Cet amendement concerne les carburants qui sont produits à partir de cultures habituellement alimentaires comme les céréales ou la betterave. Si les industriels parlent de « biocarburants », simple transcription de biofuel, sans doute pour profiter de la connotation positive associée au préfixe « bio », nous les dénommons, pour notre part, « agrocarburants ».
Permettez-moi d’ailleurs de rappeler que la Haute Assemblée avait majoritairement préféré le terme « agrocarburant » au terme « biocarburant » ; cette position n’avait malheureusement pas été retenue en commission mixte paritaire.
Les agrocarburants bénéficient aujourd’hui d’une réduction de la taxe intérieure de consommation au motif qu’ils contribueraient à notre indépendance énergétique ainsi qu’à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Or les agrocarburants ne constituent pas une solution d’avenir. Si l’on veut, comme on le doit d’ailleurs, aider les agriculteurs, il y a bien d’autres voies que cette fausse piste.
Tout abord, l’efficacité énergétique des agrocarburants est très faible, ce qui signifie qu’il en faut une très grande quantité. Ils exigent la mobilisation d’espaces considérables, alors que les surfaces arables ne sont évidemment pas infiniment extensibles.
En outre, leur coût de production étant fortement corrélé au prix du pétrole, même la perspective attendue d’une augmentation du coût des énergies fossiles ne rendra pas les agrocarburants plus compétitifs.
En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, il convient de se méfier des calculs trop hâtifs. L’utilisation des terres arables européennes à des fins énergétiques crée, en effet, le besoin de nouvelles terres agricoles, le plus souvent obtenues par déforestation dans les pays du Sud.
Au-delà des conséquences très négatives sur l’effet de serre, la famine est à craindre, les agrocarburants ayant un impact extrêmement préoccupant sur les marchés alimentaires. Les matières agricoles sont déjà en proie à des spéculations financières, que la FAO a largement dénoncées.
Il ne semble donc vraiment pas opportun que la production de carburant pour les nombreux véhicules individuels des pays du Nord contribue à faire grimper les prix des aliments, ce dont pâtissent en priorité les populations du Sud.
Enfin, d’un point de vue environnemental, la culture des agrocarburants pose de nombreux problèmes. Il s’agit le plus souvent de monocultures intensives, usant immodérément des produits phytosanitaires, avec toutes les conséquences que l’on connaît sur la biodiversité, la fertilité des sols et les ressources en eau. Faut-il vous rappeler que le produit fabriqué par Union Carbide à Bhopal, de triste mémoire, était quasi exclusivement destiné à nos cultures de betteraves ?
Pour toutes ces raisons, nous considérons que la production d’agrocarburants ne doit pas bénéficier d’une réduction de la taxe intérieure de consommation.