Intervention de David Assouline

Réunion du 21 novembre 2011 à 14h30
Loi de finances pour 2012 — Articles additionnels après l'article 5

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur pour avis :

Il s’agit d’un amendement très important, que je défends au nom de la commission de la culture, pour tenter une nouvelle fois de convaincre notre assemblée que nous ne pouvons pas maintenir deux régimes fiscaux distincts, l’un pour la presse en ligne, l’autre pour la presse papier.

Sur ces travées, certains expliquent qu’il faut absolument laisser cette nouvelle économie se développer dans le cadre de la révolution numérique, le support étant neutre : en effet, ce n’est pas le papier que vise le régime de TVA sur la presse, mais bien la presse elle-même, et en particulier le contenu que celle-ci véhicule.

Alors que la mutation numérique ne faisait que commencer, nous avions proposé que la presse en ligne soit taxée à 2, 1 %, au même niveau que la presse papier, et non plus à 19 %. Cette mesure aurait alors concerné de petits organes – payants ! – de la presse en ligne.

Or j’observe aujourd’hui que notre proposition rallie des suffrages de plus en plus nombreux, le passage au numérique étant une obligation, y compris pour les groupes dont le support traditionnel est le papier. Or en leur appliquant une fiscalité à 19, 6 %, non seulement on freine leur possibilité d’essor, mais l’on met notre pays en retard par rapport à des pays comme la Grande-Bretagne ou les États-Unis, où le numérique est en plein développement.

Ensemble – traditionnellement, une certaine unanimité se dégage sur les travées de notre hémicycle sur les questions culturelles –, nous avons bataillé en faveur de l’application du taux réduit de TVA au livre numérique, afin que, taxé comme le livre papier, il puisse se développer.

Vendredi, j’ai entendu le Président de la République défendre avec force l’idée d’appliquer le taux réduit de TVA à la presse, ce dont tout le monde s’est félicité. Cela signifie donc qu’il faut taxer selon la même fiscalité la presse écrite et numérique.

Je le sais, certains m’opposeront l’argument du coût exorbitant de la mesure que je propose. Sur le principe, je pense pouvoir convaincre tout le monde qu’il n’en sera rien.

La perte de recettes fiscales que générerait l’adoption de cet amendement est extrêmement limitée. Même en favorisant l’essor d’un modèle économique pérenne, payant pour la presse en ligne, la disposition proposée permettrait d’asseoir des recettes fiscales solides pour l’avenir, eu égard à la multiplication attendue des services de presse en ligne.

Dans les médias, elle n’aurait pas d’impact négatif sur les recettes de l’État puisque le développement des offres numériques payantes de la presse, qu’il s’agisse de la vente au numéro ou par abonnement, ou encore de la vente forfaitaire par le biais de kiosques numériques, se situe dans une phase de démarrage très faible.

Parallèlement, les recettes fiscales tirées de la presse papier sont en déclin irréversible, compte tenu de la baisse structurelle des ventes.

Les offres numériques ont vocation à renverser la tendance inéluctable à la décroissance du nombre de lecteurs traditionnels de presse et à leur migration vers le contenu gratuit, synonyme de déperdition fiscale pour l’État.

La combinaison d’un taux à 2, 1 % et de politiques commerciales attractives menées par les éditeurs contribueront au développement rapide de ce nouveau marché et à la création de recettes fiscales supplémentaires.

Je veux que tout le monde comprenne bien l’enjeu.

Aujourd'hui, j’ai reçu un éditeur de presse en ligne. L’abonnement à son titre coûte 9 euros. Si je me connecte depuis un iPad – il a un accord avec Apple –, le coût demeurera le même, mais la facture ne mentionnera pas de TVA, Apple ayant son siège en Irlande. Par conséquent, le montant de la TVA de 19, 6 %, normalement versé à l’État, sera encaissé par Apple. Il faut donc instaurer une fiscalité à 2, 1 % qui ne pénalise pas les entreprises. La différence restera alors dans les caisses de ces entreprises, qui pourront accompagner la révolution numérique. Cela concourra à la défense de la presse dans notre pays, ce qui est une nécessité pour garantir la liberté d’expression.

Je le dis, la liberté de la presse passe par la défense de la presse numérique, qui est l’avenir.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion