Intervention de David Assouline

Réunion du 21 novembre 2011 à 14h30
Loi de finances pour 2012 — Articles additionnels après l'article 5

Photo de David AssoulineDavid Assouline, rapporteur pour avis :

Alors ne dites pas que ce taux n’est plus applicable !

On a gelé l’application du taux réduit, c'est-à-dire que l’on a, de fait, à partir de 1991, refusé d’en faire bénéficier les nouveaux entrants. Mais la presse française souffre précisément du fait qu’il n’y a pas de nouveaux entrants ! Les gros titres, qui existent depuis longtemps, luttent pour survivre, et ils ne sont heureusement taxés qu’à 2, 1 %, mais tout ce qui est nouveau est taxé au taux normal. On empêche ainsi l’innovation, la créativité.

Si l’on avait dit il y a cinquante ans qu’il n’y aurait plus d’entrants parce que la fiscalité avantageuse allait être réservée aux anciens titres, c’est toute la presse que nous connaissons, issue de la Résistance, celle qui a assuré le pluralisme dans notre pays, qui n’existerait pas !

Si vous parlez de gel, monsieur le secrétaire d'État, je suis d’accord, mais l’argumentation que vous avez développée tout à l'heure, dans les termes que vous avez employés, se fondait sur quelque chose de faux. Je le répète, les titres de presse anciens, créés avant 1991, bénéficient d’un taux de TVA à 2, 1 %.

On n’arrête pas de nous dire : « Il faut de la compétition, de la créativité, de l’innovation ! Il existe une économie nouvelle ! La presse de demain sera numérique ! » Eh bien, mon amendement va dans le sens de cette dynamique.

J’entends bien les arguments de Mme la rapporteure générale. Si toute la presse actuelle passe un jour au numérique, le maintien de ce taux de TVA réduit constituera effectivement un manque à gagner pour l’État, qui passera à côté d’une véritable manne. Si cela se produit, nous pourrons réfléchir à un taux intermédiaire – 5 % ou 6 %, par exemple.

Toutefois, dans la situation actuelle, vous ne pouvez pas dire que l’existence de ce taux réduit de TVA diminue les recettes de l’État. En effet, faute de moyens, les quelques petites structures de presse en ligne existantes, qui sont taxées à 19, 6 %, ont elles aussi, d’une certaine manière, gelé la situation, c'est-à-dire leurs paiements : elles ont négocié avec l’État la possibilité de payer plus tard. Qu’on ne vienne donc pas me parler des conséquences du taux de 2, 1 % pour les caisses de l’État ! Cet argument ne tient pas.

J’ai reçu tous les patrons de la presse papier – Le Figaro, Le Monde, etc. Tous soutiennent l’extension du taux de TVA réduit de 2, 1 % à la presse en ligne parce que le taux en vigueur les pénalise eux aussi. En effet, tous les journaux sont obligés de passer en partie au numérique, y compris, parfois, au numérique payant. Or il leur est très difficile de supporter un taux de TVA de 19, 6 %, a fortiori dans un contexte de compétition internationale avec des concurrents bénéficiant de taux très bas.

Notre presse doit être défendue, car elle est en difficulté !

J’en viens à l’argument selon lequel notre proposition serait contraire au droit européen. Nous avons déjà entendu cela lors des débats sur la proposition de loi relative au prix du livre numérique. Cette proposition, ce n’était pas la mienne, ni celle du groupe socialiste, ni celle de la gauche : c’était celle de Jacques Legendre, alors président UMP de la commission de la culture. Nous sommes pourtant parvenus à trouver un consensus, et ce texte a été adopté.

Il existe une différence d’interprétation, une bagarre même, avec la Commission européenne s'agissant des biens et services. Toutefois, nous sommes en passe en convaincre nos partenaires, car tous les pays ont le même problème. La France est en pointe. Pourquoi ? Parce qu’elle défend l’exception culturelle, parce qu’elle insiste sur l’importance du livre, de la culture, de la presse.

Il faut que le Sénat réaffirme ces principes, afin que nous soyons plus forts lors des négociations au sein de l’Europe. Nous avons marqué des points sur la question du livre numérique. Pourquoi ne ferions-nous pas de même aujourd'hui, s’agissant de la presse numérique ?

Je crois avoir énoncé tous les arguments propres à vous convaincre. J’espère que notre assemblée se ralliera à position de la commission de la culture, au nom de laquelle je me suis exprimé.

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