Intervention de Jacqueline Alquier

Réunion du 14 novembre 2011 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2012 — Article 53

Photo de Jacqueline AlquierJacqueline Alquier :

Au cours de cette intervention, je n’hésiterai pas à reprendre quelques-uns des arguments que vient d’exposer M. le rapporteur, car répéter, c’est se donner une chance supplémentaire d’être entendu…

Cet article prévoit donc, à la charge de la branche AT-MP, une compensation de 790 millions d’euros à l’assurance maladie, au titre de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles.

Nous tenons à dénoncer un manque flagrant de volonté politique de la part du Gouvernement en la matière. En effet, le montant estimé de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance est en augmentation constante depuis 1997. Si ce problème demeure, c’est parce que les causes, bien qu’identifiées, sont toujours aussi présentes, et même aggravées dans le contexte de fort chômage que nous connaissons.

On exige des salariés une productivité maximale, alors que les consignes de sécurité sont souvent moins bien indiquées et moins bien suivies.

Le problème est particulièrement dramatique pour les travailleurs précaires, salariés en contrat à durée déterminée ou en intérim, prestataires de service de tous ordres, qui n’ont pas accès, la plupart du temps, aux services de prévention ou de santé des grandes entreprises. Ils sont pourtant chargés d’effectuer, en général, les tâches les plus dures et les plus dangereuses, sans qu’ils aient véritablement pu suivre une formation professionnelle à la sécurité.

Il est avéré que la précarité est un facteur supplémentaire de risque professionnel.

La prévention est insuffisante à cause d’un réel manque de moyens.

La branche accidents du travail et maladies professionnelles a signé une centaine de protocoles de prévention avec des services de santé au travail. Or il n’a pas été envisagé, dans la récente réforme de la médecine du travail, de mesures permettant de résoudre le problème de la pénurie des médecins du travail. Cette réforme a en revanche maintenu la prééminence des organisations patronales au sein des services de santé, portant ainsi atteinte à l’indépendance des médecins de ces services. En outre, elle autorise des dérogations pour le suivi de certaines catégories de salariés, encore une fois ceux qui sont les plus fragiles, parce qu’ils sont les plus précaires.

Les procédures de reconnaissance des maladies professionnelles sont longues et souvent compliquées ; les salariés manquent d’informations et subissent souvent des pressions de la part des employeurs.

La commission Diricq note également, dans son rapport, que certains employeurs dissimulent des accidents du travail, car ils craignent d’afficher des taux de sinistralité qui induiraient une augmentation de leurs cotisations à la branche AT-MP. Par ailleurs, il arrive que des pathologies émergentes ou mal connues ne figurent pas sur les tableaux des maladies professionnelles.

Tous ces facteurs participent à la récurrence des phénomènes de sous-déclaration et de sous-reconnaissance qui rendent nécessaire le versement d’une compensation à l’assurance maladie.

Plutôt que d’entériner ce constat, année après année, le Gouvernement ne pourrait-il pas responsabiliser les employeurs par des mesures fortes et justes, qui les inciteraient réellement à prévenir les pathologies professionnelles et à assumer l’indemnisation des victimes du travail ?

Les mesures actuelles ne témoignent pas de cette volonté et sont, trop souvent, de pur principe et d’affichage. La santé au travail n’est manifestement la priorité ni des employeurs ni du Gouvernement. (

Dans ce contexte, les préconisations de la commission Diricq nous semblent aller globalement dans le bon sens. Nous serons attentifs à leur mise en œuvre.

Le groupe socialiste s’abstiendra sur cet article, afin de ne pas priver l’assurance maladie de la compensation à laquelle elle a droit, même si le montant proposé se situe plutôt dans la fourchette basse des estimations de la commission. Celle-ci considère en effet que le coût de la sous-déclaration pourrait atteindre 1, 110 milliard d’euros.

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