Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 21 novembre 2011 à 21h45
Loi de finances pour 2012 — Article additionnel après l'article 5 ter

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Je tiens à expliquer pourquoi je ne voterai pas cet amendement.

Au passage, si je voulais faire un peu d’humour, je dirais à Mme Blandin que, en tout état de cause, il ne me dérange pas puisque nous parlons d’un sujet qui n’existe pas. En France, les agrocarburants n’existent pas : si l’on se réfère à la définition précise donnée par la Commission générale de terminologie et de néologie et parue en juillet 2007 au Journal officiel de ce qu’est un biocarburant ou un agrocarburant, on doit constater qu’il n’existe pas aujourd'hui en France d’agrocarburant correspondant à cette définition. Je pourrais donc m’en tenir là et dire qu’après tout vous ne discutez de rien puisque, juridiquement, cela n’existe pas.

Mais j’ai cru comprendre, en écoutant mes amis auteurs de cet amendement, qui ont l’habitude d’user d’un français un peu hétérodoxe, qu’ils parlaient en fait des biocarburants.

S’il est question des biocarburants, je veux reprendre la très bonne argumentation que vient de développer M. le président de la commission des finances, insister sur quelques points et vous faire part de considérations plus politiques.

Il est clair que cette filière, qui a été encouragée par la France, est très créatrice d’emplois. Nous avons obtenu des résultats. Il est vrai aussi, madame Blandin, madame Bricq, qu’on peut contester les études qui ont été faites, mais quand deux groupes de chercheurs français et étrangers arrivent à des conclusions convergentes en matière de bilan carbone de la filière, on ne peut pas dire qu’il ne se passe rien. Dans leurs rapports, qui ont été établis en 2010, ces experts français et étrangers reconnus font état de 15 % à 30 % de gains.

Enfin, le bilan fiscal de cette filière, qui figure dans les documents budgétaires en votre possession, est positif puisque, en 2011, on estime que, telle qu’elle fonctionne, cette filière rapportera 153 millions d'euros à l’État.

Au-delà de ces arguments techniques, je voudrais revenir sur quelques arguments politiques.

En réalité, les arguments qui ont été exposés ne s’appliquent pas à la situation française des biocarburants. Il y a, chers collègues, une certaine incohérence intellectuelle dans vos propos.

Nous sommes tous favorables à la diminution de consommation des énergies fossiles. Toutefois, s’agissant des transports terrestres, en dehors du chemin de fer, nous n’avons aujourd'hui ni n’aurons dans un futur proche, pour remplacer le pétrole et alimenter les moteurs thermiques, autre chose que ces produits issus de la biomasse qu’on doit désigner par ce qu’ils sont, à savoir des biocarburants.

Le dérèglement climatique, ce n’est pas un risque hypothétique : c’est une douloureuse réalité. Lorsqu’on évoque les biocarburants, mes chers amis, on ne peut pas faire disparaître le terme « environnement » du débat. Il est clair que c’est un débat sur l’environnement que nous avons, et je suis au moins autant que vous favorable à la préservation de l’environnement, laquelle passe, selon moi, par le développement de cette filière.

Par ailleurs, vous reprenez à votre compte un raisonnement développé par les organisations non gouvernementales. Or les ONG ont des habitudes planétaires et leurs arguments s’appliquent souvent à d’autres régions du monde. Dans ces conditions, appliquer ce raisonnement à la situation française n’est pas réaliste. En France, il n’y a pas de concurrence entre production alimentaire et non alimentaire sur l’usage des sols agricoles. Nous sommes dans un pays à surproduction agricole et la politique agricole commune en préparation va geler encore 7 % des surfaces. Cet argument qui vaut pour d’autres régions de la planète ne vaut pas pour la France.

Enfin, nous devons certes réaffirmer tous ensemble que la première mission de l’agriculture, c’est de nourrir les hommes. Mais le développement des biocarburants de deuxième génération, comme l’a rappelé le président Marini à l’instant, passe par l’équilibre économique des filières de la première génération. Si vous tuez cette filière, personne ne financera la recherche et développement de la filière de deuxième génération, dont nous avons pourtant besoin.

C'est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers amis, de retirer cet amendement. Pour ma part, s’il est maintenu, je voterai contre.

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