également très présentes dans le secteur culturel.
Pour ma part, je pensais plus particulièrement aux jeunes entreprises intervenant dans le domaine de l'innovation industrielle. Ces dernières sont souvent déficitaires lors de leurs premières années d'existence, mais recèlent un très fort potentiel de croissance. Je pense aux entreprises qui œuvrent dans le domaine des biotechnologies.
L'année dernière, le Gouvernement avait pris une mesure d'économie particulièrement mal ciblée concernant les JEI, car ce sont justement elles que l’on cherche à attirer dans nos territoires et à qui l’on souhaite de connaître une croissance suffisante pour éviter de disparaître ou de se faire racheter.
Nous voulons revenir sur cette mesure gouvernementale tout en recentrant le dispositif, comme Philippe Adnot en avait exprimé le souhait en commission. La coupe claire à laquelle il avait été procédé l'année dernière avait envoyé un très mauvais signal à ces entreprises, à un moment particulièrement mal choisi : à la même époque, les crédits alloués par OSEO, qui participe très largement au soutien de ces jeunes entreprises, étaient en diminution. En effet, il est relativement incohérent de prendre une telle décision, très mal vécue par ces entreprises, alors qu’il était indispensable de trouver de nouveaux ressorts de croissance et de renforcer la capacité des entreprises à affronter la compétition mondiale.
En recentrant le dispositif, il est possible d’éviter les effets d'aubaine inhérents à ce genre de dispositif, même s'ils sont, en l’espèce, limités. Nous proposons un mécanisme davantage concentré sur les entreprises qui en ont le plus besoin pour éviter une trop grande dispersion.
Cette mesure utile pourrait recueillir l’assentiment de nos collègues, au-delà des membres de notre groupe.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture, pour présenter l'amendement n° I-164.
Cet amendement a été déposé sur l'initiative du rapporteur de notre commission, Jean-Pierre Plancade.
Je me félicite que Mme la rapporteure générale ait proposé de rétablir le dispositif de soutien aux JEI, qui concerne, en effet, également des entreprises intervenant dans des secteurs qui nous sont chers, comme les techniques du cinéma d'animation et les jeux vidéo.
La commission de la culture est celle de la recherche. C'est pour que le lien étroit entre recherche et innovation ne soit pas vain et qu’il se traduise par des emplois et de l'activité durables que nous portons cet amendement.
La commission de la culture est aussi celle de la formation. La France dispose de remarquables cursus de formation à la création d'images d'animation, notamment à Nîmes, Angoulême et Valenciennes. Or les jeunes qui en sortent excellemment formés ne trouvent de travail qu’en Australie, au Canada ou en Angleterre. Le soutien aux JEI profiterait notamment considérablement aux entreprises du secteur du jeu vidéo, qui est en plein développement.
Favoriser cette économie et ses débouchés participe aussi de la création cinématographique, qui bénéficie des recherches sur les effets spéciaux.
Il s’agit d’un sujet auquel je suis bien évidemment particulièrement sensible en tant qu'ancienne ministre de la recherche.
Je le rappelle, nous avons réduit et recentré le dispositif des jeunes entreprises innovantes sur leurs premières années d'existence pour deux raisons.
D'abord, c’est à ce moment-là qu’elles ont le plus besoin d’être aidées.
Ensuite, le dispositif du crédit d’impôt recherche que nous avons créé permet à la France d’offrir l’environnement fiscal le plus favorable au monde en matière de recherche et de développement privés.
Aussi nous a-t-il paru logique de rationaliser les aides et de ne pas proposer deux dispositifs différents.
J'ajoute que le mécanisme des JEI présente tout de même un inconvénient qu'il ne faut pas négliger : c'est l'effet de seuil de la huitième année. Il nous semblait préférable de proposer un dispositif favorisant l'amorçage, qui doit ensuite laisser place au droit commun, c'est-à-dire au crédit d’impôt recherche. Je rappelle que le CIR représente 30 % de déduction, ce qui est énorme par rapport au régime initial des JEI.
Je me souviens que nous avions eu l'année dernière ici même une discussion très âpre sur cette question – j’y participais à un autre titre qu’aujourd'hui. La question du recentrage du dispositif des JEI a été discutée à l'Assemblée nationale voilà quelques jours. Nous avons assuré à Mme de La Raudière que le Gouvernement était prêt à débattre à nouveau de la question, à « remouliner » les données pour dresser une véritable étude d'impact du dispositif.
Aujourd'hui, nous n'avons pas de données fiables permettant de mesurer s’il a été vraiment défavorable à certaines entreprises innovantes dans des proportions déraisonnables. J'ai proposé de créer un groupe de travail sur cette question. Je serais ravie d'y associer la commission de la culture, si elle le souhaite, et la commission des finances.
En tout état de cause, le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur ce dispositif, qui a moins d’un an, car il est souhaitable de garantir un minimum de stabilité des règles fiscales. Je suis donc défavorable à ces deux amendements identiques.
En matière de stabilité des règles fiscales, le Gouvernement n’a pas de leçons à donner au Parlement ! Je rappelle qu’il est revenu sur la taxe sur les nuitées d'hôtel à peine deux mois après son instauration.
L'encre n'avait même pas eu le temps de sécher…
Mais ne nous querellons pas sur les mérites respectifs du Parlement et du Gouvernement.
Vous avez parlé, à juste titre, madame la ministre, du crédit d’impôt recherche, qui représente un effort en termes de finances publiques, me semble-t-il, de près de 5 milliards d’euros en tendanciel, avec un montant estimé à 2, 3 milliards d'euros en 2012.
Je ne retirerai pas mon amendement, car il me semble nécessaire de rétablir ce dispositif pour préserver la faible croissance que nous pourrions connaître en 2012 et en 2013. Mais j'accepte que l’on étudie l’impact des dispositifs incitatifs, y compris le crédit d’impôt recherche, sur lequel nous, parlementaires, avons du mal à voir clair.
L’année dernière, le rapport des députés Alain Claeys et Jean-Pierre Gorges a mis en évidence, à la suite des travaux de la commission des finances, que le dispositif du CIR pouvait entraîner un certain effet d'aubaine et d'optimisation, notamment pour les grandes entreprises.
Madame la ministre, vous avez fait allusion au débat que nous avions eu sur l’amendement présenté par le président Arthuis – le groupe socialiste avait déposé, me semble-t-il, un amendement identique –, qui supprimait la fraction du crédit d’impôt recherche subventionnée au taux de 5 % au-delà de 100 millions d'euros des dépenses de recherche et développement. À l’époque, nous l’avions soutenu, car nous avions considéré qu'il fallait éviter les effets d'aubaine, sans parler du jeu des filiales qui « remontent » le bénéfice du CIR au niveau de la holding. Cela s’apparente à de l'optimisation fiscale…
Le Gouvernement nous avait communiqué un rapport de l'Inspection générale des finances de septembre 2010. Il s'était opposé à l’initiative du président Arthuis au nom de la nécessaire stabilité du dispositif du crédit d’impôt recherche.
J'entends bien le message : dans les grandes entreprises, les décisions d’investissement dans la recherche ne se décident pas du jour au lendemain. Je voudrais reprendre l’exemple du groupe automobile, dont je parlais précédemment, qui va supprimer des emplois en France : une telle décision a aussi des conséquences sur la recherche et le développement. Le Gouvernement devrait en être bien conscient ! Nous devons donc regarder de très près cette dépense fiscale.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que le dispositif entraîne certainement des effets d'aubaine, mais personne ne veut qu’on y touche maintenant ! Je veux bien qu'un cycle de recherche ne produise pas ses effets tout de suite, mais, à un moment ou à un autre, nous devrons mesurer l’impact réel d’une dépense qui représente tout de même, je le répète, 5 milliards d'euros en rythme de croisière.
Madame la ministre, je vous ai entendu vanter le CIR qui nous permet, selon vous, d’offrir le meilleur système au monde d’aide à la recherche. Vendredi dernier, vous nous avez parlé de la convergence avec l'Allemagne, un pays qui – je le constate – n'a pas de dispositif similaire. Et pourtant son effort de recherche publique et privée est bien supérieur à celui de la France, compte tenu de son tissu industriel. On pense toujours que l’Allemagne, c'est la machine-outil ; mais ils en sont bien loin ! Tous les efforts en matière de compétitivité ont été portés sur l'innovation, sans que les entreprises bénéficient pour autant d'une niche fiscale de cette nature.
Si vous n'aviez pas évoqué le crédit d’impôt recherche, je n'aurais pas fait cette digression. Nous devrons vraiment essayer de cerner les effets d’optimisation de cette dépense fiscale. Il y a quelques années, notre ancien rapporteur spécial, qui est aujourd'hui préfet, Christian Gaudin avait, comme certains députés, beaucoup travaillé sur ce sujet. La commission des finances devra reprendre en 2012 le travail qu’il avait initié afin qu’il puisse porter ses fruits en 2013, année de tous les dangers pour nos finances publiques.
Le parti socialiste propose de réformer l'impôt sur les sociétés pour réinvestir une partie des bénéfices dans l'entreprise : c’est exactement ce que nous avons fait dans le domaine de la recherche et du développement avec le crédit d’impôt recherche.
Le taux d'impôt sur les sociétés est de 33 % ; la réduction est d’un tiers si les bénéfices sont réinvestis dans la recherche et le développement. Voilà le système du CIR, qui permet de développer la recherche et le développement en France.
Vous avez pris l’exemple de l'Allemagne. Je vous rappelle que le taux de l’impôt sur les sociétés y est de 15 %.
Le taux de 14 % que vous citez correspond à des taxes locales affectées aux Länder, soit l’équivalent de notre ancienne taxe professionnelle, aujourd'hui de notre contribution économique territoriale et de notre cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Ce débat sera clos en janvier lorsque nous aurons enfin un rapport qui nous permettra de comparer ligne à ligne les deux principes de fiscalisation.
Il est vrai que les Allemands n’ont pas prévu cette défiscalisation pour la recherche et le développement, mais ils n’en ont pas besoin. Ils ont une culture de l’imbrication technologique des centres de recherche avec l’entreprise qui nous manque. Nous savons très bien que c’est le grand défaut de notre système, qui est trop axé sur la recherche fondamentale, au détriment de la valorisation, et qui n’est pas assez en symbiose avec le monde de l’entreprise, singulièrement avec les PME.
Ce serait une erreur que de modifier tous les quatre matins le crédit d’impôt recherche, que l’on a créé il y a moins de cinq ans. Un projet de recherche ne se fait pas en un an !
Croyez-moi, cela ne m’a pas fait plaisir d’entendre qu’une grande société automobile envisageait de délocaliser une partie de sa recherche-développement en Chine. C’est d’autant plus vrai que cette entreprise a l’un de ses sièges à Vélizy-Villacoublay, ville avec laquelle j’ai des attaches particulières.
Certes, le marché chinois a des spécificités, et il est évident que ce n’est pas depuis la France que l’on va s’y attaquer. Mais cette annonce signifie qu’il ne faut surtout pas détricoter le crédit d’impôt recherche : je pense à toutes les entreprises qui nous ont affirmé que, si ce dernier n’avait pas été créé, elles auraient dès 2007 délocalisé leur recherche-développement. La Chine forme aujourd'hui un million d’ingénieurs. Tout l’enjeu est là !
Nous sommes dans des ordres de grandeur extrêmement concurrentiels. Nous devons donc absolument avoir un dispositif qui nous permette d’être forts dans la compétition, quitte à nous différencier sur ce point de nos amis allemands.
J’ajoute que les Américains regardent avec beaucoup d’intérêt notre dispositif de crédit d’impôt recherche ; c’est aussi le cas des Allemands. Je crois donc que c’est un outil puissant dont on peut être fier.
Malgré sa « jeunesse », il a déjà beaucoup été évalué : il a fait l’objet d’un rapport de la Cour des comptes et d’un rapport de l’Inspection générale des finances, pour autant que l’on puisse avoir des résultats sur un projet de recherche existant en trois ans. En effet, n’importe quel grand chercheur m’interdirait d’évaluer son laboratoire moins de trois ans après sa création ! Ne nous permettons donc pas de faire à l’égard des entreprises ce que l’on ne se permettrait pas vis-à-vis des grands laboratoires publics.
Il est exact que, l’an dernier, nous avons raboté le régime fiscal et le régime d’atténuation de charges sociales des jeunes entreprises innovantes. On m’avait alors prédit des calamités, des catastrophes. Je n’en ai point vu, …
… même à Compiègne et dans le Compiégnois, qui comptent de belles et nombreuses jeunes pousses grâce à la forte présence de l’université de technologie.
Je me permets donc de témoigner que la mesure prise il y a un an a été probablement moins douloureuse que ne le prédisaient les groupes d’intérêt spécialisés en la matière.
Madame la ministre, je suis tout à fait prêt à participer au groupe de travail dont vous avez annoncé la création. Il permettrait de se pencher sur la question d’une éventuelle redondance entre le crédit d’impôt recherche et d’autres régimes d’aide.
Cela étant, les deux amendements identiques présentés, qui me semblent très bien conçus techniquement, portent surtout sur l’exonération de charges sociales, même s’ils prévoient une compensation. Toutefois, il est regrettable qu’une telle mesure n’ait pas été évoquée lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Reste que, tant que nous n’aurons pas réalisé la fusion historique et indispensable de la loi de finances et de la loi de financement de la sécurité sociale, il faudra bien qu’il y ait des dispositifs qui se répondent d’un texte à l’autre.
En tout état de cause, il me semble qu’il vaudrait mieux, dans l’immédiat, en rester à la législation de 2011, tout en associant nos réflexions et en nous investissant dans le futur groupe de travail.
Je rappelle à l’ancienne ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche que le crédit d’impôt recherche visait également à inciter les entreprises à engager des chercheurs issus notamment des filières universitaires. Or les résultats sont très faibles, en particulier concernant les docteurs.
Il faudra donc voir de près si cet objectif a été rempli.
Dans la tradition de la commission de la culture, je veux à mon tour, à la suite de Mme Blandin, demander que cette aide ne soit pas supprimée. Nous étions déjà unanimes sur ce point l’année dernière. Nous revenons donc à la charge.
À l’occasion d’une mission d’études effectuée en avril 2010 au Canada, notre commission a essayé de comprendre les raisons du succès, dans ce pays, des fleurons de l’entreprise innovante, notamment dans le jeu vidéo, alors même que les entreprises françaises disposent d’une renommée et d’une reconnaissance internationales dans ce secteur à la pointe de l’innovation, pour encore de nombreuses années.
Comme, en France, une telle situation est rare – vous voyez qu’il n’y a pas que le nucléaire ! –, il faut peut-être que, à un moment donné, l’État prenne toutes les dispositions nécessaires pour encourager l’industrie et pour la maintenir autant que possible sur le territoire national.
Les entreprises innovantes partent, parce que la fiscalité et le régime d’aides ne leur permettent pas d’obtenir ce qu’elles pourraient obtenir ailleurs. Mais elles ne sont pas les seules à partir : nous délivrons également des formations de pointe à des jeunes qui partent ensuite dans les entreprises étrangères.
Or, au Canada, il ne s’agit pas seulement d’un dispositif d’État. Nos interlocuteurs canadiens nous ont expliqué comment, bien sûr, la fiscalité pouvait d’abord encourager les jeunes entreprises pour les aider à tenir et comment, ensuite, les banques canadiennes ne demandaient pour ainsi dire rien à ces entreprises, pendant une année, et les aidaient à fond.
Or en France, et c’est de plus en plus vrai, si les banques demandent peut-être moins aux grandes entreprises, quand on est une PME – innovante ou pas –, il n’est jamais possible d’obtenir cet appui. C’est donc un débat général qu’il convient d’avoir à ce sujet.
Madame la ministre, vous avez raison d’appeler de vos vœux la création d’une commission dont les membres étudieraient ensemble le meilleur régime. En tout état de cause, si, dans la situation actuelle, on ne met pas le paquet, en termes de fiscalité et d’encouragement de la part des banques, sur ce qui marche, sur ce qui est à la pointe et sur ce qui peut faire que la France gagne sur le plan de la compétition économique mondiale, c’est que nous sommes en dessous de tout !
À cet égard, l’adoption de ces deux amendements identiques serait le signe d’une prise de conscience par le Parlement de l’ampleur de l’enjeu et de la nécessité d’agir en conséquence.
Je rappelle qu’il y a eu dans cette assemblée une mission sur la désindustrialisation des territoires, dont j’étais membre.
Cette mission a essayé de repérer ce qui fonctionnait et a mis en évidence à cet égard un triptyque composé, évidemment, de la production et de la formation, mais aussi de la recherche et du développement. En effet, partout où il n’y a pas de recherche et de développement, c’est-à-dire partout où l’entreprise – petite, moyenne ou plus importante – n’a pas un produit d’avance, elle s’expose de façon excessive, ce qui fragilise le tissu industriel.
Il est donc absolument évident qu’il faut cumuler les dispositifs en faveur de la recherche et du développement. Si on revenait sur les mesures en place, ce serait un très mauvais coup porté à cette dernière ainsi qu’aux territoires, dont le tissu industriel est excessivement fragile.
Nous sommes vraiment là au cœur de la politique économique française : notre talon d’Achille, c’est la faiblesse de nos investissements en recherche et développement.
La France consacre à la recherche et au développement à peu près 2 % de son PIB, dont 1% vient de l’État et 1% des entreprises. Or notre objectif devrait être de 3 % du PIB, 1 % émanant de l’État et 2 % des entreprises.
Autrement dit, si, en France, les pouvoirs publics font globalement leur devoir – même si l’on peut toujours faire mieux –, les entreprises sont en partie défaillantes, puisqu’elles ne réalisent que la moitié de l’objectif qu’elles devraient atteindre.
Les amendements identiques n° I-147 et I-164 vont donc dans le bon sens, puisqu’ils visent à centrer la défiscalisation sur les entreprises qui en ont besoin.
Mme la ministre comparait tout à l'heure la situation de la France à celle de l’Allemagne. Je ne pense pas toutefois que les Allemands voudront d’un dispositif analogue à celui du crédit d’impôt recherche : ils n’en ont pas besoin. En effet, si vous voyagez en Allemagne, vous trouverez, dans toutes les petites villes, des PME innovantes et des PME qui exportent.
Certes, cela fait partie de leur culture, mais cela s’explique également – c’est même l’une des raisons essentielles – par le fait que le système bancaire et financier allemand est décentralisé. Les banques sont, installées dans les petites villes et accompagnent les entreprises. C’est ce qu’on appelle le capitalisme rhénan. Ainsi, quand les entrepreneurs ont besoin d’investir pour innover, ils trouvent, dans leur petite ville, un partenaire qu’ils connaissent et avec qui ils ont une relation de confiance.
Voilà ce qui manque en France ! Dans notre pays, les dossiers remontent à la direction locale, puis à la direction régionale, avant d’être examinés par la direction nationale, qui évidemment use de critères abscons pour refuser les crédits de recherche et développement.
Nous pourrions donc nous inspirer utilement du modèle allemand.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
L'amendement n° I-123, présenté par MM. Germain, Repentin et Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
I. – Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Aux 7° et 8° du II de l’article 150 U, la date : « 31 décembre 2011 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2013 » ;
2° À la seconde phrase du V de l’article 210 E, les mots : « le III aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2011 » sont remplacés par les mots : « le III aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2013 ».
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du même code.
La parole est à M. Gérard Miquel.
Cet amendement a pour objet de favoriser le développement du logement social. En effet, l’article 150 U du code général des impôts prévoit une exonération d’impôt sur les plus-values, au profit des particuliers qui cèdent des immeubles leur appartenant pour y produire des logements sociaux.
Dans la même logique, l’article 210 E du même code prévoit l’application d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés, sur les plus-values des entreprises qui réalisent de telles cessions.
Ces dispositions ne sont toutefois applicables qu’aux cessions réalisées jusqu’au 31 décembre 2011.
Or, sur le terrain, il apparaît que cette mesure a véritablement encouragé les propriétaires privés souhaitant céder leur bien à privilégier des opérateurs du logement social. Elle a permis une modération des prix de vente, favorisant ainsi l’équilibre des opérations de logement social.
C’est pourquoi, dans le but de favoriser le développement du logement social, l’amendement que nous présentons tend à prolonger jusqu’au 31 décembre 2013 les deux mesures que sont, premièrement, l’exonération d’impôt sur les plus-values au profit des particuliers qui cèdent des immeubles leur appartenant pour y produire des logements sociaux et, deuxièmement, l’application d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés sur les plus-values des entreprises qui réalisent de telles cessions.
L’adoption de cet amendement permettrait d’atteindre un triple objectif : la création de logements sociaux ; la réhabilitation du bâti ancien, avec mise aux normes, en particulier sur le plan environnemental ; la participation au maintien de l’activité du bâtiment, à un moment où ce secteur connaît de grandes difficultés.
Le secteur immobilier et social n’est pas sacrifié pour les années à venir : l’article 15 du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui vient d’être déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, prévoit ainsi l’application d’un taux réduit de 19 % de l’impôt sur les sociétés, applicable aux plus-values de cession d’immeubles de bureaux ou de locaux commerciaux que le cessionnaire s’engage à transformer en immeubles d’habitation.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
L'amendement n° I-124, présenté par MM. Germain, Repentin et Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À la seconde phrase du V de l’article 210 E du code général des impôts, la date : « 31 décembre 2010 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2013 ».
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Gérard Miquel.
En application de l’article 210 E du code général des impôts, un certain nombre de plus-values immobilières réalisées, sous certaines conditions, avant le 31 décembre 2011, peuvent bénéficier d’un taux réduit d’impôt sur les sociétés, à savoir 19 % au lieu de 33, 33 %.
Parmi ces plus-values, figurent, notamment, au IV de cet article, les plus-values réalisées par les organismes HLM sur les ventes d’immeubles qui ne constituent pas des logements sociaux, dès lors que ces organismes s’engagent à réinvestir ces sommes dans le logement social dans un délai de trois ans.
Le rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales de juin 2011 a attribué à cette mesure un score de trois, soit le meilleur score « d’efficience », considérant que cette mesure, d’un coût très limité, puisqu’il est d’environ 500 000 euros, était très ciblée et favorisait de manière efficace l’investissement dans la construction ou la rénovation de logements sociaux.
Toutefois, cette mesure n’était applicable que jusqu’au 31 décembre 2010.
En conséquence, l’amendement que nous présentons propose de réactiver ce dispositif jusqu’au 31 décembre 2013 afin de soutenir les investissements des organismes HLM dans le secteur du logement social.
Défavorable : nous essayons de supprimer des niches fiscales, pas d’en créer de nouvelles !
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
L'amendement n° I-130, présenté par MM. Germain, Repentin et Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le c du 4° du 1 de l’article 207 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
… - les produits issus de la cession de certificats d’économies d’énergie visés à l’article 15 de la loi n°2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique lorsqu’ils ont été obtenus à la suite des actions permettant la réalisation d’économies d’énergie dans les ensembles d’habitation mentionnés à l’article L. 411-2 du même code.
II. – Le I s’applique à compter de l’imposition des bénéfices de l’année 2011.
III. - La perte de recettes pour l’État résultant du II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Richard Yung.
Avec cet amendement, il s’agit toujours d’encourager le mouvement HLM, l’objet étant ici l’exonération d’impôt sur les sociétés pour la vente de certificats d’économie d’énergie.
Pour atteindre ses objectifs de maîtrise de la demande énergétique, l’État soumet les fournisseurs d’énergie à des obligations d’économies d’énergie. Pour y parvenir, ces fournisseurs doivent réaliser des actions de modernisation leur permettant d’obtenir des certificats d’économie d’énergie. Ils peuvent également acquérir ces certificats auprès d’autres acteurs ayant eux-mêmes accompli les investissements nécessaires.
Il y a donc un marché sur lequel interviennent les organismes HLM, grâce aux certificats qu’ils obtiennent en vertu des travaux d’économies d’énergie qu’ils réalisent dans les logements sociaux.
La recette que les organismes HLM se procurent ainsi constitue pour eux, ce dont on ne peut que se féliciter, une source de financement complémentaire qui leur permet de financer de nouveaux travaux et d’atteindre ainsi leur objectif de rénovation énergétique de 800 000 logements sociaux avant 2020, dont 70 000 avant 2012.
Les organismes HLM ont donc un rôle crucial à jouer dans la promotion des économies d’énergie.
Or, pour l’instant, le droit considère que la vente de ces certificats d’économie d’énergie ne relève pas de la mission sociale des organismes HLM et doit, par conséquent, être assujettie à l’impôt sur les sociétés.
Cependant cet assujettissement n’est pas justifié dès lors que les certificats se rapportent à des travaux réalisés sur des immeubles qui ne sont pas dans le champ de l’impôt et pour lesquels aucune charge n’a donc pu être déduite fiscalement.
De même, cette charge fiscale est répercutée in fine sur la quittance des locataires, qui s’en trouvent d’autant plus pénalisés qu’ils ont des revenus limités.
En conséquence, il est légitime d’exonérer d’impôt sur les sociétés le produit issu de la cession de ces certificats d’économie d’énergie, obtenus à la suite de la réalisation, par les organismes HLM, de travaux dans les logements sociaux.
Défavorable : il s’agit encore d’une nouvelle niche fiscale.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-122, présenté par M. Marc, Mme M. André, MM. Frécon, Miquel, Berson, Botrel et Caffet, Mme Espagnac, MM. Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Massion, Patient, Patriat, Placé, Todeschini, Yung et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section XX du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Taxe sur l’ensemble des transactions financières »
2° L’article 235 ter ZD est ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZD. – I. – L’ensemble des transactions financières, englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes, sont soumises à une taxe assise sur leur montant brut.
« II. – Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er novembre 2011.
« III. – La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier, les entreprises d'investissement visées à l'article L. 531-4 du même code et par les personnes physiques ou morales visées à l'article L. 524-1 du même code. Elle n'est pas due par la Banque de France et par le Trésor public.
« IV. – La taxe est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A. ».
La parole est à Mme Michèle André.
L'amendement n° I-76, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’intitulé de la section XX du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi rédigé : « Taxe sur l’ensemble des transactions financières ».
II. – L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZD. – I. – L’ensemble des transactions financières, englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes, sont soumises à une taxe assise sur leur montant brut.
« II. – Le taux de la taxe est fixé à 0, 1 % à compter du 1er novembre 2011.
« III. – La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier, les entreprises d’investissement visées à l’article L. 531-4 du même code et par les personnes physiques ou morales visées à l’article L. 524-1 du même code. Elle n’est pas due par la Banque de France et par le Trésor public.
« IV. – La taxe est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l’article 125 A. »
La parole est à M. Éric Bocquet.
Les effets de la crise sont liés de manière indissoluble à l’accélération des mouvements de circulation et de transfert des capitaux sur l’ensemble des marchés internationaux, ces capitaux faisant constamment l’objet des placements les plus rentables.
Une telle rentabilité va de pair avec la mise à profit de toutes les informations, l’optimisation des outils juridiques et fiscaux et, par-dessus tout, l’absence de plus en plus évidente de la moindre contrainte fiscale sur lesdits mouvements.
La régulation des activités financières est donc devenue une nécessité. Il y a lieu de créer les conditions d’une forme de traçabilité des mouvements financiers internationaux, qu’ils affectent les devises et monnaies ou les valeurs inscrites à la cote, notamment si l’on souhaite dépister les comportements frauduleux, les opérations douteuses et les délits d’initié.
Cette traçabilité est pleinement liée au projet de taxation des transactions financières internationales dont nous demandons une nouvelle fois, au travers de cet amendement, la mise en place.
Il s’agit donc, dans un premier temps, de permettre une forme de repérage de l’ensemble des transactions, ne serait-ce que pour constater où elles se produisent et occasionnent la mobilisation des capitaux volatiles parcourant la planète comme où elles peuvent faire défaut.
Il s’agit en fait de traduire le besoin de transparence et de régulation qui s’est clairement manifesté dans le cadre du sommet du G 20 à Cannes comme lors du dernier Conseil européen, où la France, par la voix du Président de la République, a de nouveau appelé à la mise en place d’une telle taxation. Il est donc temps de passer des intentions, au demeurant parfaitement louables, aux actes.
Nous avons besoin de cette taxation pour bien des raisons et bien des choses ; la traçabilité des transactions financières est une chose – nous l’avons évoquée – l’allocation de la ressource ainsi créée en est une autre. Force est de constater que nous avons en la matière l’embarras du choix : financement des infrastructures des pays européens, aide au développement des pays les moins avancés, investissements dans les efforts de préservation de l’environnement ou encore constitution d’un pôle de financement des dépenses d’avenir.
Il faut d’abord créer la recette ; nous verrons ensuite l’usage le plus adéquat qu’il conviendra d’en faire.
C’est sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter notre amendement.
Les amendements n° I-148 et I-169 sont identiques.
L'amendement n° I-148 est présenté par MM. Cambon et Peyronnet, au nom de la commission des affaires étrangères.
L'amendement n° I-169 est présenté par Mmes Keller et Des Esgaulx.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’intitulé de la section XX du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Taxe de solidarité internationale sur les transactions financières ».
II. – L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZD. – I. – L’ensemble des transactions financières, englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes, sont soumises à une taxe assise sur leur montant brut.
« II. – Le taux de la taxe est fixé par décret en Conseil d'État, dans la limite maximum de 0, 05 % du montant pour chaque catégorie de transactions, à compter du 1er juillet 2012, ainsi que les modalités de l'établissement, de la liquidation et du recouvrement de la contribution.
« III. – La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier, les entreprises d'investissement visées à l'article L. 531-4 du même code et par les personnes physiques ou morales visées à l'article L. 524-1 du même code. Elle n'est pas due par la Banque de France et par le Trésor public.
« IV. – La taxe est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 125 A du présent code. ».
La parole est à M. Christian Cambon, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° I-148.
Mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous présenter cet amendement au nom de la commission des affaires étrangères, et notamment de mon co-rapporteur pour avis pour la mission « Aide publique au développement », Jean-Claude Peyronnet.
En septembre 2010, les membres de l’Organisation des Nations Unies ont fait un bilan de l’action menée par les pays occidentaux depuis 2005 pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Le premier constat est que des progrès formidables ont été obtenus en matière de santé infantile et de scolarisation. Le deuxième constat est que les financements manquent pour atteindre les objectifs que la communauté internationale s’est fixés pour 2015.
Depuis, hélas ! la crise financière s’est aggravée. Elle a fragilisé l’élan de croissance que connaissaient les pays d’Afrique et a engendré les crises d’aide souveraine que nous connaissons aujourd’hui.
Demain, il nous faudra de plus financer la lutte contre le réchauffement climatique. Les engagements déjà pris dans ce domaine signifient un quasi-doublement des budgets d’aide au développement, car ce sont les pays d’Afrique qui seront les premières victimes du réchauffement climatique.
Les budgets nationaux n’y suffiront pas, nous le savons, mes chers collègues ! Il faut donc trouver de nouveaux financements.
En 2006, la France a adopté la taxe sur les billets d’avion. Nous étions les premiers à adopter ce type de financement innovant. Depuis cette date, vous payez, nous payons 1 euro, ou un peu plus, par billet. Personne ne ressent ce prélèvement, aucun impact n’a été observé, pas plus sur le trafic aérien français que sur le tourisme, et pourtant nous contribuons ainsi à hauteur de plus de 150 millions d’euros par an au financement de campagnes de vaccinations dans le monde. C’est une des plus belles réussites de l’aide au développement de ces dix dernières années.
Les campagnes de vaccinations d’UNITAID ont conduit à une diminution formidable du taux de mortalité infantile en Afrique. Comme l’a souligné le rapport de Bill Gates aux membres du G20, en 1960, 20 millions d’enfants de moins de cinq ans ont trouvé la mort ; en 2010, moins de 8 millions d’enfants de moins de cinq ans sont décédés. Entre-temps, la population avait doublé et le taux de mortalité des moins de cinq ans a diminué de plus de 80 %.
Aujourd'hui, la France se bat pour instaurer à l’échelon international une taxe sur les transactions financières. Elle a créé un groupe de travail de haut niveau pour faire avancer ce dossier à l’ONU, au FMI et au G 20.
Ce travail a en partie porté ses fruits puisqu’il existe maintenant un consensus pour dire que cette taxe est techniquement faisable. Comme ce fut le cas pour la taxe sur les billets d’avion, les professionnels du secteur nous disent, certes, qu’il est impensable de mettre en place un tel dispositif, mais les derniers rapports du FMI et du G 20 confirment au contraire la faisabilité technique de celui-ci, sous réserve qu’il s’agisse d’une taxation assise sur la base la plus large possible et à un taux très faible.
Le Président de la République, qui a fait de cette taxe un des objectifs du G 20, a insisté lors de la conférence de presse du 3 novembre sur le fait qu’une telle taxe était « techniquement possible, financièrement indispensable et moralement incontournable ».
On peut regretter qu’un accord n’ait pu être trouvé au sein du G 20 pour que cette taxe soit adoptée par l’ensemble de ses membres. À travers notre amendement, nous vous proposons, mes chers collègues, de manifester la détermination du Sénat à soutenir ce dispositif.
Cet amendement instaure une taxe sur l’ensemble des transactions financières dans un plafond de 0, 05 %, charge étant laissée au Gouvernement et en particulier au ministère de l’économie et des finances de moduler le taux en fonction du type de transactions et de déterminer les modalités de liquidation et de recouvrement.
Il s’agit concrètement de donner la possibilité au Gouvernement de définir les modalités et le taux de la taxe en concertation avec nos partenaires européens et d’en acter le principe. Comme l’a souligné le ministre chargé de la coopération lors de la dernière conférence de haut niveau sur le G 20 développement, « un taux très bas reposant sur une assiette très large évitera les risques de contournement et d’évasion sans peser sur la compétitivité des places financières ».
Dans notre esprit, une taxe sur les transactions financières n’est pas une punition ; elle comporte au contraire une dimension éthique importante. L’opinion publique souhaite que les acteurs qui bénéficient le plus de la mondialisation contribuent à l’effort collectif pour la rendre plus équilibrée et plus solidaire.
Comme la taxe sur les billets d’avion, cette taxe préfigure ce qui pourrait devenir la base – on peut rêver… – d’une fiscalité mondiale pour financer des politiques publiques globales. On le voit bien dans le domaine de la lutte contre les épidémies ou contre le réchauffement climatique, certains défis se posent aujourd’hui au niveau mondial. Pour lutter contre le sida, pour préserver la biodiversité ou lutter contre le réchauffement climatique, il faut établir des stratégies mondiales assises sur des financements adaptés.
Avec la taxe sur les billets d’avion, nous avions commencé seuls, puis nous avons été rejoints par une dizaine de pays. Treize autres pays sont membres d’UNITAID et pourraient apporter leur contribution dans le futur à travers une taxe sur les billets d’avion.
Nous vous proposons, mes chers collègues, de faire de même avec la taxe sur les transactions financières en laissant la possibilité au Gouvernement, parallèlement aux négociations au niveau communautaire, de fixer un taux extrêmement faible puisqu’est prévu dans cet amendement un taux maximal de 0, 05 %.
Je rappelle que la collecte estimée dans les études de faisabilité atteint 12 milliards d’euros pour la France, soit une multiplication par deux du montant de notre aide publique au développement, ce qui laisse une large marge de manœuvre au Gouvernement pour fixer un taux intermédiaire en attendant de trouver une solution à l’échelle européenne.
Mes chers collègues, alors que le débat a été porté au plus haut niveau sur le plan mondial, j’estime que le Sénat se doit collectivement, comme nous l’avons fait au sein de la commission des affaires étrangères en associant un rapporteur de sensibilité de gauche et un rapporteur de sensibilité de droite et du centre, de montrer tout l’intérêt qu’il porte à l’institution de cette taxe, ce qui, j’en suis sûr, ne manquerait pas de nous attirer le concours de nos collègues de l’Assemblée nationale. Ainsi la France pourra-t-elle franchir, avec l’Allemagne mais peut-être aussi avec d’autres pays, un pas décisif pour apporter une solution à la grande misère des pays en voie de développement.
L'amendement n° I-169 n’est pas soutenu.
Les amendements n° I-59 et I-175 rectifié sont identiques.
L'amendement n° I-59 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-175 rectifié est présenté par MM. Collin, Mézard, C. Bourquin, Fortassin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Chevènement et Collombat, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le III est ainsi rédigé :
« III. – Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 % à compter du 1er janvier 2012.
« Ce taux est majoré à 0, 1 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l’Organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays s’étant engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d’échange sans les avoir mises en place, liste annexée au rapport de l’organisation précitée sur la progression de l’instauration des standards fiscaux internationaux.
« Ce taux est majoré à 0, 5 % lorsque les transactions visées au I ont lieu avec des États classés par l’Organisation de coopération et de développement économiques dans la liste des pays ne s’étant pas engagés à mettre en place les normes fiscales de transparence et d’échange, liste annexée au rapport de l’organisation précitée sur la progression de l’instauration des standards fiscaux internationaux.
« Le taux applicable est modifié en loi de finances à chaque publication des listes par l’Organisation de coopération et de développement économiques. » ;
2° Le IV est abrogé.
La parole est à M. Thierry Foucaud, pour défendre l’amendement n° I-59.
Cet amendement est un amendement de repli par rapport à l’amendement n° I-76 et, certes, nous aurions préféré que le taux de 0, 1 % que nous proposions dans ledit amendement soit retenu.
Cela étant, l’adoption de l’amendement que vient de présenter M. Cambon suffirait à marquer le fait que le Sénat, uni pour la première fois et je m’en félicite – je rappelle que, chaque année, nous avons déposé un amendement en ce sens, mais sans succès jusqu’à présent –, approuve l’institution de ce que l’on appelle communément la « taxe Tobin ».
La parole est à M. Yvon Collin, pour défendre l'amendement n° I-175 rectifié.
Cet amendement tend, lui aussi, à instaurer une taxe anti-spéculative au cœur de nos dispositifs fiscaux. Le groupe du RDSE est particulièrement attaché à cette mesure. J’avais d’ailleurs déposé, au nom de mon groupe, une proposition de loi sur ce sujet, examinée en séance publique le 23 juin 2010. Les débats de qualité qui s’étaient alors tenus n’avaient malheureusement pas permis son adoption : il nous avait été objecté que notre idée était excellente, mais qu’elle arrivait trop tôt.
Cependant, mes chers collègues, comme vous avez pu l’observer nous sommes particulièrement tenaces et persévérants
Sourires
Aussi avons-nous eu la satisfaction d’assister à l’adoption de cette même taxe par le Sénat, la semaine dernière, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Certes, cette satisfaction fut de courte durée – cela arrive souvent !
Nouveaux sourires
C’est pourquoi nous réitérons cette proposition de taxe sur les transactions financières qui nous paraît toujours pertinente et d’autant plus impérieuse que, depuis la crise des subprimes de 2008, tout le monde s’accorde à reconnaître la nécessité de réglementer le système financier.
Ainsi, la moralisation des marchés était au menu du sommet du G20 de Londres au mois d’avril 2009. Le G20 qui s’est déroulé à Pittsburgh quelques mois plus tard a même arrêté le principe d’une taxation spécifique sur certains types de transactions financières. Dois-je aussi rappeler que le Président de la République a déclaré, à Cannes, lors de la conférence de presse du 3 novembre dernier, que l’instauration d’une taxe sur les transactions financières était « foncièrement indispensable » et « moralement incontournable » ? Et bien, qu’attendons-nous pour la mettre en œuvre ? C’est une question d’intérêt général !
Nous réfutons par avance l’argument selon lequel il ne faudrait pas faire cavalier seul au prétexte que cela handicaperait notre place financière. Il semble bien plutôt que ce soit l’immobilisme à l’égard des marchés et de leurs pratiques dénuées d’éthique qui nous a conduits dans l’impasse économique actuelle !
Nous devons par ailleurs affirmer notre souveraineté fiscale sans crainte. Souvenons-nous – Christian Cambon l’a excellemment rappelé – que la taxe sur les billets d’avion instaurée en 2006 devait conduire les compagnies aériennes et les plates-formes aéroportuaires françaises au désastre. Or une vingtaine de pays l’ont finalement adoptée !
Soyons courageux et précurseurs et introduisons une petite viscosité dans les mouvements internationaux de capitaux afin de renforcer la responsabilité des acteurs financiers ! Dans le cadre qui nous occupe aujourd’hui, cette mesure rapporterait 11 milliards d’euros, qui seraient bien utiles pour alimenter le budget de l’État.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter cet amendement. Je crois pouvoir affirmer que Mme la rapporteure générale sera sensible à cette initiative, qui témoigne du même état d’esprit que celui qui est à l’origine de l’intelligente taxe sur les transactions automatisées adoptée vendredi soir.
Lors de ses travaux, la commission a émis un avis favorable sur l’ensemble de ces amendements en discussion commune, y compris sur l'amendement n° I-169, présenté par Mme Keller et Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, qui n’a pas été défendu. Je m’étais alors engagée à proposer un amendement de synthèse qui tienne compte de l’ensemble des propositions émises en termes d’assiette, de taux et d’entrée en vigueur. En effet, il faut noter qu’une position consensuelle du Sénat se dégage sur ce sujet, au moment où tout le monde appelle de ses vœux cette taxe sur les transactions financières.
Je remercie Christian Cambon et Yvon Collin d’avoir souligné que le groupe socialiste du Sénat a voté en son temps la taxe sur les billets d’avion. Je le rappelle également chaque fois que l’occasion m’en est donnée.
Les amendements n° I-76, I-122 et I-148 tendent à prévoir une même assiette, large. Il s’agit de soumettre l’ensemble des transactions financières, englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes, à cette taxe assise sur leur montant brut. J’ai retenu cette proposition pour l'amendement de la commission.
Quelques points de divergence sont à noter en ce qui concerne le taux. Ainsi, l'amendement n° I-76 fixe celui-ci à 0, 1 %, l'amendement n° I-122 et les amendements identiques n° I-59 et I-175 rectifié à 0, 05 %. Quant à l'amendement n° I-148, il tend à laisser au pouvoir réglementaire le soin de décider du taux de la taxe, dans la limite de 0, 05 %. À l’instar de Christian Cambon, j’insiste sur le fait qu’il doit s’agir d’un taux faible. Je ne suis pas en mesure d’estimer le produit escompté – 11 milliards d'euros ou 12 milliards d'euros –, mais il sera certainement intéressant.
Dans un entretien qu’il a récemment accordé à un journal du soir français, le ministre fédéral des finances de l’Allemagne, M. Schäuble – ce n’est pas un plaisantin, loin s’en faut ! §Il est très respecté dans le milieu des affaires économiques et financières et son avis compte –, M. Schäuble, disais-je, pour appuyer cette initiative, a établi un parallèle que je veux rappeler, car on n’y pense pas souvent. Personne ne conteste la TVA, qui est un impôt communautaire, même si des adaptations sont possibles selon les États membres : cette taxe sur la consommation est admise. Dans ces conditions, pourquoi n’existe-t-il pas de taxe sur les transactions financières ? Cette comparaison est un appel à la raison.
La proposition d’une taxe à large assiette et à taux faible me semble raisonnable dans la mesure où la Commission européenne a proposé le 28 septembre dernier une taxe sur les transactions financières dont les taux minimaux seraient de 0, 1 % pour les actions et les obligations et de 0, 01 % pour les produits dérivés.
Le taux de 0, 05 % n’émerge donc pas d’une génération spontanée : il s’agit d’une médiane acceptable dans la fourchette que fixe la Commission européenne. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, dans trois des amendements en discussion commune, c’est ce taux qui est prévu. En outre, il n’est pas nécessaire de fixer un plafond. Pour poursuivre le parallèle, je rappelle que le taux de TVA le plus réduit est de 2, 1 % et s’applique à un certain nombre de produits, notamment culturels.
J’en viens à la date d’entrée en vigueur de ces dispositions. Malgré l’impatience qui se manifeste depuis qu’il est question de cette arlésienne, mes chers collègues, je vous propose de vous rallier à la position de la commission des affaires étrangères et de différer sa mise en œuvre au 1er juillet 2012.
En effet, la proposition de la Commission européenne est soutenue par de nombreux pays européens, à commencer par la France et l’Allemagne. Il faut lui laisser une chance d’aboutir car, nous le savons, plus nous serons nombreux, plus nous serons forts.
Six mois paraît un délai à la fois suffisamment lointain pour discuter sereinement et efficacement avec nos partenaires et suffisamment proche pour ne pas nous priver trop longtemps d’une taxe sur les transactions financières, si les négociateurs devaient échouer.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tel est donc le dispositif que je propose au nom de la commission, par l’intermédiaire de cet amendement de synthèse sur lequel je demande la priorité.
Je suis donc saisi d’un amendement n° I-206, présenté par Mme Bricq, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section XX du chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier est ainsi rédigé :
« Taxe sur les transactions financières ;
2° L’article 235 ter ZD est ainsi rédigé :
« Art. 235 ter ZD. – I. – L’ensemble des transactions financières, englobant toutes les transactions boursières et non boursières, titres, obligations, et produits dérivés, de même que toutes les transactions sur le marché des changes, sont soumises à une taxe assise sur leur montant brut.
« II. – Le taux de la taxe est fixé à 0, 05 %.
« III. – La taxe est due par les établissements de crédit, les institutions et les services mentionnés à l’article L. 518-1 du code monétaire et financier, les entreprises d’investissement visées à l’article L. 531-4 du même code et par les personnes physiques ou morales visées à l’article L. 524-1 du même code. Elle n’est pas due par la Banque de France et par le Trésor public.
« IV. – La taxe est établie, liquidée et recouvrée sous les mêmes garanties et sanctions que le prélèvement mentionné à l’article 125 A du présent code. »
II. - Le présent article entre en vigueur à compter du 1er juillet 2012.
Il n’y a pas d’opposition à la demande de priorité formulée par la commission ?...
La priorité est ordonnée.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant tout, je tiens à rappeler l’action et la détermination du Gouvernement et du Président de la République pour faire avancer ce dossier important sur la scène internationale.
Le 27 juillet 2011, le Président de la République et la Chancelière Angela Merkel ont réaffirmé leur volonté commune d’avancer rapidement sur ce sujet. À la mi-septembre, mon collègue François Baroin et son homologue allemand ont adressé une proposition précise à la Commission européenne. À la fin de ce même mois, la Commission européenne a présenté un projet de directive inspiré de l’initiative franco-allemande, qui a fait l’objet d’un premier examen en conseil Ecofin à la fin du mois d’octobre.
Lors du dernier « G20 finances », qui s’est tenu à Cannes les 3 et 4 novembre 2011, on a pu observer non seulement l’intérêt de certains États non-européens, notamment le Brésil et l’Argentine, pour cette taxe, mais aussi, pour la première fois, un mouvement positif de la part des États-Unis, le Président Obama n’ayant pas exclu l’idée d’une contribution spécifique du monde financier. Il s’agit là d’une avancée diplomatique majeure et sans précédent, obtenue grâce à l’engagement fort du Président de la République et de Mme Merkel.
Cette taxe sur les transactions financières n’a jamais été aussi proche d’une mise en œuvre effective à l’échelle internationale. Je précise d’ailleurs que les propositions formulées portent sur une assiette large visant l’ensemble des transactions, y compris les transactions sur les produits dérivés, et non les seules transactions automatisées.
Dans ce contexte, je le dis solennellement, le Gouvernement comprend et partage l’impatience des sénateurs, de l’opposition comme de la majorité. Pour autant, chacun doit avoir conscience qu’il serait contreproductif pour la France de mettre en place une telle taxe de manière isolée. Loin de lutter contre la spéculation, cette initiative pénaliserait la place financière de Paris et, avec elle, les entreprises qui se financent sur le marché français, sans aucun effet positif de régulation des marchés. Les transactions ne feraient que se déplacer.
Faire cavalier seul serait donc peu réaliste et irait à l’encontre de la démarche engagée sur la scène internationale comme à l’échelon européen, au moment même où celle-ci commence à produire des résultats tangibles. Au lieu de contribuer à faire avancer ce dossier, l’instauration d’une taxe unilatérale lesterait la France d’un boulet préjudiciable à sa capacité de convaincre ses partenaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur la volonté du Gouvernement pour œuvrer à l’instauration de cette taxe. Nous n’avons d’ailleurs fait que cela toutes ces dernières années.
Madame la rapporteure générale, je tiens à vous remercier de l’excellent travail que vous avez fourni en proposant cet amendement consensuel, qui traduit la volonté de l’ensemble des sénateurs. Je dois dire qu’il est d’un précieux soutien pour le pouvoir exécutif qui a la charge de la négociation internationale.
Je suis convaincu que, forts de l’appui du Sénat tout entier, le Président de la République et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que nos homologues allemands continueront à plaider avec insistance auprès de la Commission européenne pour que nous parvenions à un texte européen.
Pour toutes ces raisons le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
Sourires ironiques sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je le rappelle, ces négociations à l’échelle de l’Union européenne incombent au pouvoir exécutif. Nous allons avancer sur un texte européen ; cette idée est en train de prendre forme chez nos partenaires. En attendant, de grâce, évitons un geste isolé qui serait contre-productif à la fois pour notre place financière et pour ce combat que nous menons avec conviction !
M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Mes chers collègues, il faut se réjouir de vivre de tels moments de consensus
Exclamations amusées sur l’ensemble des travées.
… d’entendre le secrétaire d’État, représentant le Gouvernement de François Fillon, remercier Mme la rapporteure générale, désignée par la nouvelle majorité sénatoriale, d’avoir bien œuvré à un travail de synthèse.
Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez expliqué que ce dossier cheminait, que ce combat avançait. Toutefois, je souhaiterais, d’une part, vous dire qu’à titre personnel je voterai ce texte de consensus et, d’autre part, vous demander de nous indiquer comment et dans quel cadre juridique cette idée peut progresser, au sein de l’Union européenne en premier lieu.
S’agissant d’un élément de la fiscalité, l’unanimité est-elle indispensable ? C’est une question qu’il convient de traiter en toute lucidité.
Je voudrais dire ensuite que, mon œil ayant été attiré par le compte rendu d’une récente visite à Londres de Mme la Chancelière Angela Merkel, j’ai cru lire, rédigé en termes très positifs, comme il se doit, et évidemment très courtois, que le gouvernement britannique n’était pas encore exactement sur la même longueur d’onde, si j’ose m’exprimer ainsi, que la France et l’Allemagne, en ce qui concerne la taxation des transactions financières.
Il serait utile que vous puissiez nous dire, en connaisseur des stratégies qui se déploient sur notre continent et sur le pourtour de celui-ci, comment vous voyez l’évolution de cette dialectique.
Enfin, dans une dimension transatlantique, comment envisagez-vous l’évolution du débat avec les États-Unis ?
En d’autres termes, et même si notre consensus est, en soi, un fait politique significatif, peut-on imaginer une telle taxation, à vocation globale et mondiale, qui ne s’appliquerait pas sur les deux places financières les plus importantes du monde, à savoir New York et Londres ?
Pour qu’en toute lucidité nous puissions faire notre travail de pédagogie vis-à-vis de celles et ceux qui, peut-être, nous écoutent ou nous liront, il est important que vous nous disiez où en est exactement cette question.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aurai du mal à admettre que cet amendement est contre-productif – c’est le terme que vous avez utilisé – par rapport à l’objectif recherché. J’ai peine à imaginer que le Sénat fasse un travail improductif, lui qui a prouvé, dans le passé, qu’il était capable d’innover et de proposer des solutions faisant consensus. À cet égard, je rends hommage à l’ancienne majorité, notamment à l’esprit d’innovation dont a su faire preuve, en maintes occasions, celui qui occupait alors la fonction de rapporteur général.
Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il y a une forte demande émanant de toutes les travées et il me semble, j’en suis même sûre, que, si le Sénat adopte la solution de compromis que j’ai proposée, elle donnera du poids à la position de la France.
Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV.
La date du 1er juillet laisse quand même aux négociateurs le temps d’avancer !
Madame la rapporteure générale, j’ai l’impression que mon exercice de pédagogie est vain, puisque vous semblez avoir pris votre décision.
D’abord, je voudrais vous dire que contre-productif ne veut pas dire improductif.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes engagés dans une négociation internationale. Le cas de cette taxe sur les transactions financières est le même que celui de la fameuse taxe carbone. De même qu’on ne peut pas créer seuls une taxe carbone, on ne peut pas légiférer tout seuls sur la finance mondiale.
Madame la rapporteure générale, je conçois que le Sénat envoie un signal unanime, pour dire que la Haute Assemblée de la République française pense que la taxation des transactions financières est nécessaire. Mais ce signal sera aussi bien envoyé si l’amendement est retiré, dans la mesure où le Gouvernement a pris bonne note de votre résolution commune.
Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Je vous en ai même remercié, madame. Et ce n’est pas par pure politesse, c’est parce que le soutien de l’ensemble des groupes sur un tel sujet renforce l’exécutif dans la négociation internationale.
J’aurai un mot de pédagogie à l’adresse de M. le président de la commission des finances. Nous négocions en Europe à vingt-sept, mais également dans le cadre du G20. Comme vous l’avez dit vous-même, il faut que l’ensemble des places financières européennes soient sur la même ligne, pour qu’ensuite nous arrivions à convaincre la place de New York, puis les places asiatiques. C’est la seule condition pour que tout cela ait un sens.
Il n’est pas imaginable que certains pays taxent les transactions financières, d’autres pas. À l’âge des transactions automatisées, nous assisterions à un déplacement immédiat des transactions vers des endroits libres de taxes, phénomène que nous connaissons dans bien d’autres domaines, tels que l’environnement ou la fiscalité sur le marché de l’art. Chaque fois que l’on taxe un endroit de manière isolée, il en résulte une « déviation de trafic ».
Est-ce cela que nous voulons ?
Le Gouvernement remercie donc le Sénat de le soutenir dans son action, qu’il mène d’arrache-pied avec l’Allemagne. Nos deux pays sont en train de réunir petit à petit un consensus en Europe, mais également au sein du G20 depuis le sommet de Cannes.
Avec les Anglais et les Américains, la démarche est progressive, mais la situation est aujourd’hui très différente de ce qu’elle était y a un an ou deux. Avant la crise, aucune de ces puissances ne voulait entendre parler d’une taxation sur les transactions financières. Nous sommes en train de voir le curseur évoluer…
Je me permets simplement de vous demander de réfléchir aux conséquences qu’il y aurait à légiférer seuls sur un tel sujet. La mesure nuirait à la place financière de Paris, sans faire évoluer le consensus. Au contraire, elle serait de nature à raidir la position de certains pays, qui s’empresseraient naturellement de voter des résolutions allant exactement en sens inverse. Si nous voulons faire avancer cette idée, dans l’intérêt des pays du tiers-monde, essayons de le faire par consensus, par la négociation. Il n’est pas imaginable que le Sénat américain, le Sénat français ou la Chambre des Lords à Londres agissent de façon unilatérale en la matière. Si nous entrons dans ce schéma, nous n’arriverons à rien.
Telle est la position du Gouvernement, qui partage votre volonté d’avancer sur ce sujet. Il ne cesse d’y travailler et commence, je crois, à obtenir des résultats. Je sollicite donc, de nouveau, le retrait de cet amendement.
Il faut se réjouir de constater un tel œcuménisme sur les travées du Sénat !
Le principe de cette taxation des transactions financières – actions, obligations et, surtout, produits dérivés – a réellement été proposé, pour la première fois, à Copenhague, en 2009. Nous souhaitions alors trouver une source de financement dans l’objectif d’aider les pays africains à trouver des produits de substitution aux énergies fossiles et à s’adapter aux changements climatiques.
À l’époque, nous avions reçu, au mieux, d’aimables sourires, mais, en général, plutôt une fin de non-recevoir. Les négociations ont donc manifestement bien progressé. Sur le fond, il me semble qu’existe un accord assez unanime.
Sur la forme, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite dire, en préambule, que je n’accepte pas du tout la comparaison avec la contribution carbone. Mais c’est un autre débat, dans lequel j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer.
Cela dit, il est vrai que nous sommes en présence de transactions extrêmement volatiles, pouvant facilement se délocaliser. Aussi, même s’il est bon que le Sénat puisse s’exprimer de manière unanime pour soutenir le Gouvernement dans son action, nous sommes tous conscients qu’un tel vote n’aura pas, in fine, d’impact réel, puisque nous n’arriverons pas à mettre concrètement la taxe en place.
Je voudrais rappeler que nous avions soutenu ce projet de taxation sur les transactions financières dans l’idée que son produit serait affecté à la lutte contre les changements climatiques, à des plans d’adaptation et à l’aide au développement. Avec cet amendement, nous ne sommes pas dans la même logique puisque le produit de la taxe viendrait résorber le « trou » de nos finances publiques. Il ne s’agit donc pas du tout de la même approche.
Certes, le soutien unanime et officiel à cet amendement dans cet hémicycle est positif, quoique, à mon sens, une action séparée, mais concertée, de chaque groupe serait plus opportune. Quoi qu’il en soit, je le répète, nous ne sommes pas du tout dans la même logique que celle qui a présidé à l’action du Gouvernement, et qui consistait à instaurer une taxation sur les transactions financières pour en affecter le produit à des mesures spécifiques de lutte contre les changements climatiques ou d’aide au développement.
Je n’entrerai pas dans le débat sémantique sur la différence entre le contre-productif et l’improductif, mais je dois dire que j’ai quelque mal à comprendre le raisonnement de M. le secrétaire d’État. Peut-être est-ce parce que je maîtrise très mal les arcanes européens…
À mon sens, retirer cet amendement serait un aveu de faiblesse de la part du Sénat. Puisque nous sommes unanimes à soutenir cette taxation sur les transactions financières, pourquoi faire comme s’il s’agissait d’un amendement d’appel ?
Selon moi, dans la négociation qui sera menée, tant à l’échelon des ministres des finances que des chefs des exécutifs, la position française sera renforcée dès lors que s’exprimeront une volonté forte et une adhésion unanime du Sénat.
La question de la taxation des transactions financières est un vieux serpent de mer de l’économie politique. Le principe est connu et ancien. Avant Tobin, Keynes se prononçait déjà en faveur d’une taxation du secteur financier, au lendemain du krach de 1929.
Tout a été dit sur cette taxe. On pensait qu’elle serait inapplicable, que tous les pays en première ligne de la finance internationale, les États-Unis et le Royaume-Uni principalement, n’y participeraient pas.
On pensait également que l’instauration d’une telle taxe ferait fuir les investisseurs et provoquerait d’importantes fuites de capitaux.
Au vu de son très faible taux, portant sur une économie virtuelle, on sait aujourd’hui que c’est faux. Philippe Douste-Blazy est bien parvenu à créer une taxe internationale sur les billets d’avion au profit de la lutte contre le sida et le paludisme.
Philippe Douste-Blazy en était à l’origine.
Depuis lors, le Président de la République a pris d’importants engagements et a joué récemment un rôle notoire en la matière. La coopération renforcée des nations européennes, notamment de la France et de l’Allemagne, lors des derniers sommets internationaux, a permis la naissance d’une proposition de directive communautaire sur la taxation des transactions financières.
Cette taxe devrait rapporter près de 57 milliards d’euros de recettes au profit des États membres et de l’Union européenne. Elle sera également un outil efficace pour freiner la spéculation.
Pour donner plus de poids et d’impact à la création de cette taxe, il semblerait préférable que nous laissions travailler d’abord la Commission européenne et le Parlement européen. Libre à nous, ensuite, de renforcer les dispositifs qui seront proposés.
Il est nécessaire que le Parlement français se prononce sur un tel projet. Aussi, je pense qu’il mérite davantage que de simples amendements d’appel, qui, même s’ils étaient adoptés, n’auraient aucune portée normative et, partant, aucun effet économique.
Le principe de la taxe fait, je pense, l’objet d’un consensus sur toutes les travées de notre assemblée. Agissons en la matière avec volontarisme, mais sans prendre de position unilatérale précipitée.
Pour toutes ces raisons, bien que favorable, sur le fond, à la création de cette taxe, la majorité des sénateurs du groupe de l’UCR s’abstiendront.
Monsieur le secrétaire d’État, m’exprimant au nom du groupe UMP, je tiens à vous dire que vous nous avez totalement convaincus !
Mais c’est la réalité, et chacun s’exprime comme il l’entend !
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez prononcé des paroles sensées, auxquelles j’ai été sensible. Je vous suis d’ailleurs très reconnaissant de nous avoir informés, dans le détail, sur tout ce qui s’est passé.
Mes chers collègues, nous sommes, bien sûr, tous d’accord sur le principe. Si, d’aventure, il se trouvait quelqu’un, dans cet hémicycle, pour s’y opposer, qu’il se lève et qu’il se manifeste maintenant, pour reprendre la formule prononcée lors d’un mariage à la mairie. Oui, cette taxe doit être appliquée un jour, car l’idée est louable, moralement juste, incontournable même ; les qualificatifs manquent pour la décrire !
Sur le fond, cependant, elle pose de vrais problèmes, techniques mais aussi politiques et diplomatiques au niveau européen.
À la demande du Président de la République, ai-je besoin de le rappeler, le Gouvernement a décidé de pousser le projet de taxation des transactions financières dans un cadre franco-allemand. Cette initiative a abouti à une proposition commune, détaillée, adressée par les deux ministères français et allemand à la Commission européenne, laquelle l’a fait largement sienne.
Cela a été dit, la question a commencé d’être débattue au sein du conseil pour les affaires économiques et financières ainsi que dans d’autres enceintes spécialisées. Toutefois, rien n’est acté.
Dès lors, pourquoi vouloir faire « cavalier seul », pour reprendre une expression entendue ici même à plusieurs reprises cet après-midi ? Créer une taxe nationale sur les transactions financières, juridiquement différente de celle qui est défendue par la Commission européenne, et, disons-le, techniquement irréalisable, ne peut qu’être contre-productif, compte tenu du travail diplomatique mené actuellement au plus haut niveau pour parvenir à un consensus sur le sujet. Ce serait une décision inopportune en l’état des négociations en cours.
Si nous sommes unanimes à dire qu’une telle taxe doit voir le jour, cela ne pourra se faire, à notre sens, que dans le cadre d’une résolution européenne, après un travail coordonné.
C’est la raison pour laquelle le groupe UMP votera contre l’amendement n° I-206, non pas en raison d’un désaccord sur le fond, mais parce qu’il traduit une trop grande précipitation.
Mes chers collègues, si vous voulez vraiment inscrire le principe de cette taxe dans la loi, faites-le au moins en concertation avec nos homologues allemands pour obtenir un vote commun avec le Bundestag. Norbert Lammert s’est d’ailleurs dit prêt à discuter avec nous de tous les volets relatifs à l’adoption d’une taxe franco-allemande.
Aujourd’hui, prendre une telle initiative, non concertée, me semble malvenu.
Toutefois, je me réjouis de constater l’adhésion, quasi unanime sur toutes les travées, à la proposition du Président de la République. Je ne doute pas que, lorsque le texte finalisé arrivera dans cet hémicycle, nous le voterons tous, comme ce fut le cas pour la taxe sur les billets d’avions.
Les écologistes se félicitent du consensus qui se dégage, sur le fond, en faveur de la création d’une taxe sur les transactions financières, même si des divergences s’expriment sur la définition de l’assiette et la fixation du taux. Ils se réjouissent également du refus opposé par certains de retirer leur amendement.
Cette taxe a un vécu, qu’ont rappelé de nombreux collègues, depuis que des économistes l’ont proposée et chiffrée. Elle a aussi une histoire politique : elle fut formalisée par le groupe des Verts au Parlement européen, au cours de la mandature 1999-2004. À l’époque, tout le monde était contre, sauf nous : quel plaisir, aujourd’hui, de vous voir tous d’accord, et je le dis sincèrement !
Le débat sert à le rappeler, le terme « transactions » englobe non seulement, certes, des actes de commerce, mais aussi toutes ces spéculations destructrices de l’économie réelle, de l’emploi et de l’environnement. Nous avons solennellement besoin, aujourd’hui, que l’autonomie propre aux arbitrages du Parlement français pèse dans le bon sens.
Nous entendons les arguments, ô combien traditionnels, avancés par M. le secrétaire d’État et une partie de la majorité, soulignant la nécessité de nous accorder, d’abord, aux niveaux européen et mondial. Mais ce même discours nous fut déjà servi en maintes occasions, pour les bombes à fragmentation, les mines antipersonnel, le droit des enfants, les lois sociales, les normes environnementales.
M. Jean-Claude Frécon approuve.
Nous n’avons pas fait du dumping en nous alignant sur les positions les plus frileuses. Le Parlement français a dit ce qu’il voulait. C’est ce qu’il doit continuer à faire aujourd’hui.
Nous objecter la nécessité d’une démarche internationale préalable, c’est faire preuve, non de pragmatisme, mais de frilosité. Selon nous, écologistes, il faut avoir le courage du premier pas parlementaire. C’est pourquoi nous soutenons cet amendement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. François Fortassin applaudit également.
Monsieur le secrétaire d’État, je me suis moi-même retrouvé dans plusieurs des questions qu’a posées M. le président de la commission des finances. Il y a en effet beaucoup à dire, notamment sur l’attitude des Britanniques et des Américains, qui, c’est vrai, constitue une donnée importante du problème. Or vous n’y avez pas apporté, dans votre réponse, de lumières particulières.
Il ne faut pas être grand clerc pour saisir la réalité : la position du Royaume-Uni est, pour l’instant, hostile, et il n’est pas dit, à court terme en tout cas, qu’elle change.
Dès lors que la situation s’éclaircit, l’argument du consensus prend tout son sens : c’est, en fait, une manière de repousser le problème aux calendes grecques, puisqu’il n’y aura pas, pour d’évidentes raisons, d’accord avec nos amis britanniques. Encore que, pour les bien connaître, nous savons qu’ils sont toujours contre, jusqu’au moment où ils sont pour ! §Mais tout cela prendra du temps.
Cela fait maintenant une vingtaine d’années qu’une telle taxe est évoquée. Le dispositif proposé dans l’amendement est peut-être imparfait, notamment en ce qu’il ne cible que les transactions financières licites, connues, déclarées. Ces dernières, nous en sommes tous conscients, ne forment que la « partie émergée de l’iceberg », bien minime par rapport aux dizaines de milliers de milliards d’euros brassés par ailleurs dans tous les sens entre les différents paradis fiscaux, soit autant d’argent qui, par définition, ne sera pas pris en compte dans l’assiette de cette taxe.
L’adoption de l’amendement aurait tout de même le mérite d’avancer sur ce sujet et de préciser notre objectif.
Je sais d’expérience qu’il vaut toujours mieux avoir fixé la position française avant de nous engager dans les discussions au niveau communautaire. Nous ne sommes pas en position de force, mais au moins nos partenaires connaissent-ils clairement nos convictions, ce qui les contraint à se définir en conséquence. C’est vrai ici comme dans tous les domaines, social, fiscal, financier, etc.
Cher Robert del Picchia, nous avions réussi à dégager un consensus, vous venez, à notre grand regret, de le faire voler en éclats !
En adoptant l’amendement n° I-206, le Sénat français enverrait un message fort, clair, digne de notre République, non seulement à nos concitoyens, mais aussi à nos amis allemands et à l’Europe tout entière. Comment pouvez-vous nous reprocher de faire notre travail de parlementaire ? Retirer cet amendement ? Ce serait le pire des aveux de faiblesse, une véritable débâcle !
À mon sens, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le vote est clair.
Monsieur Yung, avec toute l’amitié que je vous porte – je vous connais bien, notamment depuis que j’ai occupé, au sein d’un précédent gouvernement, les fonctions de secrétaire d’État chargé des affaires européennes –, je veux vous rappeler que la position de la France, sur ce sujet, est d’ores et déjà fixée, indépendamment de celle que va prendre le Sénat aujourd’hui. Sur ce sujet, nous ne cessons d’avancer, et c’est tout le sens de mon propos.
S’il s’agit, par cet amendement, comme vous venez de le dire vous-même, d’envoyer un message aux Britanniques ou à la Commission de Bruxelles, qui est en train de préparer un texte commun, utilisez plutôt l’outil que la Constitution a prévu pour ce faire, c’est-à-dire l’article 88-4, lequel reconnaît aux deux chambres du Parlement un pouvoir de résolution, donc la possibilité de s’adresser directement aux institutions européennes sur un acte européen.
Nous attendons un texte de la Commission, demandé conjointement par la France et l’Allemagne. Vous voulez anticiper en vous inscrivant dans le cadre de la loi de finances. Le Sénat est souverain, cela va sans dire, mais, de mon point de vue, les problématiques relatives aux impôts et taxes affectés au budget sont tout de même assez éloignées de l’aide aux pays en voie de développement.
Monsieur Yung, je le répète, s’il s’agit de fixer la position française, elle l’est déjà ; s’il s’agit d’envoyer un message, ce n’est pas le bon moyen et je vous renvoie à l’article 88-4 de la Constitution.
Nous pouvons nous réjouir que Mme la rapporteure générale de la commission des finances ait pris l’initiative de nous proposer un amendement de synthèse regroupant les propositions émanant des différents groupes.
Au fond, une telle proposition, qui a été implicitement validée par la commission, va constituer, si nous en décidons ainsi, un acte fort du Sénat. C’est tout à l’honneur de la commission des finances et de Mme la rapporteure générale d’avoir fait cette démarche.
D’aucuns nous disent, monsieur le secrétaire d’État, que le fait de procéder ainsi pourrait nuire à la position de la France. Notre objectif est clair : donner une suite aux attentes exprimées par nos concitoyens, c’est-à-dire refuser que les marchés, notamment financiers, puissent dicter la conduite à tenir à l’ensemble des dirigeants de la planète, redonner la primauté au politique, car c’est lui qui doit être aux manettes.
Dès lors, il nous revient de définir des indications et des orientations suffisamment précises pour permettre justement aux marchés de s’organiser en conséquence.
Monsieur le secrétaire d’État, en quoi le vote que nous nous apprêtons, semble-t-il, à émettre pourrait-il nuire à nos relations avec nos partenaires européens ou du G20 ?
Je ferai observer que le Parlement européen a adopté, le 8 mars 2011, une résolution sur le financement innovant à l’échelon européen et mondial. Cette orientation vaut pour l’ensemble de l’Europe. Or nous nous inscrivons tout à fait dans ce cadre. Comment pourrions-nous nuire à notre pays au sein de l’Union européenne en appuyant cette démarche commune, validée par les parlementaires européens ?
Je ferai le même commentaire pour ce qui est du G20. À l’issue du sommet de Cannes, j’ai regardé avec attention, dans la petite lucarne, la conférence de presse conjointe de « Nicolas et de Barack », puisque c’est ainsi que les journalistes les présentaient et qu’eux-mêmes s’appelaient en se congratulant. Nicolas nous a bien dit en substance : « Nous avons le projet de créer une taxe sur les transactions financières, que mon ami Barack et moi-même avons l’intention de mettre en musique au niveau international. »
Dès lors que le Président de la République a annoncé son objectif à la télévision, devant tous nos concitoyens, je ne vois pas en quoi notre vote risquerait de gêner sa démarche. Au contraire, nous allons contribuer à la renforcer !
Avec la proposition de la commission des finances du Sénat, nous avons, aujourd’hui, un outil de nature à asseoir la primauté du politique sur les marchés. Elle traduit une ambition forte, que nous avons maintes fois débattue et soutenue ici, comme nous venons encore de le faire à l’instant. Surtout, nous entendons aujourd’hui, à l’échelle de notre pays, alors que la situation est grave et le contexte difficile, affirmer une volonté politique et insister sur la nécessité d’agir.
Tel est, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objet de cet amendement, que nous avons tout intérêt à adopter !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV. – M. François Fortassin applaudit également.
Je suis assez gêné par ces amendements. Ce n’est pas le fond qui me pose un problème, car je suis totalement favorable à la taxe sur les transactions financières. Il y a quelques semaines, dans d’autres fonctions, celles que j’exerçais à l’époque où j’avais l’honneur de représenter la France à l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, j’ai défendu la taxe sur les transactions financières devant les trente-trois autres membres de l’Organisation. Parlons franchement, je n’ai été soutenu que par trois, quatre pays, au maximum, sur les trente-trois.
Je le reconnais bien volontiers, ce n’est déjà pas mal !
Ce que j’ai surtout retenu, c’est l’idée assez fortement exprimée par certains des membres de l’OCDE, selon laquelle la France ne pouvait pas, sans un accord avec ses partenaires, décider seule.
Je suis parfaitement d’accord sur la nécessité d’affirmer la suprématie des élus, des politiques, sur les marchés financiers. Et j’approuverai d’ailleurs des reprises en main dans d’autres secteurs. Mais la question qui se pose est de savoir si le fait de voter cet amendement ce soir apportera quelque chose ou non !
Je m’explique : imaginons que le Gouvernement ne s’oppose pas à l’amendement voté aujourd’hui au Sénat. Il sera ensuite adopté par l’Assemblée nationale et pourra entrer en application. Mais, tant que la négociation internationale n’aura pas avancé, il s’appliquera en France, et en France seulement.
Ceux qui établissent une comparaison avec la taxe sur les billets d’avion oublient que celle-ci n’avait pas la même portée. Sur le marché aérien, les usagers sont, en quelque sorte, captifs : ils sont bien obligés de prendre l’avion et ils ne vont pas changer d’aéroport ; ils ne vont pas aller à Bruxelles alors que leur avion part de Roissy !
Par conséquent, c’est une erreur de se référer à la taxe sur les billets d’avion. Cette taxe-là, on savait que, en tout état de cause, son assiette demeurerait. Alors que, dans un monde où tout est informatisé, le vote à Paris d’une taxe sur les transactions financières peut provoquer un déplacement des transactions financières vers d’autres capitales.
Écoutez, nous vivons tout de même une situation absolument étonnante ! Aujourd’hui, le Sénat, l’Assemblée nationale, le Gouvernement, le Président de la République sont, à quelque chose près, tous d’accord sur la mise en place de cette taxe. Et, s’ils sont d’accord, c’est parce que le Président de la République conduit cette négociation et la conduit bien.
Finalement, quelle image allons-nous donner si nous votons l’amendement ? Le Gouvernement sera contraint de le faire retirer à l’Assemblée nationale car, faute d’avancées de la négociation internationale, la taxe ne pourra s’appliquer qu’en France. Nous donnerons alors sur la scène internationale l’impression qu’il y a un hiatus entre le Parlement et le Gouvernement.
En revanche, le vote d’une résolution du Sénat pour demander la mise en œuvre de cette taxe aurait constitué un appel public, politique et parlementaire ; nous aurions pu d’ailleurs le transmettre aux autres parlements d’Europe et du monde.
Je le répète, mettre en difficulté le Gouvernement français dans la négociation internationale ne va pas dans le sens de notre intérêt général, lequel transcende les clivages politiques.
Je suis pour la transaction et, si je savais que les autres pays étaient partants, je voterais sans la moindre difficulté l’amendement de Mme le rapporteur général. Mais je pense qu’en l’état actuel des choses il vaut mieux s’abstenir, si l’on ne veut pas mettre le Gouvernement français dans une situation compliquée.
J’ai trouvé ce débat absolument merveilleux ! Il y a eu une sorte d’unanimité morale à l’intérieur de notre assemblée après les renversements de majorité que nous avons connus et qui sont un très grand souvenir pour nous tous !
Reste le problème – je ne suis pas un spécialiste – de la conséquence possible sur les négociations d’un amendement voté dans une chambre et pas forcément dans les deux.
En tout cas, si nous reculons, après tout ce que nous avons dit, après toutes les belles paroles que nous avons répandues, je crains que nous ne confortions pas la position française. Or celle-ci mérite d’être confortée ! On peut considérer qu’elle le sera si le Sénat, lui-même, vote l'amendement. Il y a tout de même des moyens de faire en sorte que cet amendement ne soit pas adopté à l’Assemblée nationale avant l’issue de la négociation !
En conséquence, je ne peux pas partager tout à fait la position exprimée par le représentant de mon groupe, que j’estime beaucoup par ailleurs.
Je souhaiterais m’exprimer en tant que co-rapporteur de l’aide au développement pour dire que je regrette un peu, madame le rapporteur général, la méthode qui a été la vôtre même si j’ai été très sensible aux propos que vous avez tenus.
Je souhaite revenir sur l’approche de la commission des affaires étrangères et rendre hommage au président Carrère, qui a souhaité instaurer ce doublon de rapporteurs de tendances différentes. En l’occurrence, sur ce sujet, cela a son importance. Conscient que cette pratique n’est pas suivie dans toutes les commissions, je suis heureux de la souligner en l'occurrence.
Sur le fond, la commission des affaires étrangères a suivi deux priorités.
La première était d’accompagner le travail formidable du Président de la République et du Gouvernement dans ce domaine, travail qui a été reconnu sur toutes les travées. Cela a été l’un des éléments forts du G20. Nous avons donc voulu donner un sens à notre engagement sur ce sujet.
Notre seconde priorité était de prendre en considération le fait que, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, le Gouvernement était en négociation et qu’il était nécessaire de laisser la main à la négociation. C’est la raison pour laquelle nous proposions, dans notre amendement, non pas un taux fixe, mais un plafond de 0, 05 %. La précision a son importance. En effet, pour ne pas bloquer le jeu au niveau européen, pour inciter d’autres pays à nous rejoindre et à nous suivre, peut-être était-il nécessaire, dans un premier temps, de choisir un taux inférieur à 0, 05 %.
Telles sont les raisons pour lesquelles, sans me retrouver exactement dans la position de mon collègue et ami Robert del Picchia, je ne pourrai pas non plus, à mon grand regret, en tant que co-rapporteur de l’aide au développement, voter votre amendement, madame le rapporteur général, même si je suis convaincu de la nécessité pour notre assemblée de faire un pas.
Je serai brève car tout le monde s’est déjà exprimé et je ne veux pas retarder les débats.
Ce qu’un citoyen normal va retenir de nos débats, c’est que nous ne voulons pas taxer les transactions financières.
Or je reviens de ma Normandie, où nous avons manifesté contre 350 licenciements boursiers à Condé-sur-Noireau. Nous recevons tous des demandes d’explications de personnes qui ont été très frappés par les manipulations boursières et les diverses transactions qui s’opèrent.
Et ce que chacun retiendra de nos débats, c’est que le Sénat n’aura pas voulu taxer les transactions financières pour un objectif hautement louable… C’est la raison pour laquelle, moi, je voterai l’amendement de la commission.
Très bien ! sur les travées du groupe socialiste-EELV.
La droite sénatoriale a toujours traîné les pieds devant cette question de la taxe Tobin hormis, je le reconnais, notre collègue Yann Gaillard, dont je salue le courage pour le propos qu’il a tenu il y a un instant et qui lui fait honneur.
La droite sénatoriale, disais-je, a toujours traîné les pieds. Mais aujourd’hui, sa position est fonction de la prise de position du dernier G20 et du dernier Conseil européen, au cours desquels les questions fondamentales de la régulation, de la transparence et des recettes ont été posées.
Ce soir, on nous parle de l’Europe. Mais, monsieur le secrétaire d’État, il faut cesser de s’identifier à l’Europe et à la Commission européenne ! Nous sommes de grandes personnes, comme nous l’expliquaient, il y a un instant, Mme Goulet et M. Gaillard. Nous pouvons voter cette taxe.
Je voudrais d’ailleurs faire un rappel à l’intention de ceux qui refaisaient l’histoire. Sous les gouvernements successifs, qu’ils soient de gauche ou de droite, le groupe CRC a toujours posé cette question. Tous les ans, nous avons proposé la création de cette taxe avec un seuil au taux de 0, 1 %. Aujourd’hui, nous acceptons un repli à 0, 05 %.
En quoi, monsieur le secrétaire d’État, la parole et le vote des parlementaires seraient-ils gênants pour la mise en place de cette taxe Tobin ? Monsieur le secrétaire d’État, laissez voter les parlementaires !
Si j’ai bien compris, il y a, sur le fond des choses, une grande convergence et un consensus.
Et ce consensus vise à soutenir les efforts du Président Nicolas Sarkozy dans la négociation. Il est susceptible d’être renforcé, dans sa position de négociation, par une expression aussi large que possible du Sénat.
Je ne pensais pas provoquer l’hilarité ! Mais, quoi qu’il en soit, ce sera vu de l’extérieur comme étant l’équivalent d’un vœu ou d’une résolution.
C’est ainsi que j’interprète la démarche initiée par Mme la rapporteure générale.
Un aspect a été soulevé à juste titre par Chantal Jouanno tout à l’heure. C’est celui de l’affectation d’une éventuelle taxe mondiale. En effet, si l’on examine cette mesure en loi de finances, c’est bien que l’on suppose qu’elle puisse avoir une incidence sur nos finances publiques et sur la résorption de notre déficit.
Par ailleurs, s’il doit y avoir une convergence au niveau européen, voire au niveau mondial, ce sera sans doute aussi parce qu’un accord aura été trouvé sur des programmes d’intérêt commun au niveau international.
Sans doute est-il utile de réfléchir sur le fond à cette question, de trouver les bons arbitrages et de se demander, par exemple, quelles modifications cela induirait pour notre aide publique au développement, pour la charge qui en résulte sur nos finances publiques et sur le partage qui pourrait éventuellement intervenir entre notre pays et des initiatives multilatérales.
Bref – et M. le secrétaire d’État le sait bien – c’est une question très féconde qui, non seulement en termes de débat international et de négociations, mais aussi en termes de gouvernance des finances publiques, sera très certainement présente dans nos débats des années à venir.
Je trouve, pour ma part, que quelle que soit la forme que l’on utilise, le fait qu’il y ait un très large accord sur toutes les travées est une donnée politique vraiment très importante.
Mes chers collègues, je pense que nous avons, à cet égard, joué tout notre rôle.
Je voudrais dire à ceux qui ont invoqué les mannes de Tobin et de Keynes que je laisse les morts reposer en paix, même si, je le sais bien, nous connaissons une crise financière très grave, profonde et durable.
Ce sujet est sur la table depuis dix ans, monsieur le secrétaire d’État ! L’Assemblée nationale avait en effet adopté en 2001, lors du vote de la loi de finances pour 2002, une taxe sur les transactions financières.
Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été échangés dans ce débat nourri, et je crois que le fond et la forme se rejoignent.
Le Président de la République, avant même qu’il ne prononce le discours auquel a fait référence mon collègue et amiFrançois Marc, avait évoqué une taxe « techniquement possible », « financièrement indispensable » et « moralement incontournable ».
Je crois que nous avons démontré, au travers de nos différents amendements, qu’il était techniquement possible de mettre en place une taxe sur les transactions financières. J’émettrai cependant un bémol sur les derniers mots : « moralement incontournable ». Je sais mal ce qu’est la morale en politique ; je sais en revanche que cette taxe est un choix politique majeur.
M. le secrétaire d’État nous a invités à utiliser l’article 88-4 de la Constitution. Nous l’avons fait à plusieurs reprises, la dernière fois à la fin du mois de juin dernier : une résolution portant sur les observations de la Commission européenne sur le programme de stabilité de la France, fondée sur cet article, avait été adoptée par le Sénat, sur l’initiative du président et du rapporteur général de la commission des finances de l’époque, MM. Arthuis et M. Marini.
Si nous n’avons pas utilisé l’article 88-4, ce n’est pas uniquement parce que nous avions l’opportunité de discuter de cette mesure lors de l’examen de la loi de finances, mais parce que le 14 juin 2011 – peut-être nos collègues n’y ont-ils pas été attentifs – l’Assemblée nationale a adopté une proposition de résolution. Depuis cette date, les travaux de la Commission européenne ont avancé ; le délai que nous avons prévu lui permettra, me semble-t-il, de mener la négociation à son terme.
J’ajouterai, monsieur Cambon, que le taux retenu dans la proposition de résolution votée par l’Assemblée nationale est le même que celui qui est proposé dans l’amendement de synthèse de la commission des finances.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l’article 5, et les amendements n° I-122, I-76, I-148, I-59 et I-175 rectifié n’ont plus d’objet.
L’amendement n° I-161, présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l’application du premier alinéa, tout éditeur de service détenteur d’une autorisation délivrée en vertu des articles 29, 29-1 et 30-1 doit solliciter un agrément du Conseil supérieur de l’audiovisuel en cas de modification portant sur 1 % ou plus de son capital social. »
II. – Le chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :
« Section XXI
« Taxe sur la cession de titres d’un éditeur de service de communication audiovisuelle »
« Art. 235 ter ZG. – Tout éditeur de service de communication audiovisuelle qui procède à un apport, une cession ou à un échange de ses titres ayant fait l’objet d'un agrément dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article 42-3 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est redevable d'une taxe au taux de 5 %, assise sur la valeur des titres apportés, cédés ou échangés.
« Cette taxe est due et acquittée auprès du comptable public au plus tard le 1er mai de l'année qui suit celle de l’apport, de la cession ou de l’échange. Le paiement est accompagné d’un état conforme au modèle fourni par l’administration faisant apparaître les renseignements nécessaires à l’identification de la personne assujettie et à la détermination du montant dû.
« Cette taxe est recouvrée selon les règles et sous les sanctions et garanties applicables aux droits d'enregistrement. »
III. – Le II est applicable aux apports, cessions ou échanges réalisés à compter du 1er janvier 2011.
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
Mme Blandin et moi-même présentons cet amendement au nom de la commission de la culture. Permettez-moi d’en situer le contexte.
Le lancement de la télévision numérique terrestre, la TNT, avait deux objectifs. Il visait à assurer, d’une part, la diversité de l’offre, donc le pluralisme, et, d’autre part, l’accès de nouveaux entrants à cette industrie dynamique et en développement. Le succès est indéniable quoique assombri par quelques effets pervers que nous sommes un certain nombre, au-delà du clivage gauche-droite, à avoir observés au cours des dernières années.
Dès 2004, le groupe TF1 et AB Productions ont créé une société, Monte Carlo Participations, dont ils détenaient la moitié des parts, en vue d’acquérir 80 % de la société TMC. En 2009, TF1 a racheté 100 % de la société NTI et les parts que celle-ci détenait dans le capital de TMC. Cette atteinte à la diversité était déjà un effet pervers. Puis on a observé des mouvements de concentration au profit des opérateurs traditionnels, dominants sur le marché. Nous assistions donc à un premier détournement de la vocation initiale de la TNT.
En 2010, le rachat de Direct Star, appartenant à la société Virgin, par le groupe Bolloré, a provoqué une inquiétude générale, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, par la voix de son président, a relevé qu’il n’était pas possible de procéder ainsi.
Mais l’atteinte à la diversité n’est pas le seul effet pervers de ce genre de pratique depuis le lancement de la TNT. En septembre 2011, Bolloré Média, qui édite les chaînes Direct 8 et Direct Star, a annoncé la cession de 60 % de son capital à la société Canal Plus. Cette opération a été valorisée à 465 millions d’euros sur 100 % des parts, et s’effectuerait via un échange de titres pour une valeur de 280 millions d’euros.
Ainsi, un canal attribué gratuitement par le CSA est aujourd’hui valorisé pour 480 millions d’euros. Connaissant bien ce secteur économique, je ne nie pas l’apport du groupe Bolloré, qui a développé la chaîne Direct 8 en créant une marque et en réalisant des investissements. Loin de moi l’idée que 480 millions de bénéfices ont été réalisés, à partir de zéro, sans rien faire ! J’estime, en revanche, qu’une transaction aussi profitable, mérite, à tout le moins, d’être taxée.
Après tout, nous cherchons tous ici de nouvelles ressources. Notre amendement tend donc à taxer, non pas la plus-value, ce qui serait inopérant, mais la transaction, à la hauteur presque symbolique de 5 %. Sur 480 millions d’euros, une telle taxation représenterait environ 25 millions d’euros. Ce n’est pas négligeable pour le budget de l’État !
Par ailleurs, cette taxation dissuaderait de réaliser ces opérations dans un esprit uniquement mercantile, ce qui serait un détournement complet de l’objectif poursuivi par le CSA et de la TNT elle-même.
Je souhaite, au nom de la commission de la culture, convaincre tous mes collègues de voter cet amendement qui tend à dégager des recettes supplémentaires. Je défendrai ultérieurement un autre amendement, lequel coûtera en revanche quelque peu aux caisses de l’État. Vous verrez, à cette occasion, que je défends l’audiovisuel de façon absolument équilibrée !
M. Jean-Vincent Placé applaudit.
Votre amendement, monsieur le sénateur, tend à créer une taxe sur les cessions de sociétés d’édition de services de communication audiovisuelle qui ont bénéficié, de la part du CSA, d’une attribution gratuite de fréquences.
Le Gouvernement partage votre souci d’éviter que les candidatures à l’attribution des fréquences soient uniquement motivées par l’espérance de la réalisation d’une confortable plus-value, et non par l’enrichissement du paysage audiovisuel français.
Cela étant dit, votre mesure ne prévoyant aucun dispositif permettant d’exclure du champ de la taxe les opérations portant sur les petites stations de radio, elle pénalise cette activité qui contribue à l’expression d’identités et au dynamisme de nos territoires, tout particulièrement en zone rurale.
J’observe, par ailleurs, que le fait générateur étant constitué par l’apport, la cession ou l’échange, le III de votre amendement rendrait la taxe rétroactive, ce qui fragiliserait considérablement votre dispositif sur le plan constitutionnel.
Le Gouvernement partageant votre point de vue sur la réalisation de très importantes plus-values à partir de cessions de fréquences, il proposera, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, un dispositif tendant à résoudre ce problème. Je vous demande donc, monsieur Assouline, de bien vouloir retirer votre amendement au bénéfice de celui que nous présenterons à cette occasion.
Vous arguez du fait, monsieur le secrétaire d’État, que le dispositif proposé risque de pénaliser les petites stations de radio, notamment en zone rurale. Nous avons justement réfléchi sur le taux – après tout, 5 %, cela peut même paraître très faible –, en examinant les chiffres à notre disposition, pour ne pas raisonner de façon simplement théorique.
Il en coûtera aux petites stations, à l’occasion de ces transactions, de 400 à 500 euros au maximum. La pénalisation n’est donc pas gigantesque et ne saurait constituer, selon moi, l’argument principal permettant de rejeter ce dispositif.
Vous nous dites, ensuite, avoir prévu un mécanisme plus opérationnel, réfléchi et efficient. Vous comprendrez que je ne puisse retirer un amendement au bénéfice d’un autre que je ne connais pas et qui est, peut-être, moins opérationnel ou plus faible que le mien...
Un projet de loi de finances rectificative sera bientôt soumis à notre examen. Si le dispositif présenté à cette occasion par le Gouvernement est meilleur que le nôtre, il s’y substituera, avec notre soutien.
Pour l’instant, nous proposons une mesure qui recueille votre assentiment sur le fond. Étant absolument pragmatique, je vous propose la démarche suivante : si votre dispositif est plus satisfaisant que le nôtre, lorsque nous l’examinerons, dans quelques jours, je tenterai de convaincre les membres de la commission de la culture de se rallier à votre proposition.
En attendant, je maintiens cet amendement.
Ce débat est particulièrement intéressant, et j’ai écouté attentivement les arguments de David Assouline. En tant que membre de la commission des finances, l’argument de M. le secrétaire d’État, me paraît fondé tant sur le fond qu’en droit. Au vu de cet échange, il me paraît possible de sous-amender l’amendement n° I-161 en remplaçant la date du 1er janvier 2011 par celle du 1er janvier 2012.
Il me semble que cette modification, si elle agrée à mon collègue et ami David Assouline, permettrait d’aboutir à une proposition constructive, argumentée, partagée et consensuelle. J’espère avoir ainsi contribué de façon positive au débat devant la représentation nationale.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° I-207, présenté par M. Placé, et ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer l'année :
par l'année :
Quel est l’avis de la commission ?
La commission des finances a accepté l’amendement de M. Assouline, car nous voulons qu’il parvienne à l’Assemblée nationale sous cette forme et que la navette parlementaire ait un sens.
Vous nous demandez, monsieur le secrétaire d’État, d’attendre l’examen du projet de loi de finances rectificative. Or vous savez, comme nous, combien le calendrier parlementaire de la fin d’année est bousculé !
Je remercie M. Placé de me donner raison sur le plan du droit. Sur le fond, encore une fois, je demande au Sénat de bien vouloir attendre quinze jours.
Nous sommes d’accord sur l’objectif des auteurs de l’amendement n° I-161 : on ne saurait être plus clair ! Nous déposerons donc, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, un amendement qui, je l’espère, sera voté par les deux chambres du Parlement.
Monsieur Assouline, je vous retourne, à mon tour, l’argument de l’efficacité. Puisque nous partageons le même objectif, attendons quinze jours pour nous mettre d’accord sur un texte !
Ce qui a soulevé l’indignation, ce sont les chiffres de la transaction à laquelle j’ai fait allusion, et qui s’est déroulée dans des conditions contraires à tous les principes que nous avons défendus lors de la mise en place de la TNT. Le président du CSA, qui distribue les fréquences, s’est insurgé, car il s’est senti dépossédé.
Je suis tout à fait d’accord pour fixer cette date au 1er septembre 2012, monsieur le secrétaire d’État ! Si nous mettons janvier 2012, les entreprises intéressées échapperont à toute sanction : seuls les petits, qui devront payer quelques centaines d’euros, en pâtiront. Ce faisant, cette disposition n’aurait qu’une valeur préventive, elle se limiterait aux transactions futures et ne viserait donc pas les opérations auxquelles j’ai fait allusion !
Madame Blandin, monsieur Placé, le Gouvernement va certainement présenter un amendement irréprochable sur le plan du droit – il dispose de services juridiques absolument fantastiques ! Toutefois, j’ose espérer qu’il ne cherchera pas à épargner le groupe Bolloré afin de lui éviter, une fois de plus, de passer à la caisse ! §
Monsieur le secrétaire d’État, je veux bien vous faire confiance : si le texte que vous proposerez répond exactement au problème que nous posons, nous l’adopterons à l’unanimité afin de remplacer la disposition contenue dans le présent amendement ! Néanmoins, s’il n’est pas meilleur que le nôtre, notre amendement gardera toute son utilité.
Je maintiens donc l’amendement n° I-161, monsieur le président.
Les contours de cet amendement sont clairement dessinés, et la commission de la culture, de l’éducation et de la communication le défend sans hésitation. En effet, nous avons entendu le président du CSA. Il nous a fait part de ses préoccupations concernant la création et la culture : il ne s’agit certainement pas d’ouvrir des portes à la spéculation, que nous souhaitons précisément contrecarrer !
Monsieur Placé, votre sous-amendement fait droit au principe juridique de non-rétroactivité des lois, certes. Cependant, M. Assouline s’indigne : « On ne va tout de même pas laisser M. Bolloré échapper à tout déboursement ! »
Mes chers collègues, étant donné que la navette parlementaire existe, nous préférons rester fermes, et nous vous invitons à conduire cette démarche jusqu’à son terme en adoptant l’amendement tel qu’il a été déposé initialement par M. Assouline. Si ces dispositions peuvent susciter des craintes chez les spéculateurs, ne serait-ce que pendant un petit moment, et prévenir de semblables comportements pour l’avenir, ce texte aura fait preuve de son utilité !
Le sous-amendement n° I-207 est retiré.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Permettez-moi de préciser qu’une loi de finances n’a pas pour objet de créer un impôt pour une seule personne !
Sans doute vos paroles ont-elles outrepassé votre pensée, monsieur Assouline.
Le Gouvernement travaille en effet sur un texte visant à empêcher que les cessions gratuites de fréquences ne donnent lieu à spéculation, mais il ne s’agit pas de viser un individu spécifique au sein de la République française !
Aucun nom n’est cité dans cet amendement, monsieur le secrétaire d’État !
Par ailleurs, le principe de non-rétroactivité des lois existe ; vous le connaissez bien, vous législateurs ! C’est la raison pour laquelle je considère que la sagesse est d’attendre l’examen du projet de loi de finances rectificative, à l’occasion duquel le Gouvernement présentera un amendement qui devrait vous donner satisfaction.
Je maintiens l'amendement, monsieur le président.
Monsieur le secrétaire d’État, cet amendement ne cite personne en particulier. J’ai simplement évoqué, dans mon argumentation, un groupe de medias !
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-83 est présenté par Mmes Keller et Sittler.
L'amendement n° I-156 est présenté par M. Placé, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux, MM. Desessard, Dantec, Gattolin, Labbé et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Après la première phrase du 3 de l’article 279-0 bis du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Il est également applicable dans les mêmes conditions aux travaux réalisés par l’intermédiaire d’un opérateur tiers-financeur. »
II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-83 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour présenter l'amendement n° I-156.
À l’heure actuelle, les travaux visant à améliorer la performance énergétique des bâtiments bénéficient d’un taux réduit de TVA, dès lors qu’ils sont réalisés par le propriétaire ou l’occupant de l’édifice en question.
Cet amendement vise à étendre l’application de ce taux réduit aux cas où les chantiers sont financés via un mécanisme de tiers investissements.
Les travaux d’amélioration de la performance énergétique se caractérisent généralement par un investissement initial important, par exemple la réfection de l’isolation du bâtiment concerné ; cet investissement n’est ensuite rentabilisé que lentement, par les économies d’énergie dégagées année après année.
Toutefois, dans le cas de copropriétés ou de logements sociaux, il peut être difficile de mobiliser les fonds nécessaires à l’investissement. Il peut alors devenir opportun de recourir à un tiers investisseur, prenant les frais de travaux à sa charge et se remboursant lui-même sur les économies d’énergie.
Le tiers investisseur assume également le risque lié aux gains énergétiques effectivement réalisés ainsi qu’aux fluctuations des prix de l’énergie. Une fois ce tiers investisseur remboursé et rétribué à hauteur du risque qu’il a encouru, les économies d’énergie bénéficient enfin au commanditaire des travaux.
Les rendements financiers de ces opérations restent relativement modestes et nous n’avons pas l’impression qu’il y ait un risque que ces tiers financeurs réalisent des profits indus tout en bénéficiant d’une TVA allégée.
Ce schéma de financement de rénovation du bâti – incontournable dans nombre de situations – reste assez peu utilisé en France, contrairement à la Belgique par exemple. Mes chers collègues, il nous appartient donc de favoriser le développement de ce secteur : en effet, réaliser des économies d’énergie est à la fois un bon calcul économique et une absolue nécessité écologique. C’est pourquoi je vous invite à adopter cet amendement.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement qui répond à une véritable logique économique, notamment pour les copropriétés. En effet, les travaux y présentent souvent une ampleur telle qu’ils nécessitent l’accord de tous les propriétaires.
Ainsi, les copropriétés sont souvent beaucoup plus dégradées que les logements sociaux, lesquels disposent de procédures spécifiques, de consultation par exemple.
Le coup de pouce que cet amendement propose d’apporter aux investisseurs pourrait favoriser les travaux de rénovation, ce qui serait bénéfique tant sur le plan économique qu’au regard des enjeux du Grenelle de l’environnement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il va sans dire que le Gouvernement partage votre volonté de préserver la qualité de l’environnement et de favoriser le développement des dispositifs innovants permettant d’atteindre cet objectif.
Toutefois, les propos de M. Placé et de Mme la rapporteure générale me surprennent quelque peu : en effet, l’objet de cet amendement est d’ores et déjà satisfait par une instruction fiscale datant de 2006 ! Cette norme opposable permet aux tiers investisseurs, ou tiers financeurs, de disposer de ce taux réduit de TVA dans le cadre de divers schémas de financement, et notamment des partenariats public-privé.
Madame la rapporteure générale, je ne comprends donc pas plus votre argument que celui de M. Placé ! Le texte que vous soumettez à l’approbation du Sénat existe depuis cinq ans et il peut être mis en œuvre à tout instant !
La sagesse serait là encore de retirer cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, l’instruction fiscale n’est tout de même pas la norme la plus élevée qui soit…
Mais c’est le summum de la hiérarchie des normes fiscales ! Elle est au degré le plus élevé !
Quoi qu’il en soit, pour n’être pas entrée en vigueur depuis cinq ans, cette disposition souffre sans nul doute d’un problème d’application !
Malheureusement, l’existence d’une instruction fiscale ne résout pas tous les problèmes…
J’ai entendu les arguments de Mme la rapporteure générale qui, comme souvent, sont très pertinents. Ce secteur a besoin d’une impulsion forte et notamment politique.
Monsieur le secrétaire d’État, vous pouvez vous abriter derrière toutes les instructions fiscales possibles et imaginables, ces textes peuvent toujours être modifiés par le Gouvernement ! Ainsi, dans des secteurs comme les éoliennes, semaine après semaine, mois après mois, année après année, il a détricoté toutes les dispositions du Grenelle pour satisfaire les différents lobbies industriels qui lui accordent leur soutien !
Il aurait certes été possible de discuter avec un Gouvernement de bonne foi.
M. le secrétaire d’État manifeste son indignation
J’éprouve d’autant plus de respect pour le travail législatif que je suis moi-même un vieux parlementaire, et j’ai toujours plaisir à débattre, monsieur Placé. Eh bien, débattons ! Comme je viens de vous l’indiquer, cette disposition existe déjà en droit français…
Madame la rapporteure générale, vous employez un curieux argument en disant qu’il existe sans doute un problème d’application. Mais lequel ? Si tel est le cas, portez-le à notre connaissance !
Le texte réglementaire est très clair : il s’agit de l’instruction fiscale 3 C-7-06 du 8 décembre 2006, publiée au Bulletin officiel des impôts, qui précise que « le taux réduit s’applique, toute autre condition remplie par ailleurs, quelle que soit la qualité du preneur des travaux, qu’il soit une personne physique ou morale pour autant que les prestations rendues correspondent à des travaux éligibles ». Ce texte répond exactement à la préoccupation qu’exprime M. Placé !
Cette disposition va dans le sens du Grenelle et concourt ainsi à la protection de l’environnement ! Le droit actuel satisfait donc l’objet de cet amendement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai été formé à l’école de Pierre Mazeaud : pourquoi surlégiférer lorsque le droit satisfait déjà aux besoins de la communauté nationale ? Voilà la question que je me permets de vous poser aujourd’hui en tant que membre du Gouvernement certes, mais aussi en tant que parlementaire de cœur…
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-163 est présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
L'amendement n° I-188 est présenté par Mme Morin-Desailly et M. Maurey.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article ainsi rédigé :
I. – L’article 298 septies du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après l’année : « 1934, », sont insérés les mots : « et sur les services de presse en ligne reconnus en application de l’article 1er de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse » ;
2° Le second alinéa est supprimé.
II. – La perte de recettes pour l’État résultant du I est compensée à due concurrence par une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° I-163.
Il s’agit d’un amendement très important, que je défends au nom de la commission de la culture, pour tenter une nouvelle fois de convaincre notre assemblée que nous ne pouvons pas maintenir deux régimes fiscaux distincts, l’un pour la presse en ligne, l’autre pour la presse papier.
Sur ces travées, certains expliquent qu’il faut absolument laisser cette nouvelle économie se développer dans le cadre de la révolution numérique, le support étant neutre : en effet, ce n’est pas le papier que vise le régime de TVA sur la presse, mais bien la presse elle-même, et en particulier le contenu que celle-ci véhicule.
Alors que la mutation numérique ne faisait que commencer, nous avions proposé que la presse en ligne soit taxée à 2, 1 %, au même niveau que la presse papier, et non plus à 19 %. Cette mesure aurait alors concerné de petits organes – payants ! – de la presse en ligne.
Or j’observe aujourd’hui que notre proposition rallie des suffrages de plus en plus nombreux, le passage au numérique étant une obligation, y compris pour les groupes dont le support traditionnel est le papier. Or en leur appliquant une fiscalité à 19, 6 %, non seulement on freine leur possibilité d’essor, mais l’on met notre pays en retard par rapport à des pays comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, où le numérique est en plein développement.
Ensemble – traditionnellement, une certaine unanimité se dégage sur les travées de notre hémicycle sur les questions culturelles –, nous avons bataillé en faveur de l’application du taux réduit de TVA au livre numérique, afin que, taxé comme le livre papier, il puisse se développer.
Vendredi, j’ai entendu le Président de la République défendre avec force l’idée d’appliquer le taux réduit de TVA à la presse, ce dont tout le monde s’est félicité. Cela signifie donc qu’il faut taxer selon la même fiscalité la presse écrite et numérique.
Je le sais, certains m’opposeront l’argument du coût exorbitant de la mesure que je propose. Sur le principe, je pense pouvoir convaincre tout le monde qu’il n’en sera rien.
La perte de recettes fiscales que générerait l’adoption de cet amendement est extrêmement limitée. Même en favorisant l’essor d’un modèle économique pérenne, payant pour la presse en ligne, la disposition proposée permettrait d’asseoir des recettes fiscales solides pour l’avenir, eu égard à la multiplication attendue des services de presse en ligne.
Dans les médias, elle n’aurait pas d’impact négatif sur les recettes de l’État puisque le développement des offres numériques payantes de la presse, qu’il s’agisse de la vente au numéro ou par abonnement, ou encore de la vente forfaitaire par le biais de kiosques numériques, se situe dans une phase de démarrage très faible.
Parallèlement, les recettes fiscales tirées de la presse papier sont en déclin irréversible, compte tenu de la baisse structurelle des ventes.
Les offres numériques ont vocation à renverser la tendance inéluctable à la décroissance du nombre de lecteurs traditionnels de presse et à leur migration vers le contenu gratuit, synonyme de déperdition fiscale pour l’État.
La combinaison d’un taux à 2, 1 % et de politiques commerciales attractives menées par les éditeurs contribueront au développement rapide de ce nouveau marché et à la création de recettes fiscales supplémentaires.
Je veux que tout le monde comprenne bien l’enjeu.
Aujourd'hui, j’ai reçu un éditeur de presse en ligne. L’abonnement à son titre coûte 9 euros. Si je me connecte depuis un iPad – il a un accord avec Apple –, le coût demeurera le même, mais la facture ne mentionnera pas de TVA, Apple ayant son siège en Irlande. Par conséquent, le montant de la TVA de 19, 6 %, normalement versé à l’État, sera encaissé par Apple. Il faut donc instaurer une fiscalité à 2, 1 % qui ne pénalise pas les entreprises. La différence restera alors dans les caisses de ces entreprises, qui pourront accompagner la révolution numérique. Cela concourra à la défense de la presse dans notre pays, ce qui est une nécessité pour garantir la liberté d’expression.
Je le dis, la liberté de la presse passe par la défense de la presse numérique, qui est l’avenir.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement ; je vais vous expliquer pourquoi.
On peut créer une exonération, une niche, peu importe l’appellation, pour permettre à un secteur économique de se développer. Mon cher collègue, vous avez justifié votre amendement en invoquant le coût de pouce qu’il constituait pour la presse, vous inscrivant dans la logique des dispositions que la commission de la culture avait fait adopter par le Sénat l’année dernière pour le livre numérique.
La commission des finances s’est demandée si le secteur de la presse numérique avait vraiment besoin d’un tel coup de pouce pour émerger. Elle a le sentiment que tel n’est pas le cas. Connaissant bien ce secteur, peut-être pourrez-vous nous démontrer le contraire.
Vous avez fait allusion aux propos tenus par M. le Président de la République. Si je les ai bien compris, dans le projet de loi de finances rectificative sera prévue une hausse du taux réduit de TVA, qui sera porté à 7 %. Le Premier ministre a répété à l’envie que le taux le plus bas serait réservé aux produits de première nécessité et aux équipements et services destinés aux handicapés. J’en déduis que, lorsque le Président de la République estime qu’il faut donner un coup de pouce à la presse numérique, il entend appliquer à ce secteur le taux de 7 %. Ainsi, monsieur Assouline, peut-être pouvez-vous espérer voir passer le taux de TVA applicable de 19, 6 % à 7 % lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, quoi que l’on puisse penser de l’augmentation du taux de TVA, mais c’est un autre sujet.
Se pose un autre problème, vous le savez parfaitement puisqu’il s’est posé à propos des mesures relatives au livre qui ont été votées l’année dernière. En effet, l’actuelle divergence d’appréciation entre la Commission européenne et nous sur ce qu’est un service ou un bien concerne également la presse. Depuis que le Sénat a adopté, voilà un an, le taux réduit de TVA applicable au livre numérique, la jurisprudence européenne a-t-elle connu des avancées ?
Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.
Je souscris totalement à l’objectif que poursuivent les auteurs de cet amendement : il faut bien entendu éviter que la concurrence fiscale n’aboutisse en la matière à donner le monopole à certains opérateurs anglo-saxons ou américains. M. le Président de la République lui-même n’a cessé de le dire.
Mais, et là est la difficulté, nous sommes tenus d’appliquer le droit européen. Comment d’ailleurs peut-on y déroger, sauf à le faire évoluer ? Comme en matière de transactions financières, monsieur Assouline, nous ne pouvons pas décider de taxer seuls.
Les abonnements à des journaux et à des périodiques en ligne sont juridiquement considérés comme des services fournis par voie électronique, au sens de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, et sont donc exclus du bénéfice du taux réduit de TVA. Il n’est actuellement pas possible d’appliquer ce dernier taux à la presse en ligne sans modification, à l’unanimité, des règles communautaires. Tel est le droit européen en vigueur. Je le rappelle, on peut choisir soit de l’ignorer et prendre le risque de se faire condamner immédiatement par la Cour européenne de justice, soit de l’appliquer tout en essayant de le faire évoluer.
Par ailleurs, vous ne pouvez pas ignorer, monsieur Assouline, que le taux de TVA à 2, 1 % n’est plus applicable depuis le 1er janvier 1991, en vertu de l’article 99 d’une directive aux termes duquel les États membres ne peuvent plus appliquer un taux réduit de TVA inférieur à 5 %.
Ce n’est plus possible.
Enfin, j’attire votre attention sur le fait que la France mène une action forte en vue de faire bénéficier les services de presse en ligne, comme le livre numérique, d’un taux réduit de TVA. J’en profite pour dire que, contrairement à ce que vous avez soutenu, Apple paie une TVA, même si c’est une TVA irlandaise.
Aux termes d’une directive, qui entrera en application en 2015, la TVA française s’appliquera. Entre ce jour et 2015, il faut éviter toute situation de monopole dans les faits. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a confié une mission à M. Toubon pour qu’il essaie de convaincre nos partenaires européens de consentir une évolution de la fiscalité sur le livre numérique.
Je ne vous cacherai pas que nous rencontrons un certain nombre de difficultés, même si – argument que nous tentons de faire valoir – il existe une différence entre la presse et le livre numérique. En effet, les journaux papier et électronique ne sont pas exactement similaires. Des images, des vidéos, des liens qui figurent sur la version électronique ne figurent pas dans la version papier. Par conséquent, l’argument selon lequel un même produit serait taxé de manière différente est inadéquat.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, que je ne puisse pas émettre un avis favorable sur l’amendement n° I-163.
Mes chers collègues, je voudrais vous faire part de l’esprit dans lequel la commission de la culture, qui lance un appel à la cohérence, a déposé le présent amendement.
Tout à l’heure, pendant plus de trois quarts d’heure, nous avons entendu les représentants de tous nos territoires réclamer la fibre optique, le haut débit, car tout le monde a bien conscience que nous allons vers l’économie numérique.
J’appelle à cet égard l’attention de M. le secrétaire d'État. Souvenez-vous, en 2008, Éric Besson, alors secrétaire d'État chargé de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, est venu au Sénat exposer son ambition pour la société du numérique, soutenant que la France allait être le moteur de la révolution.
Dans un deuxième temps, toujours au Sénat, lors de la deuxième lecture du projet de loi relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, nous avons vu apparaître, avec le soutien du Gouvernement, une sorte de cavalier : les rémunérations des journalistes et photographes octroyées pour une impression papier valaient, sauf accord d’entreprise, rétribution pour la mise en ligne, sans que soit accordé un centime de plus ; dans la mesure où il s’agissait du même produit, des mêmes contenus, du même travail, il n’était pas obligatoire de verser une somme supplémentaire.
Puis les états généraux de la presse ont eu lieu. À cette occasion, Frédéric Mitterrand a fait savoir que les aides à la modernisation accordées à la presse étaient justifiées par le passage au numérique, qui certes coûtait cher, mais était indispensable et complémentaire.
Toutes ces étapes convergent vers la même finalité : assimiler le papier au numérique. Mais, au moment de poursuivre la cohérence jusqu’à l’harmonisation du taux de TVA, de faire chuter l’archaïsme consistant à appliquer un taux de 2, 1 % aux uns et de 19, 6 % aux autres, on assiste à une rupture du principe de neutralité.
Tel est l’esprit dans lequel la commission de la culture s’est prononcée pour l’adoption de cet amendement.
Monsieur le secrétaire d'État, il y a des choses qu’on ne peut pas dire, tout simplement parce qu’elles sont fausses. Aujourd'hui, directive ou pas, l’essentiel de la presse est taxé à 2, 1 %.
Oui, parce qu’il y a une clause de gel !
Alors ne dites pas que ce taux n’est plus applicable !
On a gelé l’application du taux réduit, c'est-à-dire que l’on a, de fait, à partir de 1991, refusé d’en faire bénéficier les nouveaux entrants. Mais la presse française souffre précisément du fait qu’il n’y a pas de nouveaux entrants ! Les gros titres, qui existent depuis longtemps, luttent pour survivre, et ils ne sont heureusement taxés qu’à 2, 1 %, mais tout ce qui est nouveau est taxé au taux normal. On empêche ainsi l’innovation, la créativité.
Si l’on avait dit il y a cinquante ans qu’il n’y aurait plus d’entrants parce que la fiscalité avantageuse allait être réservée aux anciens titres, c’est toute la presse que nous connaissons, issue de la Résistance, celle qui a assuré le pluralisme dans notre pays, qui n’existerait pas !
Si vous parlez de gel, monsieur le secrétaire d'État, je suis d’accord, mais l’argumentation que vous avez développée tout à l'heure, dans les termes que vous avez employés, se fondait sur quelque chose de faux. Je le répète, les titres de presse anciens, créés avant 1991, bénéficient d’un taux de TVA à 2, 1 %.
On n’arrête pas de nous dire : « Il faut de la compétition, de la créativité, de l’innovation ! Il existe une économie nouvelle ! La presse de demain sera numérique ! » Eh bien, mon amendement va dans le sens de cette dynamique.
J’entends bien les arguments de Mme la rapporteure générale. Si toute la presse actuelle passe un jour au numérique, le maintien de ce taux de TVA réduit constituera effectivement un manque à gagner pour l’État, qui passera à côté d’une véritable manne. Si cela se produit, nous pourrons réfléchir à un taux intermédiaire – 5 % ou 6 %, par exemple.
Toutefois, dans la situation actuelle, vous ne pouvez pas dire que l’existence de ce taux réduit de TVA diminue les recettes de l’État. En effet, faute de moyens, les quelques petites structures de presse en ligne existantes, qui sont taxées à 19, 6 %, ont elles aussi, d’une certaine manière, gelé la situation, c'est-à-dire leurs paiements : elles ont négocié avec l’État la possibilité de payer plus tard. Qu’on ne vienne donc pas me parler des conséquences du taux de 2, 1 % pour les caisses de l’État ! Cet argument ne tient pas.
J’ai reçu tous les patrons de la presse papier – Le Figaro, Le Monde, etc. Tous soutiennent l’extension du taux de TVA réduit de 2, 1 % à la presse en ligne parce que le taux en vigueur les pénalise eux aussi. En effet, tous les journaux sont obligés de passer en partie au numérique, y compris, parfois, au numérique payant. Or il leur est très difficile de supporter un taux de TVA de 19, 6 %, a fortiori dans un contexte de compétition internationale avec des concurrents bénéficiant de taux très bas.
Notre presse doit être défendue, car elle est en difficulté !
J’en viens à l’argument selon lequel notre proposition serait contraire au droit européen. Nous avons déjà entendu cela lors des débats sur la proposition de loi relative au prix du livre numérique. Cette proposition, ce n’était pas la mienne, ni celle du groupe socialiste, ni celle de la gauche : c’était celle de Jacques Legendre, alors président UMP de la commission de la culture. Nous sommes pourtant parvenus à trouver un consensus, et ce texte a été adopté.
Il existe une différence d’interprétation, une bagarre même, avec la Commission européenne s'agissant des biens et services. Toutefois, nous sommes en passe en convaincre nos partenaires, car tous les pays ont le même problème. La France est en pointe. Pourquoi ? Parce qu’elle défend l’exception culturelle, parce qu’elle insiste sur l’importance du livre, de la culture, de la presse.
Il faut que le Sénat réaffirme ces principes, afin que nous soyons plus forts lors des négociations au sein de l’Europe. Nous avons marqué des points sur la question du livre numérique. Pourquoi ne ferions-nous pas de même aujourd'hui, s’agissant de la presse numérique ?
Je crois avoir énoncé tous les arguments propres à vous convaincre. J’espère que notre assemblée se ralliera à position de la commission de la culture, au nom de laquelle je me suis exprimé.
Si les contenus sont identiques quelle que soit la technologie employée, il serait sans doute préférable, en vertu du principe de neutralité, d’appliquer le même taux de TVA.
La grande difficulté de notre exercice provient de l’écart extrêmement important, tout à fait excessif, entre 2, 1 % et 19, 6 %. Nous avons souvent rencontré ce problème. Il est probable que nous progresserons en appliquant des taux intermédiaires aux prestations identiques. Qu’il s’agisse de la presse ou du livre, la solution la plus raisonnable à mes yeux consisterait à opter pour le nouveau taux intermédiaire de 7 %. Cela constituerait un système à la fois euro-compatible, plus neutre et aisément compréhensible par les acteurs concernés.
Mme la rapporteure générale a exprimé l’avis négatif de notre commission sur cet amendement. Toutefois, il faudrait que nous arrivions, madame la présidente Blandin, à travailler ensemble sur ce sujet, en conciliant, premièrement, les évolutions de marché, deuxièmement, les dispositions fiscales les plus aptes à préserver le pluralisme et la diffusion culturelle, troisièmement, l’intérêt de nos finances publiques.
Il faut donc percevoir l’avis de notre commission non comme une volonté de blocage, mais comme un moment d’une réflexion que nous devons poursuivre ensemble.
Le gel du taux de TVA à 2, 1 % s’applique à une activité, la presse écrite, dont nous considérons – c’est le point qui fait débat – qu’elle diffère de la presse utilisant les moyens informatiques.
Faut-il, oui ou non, essayer de sauvegarder notre presse écrite ? Voilà le cœur du sujet.
Monsieur Assouline, après avoir évoqué les journaux issus de la Résistance, vous avez affirmé qu’il n’était plus possible aujourd'hui de créer un journal bénéficiant du taux de 2, 1 %. C’est inexact : le taux de 2, 1 % concerne toute la presse écrite, et s’appliquerait donc à un nouveau journal papier.
Je le répète, le gel du taux de TVA s’applique à l’ensemble de l’activité.
C’est entre la presse écrite et la presse numérique qu’il existe une différence quant au taux de TVA applicable.
Vous avez raison, il faut distinguer la presse papier, la presse imprimée, de la presse diffusée par voie informatique.
Donc, le gel du taux de TVA continue à s’appliquer à la presse papier.
Monsieur le président de la commission des finances propose de passer à un taux de 7 %. Ce n’est pas la position du Gouvernement, et cette mesure ne sera donc pas inscrite dans le prochain projet de loi de finances rectificative, qui prévoit un relèvement du taux réduit de TVA de 5, 5 % à 7 % sauf pour certains produits comme les denrées alimentaires.
La presse écrite n’est pas concernée par ce relèvement du taux de TVA, car elle est en grande difficulté, cela n’a échappé à personne. Cette situation s’explique notamment par la lourdeur et le caractère onéreux de ses moyens de diffusion.
Dans ces conditions, donner un coup de pouce supplémentaire à la presse numérique ne ferait qu’aggraver la crise de la presse écrite. C'est la raison pour laquelle, quoique je sois très attaché au développement des supports numériques, j’ai demandé le retrait de cet amendement.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-162 est présenté par M. Assouline et Mme Blandin, au nom de la commission de la culture.
L'amendement n° I-189 rectifié est présenté par Mme Morin-Desailly, M. Maurey, Mme Férat et M. Merceron.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article ainsi rédigé :
Au 1° de l’article 1605 bis du code général des impôts, les mots : « sont équipés le ou les locaux meublés affectés à l’habitation pour lesquels » sont remplacés par les mots : « est équipé le local meublé affecté à l’habitation pour lequel ».
La parole est à M. David Assouline, rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à réintroduire une mesure que la commission de la culture défend de manière récurrente.
Nous avons été choqués lorsque, en 2002, la redevance audiovisuelle a été supprimée pour les résidences secondaires, en même temps que son évolution a cessé d’être indexée sur le coût de la vie. Cela a entraîné une baisse des recettes qui financent directement l’audiovisuel public.
Heureusement, la publicité, qui constitue le second pied sur lequel peut s’appuyer l’indépendance de l’audiovisuel public, n’avait pas encore été supprimée sur les chaînes de France Télévisions. Depuis, cette suppression a été entérinée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.
La loi organique du 5 mars 2009 relative à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France a également suscité des débats, car elle a prévu la nomination desdits présidents par le Président de la République.
Nous avions souligné que l’indépendance de l’audiovisuel public dépendait avant tout de son indépendance financière. Nous avions également fait remarquer que la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions obligerait le groupe à trouver des recettes dans le budget de l’État. Or ce système n’offre pas les mêmes garanties que la redevance, qui constitue une sorte d’actionnariat populaire et dont les recettes sont directement affectées à France Télévisions, indépendamment des aléas de la conjoncture.
Nous avions ajouté que la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions grèverait le budget de l’État du manque à gagner, ce qui n’était guère judicieux dans un contexte de difficultés budgétaires. Aujourd'hui, nous sommes plus que dans la difficulté : la crise financière est là ! Pourtant, l’État continue à compenser à France Télévisions la perte occasionnée par la suppression de la publicité…
Cette suppression n’était pourtant pas une priorité pour les Français ! Mais le Président de la République a simplement voulu, par caprice politique, réformer l’audiovisuel public !
Nous, la gauche – mais pas seulement puisque notre ancien collègue M. de Broissia, membre du groupe UMP, s’était également exprimé en ce sens dans l’un de ses grands plaidoyers et que son point de vue était, à l’époque, largement partagé au sein de la commission de la culture –, nous estimons que l’audiovisuel public ne pourra perdurer que si lui est attribuée une ressource pérenne, la redevance audiovisuelle, désormais appelée « contribution à l’audiovisuel public ».
C’est ainsi que fonctionne la BBC, et l’on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un petit média fragilisé ! Le même système existe en Allemagne, avec d’excellents résultats.
Évidemment, cela implique un effort de pédagogie civique : il faut expliquer aux Français pourquoi ils doivent contribuer davantage s’ils ont une aisance suffisante pour posséder une résidence secondaire, souscrire des abonnements télévisuels… En effet, il y va de la force de l’audiovisuel public. C’est donc une dépense utile à l’intérêt général.
Voilà ce qui m’amène à faire de nouveau cette proposition.
Toutefois, j’ai entendu les arguments qui s’y opposent. Dans le contexte actuel, alors que le Gouvernement a sorti de sa manche de multiples taxes non justifiées qui pénalisent les classes moyennes, comme les franchises médicales ou la taxe sur les mutuelles, je peux comprendre que notre proposition puisse être mal perçue, même si, à mon sens, elle ne toucherait ni les couches populaires ni les couches moyennes inférieures.
Malgré tout, je tenais à défendre cet amendement, traditionnellement présenté par la commission de la culture.
La commission émet un avis défavorable.
Même si, dans la période actuelle, nous avons effectivement besoin de recettes, la mesure proposée ne rapporterait que 200 millions ou 300 millions d'euros, alors que nous en avons trouvé plusieurs milliards par ailleurs.
En outre, est-ce bien le moment de faire peser une nouvelle charge sur les ménages, qui sont déjà lourdement taxés ?
J’ajoute qu’il est difficile de déterminer qui transporte son poste de télévision de sa résidence principale à sa résidence secondaire…
Nous avons déjà eu ce débat – vous avez eu raison de le rappeler, monsieur Assouline –, et avons donc déjà exprimé notre position, qui est la même que celle du groupe socialiste. Par conséquent, je suis très fermement défavorable à cet amendement.
Monsieur Assouline, j’aurais tendance à vous dire : pitié pour les possesseurs de résidence secondaire !
Nous venons de les taxer assez lourdement en faisant passer de quinze à trente ans le délai pour bénéficier de l’exonération fiscale sur la plus-value réalisée lors de la vente d’une résidence secondaire. En outre, le prélèvement au titre de la CRDS a augmenté de manière significative.
Or voici que vous voulez inventer une taxe supplémentaire !
La position de Mme Bricq me semble plus sage.
Je me permets d’ajouter, puisque vous avez l’air très au fait de l’électronique moderne, qu’il n’est plus nécessaire de transporter son poste de télévision pour regarder la télévision aujourd'hui : il suffit d’emporter sa tablette iPad. Vous pouvez alors recevoir la télévision non seulement dans votre résidence secondaire, mais aussi dans votre voiture, durant le trajet !
On pourrait même inventer une taxe kilométrique sur l’iPad, en fonction des émissions regardées en voiture ! C’est une option ! Je suis sûr que vous saurez faire preuve de créativité en matière fiscale !
Pour notre part, nous nous arrêtons là. Nous avons pris suffisamment de décisions concernant les résidences secondaires ces dernières semaines.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
La commission de la culture a bien conscience de porter cet amendement dans une grande solitude. J’en appellerai à M. Jack Ralite, qui ne tarissait pas d’arguments pertinents sur le sujet, ou bien à M. Louis de Broissia : ils ont, l’un et l’autre, au-delà de leur différence partisane, plaidé avec ferveur pour l’application de la redevance aux téléviseurs installés dans les résidences secondaires !
Si nous soutenons cette position, c’est au nom de la défense de l’audiovisuel public, de ses missions d’information et de divertissement, parce qu’il est un pilier de la démocratie et que l’on ne prête pas assez attention aux garanties de son financement indépendant.
Monsieur le secrétaire d’État, quand vous évoquez sur le ton de la plaisanterie une taxe kilométrique sur l’iPad, vous touchez à une question bien plus grave : le fait que la réception audiovisuelle sur d’autres supports que le traditionnel poste de télévision, sur les ordinateurs notamment, ne rapporte plus d’argent à l’audiovisuel public, …
… alors même que la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a supprimé la publicité en soirée sur France Télévisions.
Les recettes de l’audiovisuel ont été tantôt malmenées – fin de la publicité en soirée, stabilité de la redevance –, tantôt menacées – pérennité incertaine de la régie, récupération par l’État de dizaines de millions d’euros quand la rentabilité publicitaire est transitoirement favorable et 20 millions d’euros d’érosion annoncée dans le prochain projet de loi de finances rectificative.
Aujourd’hui, la rigueur inspire le budget dans toutes ses lignes. Mais que réclame le peuple ? Il réclame un peu de justice : il veut que ce soient ceux qui en ont les moyens qui soient d’abord appelés à l’effort !
Cet amendement prévoit donc que les récepteurs des résidences secondaires fassent glisser celles-ci dans l’assiette de la contribution à l’audiovisuel public.
Je vous rappelle que les Français sont les champions des résidences secondaires : on en compte 80 000 à Paris et plus de 3 millions en France, soit 10 % du parc total de logements. Le prix moyen d’achat d’une résidence secondaire s’élève à 150 000 euros. Nous demandons 123 euros par an… La commission de la culture maintient son amendement.
Autant le précédent amendement de M. Assouline, sous réserve d’une question de tempo, allait dans le sens de l’histoire, …
… car il ne faut pas créer un déséquilibre trop flagrant entre la presse imprimée et la presse numérique pour un même contenu – j’ai d’ailleurs noté une différence d’appréciation entre le Gouvernement et la commission des finances sur un taux de TVA intermédiaire –, autant cet amendement est archaïque.
Il est archaïque, monsieur Assouline, parce que la redevance et l’audiovisuel public tels que vous les concevez appartiennent, à mes yeux, au passé. Nous avons l’un des secteurs publics audiovisuels les plus importants des pays développés. Actuellement, on trouve plus de chaînes de télévision sur une mosaïque de programmes que de boulangeries dans un rayon de 5 kilomètres !
La réforme de l’audiovisuel public récemment mise en œuvre sous l’autorité du Président de la République a été trop généreuse, de mon point de vue, parce qu’elle n’a pas adapté le périmètre actuel.
À Shanghai, l’hôtel d’une grande chaîne française dans lequel j’ai séjourné récemment ne recevait toujours pas France 24 ! Pourtant, on continue de payer : on empile les chaînes de l’audiovisuel public sans profiter du service !
Les chiffres sur lesquels on a bâti l’équilibre de la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision se sont tous révélés faux. Vous oubliez de mentionner que la redevance devait être établie concomitamment à la suppression totale de la publicité. Or celle-ci demeure dans la journée.
Tout le monde s’accorde à reconnaître que, pour l’instant en tout cas, l’audiovisuel public n’est pas en danger financier par rapport à la concurrence.
L’amendement précédent se fondait sur la concurrence ; celui-ci se fonde sur le monopole. Votre vision du monopole dans le secteur de l’audiovisuel me semble vraiment archaïque. C’est pourquoi je comprends parfaitement l’attitude de Mme la
Mme Catherine Procaccia et M. Yves Pozzo di Borgo applaudissent.
Monsieur Dominati, ne vous appuyez pas sur Mme le rapporteur général pour étayer vos propos ! Elle ne dit pas, elle, qu’il faut supprimer l’audiovisuel public parce que c’est un monopole, à la différence de ce qu’on voit dans les pays voisins !
Sourires.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez cru bon d’ironiser sur ma créativité en matière fiscale. Or, en l’occurrence, je n’ai rien inventé de nouveau : je rappelle que la résidence secondaire a été soumise à la redevance audiovisuelle jusqu’en 2002. C’est un gouvernement de droite, dirigé par M. Raffarin, sous la présidence de M. Jacques Chirac, qui a exclu les résidences secondaires de l’assiette et mis fin à l’indexation de la progression de la redevance sur le coût de la vie.
L’année dernière, nous avons réussi à convaincre le Gouvernement d’indexer de nouveau la redevance sur le coût de la vie. Les recettes supplémentaires produites par cette mesure ont permis à l’État de diminuer la dotation de France Télévisions. En effet, l’argent provient soit de la redevance soit du budget de l’État ; au demeurant, ce sont toujours les Français qui paient !
Je souhaitais juste sécuriser la recette, la redevance me paraissant plus pérenne que le budget de l’État, qui est aléatoire selon les années. Or l’aléa fragilise le service public.
Nous savons également que, au-delà des grandes phrases, certains ne veulent plus du service public de l’audiovisuel. En tout cas, monsieur Dominati, vous avez clairement dit que vous souhaitiez qu’on en réduise le périmètre.
M. Philippe Dominati acquiesce.
Au moment de la réforme de l’audiovisuel voulue par Nicolas Sarkozy, nous avions prédit que l’on arguerait un jour du manque d’argent pour supprimer des chaînes. L’argument revient !
J’ai compris qu’il était difficile aujourd'hui d’évoquer une taxe supplémentaire, même si celle-ci est acquittée par des Français qui n’appartiennent pas aux couches populaires. Quoi qu’il en soit, Mme Blandin a maintenu l’amendement. Pour ma part, je souhaitais que ce débat ait lieu dans l’hémicycle. Ensuite, chacun votera comme il l’entend !
Je suis bien entendu solidaire de la position de la commission des finances et je ne voterai pas l’amendement présenté par M. Assouline au nom de la commission de la culture.
Cela étant dit, mes chers collègues, nous en avions déjà débattu l’an dernier, la redevance audiovisuelle est un dispositif archaïque qu’il faudra réformer fondamentalement ; nous en sommes tous conscients.
Il est archaïque parce que son assiette n’est constituée que par certains récepteurs.
Mme la présidente de la commission de la culture acquiesce.
En vertu du principe de neutralité technologique, la raison voudrait que l’on taxe de la même manière tout moyen de réception de programme de télévision, où qu’il se trouve, dans une résidence principale, secondaire, une voiture, une poche, dans l’hémicycle ! §C’est la modernité : nous n’y échapperons pas !
Bien sûr, cela modifie la manière dont nous sommes habitués à examiner ces questions, ce qui peut faire peur. L’an dernier, j’étais prêt, à titre personnel, à présenter un amendement semblable à celui de la commission de la culture, mais j’y ai renoncé parce que mon groupe n’y était pas favorable. Ce débat, cependant, même s’il ne débouche pas dans l’immédiat, ne saurait se réduire à la question limitée de la résidence secondaire.
La question fondamentale, bien plus large, est celle de l’adaptation de notre fiscalité aux évolutions technologiques, en particulier au numérique. Nous avons examiné le cas de la presse et du livre, nous débattons du financement de l’audiovisuel public et nous reviendrons bientôt sur la fiscalité des multinationales américaines qui déséquilibrent le marché de la publicité dans les États consommateurs d’Europe.
Tout cela forme un tout qu’il faudra aborder comme tel. Le Sénat est bien placé pour s’efforcer de faire évoluer les esprits, même si, aujourd’hui, ceux-ci n’étant pas mûrs, il faut voter dans le sens préconisé par la commission des finances.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-129 est présenté par MM. Teston, Filleul et Ries.
L'amendement n° I-155 est présenté par M. Placé, Mmes Archimbaud, Aïchi, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Desessard, Dantec, Gattolin et Labbé.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le b) du 1. de l’article 265 bis du code des douanes est complété par les mots : « et des aéronefs effectuant un vol intérieur ».
L’amendement n° I-129 n'est pas soutenu.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° I-155.
Le carburant utilisé par les avions, à savoir le kérosène, est aujourd’hui totalement exonéré de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, ou TIPP. Cette situation est une véritable exception.
Le transport ferroviaire est soumis à une taxation de l’énergie qu’il consomme ; le carburant utilisé pour les véhicules individuels est, lui, particulièrement taxé. Même les professionnels, qu’ils soient agriculteurs, pêcheurs ou transporteurs routiers, ne bénéficient que d’une réduction de la taxation du carburant qu’ils utilisent.
Cette situation crée une incroyable distorsion de concurrence entre les différents modes de transport, notamment entre le ferroviaire et l’aérien, comme l’a elle-même souligné l’inspection générale des finances dans son rapport sur les niches fiscales.
Alors que la très importante responsabilité du transport aérien dans les émissions de gaz à effet de serre et le réchauffement climatique n’est plus à démontrer, on se demande bien quelle pourrait être la justification de ce soutien démesuré au transport aérien. On se le demande d’autant plus que la restauration d’une concurrence moins faussée entre l’avion et le rail a été inscrite dans le Grenelle de l’environnement.
Il faut bien comprendre que la taxation du kérosène que nous proposons d’introduire ne concerne que les vols intérieurs, c'est-à-dire ceux qui sont à la fois au départ et à destination du territoire métropolitain. Il est donc exclu que les compagnies aériennes, fussent-elles étrangères ou même low cost, puissent y échapper en ravitaillant leurs appareils à l’étranger.
La seule conséquence de cette mesure, outre une recette fiscale bienvenue, serait, d’après l’inspection générale des finances, une augmentation d’environ 14 % des billets d’avion sur les vols intérieurs. Cette hausse resterait relativement raisonnable et permettrait de déplacer une partie du trafic aérien vers les lignes ferroviaires à grande vitesse.
Certains arguent que les compagnies aériennes intégreront bientôt le système d’échange des quotas. On ne peut que se réjouir du fait que commence enfin à être pris en compte le faramineux coût collectif que représente la lutte contre le changement climatique. Mais ce nouveau dispositif n’a pas vocation à remplacer une détaxation du kérosène.
Il n’est pas admissible que l’État subventionne aujourd'hui le moyen de transport le plus bruyant et le plus polluant.
Je précise que, bien entendu, un décret veillerait à ce que l’outre-mer ne soit pas concernée par ce dispositif puisque notre objectif est de mettre fin à une distorsion de concurrence avec le transport ferroviaire.
Spontanément, pour ma part, j’étais assez favorable à cet amendement, d’autant que mes collègues Michel Teston, Jean-Jacques Filleul et Roland Ries en ont déposé un identique, qu’ils n’ont toutefois pas défendu ce soir. Nous proposons en effet chaque année, lors de l’examen du projet de loi de finances, la suppression de la détaxation du kérosène au titre de la TIPP, mais pour l’ensemble des vols.
À la lecture de l’amendement de nos collègues, j’ai pensé qu’ils voulaient neutraliser le choix entre l’aérien et le ferroviaire. Puis la commission s’est interrogée et a finalement émis un avis défavorable. En effet, pour aller en Corse, il est difficile de substituer un billet de train à un billet d’avion.
Or il s’agit bien du territoire national.
De même, comment fait-on pour se rendre dans les collectivités d’outre-mer ?
Si, je vous ai écoutée !
Par ailleurs, la géographie de la France étant ce qu’elle est, certains vols intérieurs, notamment des vols transversaux, sont essentiels. Sans eux, tout déplacement est impossible, car il n’existe pas de mode de transport alternatif, à part la voiture.
Ces considérations montrent que ce dispositif serait un peu compliqué à appliquer.
Certes, la dépense fiscale qui serait ainsi supprimée est d’un coût évalué à 315 millions d’euros, ce qui n’est pas rien, mais je ne sais pas comment pourrait être réglé le problème que soulèverait cette suppression.
Vous avez fait référence, madame Blandin, au marché des quotas européens de CO2. Vous savez que certains sénateurs et députés sont divisés sur la pertinence de ce marché. Pour ma part, je crois à sa pertinence et je suis satisfaite que vous rejoigniez cette position. Des études ont été réalisées qui ont d’ailleurs montré la neutralité du choix entre la taxe et le système d’échange de quotas d’émissions.
N’oublions pas non plus que des compagnies aériennes jouent le jeu de la desserte sur les vols intérieurs. L’exonération leur permet de maintenir leur compétitivité par rapport à des opérateurs low cost, qui, pour leur part, peuvent, sous certaines conditions, profiter d’aides au démarrage financées par les collectivités locales.
La commission a analysé ce sujet en ayant au départ un point de vue favorable, mais elle a finalement décidé d’émettre un avis défavorable sur votre amendement, madame Blandin.
Le Gouvernement est du même avis que la commission des finances.
J’avoue, madame Blandin, que je ne comprends pas très bien quelle est la logique d’une proposition qui tend à réserver l’exonération de taxation des carburants aux seuls vols internationaux et à pénaliser du même coup les transports intérieurs français.
Mme la rapporteure a justement relevé qu’un tel dispositif serait très dommageable pour nos compatriotes d’outre-mer et pour nos compatriotes corses, mais aussi pour tous ceux qui sont amenés à effectuer des vols transversaux.
Mais peut-être désirez-vous, madame Blandin, inciter les gens à acheter des automobiles et à polluer ?
Non, je m’interroge simplement sur votre logique !
Par ailleurs, d’un point de vue économique, les compagnies low cost qui assurent de plus en plus de vols intérieurs français en se basant juste à côté de notre pays échapperaient à cette mesure. Celle-ci leur rendrait donc un grand service. Nous en viendrions ainsi à pénaliser les transporteurs français !
Enfin, madame, je rappelle que la France milite depuis plusieurs années pour que l’Union européenne applique une taxe environnementale supplémentaire sur les vols entrant en Europe ou la quittant. Et là, il ne s’agit pas du tout de faire de l’humour, car je travaille sur ce sujet depuis des années avec d’autres membres du Gouvernement. La directive 2003/87/CE prévoit que les entreprises de transport aérien, européennes ou non, qui effectuent des vols à partir de l’Europe paieront une taxe environnementale supplémentaire, laquelle entrera en vigueur dès le 1er janvier 2012.
Et, croyez-moi, cela n’a pas été facile à obtenir ! Nous avons été les avocats de cette taxe à l’échelon européen et nous sommes fiers d’avoir eu satisfaction, mais cela nous a valu moult protestations et menaces de rétorsion – j’en ai été témoin dans mes fonctions antérieures et actuelles – de la part des Américains et des Chinois, et de toute une série d’opérateurs aériens. De façon générale, ils sont hostiles à l’idée de payer une taxe environnementale lorsqu’ils desservent l’Europe.
Je ne comprends donc pas pourquoi vous prévoyez de faire exactement le contraire de ce que fait l’Europe, sur l’initiative de la France, madame Blandin : vous souhaitez taxer les vols domestiques et non les vols internationaux ! §Vous avez pourtant consacré toute votre vie, toute votre carrière à la défense de l’environnement, à l’instar du mouvement politique auquel vous appartenez.
Au total, madame Blandin, j’ai même l’impression que l’amendement n° I-155 est contraire aux objectifs que vous cherchez à promouvoir.
Les explications de Mme la rapporteure générale et de M. le secrétaire d’État sont suffisamment convaincantes pour justifier le rejet de cet amendement, chère Marie-Christine Blandin.
Ayant été rapporteur spécial du budget annexe de l’aviation civile pendant dix ans, je sais à quel point le transport aérien est un secteur sensible. Il connaît de nombreuses difficultés et fait face à une concurrence exacerbée, très dure, en particulier de la part des compagnies low cost.
Je pense que nous fragiliserions davantage ce secteur, en particulier notre compagnie nationale, Air France, si nous supprimions pour les vols intérieurs l’exonération de taxe sur les carburants. Ce serait là porter un coup dur aux compagnies aériennes.
Je voterai contre cet amendement.
Permettez-moi de réitérer quelques explications ou d’apporter certaines précisions.
Comme je l’ai signalé, l’outre-mer n’est évidemment pas concernée par la mesure que je propose. En revanche, je n’ai pas évoqué le cas de la Corse. Effectivement, il n’y a pas encore de ligne à grande vitesse permettant de relier Nice à Ajaccio ! §
Soyez juste, monsieur le secrétaire d’État ! Vous dites que j’envisage de taxer les vols domestiques, mais pas les vols internationaux. Si mon amendement ne tend pas à prévoir la taxation des vols internationaux, c’est parce que vous vous en chargez, comme vous venez de le dire !
Vous vous demandez ensuite pourquoi je propose un dispositif qui ne s’appliquera qu’à l’intérieur de nos frontières. Je vous demande d’abord comment il pourrait en être autrement. Ensuite, c’est parce que nous savons ce que vous êtes capables de répondre dès lors qu’il s’agit d’instaurer une taxe : c’est un problème qui ne peut être réglé qu’à l’échelle internationale, ça concerne les autres pays, il faut que Mme Merkel soit d’accord, etc. Je ne me contente donc de vous proposer une mesure destinée à s’appliquer en quelque sorte intra muros !
Enfin, le ton triste, grave et pathétique qu’a employé Mme la rapporteure générale, lorsqu’elle a évoqué les zones en difficulté qui avaient besoin d’être desservies par des avions, aurait pu donner à penser à l’hémicycle que je voulais purement et simplement supprimer les vols intérieurs… Non, je souhaite seulement que leur carburant soit taxé de la même manière que celui qui est utilisé par les autres modes de transport !
Si cet amendement était adopté, il entraînerait immanquablement une augmentation des prix des vols intérieurs. Or, dans notre pays, toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne en matière de desserte ferroviaire. Dans certaines régions, nos concitoyens ont le choix entre prendre le TGV ou l’avion. Pour ma part, je prends l’avion à Toulouse. Allez donc expliquer à un Toulousain qu’il faut qu’il prenne le TGV… Il n’y en a pas ! Et il n’est pas prêt de le voir passer !
Je ne peux pas approuver une mesure qui serait très inégalitaire, car nos concitoyens vivant dans des régions non desservies par le TGV en feraient les frais.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° I-58, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l’article 2 de la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010 est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : «, au titre de l’année 2009, » sont supprimés ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « au titre de l’année 2009 » sont supprimés ;
La parole est à M. Éric Bocquet.
Nous avons évoqué tout à l’heure assez longuement les transactions financières et l’idée de les taxer enfin ! Ces transactions sont aujourd'hui facilitées, accélérées du fait des technologies modernes. On parle de « trading haute fréquence ».
Cette activité n’est cependant pas complètement déshumanisée, désincarnée. Derrière les machines, les systèmes, les technologies, il y a encore des hommes et des femmes : je veux bien sûr parler des traders, autrement dit, en français, les opérateurs de marché.
Cet amendement vise à pérenniser la taxation des rémunérations exceptionnelles des opérateurs de marché qui fut instaurée dans une loi de finances rectificative pour 2010 pour s’appliquer aux revenus de 2009.
La commission émet un avis favorable. Si le groupe CRC n’y avait pas pensé, je l’aurais proposé !
Je ne suis pas favorable, monsieur le sénateur, à votre proposition de pérenniser la taxe exceptionnelle sur les bonus des traders mise en place en 2010, c'est-à-dire en pleine crise. Il n’avait pas, alors, été envisagé de la pérenniser.
La modification des pratiques des banques françaises en matière de bonus est désormais une réalité. La France a été et reste l’un des pays leaders des travaux engagés à l’échelon mondial et européen pour encadrer et moraliser les pratiques des banques en matière de bonus.
Ainsi, le Gouvernement a pris en compte les normes professionnelles applicables aux rémunérations des traders adoptées par la profession bancaire, puis fixé les principes applicables dès 2009. La France a, depuis, encadré strictement ces rémunérations.
Les résultats sont d’ailleurs encourageants. Par exemple, le montant total des bonus versés par les banques françaises a diminué entre 2007 et 2011, à la fois en valeur absolue et en proportion : le ratio « bonus/résultats BFI » est ainsi passé de 125 % en 2007 à 100 % en 2009 et à 30 % en 2010. Une véritable réduction est donc constatée.
La mesure que vous proposez serait par ailleurs pénalisante pour nos banques, alors que celles-ci sont déjà soumises à une pression fiscale et concurrentielle très importante. Cette concurrence est d’ailleurs aussi le fait d’institutions financières – d’outre-Atlantique, par exemple – qui n’ont instauré aucune limitation sur les bonus.
Comme beaucoup de Français et comme l’ensemble du Gouvernement, je pense que les bonus posent un problème. C’est pourquoi le Gouvernement les a encadrés pendant la crise.
Enfin, la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus touchera les salariés des banques qui ont perçu les bonus plus importants.
Je le répète, les contraintes imposées par le Gouvernement ces dernières années ont entraîné une réduction très forte de ce type de rémunération.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 5.
I. – Le code du cinéma et de l’image animée est ainsi modifié :
1° L’article L. 115-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Est également regardée comme distributeur de services de télévision toute personne proposant un accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision. » ;
2° Le 2° de l’article L. 115-7 est ainsi rédigé :
« 2° Pour les distributeurs de services de télévision :
« a) Des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers, à l’exclusion de ceux qui sont passibles de l’impôt sur les sociétés, en rémunération d’un ou plusieurs services de télévision. Le produit de ces abonnements et autres sommes fait l’objet d’une déduction de 10 % ;
« b) Des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers, à l’exclusion de ceux qui sont passibles de l’impôt sur les sociétés, en rémunération des offres, composites ou de toute autre nature, donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir, au titre de cet accès, des services de télévision. Le produit de ces abonnements et autres sommes fait l’objet d’une déduction de 55 %. » ;
3° L’article L. 115-9 est ainsi modifié :
a) Les a à i du 2° sont remplacés par des a à d ainsi rédigés :
« a) 0, 5 % pour la fraction supérieure à 10 000 000 € et inférieure ou égale à 250 000 000 € ;
« b) 2, 10 % pour la fraction supérieure à 250 000 000 € et inférieure ou égale à 500 000 000 € ;
« c) 2, 80 % pour la fraction supérieure à 500 000 000 € et inférieure ou égale à 750 000 000 € ;
« d) 3, 50 % pour la fraction supérieure à 750 000 000 € ; »
b) Après le mot : « au », la fin de la dernière phrase du 3° est ainsi rédigée : « d du 2° est majoré de 5, 25. »
II. – Le I entre en vigueur à une date fixée par décret qui ne peut être postérieure au 1er janvier 2013.
Madame la présidente, si vous le permettez, cette intervention vaudra présentation des amendements que nous avons déposés sur l’article 5 bis.
L’air de rien, l’article 5 bis organise en réalité les conditions d’un prélèvement sur les ressources du Centre national du cinéma et de l’image animée, le CNC.
Le CNC, vous le savez, mène des missions essentielles de service public et d’intérêt général, allant de l’amélioration de la qualité de l’équipement des salles de projection et de spectacle cinématographique à l’aide à la création et à l’écriture de scénarios, en passant par la coopération internationale, le soutien à la réalisation de nombreux premiers films et, par là même, à l’émergence de nouveaux créateurs du cinéma et de l’image animée.
Depuis qu’il existe, le CNC a donc permis à la France de continuer à disposer d’une véritable économie du cinéma, depuis l’existence d’un réseau de salles de proximité jusqu’à la diversité des approches créatrices et la révélation régulière de nouveaux talents.
Le CNC est l’une des chevilles ouvrières d’un dispositif qui permet au cinéma français d’exister et d’être en Europe, à égalité avec le cinéma nord-américain, le plus regardé, le plus riche et le plus varié.
Je note aussi que l’existence du CNC et la tradition française de coopération internationale ont permis que de nombreux auteurs significatifs d’origine étrangère, dont les œuvres font référence dans la cinématographie mondiale, aient pu continuer de travailler et de créer, notamment dans les pays où l’industrie du cinéma n’existe pas, plus ou quasiment plus.
Les Français demeurent de solides amateurs de cinéma et s’obstinent à fréquenter les salles obscures. Il peut donc arriver que les recettes du CNC connaissent une certaine embellie. Les succès publics de quelques films étatsuniens à gros budget comme d’un certain nombre de productions françaises plus modestes, mais ayant néanmoins eu une large audience, ont conduit à une progression du rendement de la taxe perçue sur les entrées.
Dans l’esprit de certains, le CNC, sur cette lancée, semble devenir une sorte de coffre-fort, de réservoir inépuisable, disposant de trop de moyens au regard des missions qui lui sont confiées.
Une telle vision ne nous apparaît pas juste.
Soit on considère que les taxes affectées au CNC rapportent trop par rapport à ses besoins, et l’on peut dès lors, éventuellement, se poser la question de leur quotité. Soit on considère que le CNC bénéficie simplement d’une heureuse conjoncture, qui lui permet de disposer temporairement de ressources plus importantes, sans que cela pose le moindre problème.
Les Français ne vont pas au cinéma pour payer le déficit public. Cela vaut aussi, soit dit en passant, pour le téléspectateur du programme de cinéma diffusé par une chaîne de télévision : il n’a pas à payer le prix des douceurs fiscales réservées à quelques-uns !
Les caisses des établissements publics à missions précisément assignées n’ont pas vocation à devenir les variables d’ajustement d’un équilibre budgétaire hypothétique, que l’on se refuse à atteindre par la voie normale.
C’est donc en vertu de ces observations que le groupe CRC a voulu, dans un premier temps, marquer son opposition au dispositif prévu par l’article 5 bis en demandant la suppression de cet article. Dans un second temps, et dans un souci de compromis, il a souhaité préserver la quotité actuelle de la taxe sur la diffusion télévisée des œuvres cinématographiques.
Le groupe CRC ne peut que s’opposer à une logique fiscale aberrante, en vertu de laquelle le CNC serait le principal contributeur de l’opération d’écrêtement prévu par le présent projet de loi de finances !
Pour toutes ces raisons, à défaut de demander au Sénat d’adopter l’amendement de suppression pure et simple de cet article, que nous retirons, nous ne pouvons que l’inviter à adopter notre amendement rejetant la rectification de la quotité de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision, autrement dit la TST.
L'amendement n° I-60, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement vient d’être retiré.
Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-107, présenté par MM. Todeschini, Dériot et Anziani, est ainsi libellé :
I. - Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° bis Le b) du 1° de l’article L. 115-7 est complété par les mots : «, sauf lorsqu’elles sont encaissées par des éditeurs de services de télévision qui ne bénéficient pas de ressources procurées par la diffusion de messages publicitaires ».
II. – Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception des dispositions du 1° bis qui sont d’application immédiate
III. – Pour compenser la perte de recettes résultant, pour le Centre national du cinéma et de l’image animée, des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour le Centre national du cinéma et de l’image animée du 1° bis du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
Cet amendement, que je présente au nom des trois questeurs du Sénat, vise à réparer un oubli ou du moins à éviter les effets collatéraux d’une mesure, effets que l’on n’avait omis de signaler à l’époque où celle-ci a été prise.
Je rappelle qu’il a été décidé d’élargir l’assiette de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision à l’ensemble des ressources publiques encaissées par les éditeurs de services de télévision, afin de compenser la suppression, en 2009, de la publicité après vingt heures sur les chaînes de télévision publique – c’est bien entendu France Télévisions qui était visé. Cette suppression de la publicité après vingt heures entraînant de fait des pertes de recettes pour le CNC, la loi de finances pour 2009 a prévu d’élargir l’assiette de la taxe, afin de garantir des ressources au moins équivalentes au CNC.
Or cela a eu pour conséquence paradoxale d’assujettir à la taxe les éditeurs de services de télévision qui ne diffusent pas de messages publicitaires, en particulier les sociétés de programme Public Sénat et LCP-Assemblée nationale, qui sont presque exclusivement financées par une dotation de l’État.
L’application de la taxe aux chaînes parlementaires est conforme à la lettre de la loi, mais elle n’est en aucun cas conforme à son esprit.
Ce n’est que par la suite que le CNC a réclamé le règlement de cette taxe à Public Sénat, augmentée de pénalités, lesquelles ont été retirées puisqu’elles n’avaient pas été exigées en 2009.
Cette taxe a tout de même représenté plus de 200 000 euros les premières années et devrait atteindre 300 000 euros en 2012.
Les amendements n° I-108 et I-152 sont identiques.
L'amendement n° I-108 est présenté par MM. Carle et del Picchia.
L'amendement n° I-152 est présenté par MM. Todeschini, Anziani, Germain, Marc, Massion, Miquel et Patriat.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Après l'alinéa 8
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
aa) À la fin du premier alinéa du 1°, le nombre : « 11 000 000 » est remplacé par le nombre : « 18 000 000 » ;
II. – Alinéa 15
Compléter cet alinéa par les mots :
, à l’exception des dispositions du aa) du 2° de l’article L. 115-9
III. - Pour compenser la perte de recettes résultant, pour le Centre national du cinéma et de l’image animée, des I et II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – La perte de recettes résultant pour le Centre national du cinéma et de l’image animée du aa) du 2° de l’article L. 115-9 est compensée, à due concurrence, par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° I-108 n’est pas soutenu.
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour présenter l'amendement n° I-152.
La commission des finances nous a priés de retirer cet amendement et c’est ce que nous allons faire.
Il visait à faire prendre conscience au Gouvernement de la réalité du problème. Le Sénat est obligé demander à l’État une dotation plus importante pour pouvoir ensuite reverser la somme supplémentaire au titre de la taxe. C’est le serpent qui se mord la queue ! Nous faisons des efforts pour diminuer la dotation que nous demandons à l’État, mais, pour pouvoir nous acquitter de cette taxe, nous sommes contraints de solliciter un supplément !
Quoi qu'il en soit, je retire cet amendement.
L'amendement n° I-152 est retiré.
La parole est à Mme la présidente de la commission de la culture.
La commission de la culture a été tout à fait séduite par l’argumentation qu’a développée M. Foucaud, au nom du groupe CRC, pour défendre le CNC, ses missions et ses recettes.
C’est pourquoi l’amendement des questeurs nous fait vaciller : voilà qu’on veut supprimer une recette du CNC ! Il est vrai que cette recette est faite d’argent public, qu’elle est versée par une chaîne d’intérêt public, qui ne perçoit pas de recettes publicitaires, qui a besoin de fabriquer des programmes – de plus en plus regardés par nos concitoyens, d’ailleurs – et qui, en outre, ne diffuse pas beaucoup de films, alors même que le mécanisme de financement du CNC implique que les « tuyaux » qui diffusent la création contribuent à cette dernière.
En conséquence, la commission de la culture, sur l’amendement n° I-107, souhaite que le Sénat se prononce avec sagesse. Elle attire simplement l’attention de tous sur l’article 16 ter, où il s’agira, tous ensemble, de défendre les recettes du CNC, mais autrement !
Je comprends tout à fait la logique des questeurs. Le problème, c’est que cet amendement tend à créer une niche fiscale, comme j’ai tenté de le montrer en commission des finances.
Les niches fiscales sont sempiternellement dénoncées sur toutes les travées de cette assemblée. Je voudrais donc signaler à mes collègues qu’en votant cet amendement le Sénat s’apprête à créer une niche fiscale, spécifique aux chaînes parlementaires ! C’est la définition même de la niche : elle est destinée à corriger un dysfonctionnement ou une pression anormale de la fiscalité. Quand on crée une niche fiscale, c’est parce que l’on se rend compte que tel impôt ou telle taxe frappe trop lourdement des redevables qui mériteraient d’être épargnés, au moins partiellement.
Du fait d’un oubli auquel ni le Sénat, ni l’Assemblée nationale, ni le Gouvernement n’ont pris garde lors de la discussion sur la loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, nous sommes aujourd'hui obligés de corriger un dysfonctionnement en instituant une niche fiscale.
Quand il s’agira de supprimer d’autres niches fiscales – puisqu’il semble que ce soit la nouvelle doctrine –, j’espère que l’on se souviendra que le Sénat s’est, au contraire, autorisé à en créer une pour lui.
Je suis tout à fait d’accord ! Cela revient à dire : pour les autres, mais pas pour nous !
Je regrette de ne pas pouvoir abonder complètement dans le sens de mon excellent collègue Philippe Dominati…
Les chaînes parlementaires ne percevant pas de recettes publicitaires, il me semble que le fait de les avoir comprises dans l’assiette de la taxe sur les services de télévision fut, à la vérité, une pure et simple erreur.
Cette erreur de l’administration et du législateur, on ne peut la corriger qu’en allouant à ces chaînes des subventions supplémentaires. C’est d’ailleurs bien pour cela que l’on ne peut pas parler de niche fiscale, cher collègue et ami !
Dès lors qu’il y a un prélèvement supplémentaire, et puisqu’il n’y a pas d’autres recettes que la subvention, celle-ci doit être ajustée à due concurrence, en faisant, naturellement, la part des petites économies de gestion qu’on arrive toujours à réaliser.
Voilà pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je soutiens l’amendement présenté par les trois questeurs du Sénat.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° I-200, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Remplacer le taux
par le taux
La parole est à M. Philippe Dominati.
Madame la présidente, si vous le permettez, je présenterai également les amendements n° 198 et 199.
Je partage tout à fait les propos liminaires de M. Foucaud sur l’action du CNC. Effectivement, la spécificité de la France en matière de création audiovisuelle tient beaucoup au bon accomplissement par cet organisme des missions qui lui ont été assignées.
Afin de ne pas tomber dans l’ambiguïté, qui m’a valu tout à l’heure une explication avec M. Assouline, je répète que l’on peut vouloir limiter le périmètre d’une institution, ou en contrôler le budget, sans pour autant vouloir la supprimer, surtout quand son action est bénéfique, ce qui est le cas de celle du CNC.
Lorsque la taxe COSIP – compte de soutien à l'industrie des programmes – a été créée, s’appliquait un taux réduit de TVA, qui a été supprimé récemment. En réalité, comme je l’ai souligné tout à l’heure, la taxation des opérateurs censée financer le CNC ne permet pas d’atteindre les objectifs fixés par la loi sur l’audiovisuel public. En effet, aucun des chiffres tendant à l’équilibre financier du dispositif créé n’a été tenu.
L’amendement n° I-200 vise à porter le taux de déduction de la TST de 55 % à 70 %. Les amendements n° I-198 et I-199, qui concernent l’assiette de taxation et la modification des taux, vont dans le même sens.
Le Gouvernement a fixé le budget du CNC à 190 millions d’euros. Au-delà de ce seuil, qui garantit parfaitement le fonctionnement de l’établissement, tout supplément des recettes serait affecté au budget général.
Le mélange des genres qui nous est proposé me paraît pour le moins pervers. Alors que le CNC reçoit suffisamment de financements publics pour remplir ses missions, la TST, qui est destinée à abonder le budget de l’État, pèse sur les opérateurs, ce dont souffrent particulièrement les plus récents ou les plus modestes d’entre eux, c'est-à-dire ceux dont le chiffre d’affaires est inférieur 250 millions d’euros.
Au demeurant, ces opérateurs doivent acquitter deux taxes différentes puisqu’ils sont aussi redevables de l’impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER.
C’est pourquoi j’ai déposé ces amendements.
Monsieur le secrétaire d’État, en période de restrictions, on pense toujours au secteur public, et jamais aux acteurs privés, qui sont pourtant soumis à la concurrence et qui doivent faire face à la situation lorsque les recettes attendues ne sont pas au rendez-vous !
Par cohérence, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, qui vise à augmenter la déduction de la taxe sur les services de télévision pour les abonnements de téléphonie ou d’Internet, parce qu’il est en contradiction avec l’amendement n° I-78 du groupe CRC que nous examinerons dans quelques instants et auquel la commission est favorable.
Du reste, nous serons amenés à évoquer le CNC et son financement un peu plus tard, ce qui nous promet des débats nourris…
Puisque M. Dominati a présenté par anticipation les amendements n° I–198 et I–199, qui tendent aussi à modérer les recettes escomptées, j’indique d’emblée que l’avis de la commission sera également défavorable sur ces deux amendements.
Je n’ai fait aucun commentaire dans le débat sur les chaînes parlementaires, mais je souhaitais simplement rappeler que celles-ci avaient toujours été soumises au prélèvement concerné. La situation n’est donc pas nouvelle.
Comme vous le savez, monsieur Dominati, le Gouvernement veut s’opposer aux stratégies de contournement qui ont été mises en œuvre par un certain nombre d’opérateurs. C’est ce qui l’a amené à opter pour un élargissement de l’assiette de la taxe sur les services de télévision.
À ce stade, nous sommes en train d’évaluer le dynamisme de la nouvelle assiette. Il ne faudrait pas qu’elle puisse porter préjudice au secteur. Nous ne sommes pas encore parvenus à une conclusion très nette. Sachez simplement que des contacts ont été pris ces derniers temps avec les opérateurs et que des discussions sont en cours.
À l’issue de ces échanges, le Gouvernement présentera une disposition dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Il n’est évidemment pas question d’accroître les difficultés financières du secteur. Ce qu’il faut, c’est garantir le financement du CNC, mais sans alourdir de manière excessive la fiscalité.
C’est précisément votre objectif. Aussi vous invité-je, dans l’attente des propositions précises qui seront formulées par le Gouvernement dans le collectif budgétaire, à retirer vos amendements.
Monsieur Dominati, accédez-vous au souhait de M. le secrétaire d'État ?
J’ai bien noté que le Gouvernement n’ignorait rien de la préoccupation que j’ai exprimée. De fait, d’après les chiffres dont je dispose, en quatre ans, le niveau des prélèvements concernés a presque doublé par rapport à ce qui était initialement prévu. Les estimations de l’ARCEP vont dans le même sens.
Dès lors que le Gouvernement veut lutter contre les stratégies de contournement de la taxe tout en respectant le principe d’égalité, j’accepte de retirer mes trois amendements, qui sont évidemment liés.
L’amendement n° I-200 est retiré.
Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° I-78, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 14
Supprimer ces alinéas.
Cet amendement a déjà été défendu.
L'amendement n° I-198, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
II. – Les pertes de recettes résultant, pour le CNC, du I sont compensées à due concurrence par la création et l’affectation d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
III. – Les pertes de recettes résultant, pour l’État, du I sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement a été retiré.
L'amendement n° I-199, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 11
Remplacer le taux :
par le taux :
II. - Alinéa 12
Remplacer le taux
par le taux
III. - Alinéa 13
Remplacer le taux
par le taux
Cet amendement a également été retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° I-78 ?
Ainsi que je l’ai déjà indiqué, la commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui vise à supprimer les dispositions allégeant le barème de la part « distributeurs » de la taxe sur les services télévision affectée au CNC.
J’ai entendu le Président de la République affirmer, en Avignon, que les acteurs concernés – je parle de ceux qui paient la TST – se portaient bien. S’ils se portent bien, ils peuvent contribuer à alimenter le CNC !
Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV.
Quoi qu’il en soit, ma position ne préjuge en rien la discussion que nous aurons sur l’article 16 ter du projet de loi de finances.
Le Gouvernement dit « avis défavorable » sans indiquer les motifs de sa position. Or, à l’Assemblée nationale, le représentant du Gouvernement a expliqué que le dispositif était une « contrepartie » de la sécurisation de l’assiette. S’il faut désormais présenter des contreparties – sonnantes et trébuchantes – de la sécurisation des assiettes, dont l’objet est précisément d’éviter l’optimisation fiscale, où allons-nous ? C’est un argument qui ne tient pas !
L'amendement est adopté.
L'article 5 bis est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.