La création par la loi Debré d’un secteur libéral au sein des établissements publics de santé avait vocation à inciter financièrement les praticiens hospitaliers à exercer à temps plein à l’hôpital.
Les rémunérations issues de ce temps plein étant inférieures à celles que pouvaient tirer les médecins d’un exercice partagé entre activité hospitalière et activité libérale hors de l’hôpital, la loi a autorisé ceux-ci à exercer au sein de l’hôpital public une activité libérale. Cette dernière donne lieu au versement d’une redevance par le praticien titulaire du contrat d’activité libérale, afin qu’il dédommage l’hôpital de l’utilisation des locaux, du prêt des équipements et, éventuellement, de la participation du personnel hospitalier.
Nous mesurons à quel point l’adoption de cet amendement entraînerait une véritable révolution. Celui-ci aurait été plus complet si nous avions pu également prévoir un renforcement de la rémunération des professionnels concernés. Malheureusement, l’application de l’article 40 de la Constitution aurait eu pour effet de nous priver de la possibilité de débattre d’une telle proposition.
Or le débat s’avère particulièrement nécessaire, car l’activité libérale dans les structures publiques constitue, selon les termes utilisés par le professeur Denis Safran, chef du pôle anesthésie-réanimation chirurgicale à l’hôpital européen Georges-Pompidou, « le cancer de l’hôpital ». Si ces mots sont forts, c’est que les conséquences sont lourdes. Nos concitoyens en témoignent, les délais d’attente peuvent être considérablement réduits si le patient accepte d’être soigné dans le cadre d’une consultation privée, qui lui permet de bénéficier d’une sorte de coupe-file.
Le professeur Safran décrit d’ailleurs parfaitement la situation : « C’est un système tordu et scandaleux. Des chirurgiens désorganisent complètement l’activité du bloc opératoire en souhaitant que tel de leurs patients passe avant tel autre. » D’ailleurs, selon la commission centrale, censée encadrer cette pratique, « certains patients se sont étonnés de la possibilité d’obtenir un rendez-vous en secteur libéral plus rapidement qu’en public ».
Il faut dire que certains professionnels n’hésitent pas à réaliser dans le cadre libéral 50 % de leurs actes et de leurs consultations, ce qui est le maximum autorisé. Cela explique sans doute les raisons pour lesquelles cette activité est aussi lucrative. En 2004, selon la sécurité sociale, cette pratique leur a permis d’ajouter, en moyenne, 38 779 euros d’honoraires à leur traitement de praticien hospitalier. Je pourrais même vous citer des exemples de praticiens qui ont augmenté leur rémunération de 100 000 euros par an !
Nous sommes en droit de nous demander s’il revient aux hôpitaux publics d’apporter d’offrir la possibilité de gagner de telles rémunérations complémentaires à un certain nombre de praticiens, et ce au détriment des patients les plus modestes, qui, eux, ne peuvent se payer le luxe de ne pas attendre.
Les mécanismes de régulation en vigueur ont fait preuve de leurs insuffisances. C’est sur la base de ce constat que nous vous proposons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.